Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 14 décembre 2011, n° 11/08919

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 3 - ch. 1, 14 déc. 2011, n° 11/08919
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 11/08919
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 5 janvier 2010, N° 07/12094

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRÊT DU 14 DÉCEMBRE 2011

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 11/08919

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Janvier 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 07/12094

APPELANTE

Madame S AC AD O P

née le XXX à BOULOGNE-BILLANCOURT (92)

XXX

XXX

représentée par la SCP LAGOURGUE ET OLIVIER, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-François LE MEN, avocat au barreau de PARIS, toque E. 1025

INTIMÉS

1°) Madame L-M O P veuve DE Z

XXX

XXX

2°) Mademoiselle Y DE Z

XXX

XXX

3°) Mademoiselle A DE Z

XXX

XXX

représentées par Me Nadine CORDEAU, avoué à la Cour

assistées de Me Frédéric GOIRAT substituant Me Olivier HILLEL, avocat au barreau de PARIS,

toque : E. 1059

4°) Monsieur N O P

XXX

XXX

défaillant

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral et en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Novembre 2011, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal CHAUVIN, président et Madame Nathalie AUROY, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Pascal CHAUVIN, président

Madame Nathalie AUROY, conseiller

Madame Florence BRUGIDOU, conseiller appelé d’une autre Chambre pour compléter la Cour

Greffier :

lors des débats et du prononcé de l’arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN

ARRÊT :

— par défaut

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Pascal CHAUVIN, président et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

XXX, née le XXX, est décédée le XXX en laissant pour lui succéder Mmes S O-P et L-M O-P, épouse de Z, ses deux filles.

Elle était propriétaire d’un immeuble de rapport situé XXX à XXX et d’un appartement situé XXX à XXX

Elle avait été placée sous le régime de la curatelle renforcée par jugement du 13 septembre 2001, M. D X ayant été désigné en qualité de curateur.

Le 20 mai 2002, elle avait souscrit auprès de la société Axa un contrat d’assurance-vie et désigné ses filles en qualité de bénéficiaires, le capital d’un montant de 1 422 938,80 euros ayant été partagé après son décès.

Par testament olographe daté du 19 janvier 2004, elle avait institué M. N O-P (fils de Mme S O-P), Mlle Y de Z et Mlle A de Z (filles de Mme L-M de Z), ses petits-enfants, légataires de la quotité disponible de sa succession à concurrence d’un tiers chacun, en confiant la gestion des droits indivis de N, alors mineur, à M. X jusqu’à la majorité de l’enfant.

Par acte authentique reçu le 25 janvier 2006 par Me Dominique Ader, notaire à Paris, elle avait, assistée de son curateur, consenti à chacun de ses petits-enfants une donation portant sur une somme de 30 000 euros, en confiant la gestion de la somme donnée à N, alors mineur, à M. X jusqu’à la majorité de l’enfant, Mme S O-P ayant accepté cette condition stipulée à peine de révocation de l’acte.

Estimant que la licitation de l’immeuble situé XXX à XXX était nécessaire au paiement des droits de mutation, Mme de Z et Mlles de Z (les consorts de Z) ont assigné Mme O-P et M. X, ès qualités d’administrateur des droits indivis de M. N O-P légués par XXX, aux fins d’obtenir l’autorisation de vendre ce bien.

Par jugement du 31 octobre 2007, le tribunal de grande instance de Paris a :

— rejeté la demande d’autorisation de vendre,

— donné acte à Mme O-P de son accord pour vendre l’immeuble de gré à gré et pour solliciter un paiement fractionné des droits de succession,

— condamné les consorts de Z aux dépens,

— déclaré recevables les demandes reconventionnelles formées par Mme O-P et tendant à la nullité du testament olographe,

— disjoint ces demandes reconventionnelles de la demande originaire,

— ordonné la réouverture des débats sur ces demandes et renvoyé les parties à une audience de procédure.

Le 24 avril 2008, l’immeuble a été vendu au prix de 10 060 000 euros.

Mme O-P a alors assigné M. X, pris en son nom personnel, en intervention forcée.

Les instances ont été jointes par mention au dossier.

Par jugement du 6 janvier 2010, le tribunal de grande instance de Paris a :

— déclaré valables le testament olographe et la donation,

— en conséquence,

— débouté Mme O-P de l’ensemble de ses demandes,

— dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

— condamné Mme O-P aux dépens, avec bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 18 février 2010, Mme O-P a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 25 mai 2010, le conseiller de la mise en état a rejeté un incident formé par Mme O-P et tendant à l’organisation d’une mesure d’expertise et à la communication par le juge des tutelles et/ou le greffier du tribunal d’instance de Paris 16e de la copie de trois lettres.

L’affaire a été radiée le 8 février 2011 et réinscrite au rôle le 12 mai 2011.

Dans ses dernières conclusions déposées le 26 octobre 2011, Mme O-P demande à la cour de :

— à titre principal,

— prononcer la nullité du testament olographe et de la donation sur le fondement de l’article 901 du code civil,

— condamner in solidum les consorts de Z à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens, avec bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile,

— rejeter toute prétention contraire,

— à titre subsidiaire et avant dire droit,

— surseoir à statuer sur la demande en nullité du testament et de la donation,

— ordonner une mesure d’expertise confiée à un psychiatre,

— ordonner au juge des tutelles et/ou au greffier en chef du tribunal d’instance de Paris 16e de communiquer à la cour une copie de la lettre adressée le 2 août 2005 par le juge des tutelles à M. X, de la lettre adressée le 16 novembre 2005 par Me Ader au juge des tutelles aux fins d’obtenir l’autorisation de recueillir la donation et de la lettre adressée le 6 décembre 2005 par le juge des tutelles à M. X subordonnant l’examen de l’autorisation à la reddition des comptes,

— condamner 'le même’ aux dépens de première instance et d’appel, avec bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 4 novembre 2011, les consorts de Z demandent à la cour de :

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

— y ajoutant,

— débouter Mme O-P de ses demandes nouvelles,

— condamner Mme O-P à leur payer à chacun la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens de première instance et d’appel, avec bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

M. N O-P, régulièrement assigné le 28 juin 2011, n’a pas constitué avoué.

SUR CE, LA COUR,

Considérant que, selon l’article 901 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 et applicable en la cause, 'Pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit’ ;

Considérant que, selon l’article 508 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 5 mars 2007 et applicable en la cause, 'Lorsqu’un majeur, pour l’une des causes prévues à l’article 490, sans être hors d’état d’agir lui-même, a besoin d’être conseillé ou contrôlé dans les actes de la vie civile, il peut être placé sous un régime de curatelle’ ;

Que, selon l’article 490 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 5 mars 2007 et applicable en la cause, 'Lorsque les facultés mentales sont altérées par une maladie, une infirmité ou un affaiblissement dû à l’âge, il est pourvu aux intérêts de la personne par l’un des régimes de protection prévus aux chapitres suivants. Les mêmes régimes de protection sont applicables à l’altération des facultés corporelles, si elle empêche l’expression de la volonté. L’altération des facultés mentales ou corporelles doit être médicalement établie’ ;

Que, selon l’article 513 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 5 mars 2007 et applicable en la cause, 'La personne en curatelle peut librement tester, sauf application de l’article 901 s’il y a lieu. Elle ne peut faire de donation qu’avec l’assistance de son curateur’ ;

Considérant en l’espèce que Mme O-P demande à la cour de prononcer la nullité, pour insanité d’esprit, du testament olographe daté du 19 janvier 2004 et de la donation authentique consentie le 25 janvier 2006 ;

Considérant qu’il convient de constater au préalable que le testament rédigé d’une main assurée par XXX et en des termes qui traduisent la clarté de sa pensée ne révèle en lui-même aucune insanité d’esprit ;

Considérant qu’il convient également de constater que, lors de la donation authentique reçue le 25 janvier 2006 par Me Ader, notaire, XXX était assistée de M. X, son curateur, de sorte que les prescriptions de l’article 513 précité ont été respectées ;

Que les allégations de Mme O-P, qui prétend que le notaire a sollicité préalablement l’autorisation du juge des tutelles et que celui-ci a subordonné son accord à la reddition de comptes par le curateur, mais qu’en réalité la donation a été reçue sans que le magistrat ait donné son autorisation et sans que le curateur ait fourni les pièces réclamées, ne sont étayées par le moindre commencement de preuve et, au demeurant, ne seraient pas de nature à remettre en cause un acte ayant satisfait aux conditions légales, alors que, de surcroît, Mme O-P ne poursuit l’annulation de la donation que sur le terrain de l’insanité d’esprit ;

Considérant que, dans son rapport déposé le 26 janvier 2001 en vue du placement de XXX sous un régime de protection, le docteur B C, psychiatre, après avoir évoqué des 'manifestations associant intoxication alcoolique et troubles du comportement’ ayant conduit à des hospitalisations 'sous contrainte', indique que, lors de son entretien avec XXX, 'le langage et l’expression sont adéquats, malgré quelques hésitations sur un mot ou sur un autre', 'l’orientation n’est pas prise en défaut', 'l’attention se maintient correctement', 'la concentration sur des tâches proposées s’affaiblit', 'la mémoire de fixation est adéquate', 'l’évocation des souvenirs anciens est hétérogène', 'le raisonnement ne montre pas d’altération spécifique', 'le jugement est entravé par une dénégation permanente de l’existence de tout problème se posant à elle, en dépit de l’évidence de troubles sévères et récurrents’ ; qu’il ajoute que, si l’entretien fait ressortir 'une personne adéquate dans sa façon de s’exprimer, informée de l’actualité et attentive aux questions matérielles, l’anamnèse montre une manière de fonctionner potentiellement dangereuse quand la patiente interrompt sa prise en charge après sa sortie de clinique', la personnalité étant jugée 'pathologique’ ;

Que, dans les conclusions de son rapport, il énonce que XXX 'présente un trouble de la personnalité associé à un abus d’alcool ayant entraîné un retentissement cognitif discret’ et qu’elle 'nécessite d’être assistée, conseillée et contrôlée dans les actes d’administration de ses biens, ainsi que déchargée de leur gestion au quotidien', une mesure de curatelle renforcée semblant 'appropriée à l’état de la patiente’ ;

Considérant que, étant rappelé que les actes litigieux datent respectivement de 2004 et 2006, force est de constater qu’il ne se déduit pas de ce rapport d’expertise, en particulier de ses conclusions, l’existence d’une insanité d’esprit ayant affecté XXX dès 2001, l’expert psychiatre ayant conclu à un 'retentissement cognitif discret’ qui ne saurait être assimilé à une affection mentale ayant eu pour effet d’obnubiler l’intelligence de l’intéressée ou encore de dérégler sa faculté de discernement ;

Considérant que Mme O-P, qui fait valoir que la mesure de curatelle prononcée le 13 septembre 2001 a été maintenue jusqu’au décès de sa mère survenu le XXX, ne prétend pas que l’état de celle-ci se serait aggravé à partir de 2001, alors que la demande de placement sous tutelle qu’elle a formulée dans une lettre adressée le 20 août 2005 au juge des tutelles n’a pas donné lieu à une modification du régime de protection instauré ;

Considérant que le fait que XXX ait été régulièrement hospitalisée à partir de 1999 dans différents établissements notamment psychiatriques, en particulier du 30 juin au 12 août 2005 à la Maison de Santé de Bellevue, établissement privé 'spécialisé dans le traitement des affections neuro-psychiatriques',

ne suffit pas à établir la preuve de l’insanité d’esprit alléguée, en l’absence de production de comptes-rendus médicaux, à l’exception d’un compte-rendu d’IRM daté du 7 février 2000 et évoquant seulement un 'comportement maniaco-dépressif’ ; qu’à cet égard, il convient de rappeler, d’une part, que, selon l’article L. 1110-4, dernier alinéa, du code de la santé publique, le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès, d’autre part, que, par l’effet de l’article 901 du code civil qui vaut autorisation au sens de l’article 226-14 du code pénal, le professionnel est déchargé de son obligation au secret relativement aux faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de sa profession et que, la finalité du secret professionnel étant la protection du non-professionnel qui les a confiés, leur révélation peut être faite, non seulement à ce dernier, mais également aux personnes ayant un intérêt légitime à faire valoir cette protection, de sorte qu’il appartenait à Mme O-P de solliciter, si elle l’estimait utile, la production des pièces médicales de nature à étayer ses prétentions ;

Considérant que le fait que XXX ait bénéficié d’une prise en charge de ses soins à hauteur de 100 % ne saurait valoir preuve de l’insanité d’esprit invoquée ;

Considérant qu’il y a lieu d’écarter les témoignages produits qui proviennent de personnes censées être dépourvues de connaissances médicales, notamment en matière de troubles de l’esprit, et qui, au demeurant, se contredisent mutuellement ;

Considérant qu’il apparaît pour le moins singulier que Mme O-P, s’appuyant sur le rapport d’expertise établi en 2001, s’attaque au testament daté de 2004 et à la donation consentie en 2006 sans nullement remettre en cause au passage le contrat d’assurance-vie souscrit en 2002 et lui ayant bénéficié, alors que les actes litigieux profitent en partie à son propre fils et qu’elle ne prétend pas agir dans les intérêts de celui-ci en raison du fait que, dans ses actes, la branche Z a été avantagée par rapport à la branche O-P ;

Considérant que les digressions et les supputations auxquelles Mme O-P se livre dans ses écritures sous le titre 'sur les questions posées par les actes litigieux', en voyant dans ceux-ci, dont elle affirme avoir tout ignorer de la genèse, des formes de rétorsion et de défiance à son égard et en laissant planer des doutes sur l’attitude du notaire et du curateur, qu’elle n’a d’ailleurs pas attraits à l’instance, sont dénuées de toute portée, quand bien même celle-ci a pu mal ressentir le fait que sa mère a confié à M. X la gestion des droits légués et de la somme donnée à N jusqu’à sa majorité, sans qu’un tel mandat puisse être considéré comme la traduction d’une quelconque insanité d’esprit ;

Considérant en conséquence que Mme O-P ne démontre pas que XXX était atteinte d’insanité d’esprit au moment des actes litigieux ;

Considérant qu’elle ne saurait obtenir une mesure d’expertise destinée à suppléer sa carence dans l’administration de la preuve de l’insanité d’esprit de sa mère ; qu’elle ne saurait davantage obtenir que des lettres échangées en 2005 entre le juge des tutelles, le notaire et le curateur soient communiquées à la cour, dès lors que le contenu qu’elle impute à cette correspondance est dépourvue de portée quant à la solution du présent litige ;

Considérant qu’il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement déféré, dont les autres dispositions ne sont pas critiquées ;

PAR CES MOTIFS :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant,

Déboute Mme O-P de l’ensemble de ses demandes,

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme O-P et la condamne à verser à Mme L-M de Z, à Mlle Y de Z et à Mlle A de Z la somme de 4 000 euros chacune,

Condamne Mme O-P aux dépens,

Accorde à Me Nadine Cordeau, avoué, le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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