Cour d'appel de Paris, 14 novembre 2013, n° 93/00104

  • Dépassement·
  • Durée·
  • Associations·
  • Hebdomadaire·
  • Temps de travail·
  • Pièces·
  • Foyer·
  • Salarié·
  • Accord d'entreprise·
  • Employeur

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, 14 nov. 2013, n° 93/00104
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 93/00104

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRÊT DU 14 Novembre 2013

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 11/08328

Décision déférée à la Cour : arrêt de renvoi après cassation rendu le 29 juin 2011 par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation, sur pourvoi d’un arrêt rendu le 19 janvier 2010 par le Pôle 6 chambre 4 de la Cour d’Appel de PARIS, sur appel d’un jugement du conseil de prud’hommes de PARIS du 09 avril 2008

APPELANT

Monsieur Z Y

XXX

XXX

XXX

comparant en personne, assisté de Me Pascale LEGENDRE GRANDPERRET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 392 substituée par Me Céline COTZA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0392

INTIMEE

ASSOCIATION NATIONALE DE READAPTATION SOCIALE

XXX

XXX

représentée par Me Danielle PARTOUCHE-LEVY, avocat au barreau de PARIS, toque : C2059

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Nicolas BONNAL, Président

Madame Martine CANTAT, Conseiller

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

— contradictoire

— rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Nicolas BONNAL, Président et par Madame FOULON, Greffier .

**********

Statuant sur la déclaration de saisine en qualité de juridiction de renvoi après cassation effectuée par X Y le 22 juillet 2011';

Vu le jugement rendu le 9 avril 2008 par le conseil de prud’hommes de PARIS, rendu en formation de départage, qui a débouté X Y des demandes formées contre son employeur, l’ASSOCIATION NATIONALE DE RÉADAPTATION SOCIALE, tendant notamment à se voir reconnaître la qualification d’éducateur scolaire spécialisé ou à titre subsidiaire voir juger que son ancienneté devait être calculée depuis son embauche, à obtenir des sommes à titre de rappels de salaires, de paiement des heures effectuées la nuit et des indemnités compensatrices de repos compensateurs et de temps de pause, ainsi que des dommages et intérêts, notamment à raison de dépassements des durées maximales de travail';

Vu l’arrêt rendu le 19 janvier 2010 par la cour d’appel de PARIS (pôle 6'-'chambre 4) qui a confirmé le jugement qui lui avait été déféré par X Y et, sur demande de ce dernier, a annulé l’observation disciplinaire du 25 septembre 2009';

Vu l’arrêt rendu le 29 juin 2011 par la Cour de cassation qui, saisie du pourvoi formé par X Y, a cassé et annulé l’arrêt du 19 janvier 2010 susvisé, en ce qu’il déboutait le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre des temps de pause et de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des amplitudes journalières, des temps de pause et des repos compensateurs, et renvoyé les parties devant le cour d’appel de PARIS autrement composée';

Vu les conclusions transmises à la cour et développées oralement à l’audience du 10 octobre 2013, auxquelles on se référera pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de X Y, lequel, soutenant qu’il n’a pas bénéficié des temps de pause exigés par l’article L'3121-33 du code du travail (sa demande étant finalement limitée aux temps de pause éludés en journée), et qu’il a travaillé au delà des amplitudes hebdomadaires et quotidiennes, notamment à raison de la prise en compte par l’employeur de son temps de travail de nuit non pas en durée réelle mais selon le système d’équivalence, demande à la cour de condamner l’ASSOCIATION NATIONALE DE RÉADAPTATION SOCIALE à lui payer à titre de dommages et intérêts les sommes de 10'000 euros s’agissant des temps de pause et de 25'000 euros pour le non-respect de la durée maximale de travail, outre une somme de 2'000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile';

Vu les conclusions transmises à la cour et développées oralement à l’audience du 10 octobre 2013, auxquelles on se référera pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de l’ASSOCIATION NATIONALE DE RÉADAPTATION SOCIALE qui, rappelant que depuis 2010, ses salariés ne travaillent plus la nuit et soutenant que les pauses légales sont prises par ses salariés à leur convenance en fonction de l’organisation du travail, que la durée hebdomadaire du travail n’a jamais été dépassée, que les dépassements allégués de la durée quotidienne ne sont pas démontrés, que les salariés avaient décidé de porter à 13h00 l’amplitude journalière et qu’elle n’a jamais comptabilisé les heures travaillées en heures d’équivalence, demande à la cour à titre principal le rejet des demandes et à titre subsidiaire de réduire le quantum réclamé à une somme symbolique au titre du non-respect de l’amplitude journalière et poursuit, en tout état de cause, la condamnation de X Y à lui payer la somme de 3'000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile';

SUR CE, LA COUR :

X Y a été embauché par l’ASSOCIATION NATIONALE DE RÉADAPTATION SOCIALE le 5 mars 1997 en qualité de faisant fonction d’éducateur, sur un poste normalement pourvu par un éducateur spécialisé ou moniteur-éducateur, au sein du foyer «'La Manoise'» géré par cette association à ARGENTEUIL (Val-d’Oise), étant précisé qu’il a obtenu son diplôme d’État d’éducateur spécialisé le 30 novembre 2005.

La convention collective applicable est la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966. A par ailleurs été conclu au sein de l’ASSOCIATION NATIONALE DE RÉADAPTATION SOCIALE un accord d’entreprise «'relatif à l’aménagement et réduction du temps de travail'», accord du 6 décembre 1999 qui a fait l’objet d’un avenant du 16 mai 2000 sur «'la modulation du temps de travail au foyer La Manoise'». Cet accord a été dénoncé par la seule organisation syndicale signataire le 20 avril 2009.

Jusqu’au mois de janvier 2010, date à partir de laquelle il a été fait recours à des veilleurs de nuit, l’organisation interne du travail au sein de ce foyer contraignait les éducateurs à assurer en roulement des veilles hebdomadaires de nuit.

Sur les temps de pause

Si X Y s’était plaint précédemment dans le cours de la procédure de ce que la réglementation applicable aux temps de pause n’était pas respectée pendant ses nuits de veille, et avait notamment sollicité à ce titre dans des conclusions transmises à la cour en vue d’une audience du 29 novembre 2012 le paiement d’une somme de 1'293,41 euros (outre d’une somme de 129 euros au titre des congés payés correspondants), il ne forme plus aucune demande à ce titre.

La demande en dommages et intérêts dont la cour est présentement saisie tend à compenser le seul préjudice subi par X Y du fait qu’il n’aurait pu bénéficier de ces pauses pendant ses journées de travail, et ce sur des années.

X Y produit au soutien de sa demande les plannings de travail du foyer de janvier 2010 à août 2013 (ses pièces n° 67, 68, 69 et 76) reprenant de façon hebdomadaire le détail des heures travaillées par chacun des membres du personnel, lesquels ne font pas apparaître les temps de pause, un tableau récapitulatif (sa pièce n° 70) sur cette période des services d’au moins huit heures continues effectuées sans pauses (incluant également le mois de septembre 2013) recensant 379 pauses de vingt minutes non attribuées mais rémunérées. Il produit également des plannings semblables pour les années 2007 à 2009 (ses pièces n° 73 à 75) ainsi que des plannings mensuels ne concernant que lui et établis par lui pour les années 1997 à 2008 (ses pièces n° 8 à 18), étant observé que, s’agissant des années 2007 et 2008, les tableaux hebdomadaires pour l’ensemble des personnels concernés et les tableaux mensuels concernant le seul X Y concordent exactement. Ces pièces ne font pas davantage apparaître les temps de pause.

L’ASSOCIATION NATIONALE DE RÉADAPTATION SOCIALE, pour sa part, fait valoir que X Y ne s’était jamais précédemment plaint du non-respect des temps de pause pendant la journée, et qu’en tout état de cause, ceux-ci sont pris à la convenance des salariés en fonction de l’organisation du travail, ainsi qu’il est d’usage, produisant au soutien de cette affirmation une attestation du directeur du foyer «'La Manoise'» (sa pièce n° 34) qui mentionne que «'lors de l’absence de demande de la part du public accueilli, les éducateurs prennent leur temps de pause de 20 minutes à leur convenance'» et que «'l’exercice de cette responsabilité par chaque éducateur induit de la souplesse dans la gestion de ce temps de pause'», lequel n’est en conséquence «'pas formellement inscrit dans les plannings des éducateurs'».

L’article L'3121-33 du code du travail, pris pour l’application de l’article 4 de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (recodifiée par la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003), dispose que «'dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes'», étant observé que si le deuxième alinéa du dit article réserve les dispositions conventionnelles plus favorables, l’article 20.6 de l’accord-cadre du 12 mars 1999 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail, conclu dans le cadre de la convention collective applicable, se contente d’ajouter au rappel de la règle légale le fait que «'la pause consacrée au repas ne peut être inférieure à ½ heure'» et que, «'lorsque le salarié ne peut s’éloigner de son poste de travail durant la pause, celle-ci est néanmoins rémunérée'», cette stipulation visant «'notamment les salariés responsables de la sécurité et de la continuité de la prise en charge des usagers'», et que l’accord d’entreprise du 6 décembre 1999 reprend purement et simplement ces stipulations de la convention collective.

Ce texte, résultant des directives susvisées intervenues en matière de temps minimal de repos, constitue une règle de droit social d’une importance particulière dont doit bénéficier chaque travailleur en tant que prescription minimale nécessaire pour assurer la protection de sa sécurité et de sa santé. Il en résulte que les dispositions de l’article L'3171-4 du code du travail aux termes desquelles «'en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié'», puis qu'«'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles'», ne sont pas applicables à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne en la matière, et que cette preuve incombe à l’employeur.

L’ASSOCIATION NATIONALE DE RÉADAPTATION SOCIALE ne tire aucune conséquence particulière de son argument selon lequel X Y ne s’était jamais précédemment plaint du non-respect des temps de pause pendant la journée, argumentation qui est en tout état de cause contraire au principe de l’unicité de l’instance prud’homale, tel qu’il résulte de l’article R'1452-6 du code du travail, et aux dispositions de l’article R'1452-7 du même code, aux termes duquel «'les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel'», dispositions applicables y compris devant la juridiction de renvoi après cassation.

Elle manque à apporter la preuve de ce qu’elle a assuré à X Y le bénéfice de la pause d’une durée minimale de vingt minutes dès lors que la journée de travail excède six heures, alors qu’elle ne critique pas utilement les pièces produites par le salarié au soutien de sa demande, admettant même expressément le décompte effectué dans sa pièce n° 70 qui aboutit à un total de 379 pauses non attribuées de janvier 2010 à septembre 2013, et se contente de verser une attestation établie par un de ses préposés qui fait référence de façon vague à un usage, dont rien ne vient cependant établir qu’il présenterait un caractère général, constant et fixe, qui permettrait la prise du temps de pause par le salarié à sa convenance, sans formalisation aucune. Il suffira d’observer à cet égard que l’employeur ne verse aucun document interne au foyer organisant la prise des temps de pause qui viendrait corroborer cette affirmation et n’expose en rien de quelle façon il pouvait s’assurer que les temps de pause étaient effectivement garantis dans de telles conditions, alors même qu’il résulte de cette attestation que la prise du temps de pause était conditionnée à «'l’absence de demande de la part du public accueilli'», et qu’il n’allègue pas même que des dispositions auraient été prises dans les cas où les éducateurs étaient continument sollicités pendant plus de six heures.

Le bien-fondé dans son principe de la demande de dommages et intérêts formée par X Y est donc établi. Au vu des éléments produits sur la période de temps pendant laquelle le caractère effectif du respect des règles en la matière n’a pas été garanti et du fait qu’il n’est pas contesté que la situation litigieuse perdure, comme, en sens inverse, de la circonstance que la dite demande n’a été formée que tardivement, le préjudice allégué sera justement réparé par la condamnation de l’ASSOCIATION NATIONALE DE RÉADAPTATION SOCIALE à payer la somme de 2'000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les dépassements de l’amplitude horaire

X Y fait valoir qu’il subit des dépassements ponctuels de l’amplitude horaire hebdomadaire maximale et des dépassements systématiques de l’amplitude horaire journalière, notamment lorsqu’avant 2010, il était conduit à enchainer sans interruption une période de travail en fin d’après-midi, une nuit de veille et une période de travail en début de matinée. Il produit au soutien de cette affirmation les plannings hebdomadaires de chacun des éducateurs du foyer ou ses propres plannings mensuels, tels qu’ils ont été rappelés ci-dessus. Il fait grief à l’ASSOCIATION NATIONALE DE RÉADAPTATION SOCIALE d’avoir artificiellement minoré les amplitudes horaires maximales en comptabilisant le temps de travail de nuit selon le régime des heures d’équivalence, qui n’a pourtant été instauré par la convention collective qu’en matière de rémunération.

L’ASSOCIATION NATIONALE DE RÉADAPTATION SOCIALE soutient que, même avant 2010 et en ne tenant pas compte des heures d’équivalence, la durée hebdomadaire du travail n’a jamais excédé les limites fixées par la législation applicable, la convention collective et l’accord d’entreprise'; que les dépassements de l’amplitude journalière allégués ne sont pas établis, les plannings versés aux débats pour les années 2001 à 2008, établis par le seul salarié, étant contredits par les décomptes qu’elle produit, dans lequel elle comptabilise les heures de nuit en temps de travail effectif'; qu’entre 2000 et 2009, la durée journalière a été portée à 13 heures par les salariés et que, depuis 2010, aucun dépassement n’est démontré.

L’article L'3121-35 du code du travail, pris pour l’application des directives communautaires déjà mentionnées, fixe à quarante-huit heures la durée maximale hebdomadaire de travail. L’accord d’entreprise du 6 décembre 1999 réduit cette limite maximale à quarante-quatre heures.

L’article L'3121-34 du même code limite la durée quotidienne du travail à dix heures, «'sauf dérogations accordées dans des conditions déterminées par décret'». L’article D'3121-19 dispose qu'«'une convention ou accord de travail collectif étendu ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement peut prévoir le dépassement de la durée maximale quotidienne de travail à condition que ce dépassement n’ait pas pour effet de porter cette durée à plus de douze heures'». La convention collective prévoit cette durée de douze heures, «'pour répondre à des situations particulières'» (article 20-5 de l’accord-cadre du 12 mars 1999 déjà mentionné). L’accord d’entreprise a également prévu que, «'pour répondre à des situations particulières'», la durée quotidienne maximale du travail peut être portée à douze heures.

C’est en revanche à tort que l’ASSOCIATION NATIONALE DE RÉADAPTATION SOCIALE soutient que la durée maximale aurait été portée à treize heures, alors que, s’il résulte des pièces produites (spécialement la pièce n° 27 de l’employeur) que le délégué syndical central a fait état d’un accord en faveur d’une telle amplitude, il n’est pas même allégué qu’une demande de dérogation en ce sens aurait été adressée à l’inspection du travail par l’employeur selon la procédure instituée par les articles D'3121-16 et suivants du code du travail.

Par ailleurs, depuis la dénonciation de l’accord d’entreprise et dès lors qu’il n’est nullement allégué qu’un nouvel accord se serait substitué à l’ancien, il doit être retenu, en application des articles L'2261-9 et suivants du code du travail, que cet accord ne produit plus ses effets depuis le 21 juillet 2010, seule la convention collective restant applicable.

Il doit être par ailleurs tenu compte de l’article L'3131-1 du code du travail, également pris pour l’application des directives européennes 93/104/CE et 2000/34/CE déjà mentionnées, qui dispose que «'tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives'», et a pour corollaire l’interdiction de dépasser l’amplitude journalière de treize heures, laquelle est définie comme le temps séparant la prise de poste de sa fin, étant précisé que lorsque le temps de travail s’étend sur la nuit, cette amplitude doit s’apprécier non sur une période de 0 à 24 heures, mais de la prise de poste mettant fin au repos journalier au début du repos journalier suivant.

Enfin, l’article L'3121-9 du code du travail dispose qu'«'une durée du travail équivalente à la durée légale peut être instituée dans les professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d’inaction soit par décret, pris après conclusion d’une convention ou d’un accord de branche, soit par décret en Conseil d’État'». Un tel régime a été instauré par les articles R'314-201 et suivants du code l’action sociale et des familles, applicables au foyer considéré, établissement prenant en charge habituellement, y compris au titre de la prévention, des mineurs et des majeurs de moins vingt et un ans relevant notamment du service de l’aide sociale à l’enfance, au sens de l’article L'312-1 du même code, régime qui a été repris dans la convention collective (article 11 de l’annexe n° 3) et qui prévoit que, pour la surveillance nocturne assumée en chambre de veille, service qui s’étend du coucher au lever des personnes accueillies, sans pouvoir excéder douze heures, les neuf premières heures sont assimilées à trois heures de travail éducatif, chaque heure supplémentaire entre neuf et douze heures étant comptée pour une demi-heure de travail éducatif.

Il ne peut cependant être tenu compte d’un tel système d’équivalence pour vérifier, en matière de temps de travail effectif, le respect des seuils et plafonds communautaires fixés par les directives susvisées.

Ainsi qu’il a déjà été relevé, les dispositions de l’article L'3171-4 du code du travail ne sont pas applicables à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne en la matière, de sorte que cette preuve incombe à l’employeur.

Dans ces conditions, sur la base du «'modèle de planning sur 6 semaines'» produit par l’employeur (sa pièce n° 8 bis), document non daté, en adoptant le décompte de la semaine retenu par ce document du lundi 6 heures au lundi suivant 6 heures, il apparaît qu’il était prévu que X Y effectue lors de la «'semaine 5'» (soit à environ sept reprises dans une année) quarante-cinq heures de travail, soit une durée supérieure au maximum fixé par l’accord d’entreprise.

Même si une telle pièce établit la volonté de l’employeur de mettre en place une organisation emportant dépassement régulier de la durée hebdomadaire du travail, il y a lieu d’examiner le détail des pièces rendant compte de façon effective et circonstanciée des horaires réellement effectués. À cet égard, l’examen des pièces communiquées par l’employeur, qui ne saurait les contester, à savoir des décomptes (étant tenu compte de la nécessité de compter intégralement les nuits de veille soit, de 23h00 à 6h00, 7 heures, et non 3 heures, comme le prévoit le régime des heures d’équivalence) pour les années 2001 à 2007 (ses pièces n° 9 et 10) et des plannings pour l’année 2006 (sa pièce n° 8) montre des dépassements de la durée hebdomadaire les semaines des':

—  5 au 11 février 2001 (46 heures),

—  26 février au 4 mars 2001 (47 heures),

—  26 mars au 1er avril 2001 (46 heures),

—  30 avril au 6 mai 2001 (48 heures),

—  21 au 27 mai 2001 (52 heures),

—  3 au 9 décembre 2001 (48 heures),

—  14 au 20 octobre 2002 (46 heures),

—  23 au 29 décembre 2002 (51 heures),

—  3 au 9 février 2003 (49,5 heures),

—  24 au 30 mars 2003 (47 heures),

—  7 au 13 avril 2003 (48 heures),

—  1er au 7 septembre 2003 (52 heures),

—  22 au 28 septembre 2003 (46 heures),

—  13 au 19 octobre 2003 (47 heures),

—  24 au 30 novembre 2003 (45 heures),

—  8 au 14 mars 2004 (45 heures),

—  21 au 27 juin 2004 (45 heures),

—  28 juin au 4 juillet 2004 (47,5 heures),

—  13 au 19 décembre 2004 (49 heures),

—  2 au 8 mai 2005 (46 heures),

—  12 au 18 décembre 2005 (46,5 heures),

—  27 février au 5 mars 2006 (47 heures),

—  8 au 14 janvier 2007 (48 heures),

—  4 au 10 juin 2007 (44,5 heures),

—  19 au 25 novembre 2007 (45 heures).

S’agissant de l’amplitude quotidienne, l’examen des mêmes pièces permet de relever 43 dépassements en 2001, 45 en 2002, 37 en 2003, 42 en 2004, 51 en 2005, 48 en 2006 et 45 en 2007. Les pièces produites aux débats sont difficilement exploitables pour les années 2008 et 2009. Il résulte des plannings produits par l’employeur pour l’année 2010 (sa pièce n° 34 bis) que la durée quotidienne de travail les samedis et dimanches était systématiquement de treize heures jusqu’au début du mois de septembre, soit s’agissant de X Y, neuf dépassements pendant cette période, cette durée ayant été ramenée à douze heures depuis septembre 2010 (plannings pour les années 2011, 2012 et 2013, pièces n° 35, 36 et 37 de l’employeur). Il ne résulte pas des pièces produites que des dépassements auraient encore eu lieu à partir du mois de septembre 2010.

Le bien-fondé dans son principe de la demande de dommages et intérêts formée par X Y est donc établi, au titre de dépassements de la durée hebdomadaire du travail au nombre de vingt-cinq en sept années, aucun dépassement n’étant démontré après la fin de l’année 2007, et de dépassements réguliers de la durée journalière, selon les distinctions faites ci-dessus, et sans qu’aucun dépassement n’ait été constaté postérieurement à septembre 2010. Au vu des éléments produits sur la période de temps pendant laquelle le caractère effectif du respect des règles en la matière n’a pas été garanti, comme, en sens inverse, de la circonstance non contestée que l’organisation horaire consistant à enchainer une période de travail de 17h00 à 23h00, une nuit de veille et une période de travail le lendemain de 6h00 à 11h00, convenait à la plus grande partie des éducateurs, le préjudice allégué sera justement réparé par la condamnation de l’ASSOCIATION NATIONALE DE RÉADAPTATION SOCIALE à payer la somme de 6'000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il avait rejeté les demandes formées au titre des dépassements des durées maximales de travail.

L’ASSOCIATION NATIONALE DE RÉADAPTATION SOCIALE sera enfin condamnée aux dépens et à payer à X Y la somme de 1'500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés par lui devant la cour de renvoi.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a rejeté les demandes formées au titre du dépassement des durées maximales de travail';

Statuant à nouveau,

Condamne l’ASSOCIATION NATIONALE DE RÉADAPTATION SOCIALE à payer à X Y, à titre de dommages et intérêts, les sommes de 2'000 euros en réparation du préjudice lié au non-respect des temps de pause et de 6'000 euros en réparation du préjudice lié au dépassement des durées hebdomadaire et quotidienne du travail';

Condamne l’ASSOCIATION NATIONALE DE RÉADAPTATION SOCIALE aux dépens de la procédure devant la cour de renvoi et à payer à X Y la somme de 1'500 euros au titre de frais irrépétibles engagés lors de cette même procédure.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, 14 novembre 2013, n° 93/00104