Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 5, 21 février 2013, n° 12/05309

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 5, 21 févr. 2013, n° 12/05309
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/05309
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 13 février 2012, N° 2011/048344
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 16 mai 2022
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Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRET DU 21 FEVRIER 2013

(n° , 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/05309

Jonction avec le dossier 12/06763

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 février 2012 – Tribunal de Commerce de PARIS – 1 ERE CHAMBRE A – RG n° 2011/048344

APPELANTES

SA CDC CLIMAT représentée par son Président Directeur Général domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par la SCP Jeanne BAECHLIN en la personne de Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée de la SCP RAMBAUD MARTEL en la personne de Me Frédéric LALANCE, avocat au barreau de PARIS, toque : P134

INTIMÉES

SAS MYCO2 représentée par son Président domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES en la personne de Me Anne-Laure GERIGNY, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

Assistée de Me Michel Léon Pol JEOL du Cabinet DESFILS’McGOWAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P 0367

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 20 décembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente

Madame Patricia POMONTI, Conseillère chargée d’instruire l’affaire

Madame Valérie MICHEL- AMSELLEM, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS CONSTANTS ET PROCÉDURE

M. [V] est un expert reconnu du marché du carbone, expertise qu’il a développé notamment chez Cap Gemini Consulting, puis mise au service d’une start-up qu’il a créée en juin 2010, la société MyCO2, dont il est président-directeur général et qui a pour objet de développer un outil informatique permettant l’affichage du contenu en équivalent carbone des produits de consommation courante.

La société CDC Climat est une filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations (la CDC), dont l’objet est de prendre des participations dans le secteur du changement climatique et de la « finance environnementale ». La mission de la CDC a récemment été élargie dans le domaine du développement durable. La CDC est également actionnaire à hauteur de 40% de la société BlueNext, qui a mis en place, en France, une bourse des actifs carbone et environnementaux. Le dirigeant de la CDC Climat est également vice-président de la société BlueNext, nommé par la CDC.

Le 30 juillet 2010, la société MyCO2 et la société CDC Climat ont signé un Protocole de partenariat en indiquant qu’elles souhaitaient se rapprocher « afin d’étudier les possibilités d’exploitation des Travaux Préliminaires dans le cadre d’une étude de faisabilité, en vue de développer ensemble, à travers une prise de participation majoritaire de la société CDC Climat dans MyCO2, d’abord en France puis à l’international ».

Ce Protocole prévoyait deux phases : une étude de faisabilité du Projet, financée en trois tranches pour un total de 250.000 euros HT et une phase de réalisation du Projet, si l’étude en démontrait la faisabilité ; un comité de pilotage a été mis en place pour suivre l’avancement des travaux et valider des « livrables » dont la validation déclenchait le versement des tranches de financement par la société CDC Climat, qui gardait la propriété des études et était libre de décider, à l’issue de l’étude, soit d’entrer au capital de la société MyCO2 dans des conditions définies dans le Protocole, soit de céder ces résultats à la société MyCo2, soit de les céder à un tiers.

Alors que la réalisation des travaux convenus se déroulait normalement, un comité de pilotage s’étant tenu le 20 décembre 2010 et ayant validé le « livrable 2 » et le paiement par la société CDC Climat du second versement de 120.000 euros HT, le même jour, M. [D], dirigeant de la société CDC Climat et vice-président de la société BlueNext, qui était en charge de suivre ce qui se passait sur ce marché, a été entendu dans le cadre d’une information judiciaire ouverte à [Localité 9] pour des faits de fraude et a eu accès au dossier d’instruction.

Par un courrier, également du 20 décembre 2010, la société CDC Climat, par l’intermédiaire de M. [D], a affirmé avoir découvert que M. [V] avait entretenu des liens étroits tout au long de l’année 2009 avec la société IEF et ses dirigeants, aujourd’hui mis en cause pour des faits d’escroquerie à la TVA sur le marché carbone et lui a reproché de ne pas l’en avoir informée.

Le 21 décembre 2010, le président de la société MyCO2 a confirmé avoir eu pour client la société mise en cause, la société Innovative Energy France (la société IEF), tout d’abord comme consultant chez Cap Gemini Consulting puis comme ingénieur-conseil, soulignant qu’il n’avait jamais travaillé sur les sujets délictueux, qu’il ignorait l’existence de la procédure en cours et le fait que la CDC et ses filiales étaient parties prenantes de ladite procédure. Il a précisé qu’il n’y avait plus de contrat avec les dirigeants mis en cause depuis mi-2009 et qu’il n’avait pas, lors de leur entrée en négociation, estimé nécessaire de mentionner ces faits.

Le dirigeant de la CDC Climat, après cet « aveu », a adressé le 27 décembre 2010 une lettre recommandée avec accusé de réception au dirigeant de la société MyCO2 pour lui faire part de sa décision de « dénoncer » le Protocole au motif de la mauvaise foi de ce dernier et de ses dissimulations, et de ne pas exécuter le versement de 120.000 euros prévu au profit de la société MyCO2 au 31 décembre 2010.

Par courrier en réponse du 3 janvier 2011, la société MyCO2 a fait valoir son opposition à ce « dictat ». N’obtenant plus aucune réponse de la société CDC Climat, la société MyCO2 a, par acte du 14 mars 2011, assigné la société CDC Climat en référé devant le président du tribunal de commerce de Paris aux fins d’obtenir le paiement du livrable 2.

Par ordonnance du 17 juin 2011, le président de ce tribunal a dit n’y avoir lieu à référé et a renvoyé l’affaire au fond.

Par un jugement en date du 14 février 2012, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a :

— dit la rupture du Protocole par la société CDC Climat abusive et brutale,

— condamné la société CDC Climat à payer à la société MyCO2 les sommes de :

.143.520 euros TTC au titre du livrable 2, avec intérêts de retard au taux légal à compter du 3 janvier 2011,

. 750.000 euros à titre de dommages et intérêts,

. 30.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société CDC Climat à publier le communiqué suivant : « Par jugement du ', le Tribunal de commerce de Paris a jugé brutale et abusive la rupture par la société CDC Climat du Protocole qui la liait à la société MyCO2 pour les divers préjudices ainsi causés, y compris l’atteinte grave et portée à son image » ; dit que ce communiqué sera publié, dans un délai de 30 jours à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard, et par publication dans deux numéros quotidien « Les Echos », et deux numéros successifs de la Lettre Mensuelle « L’Usine à GES », dit que, passé ce délai, le Tribunal se réserve la possibilité de liquider l’astreinte.

Vu l’appel interjeté le 21 mars 2012 par la société CDC Climat contre cette décision.

Vu les dernières conclusions, signifiées le 11 septembre 2012, par lesquelles la société CDC Climat demande à la Cour de :

A titre principal,

— dire et juger que le Protocole du 30 juillet 2010 est nul à raison de la réticence dolosive commise par la société MyCO2 à l’occasion de sa conclusion,

A titre subsidiaire,

— dire et juger que la rupture du Protocole du 30 juillet 2010 par la société CDC Climat n’est pas fautive,

— dire et juger que les préjudices allégués par la société MyCO2 sont dépourvus de fondement,

En conséquence,

— infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 14 février 2012 sauf en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation de la société MyCO2 au titre de la perte de chance,

— dire et juger mal fondées l’ensemble des demandes d’indemnisation formulées par la société MyCO2 à l’encontre de la société CDC Climat au titre de l’exécution ou de la rupture du Protocole,

— débouter la société MyCO2 de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la société CDC Climat en toutes fins qu’elles comportent,

— ordonner la mainlevée de la consignation de la somme de 923.520 euros effectuée par la société CDC Climat entre les mains de Mme le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Barreau de Paris le 26 avril 2012 et la restitution à la société CDC Climat de ladite somme.

— ordonner la publication, aux frais de la société MyCO2, dans deux numéros quotidien « Les Echos » et dans deux numéros successifs de la Lettre Mensuelle « L’Usine à GES », du communiqué judiciaire suivant : « Par arrêt en date du ', la Cour d’appel de Paris a infirmé le jugement rendu le 14 février 2012 par le Tribunal de commerce de Paris qui avait jugé brutale et abusive la rupture par la CDC Climat du Protocole qui la liait à la société MyCO2 et condamné la société CDC Climat à indemniser la société MyCO2 des divers préjudices qui lui auraient ainsi été causés. Aux termes de son arrêt en date du ', la Cour d’appel de Paris a débouté la société MyCO2 de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de la société CDC Climat ».

— condamner la société MyCO2 à verser à la société CDC Climat la somme de 100.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société CDC Climat soutient que les demandes de la société MyCO2 doivent être rejetées en raison de la nullité du Protocole, M. [V] ayant volontairement soustrait à sa connaissance des informations relatives à ses relations avec la société IEF. Elle affirme qu’elle n’aurait pas conclu le Protocole si elle avait été informée des relations de M. [V] avec la société IEF.

Elle prétend ensuite que la rupture du Protocole n’est pas abusive car elle était juridiquement et factuellement fondée, eu égard, d’une part, à la légitime perte de confiance envers M. [V] dans la mesure où le Protocole avait été conclu intuitu personae, d’autre part, à la nécessité pour la société CDC Climat d’éviter tout risque de préjudice d’image irrémédiable compte tenu des missions de la société CDC sur le marché du carbone, et enfin, aux manquements de la société MyCO2 et de M. [V] à leurs obligations contractuelles qui, s’ils n’ont pas été à l’origine de la décision de mettre fin au Protocole, n’en sont pas moins réels.

Enfin, elle considère que les préjudices allégués par la société MyCO2 ne sont pas fondés.

Vu les dernières conclusions, signifiées le 5 octobre 2012, par lesquelles la société MyCO2 demande à la Cour de :

Sur les sommes dues à la société MyCO2 au titre du « Livrable 2 »:

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société CDC Climat à verser à la société MyCO2 la somme de 143.520 euros TTC au titre du livrable 2, avec intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2011, date de la mise en demeure.

Sur l’indemnisation de la « perte de chance » résultant pour la société MyCO2 de la rupture du Protocole :

— infirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation de la société MyCO2 au titre de la « perte de chance »

et, statuant de nouveau,

— condamner la société CDC Climat à payer à la société MyCO2 la somme de 3.286.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Sur la réparation de l’atteinte à l’image de la société MyCO2 et du préjudice commercial en résultant :

— infirmer le jugement déféré en ce qu’il a évalué, de manière globale, à 750.000 euros le préjudice commercial subi par la société MyCO2,

et statuant à nouveau,

— condamner la société CDC Climat à payer à la société MyCO2 :

. la somme de 500.000 euros sur le fondement de l’article 1134 du code civil,

. la somme de 1 million d’euros sur le fondement de l’article 1382 du code civil,

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a ordonné la publication d’un communiqué judiciaire.

Sur les frais irrépétibles exposés par la demanderesse :

— condamner la société CDC Climat à payer à la société MyCO2 la somme de 100.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société MyCO2 soutient qu’il était prévisible que M. [V] ne serait en rien inquiété par la justice pénale et que la preuve de la prétendue faute du président de la société MyCO2 ne saurait résulter de simples affirmations ou suppositions.

Elle prétend ensuite que l’appelante n’a pas rapporté la preuve de l’existence cumulée des trois conditions exigées par la jurisprudence pour l’admission de la « réticence dolosive » comme moyen d’annulation d’un contrat. De plus, elle conteste successivement les quatre moyens de « résiliation » ou de « caducité » du Protocole soulevés, à savoir la perte de confiance envers M. [V], la menace d’un préjudice irrémédiable pour la société CDC Climat, les manquements contractuels de M. [V] et la société MyCO2 et la caducité du Protocole résultant de la « disparition de sa cause ».

Enfin, soutenant que la résiliation du Protocole est irrégulière et que le Protocole n’est pas nul ou caduc, elle demande le paiement des sommes dues au titre du livrable 2, l’indemnisation de la « perte de chance » causée par la rupture du Protocole et l’indemnisation des préjudices d’image subis.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la nullité pour dol du Protocole du 30 juillet 2010 :

La société CDC Climat soutient que le Protocole du 30 juillet 2010 a été conclu sous l’effet d’une réticence dolosive imputable à M. [V].

Elle reproche en effet à la société MyCO2 d’avoir délibérément soustrait à sa connaissance des informations déterminantes de son consentement, relatives aux relations entretenues tout au long de l’année 2009 par M. [V] avec la société Innovative Energy Group(IEG), sa filiale la société Innovative Energy France (IEF) et ses dirigeants, alors qu’il ne pouvait ignorer la fraude existant sur le marché du carbone à laquelle la société IEF a été mêlée.

Il n’est pas contesté par la société MyCO2 que M. [V] a fourni à la société IEF des prestations de conseil sur des questions d’environnement et de marchés du carbone, d’abord en qualité de préposé du cabinet Capgémini Consulting puis en qualité d’auto-entrepreneur.

Comme il le reconnaît dans son courrier du 21 décembre 2010, il a été en relation avec MM. [Y], dirigeants de la société IEF, entre avril et juin 2009, aucune rencontre n’ayant eu lieu après cette date. Il affirme : 'Je n’ai jamais, à aucun instant, soupçonné la société Innovative Energy Group, ou sa filiale IEF, d’avoir des activités illicites. Je n’ai jamais été au courant d’un quelconque lien entre IEG et IEF et les questions de fraude à la TVA que tu mentionnes. Je n’ai jamais disposé de la moindre information pouvant inciter à créer un lien entre IEG et ses sujets. Jamais, ni oralement, ni par écrit, mes interlocuteurs n’ont évoqué, ni fait la moindre allusion à des questions fiscales ou à leur intention de mener une quelconque fraude.'

Il ne suffit pas à la société CDC Climat d’affirmer que M. [V] a volontairement passé sous silence ses relations avec la société IEF et d’associer cette omission à une réticence dolosive au motif que cette société et ses dirigeants sont aujourd’hui mis en cause dans une procédure judiciaire portant sur une fraude massive à la TVA sur le marché carbone ; il lui appartient de démontrer que le comportement de M. [V] a été fautif, en ce sens qu’il a caché ses relations avec la société IEF et ses dirigeants, que cette abstention a été commise intentionnellement par M. [V] et que cette abstention a eu un effet déterminant sur le consentement de la société CDC Climat.

La société CDC Climat se contente d’affirmer, sans le prouver, que M. [V] 'était informé au premier chef de la fraude sur le marché carbone et de son mode opératoire'.

En effet, le fait que ses nombreux diplômes (Polytechnique, ENS Mines de Paris) et les fonctions qu’il a occupées (Directeur développement durable chez Capgémini, Conseiller énergie-climat au cabinet du ministère de l’écologie, Directeur de cabinet de la direction générale des entreprises au ministère de l’économie) impliquent une parfaite connaissance du fonctionnement du marché carbone, n’a pas inévitablement pour corollaire une information sur la fraude sur le marché carbone avant que cette fraude n’ait été découverte et qu’il n’y ait été mis fin par la modification du régime fiscal des transactions sur les quotas de CO2.

Il ne saurait lui être opposé sa reconnaissance, dans son courrier du 21 décembre 2010, du fait qu’il a 'commencé à avoir quelques doutes à partir d’août 2009 sur les activités d’Innovative Energy Group – non pas que j’ai fait le lien avec la fraude à la TVA – mais parce que je discernais mal l’ensemble de leurs activités et je n’étais pas sûr qu’elles correspondent uniquement à ce que présentaient les plaquettes et le site internet, à savoir des investissements dans les énergies renouvelables'.

Au demeurant, il est établi qu’il n’a plus eu de contact avec la société IEF et ses dirigeants depuis juin 2009 puisque ses interlocuteurs lui ont confirmé par un courriel du 23 septembre 2009 que les discussions entamées entre mai et juin 2009 ne pouvaient avoir de suite.

Il est par ailleurs infondé de lui reprocher d’avoir perçu la somme de 16.000 € sans contrepartie alors que cette somme, se décomposant en 8.000 € d’honoraires et 8.000 € de remboursement de frais, correspond à ses activités de conseil de la société IEF et à sa participation à 'Carbo-Expo’ à Barcelone, ce qui apparaît comme des sommes habituelles pour ce type de prestations émanant d’un cabinet réputé.

Enfin, il ne saurait être tiré argument du fait que les dirigeants de la société IEF 'ont soudainement perdu tout intérêt pour une adhésion à Bluenext après la modification du régime fiscal intervenue en juin 2009" alors que manifestement M. [V] l’ignorait, puisqu’il a proposé aux frères [Y] de soumettre une nouvelle candidature d’adhésion de la société IEF à Bluenext le 22 septembre 2009, soit trois mois après que le changement de la réglementation fiscale intervenu le 9 juin 2009 a rendu impossible toute fraude sur le marché carbone français.

Manifestement, M. [V] ignorait le caractère illégal des activités de la société IEF et il n’avait pas eu connaissance des poursuites pénales engagées contre ses dirigeants avant que M. [D] ne lui en fasse part en décembre 2010, de sorte qu’il n’est pas possible de soutenir, comme le fait la société CDC Climat, que la volonté de dissimuler ses relations avec la société IEF serait d’autant plus manifeste qu’il 'avait l’opportunité d’en faire part à la CDC et CDC Climat lors de la transmission de son curriculum vitae’ ce qu’il n’a pas fait délibérément.

La lecture du curriculum vitae, qu’il a transmis à l’appelante par courriers électroniques des 23 novembre et 3 décembre 2009, et qui apparaît en ligne sur le réseau LinkedIn, démontre que ce curriculum vitae ne comprend que les mentions importantes relatives aux diplômes obtenus et aux expériences professionnelles, dont la participation de 2007 à 2009 au cabinet Capgemini Consulting, sans détailler les différentes missions qu’il a pu conduire dans ce cadre.

Il ne peut être reproché à M. [V] de ne pas avoir mentionné 'son mandat d’administrateur au sein d’IEF’ alors qu’en définitive il n’a jamais été nommé administrateur de cette société dans laquelle il n’a finalement jamais exercé de mandat social et n’aurait eu, en tout état de cause, aucun pouvoir de décision.

Il convient encore de relever, comme l’ont fait les premiers juges, qu’à la suite des insinuations malveillantes à son égard de la société CDC Climat, M. [V] a demandé au juge d’instruction du pôle financier du tribunal de grande instance de Paris la possibilité d’être entendu pour exposer la nature et l’étendue de ses liens passés avec la société mise en cause et, qu’à la suite de son audition, aucune poursuite n’a été engagée à son encontre.

Enfin, il n’est pas démontré que l’information non révélée par M. [V] aurait eu un effet déterminant sur le consentement de la société CDC Climat qui n’explique pas de manière convaincante pourquoi elle n’aurait pas conclu le Protocole litigieux si elle avait connu les relations de celui-ci avec la société IEF.

En effet, elle expose, qu’en sa qualité de teneur du registre français des quotas d’émission de gaz à effet de serre, elle avait été avertie dès le 15 septembre 2009, soit bien antérieurement à la signature du Protocole en cause, de l’existence d’interrogations sur la légalité des activités de la société IEF, de sorte que, si M. [V] lui avait révélé les liens qu’il avait entretenu avec cette société et ses dirigeants, elle aurait immédiatement identifié qu’il s’agissait de la société faisant l’objet d’une enquête judiciaire, et elle n’aurait pas conclu le Protocole.

Mais, d’une part, M. [V] ignorait que la société CDC Climat disposait d’une information relative à des activités présumées illégales de la société IEF, alors que lui-même, comme cela a été dit plus haut, ignorait jusqu’en décembre 2010 la fraude reprochée à cette dernière, d’autre part, la société CDC Climat ne peut pas sérieusement soutenir que le simple fait d’avoir conseillé pendant quelques mois une société dont il est apparu ultérieurement qu’elle aurait eu une activité frauduleuse aurait eu une incidence déterminante sur le Projet de partenariat, très intéressant pour elle, avec un spécialiste du marché de l’écologie et de la protection de l’environnement.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la preuve d’une réticence dolosive de la société MyCO2 susceptible d’aboutir à l’annulation du Protocole du 30 juillet 2010 n’est pas rapportée.

Sur le caractère fautif de la rupture du Protocole :

La société CDC Climat affirme que la rupture du Protocole du 30 juillet 2010 était juridiquement et factuellement fondée sur une perte de confiance envers M. [V], la nécessité d’éviter tout risque de préjudice d’image irrémédiable compte tenu de ses missions sur le marché carbone et par les manquements contractuels de la société MyCO2.

*sur la perte de confiance de la société CDC Climat envers M. [V] :

La société CDC Climat reprend exactement les mêmes motifs que ceux mis en avant pour démontrer l’existence d’une réticence dolosive de la société MyCO2 pour affirmer la déloyauté de M. [V] à son égard, justifiant la rupture du Protocole avec effet immédiat car, selon elle, M. [V] ayant connaissance des missions d’intérêt général assurées par la société CDC Climat sur le marché carbone, il aurait dû, compte tenu de ses soupçons relatifs aux agissements de la société IEF, l’informer des relations qu’il avait eu avec cette société et ses dirigeants.

Mais, il a déjà été répondu à ces arguments, à propos de la réticence dolosive reprochée à M. [V] et à sa société MyCO2. Contrairement aux affirmations de la société CDC Climat, il n’a pas été démontré que M. [V] ait, d’une quelconque manière, soupçonné la société Innovative Energy Group, ou sa filiale IEF, d’avoir des activités illicites. Il n’a appris la fraude reprochée à la société IEF qu’en décembre 2010. Il n’avait pas de raison particulière de faire apparaître sur son curriculum vitae ses brèves relations avec ladite société dont il n’a jamais été administrateur. Dès lors, qu’il n’avait pas connaissance des agissements frauduleux qui ont ensuite été reprochés à la société IEF, il ne peut lui être reproché d’avoir été déloyal à l’égard de sa cocontractante en lui cachant ses relations avec cette société, de sorte que cette dernière ne peut arguer d’une perte de confiance qui justifierait la rupture du Protocole du 30 juillet 2010.

Au surplus, l’article 8 du Protocole relatif à sa durée est ainsi rédigé :

'Le Protocole prendra effet à compter de la date de sa signature par chacune des Parties (la 'Date de Signature') et demeurera en vigueur jusqu’à la plus proche des deux dates suivantes : (i) la date de signature du Pacte par les Parties et (ii) le deuxième anniversaire de la Date de Signature. En tant que de besoin, il est précisé qu’aucune indemnité ou compensation de quelque nature que ce soit ne sera due aux Parties en cas de résiliation du Protocole dans ces conditions.

Le Protocole pourra également être résilié :

(i) par accord mutuel entre les Parties à tout moment de la réalisation de l’Etude; ou

(ii) sans préjudice des éventuelles mises en jeu de responsabilité en cas de violation par l’une des Parties de l’un quelconque de ses engagements au titre du Protocole, s’il n’y est pas remédié dans un délai de 30(trente) jours ouvrés à compter de la notification de ladite violation.

La résiliation du Protocole, pour quelque motif que ce soit, prendra effet dans le délai prévu dans la notification de résiliation et au plus tard dans un délai de 30 jours suivant la notification de résiliation.'

Or, force est de constater que la société CDC Climat ne fonde pas sa résiliation du Protocole sur une inexécution contractuelle mais sur une perte de confiance. Si la perte de confiance peut, dans le cadre d’un contrat conclu intuitu personae, comme c’est le cas en l’espèce, constituer un motif de rupture anticipée, ce ne peut être que lorsque cette perte de confiance résulte d’éléments objectifs, à savoir le non respect d’obligations contractuelles, qui ne sont en l’occurrence pas démontrées.

*sur la menace d’un préjudice irrémédiable pour CDC Climat :

La société CDC Climat soutient que sa décision de rompre le Protocole était impérative compte tenu de la menace d’atteinte irrémédiable à son image en cas de poursuite du Protocole avec la société MyCO2, alors qu’elle 'ne pouvait poursuivre des relations d’affaires avec un partenaire ayant entretenu des liens avec les dirigeants d’une société mise en cause pour des faits d’escroqueries à la TVA sur le marché carbone français sur lequel’ elle 'occupe un rôle majeur'.

Cependant, le fait que M. [V] ait conseillé pendant quelques mois une société qui aurait commis des faits délictueux, auxquels il n’a pas pris part et dont il n’avait pas connaissance, ne pouvait causer à la société CDC Climat un préjudice irrémédiable du fait de l’atteinte à son image.

La société MyCO2 fait valoir à juste titre que la brutale réaction de la société CDC Climat et de son dirigeant pourrait s’expliquer par les critiques qui ont été adressées à la Caisse des Dépôts et Consignations et à certaines de ses filiales au sujet de leur responsabilité dans le développement de la fraude apparue sur le marché carbone, tel que cela est illustré par un article du journal Le Point du 28 octobre 2010 intitulé 'La cécité de la Caisse des Dépôts’ dans lequel est notamment écrit : 'Pourquoi la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), censée avoir un oeil sur le marché des droits à polluer, n’a-t-elle rien vu durant des années, ni la société Bluenext, l’une des plus importantes Bourses d’échange en quotas de CO2 et dont la CDC possède 40 % du capital’ Les douaniers ont entendu cet été plusieurs hauts dirigeants de la CDC, dont [E] [D], directeur de la branche 'climat', et vice-président de Bluenext.'

*sur les manquements contractuels de M [V] et de MyCO2 :

La CDC Climat reproche également à M. [V] et à la société MyCO2 d’avoir été en contravention avec leurs engagements contractuels prévus à l’article 3 du Protocole, à compter du 1er novembre 2010, en n’ayant pas procédé, comme ils s’y étaient engagés, à l’apport en nature par les 'Contributeurs’ de leurs droits (droits de propriété intellectuelle et de savoir-faire) sur les travaux préliminaires par le biais d’une souscription à l’augmentation du capital de la société MyCO2, alors que cet apport était, selon elle, une condition essentielle et déterminante de la poursuite du Projet.

Il convient tout d’abord d’observer que ce motif de rupture, qui existe depuis le 1er novembre 2010, n’a jamais été invoqué, ni avant la rupture du Protocole, ni dans la lettre de rupture du 27 décembre 2010, ce qui démontre que le manquement allégué n’a pas été à l’origine de la décision de mettre fin au Protocole. D’ailleurs, lors de la réunion du Comité de pilotage du 20 décembre 2010, qui a validé le 2ème livrable de l’étude, aucune observation n’a été faite sur le retard apporté à l’exécution de cette obligation contractuelle et 'les hypothèses et scénarii de Business plan proposés’ ont été acceptés.

En outre, la sanction d’un tel manquement à un engagement qui garantit le fait de tiers (les contributeurs) ne pourrait être que l’indemnisation du bénéficiaire de la promesse et non la rupture du Protocole. Au surplus, l’auteur de la promesse est M. [V], non partie à la présente procédure, et non la société MyCO2.

M. [V] et la société MyCO2 démontrent au demeurant que cette opération d’apport en nature à la société MyCO2 des droits des contributeurs sur les travaux préliminaires s’est avérée en pratique impossible à effectuer entre la signature du Protocole le 30 juillet 2010 et le 31 octobre 2010, ce qui résulte des mails échangés entre M. [V] et les représentants de la société CDC Climat, de la CDC, du cabinet d’expertise comptable RSM Bird et du cabinet d’avocat Vendôme.

Comme l’a justement remarqué le tribunal, les parties concernées ont travaillé sur une autre hypothèse, moins coûteuse et plus rapide, à savoir réaliser l’ensemble des apports (travaux préliminaires et études de faisabilité) à l’occasion d’une seule et unique augmentation de capital (une deuxième augmentation de capital était programmée à l’article 5.1 du contrat) de sorte qu’il n’est pas possible de considérer que cet ajustement au dispositif contractuel, par ailleurs favorable à la réalisation du Projet, puisse être assimilé à un manquement contractuel justifiant la rupture du Protocole par la société CDC Climat.

Sur la caducité du Protocole pour disparition de sa cause :

Selon la société CDC Climat, la cause de ses obligations résidait dans la possibilité d’une association avec M. [V], sous la forme d’une entrée au capital de la société MyCO2 qui est devenue exclue du fait de la découverte des liens de ce dernier avec la société IEF et ses dirigeants. Elle estime que, cette cause ayant disparu, le Protocole est devenu caduc.

Or, il a été expliqué ci-dessus que les liens qu’a pu avoir M [V] avec la société IEF et ses dirigeants ne s’opposaient nullement à la poursuite du Protocole, de sorte que sa cause n’avait pas disparu lorsque la société CDC Climat a fait le choix de prononcer sa rupture et que donc, le Protocole n’est pas devenu caduc.

Sur le préjudice subi par la société MyCO2 :

Dès lors que le Protocole n’est, ni nul, ni caduc, et que sa rupture est fautive dans la mesure où la société CDC Climat n’a pas démontré les manquements contractuels de M [V] et de MyCO2, n’a pas justifié de la légitimité de la perte de confiance envers M. [V] alléguée et n’a pas établi qu’elle était menacée d’un préjudice irrémédiable, il appartient à la société CDC Climat de réparer les conséquences de la rupture du contrat.

La société MyCO2 demande le paiement des sommes dues au titre du Livrable 2 ainsi que l’indemnisation de la perte de chance causée par la rupture du Protocole et des préjudices d’image qu’elle estime avoir subis.

*sur le règlement des sommes dues au titre du Livrable 2 :

Il est constant qu’au moment où est intervenue la rupture du Protocole, soit le 27 décembre 2010, le comité de pilotage, composé de M. [V] pour la société My CO2 et de MM. [P] et [S], respectivement directeur services aux marchés et chargé d’investissements pour la société CDC Climat, avait, dans sa séance du 20 décembre 2010, validé le Livrable 2.

Le compte rendu de ce comité de pilotage indique que M. [V] 'présente et remet en mains propres la version actualisée du Business Plan de MyCO2, qui constitue le 2ème livrable de l’étude', que 'le comité de pilotage prend acte de ce livrable, qui satisfait les personnes présentes’ et que M. [S] 'confirme que tout sera fait pour assurer le 2ème versement de 120.000 € HT prévu à MyCO2, dès les premiers jours de janvier, afin de couvrir les dépenses déjà engagées et assurer la pérennité de l’équipe'.

Ce compte-rendu, rédigé par M. [V], a été reçu par e-mail par les membres du comité de pilotage le 27 décembre 2010 et est réputé avoir été accepté puisqu’il n’a fait l’objet d’aucune critique dans un délai de sept jours calendaires à compter de sa réception comme le prévoit l’article 6.2 du Protocole.

La société CDC Climat ne peut sérieusement soutenir que, la résiliation étant intervenue avant la fin du délai de sept jours susvisé, les membres du comité ne pouvaient plus faire valoir leurs remarques, alors qu’elle ne peut se prévaloir de cette résiliation qui est intervenue irrégulièrement. Au demeurant, M. [D], qui ne représentait pas la société CDC Climat à la réunion du comité de pilotage, n’avait pas qualité pour dire si le document diffusé le 27 décembre 2010 constituait un compte rendu fidèle de cette réunion. En outre, il n’est produit dans le cadre de la présente procédure aucune attestation desdits membres qui viendrait remettre en cause le contenu de ce compte rendu.

La société CDC Climat fait également valoir que le règlement du Livrable 2 correspondrait au financement de l’étude pour la période allant du 1er janvier au 30 juin 2011, soit une avance pour l’avenir. Cependant, comme l’a justement relevé le tribunal, il n’est nullement indiqué dans le Protocole que les règlements à intervenir, après validation des livrables, étaient destinés à couvrir les dépenses du semestre à venir. Cette affirmation de la société CDC Climat est contredite par l’annexe 3 du Protocole, aux termes de laquelle le Livrable 1 recense les éléments recueillis par les travaux préliminaires servant de base à l’étude et présente les objectifs assignés à celle-ci, les trois Livrables suivants présentant chacun 'l’état d’avancement du travail sur les différents chantiers’ Elle est également contredite par le texte du compte rendu du 20 décembre 2010 aux termes duquel M. [S] confirme que tout sera fait pour assurer le 2ème versement 'afin de couvrir les dépenses déjà engagées'.

La société CDC Climat ne peut pas plus arguer de ce que le troisième livrable n’aurait pas donné toute satisfaction car il ne correspondrait pas au 'business plan’ qui devait être fourni par la société MyCO2. Cependant, le Livrable 2 est conforme aux prévisions de l’annexe 3 du Protocole puisqu’il prend la forme d’un document ppt (power point) et d’un document .xls, ce qui a également été constaté par le comité de pilotage lors de sa réunion du 20 décembre 2010. M. [D], lui-même, dans sa lettre de dénonciation du Protocole du 27 décembre 2010, se disait 'conscient de la qualité du travail réalisé jusqu’à aujourd’hui par les salariés de MyCO2" et proposait de poursuivre l’exécution du Protocole avec les équipes de cette société.

Le jugement dont appel doit donc être confirmé en ce qu’il a condamné la société CDC Climat à payer à la société MyCO2 la somme de 120.000 € HT, soit 143.520 € TTC au titre du livrable 2 avec les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 janvier 2011.

*sur la perte de chance de réaliser le Projet définitif :

La société MyCO2 estime que la rupture abusive du Protocole l’a privée de la chance de 'développer, à travers une prise de participation majoritaire de CDC Climat dans MyCO2, l’offre commerciale de MyCO2, d’abord en France puis à l’international', ce que l’exposé préalable du Protocole définit comme le 'Projet'. Elle demande, en réparation de ce préjudice, une somme de 3.286.000 € en se fondant sur un rapport d’expertise privé non contradictoire de M. [F], expert comptable du 31 juillet 2011.

M. [F] a valorisé la société MyCO2 à la somme de 4.057.000 €, tenant compte du fait que la société CDC Climat n’était pas encore entrée dans le capital de la société. Il a ensuite minoré cette valorisation en prenant en compte le fait que, lors de la rupture du Protocole, l’Etude n’avait pas été menée à son terme et n’avait pas définitivement établi la faisabilité du Projet. Il a également tenu compte de la probabilité de passage à la phase de réalisation à l’issue de la phase d’études.

Pour s’opposer à l’indemnisation de cette perte de chance, la société CDC Climat se fonde sur l’article 2 alinéa 3 du Protocole selon lequel, 'il est précisé que la signature du Protocole ne comporte aucun engagement de mettre en oeuvre le Projet mais traduit la seule volonté des parties d’étudier la faisabilité et la viabilité du Projet et de négocier de bonne foi'. Elle fait état de la faculté discrétionnaire dont elle disposait pour refuser de réaliser le Projet.

C’est à tort que la société CDC Climat se réfère à une jurisprudence qui considère que la perte d’une chance de réaliser les gains que permettait d’espérer la conclusion du contrat ne constitue pas un préjudice réparable au titre d’une rupture de pourparlers alors que cette jurisprudence concerne la responsabilité délictuelle qui peut résulter de la rupture des pourparlers et non, comme en l’espèce, la responsabilité contractuelle pouvant sanctionner la violation d’une convention.

Il est en effet certain, comme le soutient l’intimée, que si la société CDC Climat, tout comme la société MyCO2, avait la possibilité de renoncer à mettre en oeuvre le Projet, alors même que l’Etude en aurait montré la faisabilité, cette faculté ne pouvait être exercée avant que l’Etude n’ait été menée à son terme.

Si la décision de ne pas mettre en oeuvre le Projet ne peut pas, en tant que telle, être fautive, par contre, le fait de rompre de manière injustifiée la phase d’Etude, en contradiction avec les termes de l’article 8 du Protocole qui prévoit qu’il ne peut être résilié pendant la réalisation de l’Etude que par un accord mutuel entre les parties, a pour conséquence l’absence de négociation de bonne foi des suites à y apporter concernant la mise en oeuvre du Projet et pour corollaire une perte de chance pour la société MyCO2 d’aboutir à la réalisation du Projet.

Il existait en effet une sérieuse probabilité que la société CDC Climat décide d’investir dans la société MyCO2 si l’Etude concluait à la 'faisabilité’ du Projet, dès lors que ce Projet entrait dans son objet social, à savoir prendre des participations ou des intérêts de manière directe ou indirecte dans des sociétés intervenant dans le secteur de l’économie du changement climatique et de la finance environnementale et était conforme à sa mission, à savoir investir à long terme pour 'contribuer chaque année à réduire de 25 millions de tonnes les émissions de carbone'.

En outre, depuis la signature du Protocole, la société CDC Climat avait, par son comportement, démontré son souhait de mettre en oeuvre le Projet, en validant le choix de regrouper les deux augmentations de capital prévues au Protocole (l’une prévue pendant les Travaux Préliminaires, l’autre à l’issue de l’Etude) en une seule opération, en publiant conjointement avec la société MyCO2, en octobre 2010, sur les sites internet des deux parties, un communiqué informant les tiers de son soutien à l’entreprise MyCO2, en affirmant ce même soutien, par l’intermédiaire de son dirigeant, lors d’une interview vidéo du 16 décembre 2010, en communiquant les 8 et 9 décembre 2010 sur la nomination de M. [P] à un poste dédié au suivi des sociétés dans lesquelles elle a avait déjà une participation, dont 'la petite dernière MyCO2", en entreprenant les démarches auprès des 25 directions régionales de la CDC pour faire connaître la société MyCO2 et présenter son 'Outil’ qui serait commercialisé après l’Etude et, même lorsqu’elle a rompu le Protocole, proposant de continuer la réalisation 'd’un Projet qui s’avérait prometteur’ sans M. [V].

A partir du moment où l’Etude n’a pas été, de par la faute de la société CDC Climat, menée à son terme, il existe bien un dommage pour la société MyCO2 résultant de la perte de chance de réaliser les gains liés à la mise en oeuvre probable du Projet.

Pour autant, la projection effectuée par M. [F] ne peut en aucun cas être reprise pour l’évaluation de cette perte de chance car, d’une part, la valorisation retenue est hypothétique, d’autre part, il n’est pas acquis que l’Etude menée à son terme aurait établi 'la faisabilité du Projet’ et enfin parce qu’elle part du postulat que la phase d’Etude aurait forcément été suivie de la phase de la mise en oeuvre du Projet, la soi-disant prise en compte de la probabilité de passage à la phase de réalisation à l’issue de la phase d’études étant purement théorique, puisque cette probabilité a été évaluée à 90 %, ce qui correspond quasiment à une certitude qui n’existait pas en l’espèce.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient d’allouer à la société MyCO2 la somme de 1.000.000 € au titre de la perte de chance de réaliser le Projet définitif. Le jugement entrepris devra être réformé sur ce point.

*sur l’atteinte à l’image de MyCO2 et le préjudice commercial qui en serait résulté :

La société MyCO2 invoque deux préjudices d’image résultant pour elle de la rupture du Protocole, à savoir la perte de 'l’image très positive’ que son partenariat avec l’appelante lui avait donnée sur le 'marché de l’économie durable et du carbone', avec en contrepartie une 'image très négative’ sur ce marché, liée aux explications diffamatoires données par la société CDC Climat à propos de la rupture, qu’elle évalue à respectivement 500.000 € et 1.000.000 €.

La société CDC Climat, quant à elle, estime que, quand bien même la rupture du Protocole serait considérée comme fautive, cela ne justifierait pas la réparation d’un préjudice d’image dans la mesure où le fait générateur du préjudice allégué ne réside pas dans la résiliation elle-même mais dans la médiatisation qui a pu en être faite, cette médiatisation ne lui étant pas imputable et ne résultant pas de sa part d’une intention de nuire à la société MyCO2.

Aucune des deux parties n’a présenté en appel sur ce point un quelconque moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué, lequel repose sur des motifs pertinents, résultant d’une analyse correcte des éléments de la procédure, notamment des pièces contractuelles et de la juste application de la loi et des principes régissant la matière.

Il est effectivement constant que la société MyCO2, qui avait sur le marché de l’économie durable et du carbone l’image d’une 'start-up innovante et performante', comme l’avait affirmé M. [D] le 16 décembre 2010, reconnue par le ministère de l’écologie et du développement durable, ayant reçu plusieurs distinctions dans son domaine et soutenue par la CDC, s’est retrouvée, suite à la rupture brutale et fautive du Protocole, avec une image dégradée de 'partenaire incapable', avec un retentissement négatif particulièrement important dans l’environnement restreint des spécialistes des questions du carbone.

Si ce retentissement négatif a été amplifié par la médiatisation qui y a été apportée, telle qu’elle résulte des différents articles de presse produits par l’intimée, il n’est pas démontré que cette amplification serait imputable à la société CDC Climat, la société My CO2 ne pouvant se contenter sur ce point d’affirmer que 'tout indique que CDC Climat est à l’origine des informations divulguées par la presse'.

L’indemnisation allouée par le tribunal à la société MyCO2, sur le fondement contractuel du fait de la rupture abusive du Protocole, à hauteur de 750.000 €, en réparation du préjudice d’image, doit être confirmée.

Sur les autres demandes :

C’est à juste titre et par des motifs que la Cour adopte que les premiers juges ont ordonné à la société CDC Climat, sous astreinte de 2.000 € par jour de retard, de publier un communiqué dont le détail figure au dispositif du jugement dans deux numéros du quotidien 'Les Echos’ et deux numéros successifs de la Lettre Mensuelle 'L’Usine à GES'.

Il convient d’ajouter que le coût de ces publications ne devra pas dépasser la somme de 5.000 €.

Compte tenu des condamnations prononcées par le présent arrêt, la société CDC Climat doit être déboutée de sa demande de restitution à son profit de la somme de 923.520 € consignée par cette dernière entre les mains du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris le 26 avril 2012.

L’équité commande d’allouer à la société MyCO2 une indemnité de 30.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté la société MyCO2 de sa demande au titre de la perte de chance de réaliser le Projet définitif,

Statuant à nouveau sur ce point,

CONDAMMNE la société CDC Climat à payer à la société MyCO2 la somme de 1.000.000 € à titre de dommages et intérêts pour la perte de chance de réaliser le Projet définitif,

DEBOUTE les parties de leurs plus amples demandes,

Y ajoutant,

DIT que le coût des publications ordonnées ne devra pas dépasser la somme de 5.000 €,

CONDAMNE la société CDC Climat à payer à la société MyCO2 la somme de 30.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société CDC Climat aux dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Le GreffierLa Présidente

E. DAMAREYC. PERRIN

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 5, 21 février 2013, n° 12/05309