Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2013, n° 12/02480

  • Oeuvre·
  • Photographie·
  • Droits d'auteur·
  • Contrefaçon·
  • Artistes·
  • Droit patrimonial·
  • Exception de parodie·
  • Courte citation·
  • Tableau·
  • Atteinte

Chronologie de l’affaire

Commentaires2

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Village Justice · 17 avril 2018

Dans un précédent article consacré à la contrefaçon dans le domaine de l'art contemporain), nous nous interrogions sur la place de la liberté d'expression des artistes en matière d'œuvres transformatives, œuvres qui intègrent des éléments d'une œuvre première. Un arrêt rendu en 2015 par la Cour de cassation dans le cadre d'un litige opposant le photographe de mode Alix Malka au peintre Peter Klasen avait en effet suscité le trouble en exigeant des juges qu'ils justifient en quoi la recherche d'un juste équilibre entre droit d'auteur et liberté d'expression justifiait la condamnation pour …

 

CMS Bureau Francis Lefebvre · 28 octobre 2015

A l'origine de cette affaire, un photographe avait réalisé une série de trois clichés représentant un visage maquillé de femme qui avait été publiée, avec mention de son nom, dans un magazine de mode en 2005. Par la suite, l'intéressé avait constaté qu'un artiste peintre avait utilisé les trois visuels dans plusieurs de ses œuvres. Arguant d'une atteinte à ses droits d'auteur, il avait fait procéder à un constat d'huissier, puis à une saisie-contrefaçon, préalablement autorisée par un juge. Il avait ensuite introduit une action en dommages et intérêts pour contrefaçon de ses droits …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Paris, 18 sept. 2013, n° 12/02480
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/02480
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 30 janvier 2012, N° 10/02898

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRET DU 18 SEPTEMBRE 2013

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/02480

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Janvier 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 10/02898

APPELANT

Monsieur C D

XXX

XXX

Représenté par Me Sylvie CHARDIN (avocat au barreau de PARIS, toque : L0079)

assisté de Me Pascal NARBONI (avocat au barreau de PARIS, toque : E0700)

INTIME

Monsieur Y X

XXX

XXX

Représenté et assisté de Me Jean-marie GUILLOUX (avocat au barreau de PARIS, toque : G0818)

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 11 Juin 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre

Madame A B, Conseillère

Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude HOUDIN

ARRET :

— contradictoire

— rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président, et par Mme Marie-Claude HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

Vu le jugement contradictoire du 31 janvier 2012 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,

Vu l’appel interjeté le 9 février 2012 par C D,

Vu les dernières conclusions du 14 mai 2013 de l’appelant,

Vu les dernières conclusions du 29 avril 2013 de Y X, intimé et incidemment appelant,

Vu l’ordonnance de clôture du 28 mai 2013,

SUR CE, LA COUR,

Considérant qu’C D photographe de mode, a, notamment, réalisé trois photographies, représentant le visage maquillé d’une jeune femme, publiées avec mention de son nom en décembre 2005, sous l’intitulé GLAM & SHINE', dans la rubrique 'BELLEZZA’ d’une édition limitée du magazine italien 'flair';

Qu’ayant découvert que l’artiste peintre Y X avait intégré ses trois visuels dans plusieurs de ses oeuvres au mépris, selon lui, de ses droits de propriété intellectuelle, il a fait procéder à un constat d’huissier de justice sur divers sites internet le 2 novembre 2009 et, dûment autorisé par ordonnance présidentielle du 8 janvier 2010, à une saisie-contrefaçon le 22 janvier 2010 au domicile de Y X, lequel a reconnu avoir intégré et colorisé en bleu les photographies d’C D précisant ' les avoir trouvées dans un journal de mode’ ;

Qu’C D a, dans ces circonstances, fait assigner le 5 février 2010 Y X en contrefaçon de droits d’auteur ;

Considérant que, selon jugement dont appel, les premiers juges l’ont déclaré irrecevable en ses demandes, retenant que les photographies dont s’agit 'ne portent pas suffisamment l’empreinte de sa personnalité pour accéder à la protection par le droit d’auteur', et, 'à titre superfétatoire', que Y X 'est fondé à invoquer l’exception de parodie', déboutant ce dernier de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Considérant qu’C D, qui prétend être titulaire des droits de propriété incorporelle maintient que ces oeuvres relèvent de la protection au titre du droit d’auteur à raison de ses choix esthétiques arbitraires et ont été illicitement reproduites dans les oeuvres composites de Y X (sans autorisation, ni mention de son nom, ni paiement de droits, après recadrage et retouches modifiant notamment la couleur des visages) portant atteinte tant à son droit moral qu’à ses droits patrimoniaux ;

Considérant que Y X, qui revendique son adhésion au mouvement de la Figuration Narrative, reconnaît avoir extrait d’une revue, qui constituerait, selon lui, le 'symbole de la publicité et de la surconsommation', les trois photographies dont s’agit, mais soutient qu’elles relèveraient d’une simple prestation technique commanditée, sans marge de manoeuvre, avec des éléments imposés, sans apport original et ne seraient donc pas susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur ;

Qu’à titre subsidiaire, il oppose à nouveau l’exception de parodie, retenue en première instance, fondée sur un droit d’inspiration, et sollicite le bénéfice de la liberté d’expression consacrée par l’article 10 de la Convention Européenne des droits de l’Homme (CEDH) , d’une courte citation et d’une utilisation accessoire ;

Qu’en tout état de cause, il prétend qu’C D a cédé ses droits patrimoniaux à l’entreprise du même nom, qui n’est pas en cause, qu’il est de bonne foi, qu’enfin les demandes seraient disproportionnées et la procédure d’appel 'manifestement abusive’ ;

Sur la titularité des droits patrimoniaux

Considérant qu’il est soutenu qu’C D n’aurait pas qualité à agir au titre des droits patrimoniaux lesquels auraient été cédés à une personne morale ayant pour identifiant SIREN le n° 478 014 236 et pour identifiant SIRET le n° 478 014 236 00028 ;

Mais considérant que l’appelant justifie que l’établissement inscrit sous ces identifiants au répertoire SIRENE, pour des activités phonographiques, est une entreprise individuelle ne possédant pas de personnalité juridique distincte de la sienne ;

Que le moyen opposé sur ce point ne saurait en conséquence prospérer ;

Sur la protection au titre du droit d’auteur

Considérant que le principe de la protection d’une oeuvre, sans formalité, du seul fait de la création d’une forme originale, n’est pas discuté ;

Qu’il incombe toutefois, à celui qui entend se prévaloir de droits d’auteur, de caractériser l’originalité de cette création, l’action en contrefaçon étant subordonnée à la condition que la création, objet de cette action, soit une oeuvre de l’esprit protégeable au sens de la loi, c’est à dire originale ;

Considérant qu’C D rappelle à juste titre que s’inspirer d’un genre ou utiliser des éléments connus n’exclut pas nécessairement le caractère original de l’oeuvre et qu’à supposer que les trois photographies en cause relèvent de la publicité, ce qu’il conteste, elles n’en demeureraient pas moins protégeables dès lors qu’elles seraient originales ;

Qu’à cet égard, il soutient que leur originalité procéderait d’un agencement spécifique et d’une combinaison de choix personnels, non imposés, de modèle, de composition, de cadrage, de pose, d’angle de prise de vue, d’éclairage et de couleurs, détaillés dans ses écritures (p 11 à 19) ;

Considérant que pour contester l’originalité prétendue de ces visuels Y X fait valoir qu’ils s’inscriraient dans un genre photographique et produit en particulier une 'recherche iconographique sur le genre glamour’ (pièce 3), un extrait du magazine ELLE du 18 mars 2011 et diverses 'publicités cosmétiques’ (pièces 22-1 à 22-52) ;

Mais considérant qu’il ressort de l’examen auquel la Cour s’est livrée, que les visuels ou publicités ainsi produits ne sont pas datés, proviennent de recherches postérieures aux faits reprochés (un des clichés revendiqué étant d’ailleurs inclus en pièce 3) ou sont postérieurs à ces faits, et s’avèrent ainsi dénués de pertinence au regard de la date, antérieure, de publication des photographies opposées ;

Qu’ils démontrent toutefois la grande diversité des effets visuels possibles, mettant en évidence des lèvres, yeux, ou visages féminins maquillés attirants ; que par ailleurs les premiers juges ont pertinemment relevé qu’il n’était nullement démontré qu’un cahier des charges ou charte rédactionnelle aient été soumis au photographe ;

Considérant qu’en réalité aucun élément ne permet de retenir qu’C D ne disposait pas d’une marge de manoeuvre suffisante à sa créativité pour la réalisation de ses 3 photographies, même si chacune d’elle permet de vanter le mérite d’une marque différente de produits cosmétiques ;

Considérant que si des éléments qui composent ces clichés sont manifestement connus (notamment cadre serré, effets de brillance et de clair obscur) ou, que pris séparément, ils sont susceptibles d’appartenir au fonds commun de l’univers de la photographie dite 'glamour’ (le terme désignant selon la définition produite en pièce 42 par l’appelant 'ce qui est empreint de charme sophistiqué, de sensualité et d’éclat'), en revanche, leur combinaison telle que revendiquée, dès lors que l’appréciation de la Cour doit s’effectuer de manière globale, en fonction de l’aspect d’ensemble produit par l’agencement des différents éléments et non par l’examen de chacun d’eux pris individuellement, confère à ces photographies une physionomie propre qui les distingue des autres photographies du même genre ;

Que ces photographies donnent globalement l’impression qu’émerge de chacune d’elle, en oblique, et au sein d’une abondante chevelure sombre, bouclée, un visage très pâle où les seules touches de vives couleurs s’avèrent comme mises en évidence de manière excessive ; que l’attention est attirée soit sur les lèvres maquillées du mannequin aux yeux clos évoquant le sommeil (clichés 1 et 3), soit sur son regard en coin, fixe, s’imposant quoique les yeux soient à peine entrouverts (cliché2) du fait de l’angle de prise de vue souligné par le positionnement sur le visage de partie de doigts clairs aux ongles rouge apparaissant sortir de la chevelure ;

Que les choix ainsi opérés traduisent, au-delà du savoir faire d’un professionnel de la photographie contribuant à valoriser des produits du commerce dans une revue de mode, un réel parti-pris esthétique empreint de la personnalité de leur auteur ;

Que, par voie de conséquence, les photographies en cause sont dignes d’accéder à la protection instituée au titre du droit d’auteur, et la décision ne peut qu’être infirmée sur ce point ;

Sur les exceptions opposées

Considérant qu’il est admis que Y X a utilisé dans plusieurs des oeuvres qu’il a réalisées et divulguées les photographies d’C D telles que publiées en décembre 2005 en les adaptant, incorporant ainsi, en fait, des oeuvres premières sans le consentement de leur auteur ;

Qu’il conteste toutefois avoir porté atteinte aux droits de l’auteur desdites oeuvres invoquant le principe fondamental de la liberté d’expression garanti par la CEDH, l’exception de parodie, le droit de citation et un prétendu caractère accessoire de l’utilisation réalisée ;

Considérant que l’exercice de la liberté d’expression artistique est cependant susceptible d’être limité pour protéger d’autres droits individuels et la reprise de visuels qu’un auteur entendrait contester à travers sa propre création ne saurait raisonnablement lui permettre d’occulter les droits de l’auteur de ces visuels ;

Qu’en fait l’intimé revendique des droits d’auteur sur des oeuvres, mais la recherche d’un juste équilibre entre les intérêts en présence ne peut permettre l’exercice de ces droits au mépris des droits d’autrui attachés aux oeuvres premières ; que les droits sur des oeuvres arguées de contrefaçon ne sauraient en effet, faute d’intérêt supérieur, l’emporter sur ceux des oeuvres dont celles-ci sont dérivées, sauf à méconnaître le droit à la protection des droits d’autrui en matière de création artistique ; que le moyen de ce chef ne saurait en conséquence prospérer ;

Considérant que, certes, la liberté de parodie justifie d’examiner l’atteinte qui résulterait de la protection des oeuvres premières au droit d’un artiste de recourir à ce mode d’expression ;

Qu’à cet égard, Y X soutient (p 17 de ses écritures) que le but poursuivi était d’utiliser des images publicitaires en les modifiant afin de provoquer > ;

Considérant toutefois que l’examen comparatif auquel la cour s’est livrée des photographies d’C D publiées sous son nom et les reproductions des oeuvres de Y X produites aux débats (figurées en p 22 à 32 des conclusions de l’appelant) incluant manifestement les visuels en cause, même si l’oeuvre 24 ne reproduit que le bas du visage féminin photographié en le positionnant différemment, révèle que Y X a :

— recadré les clichés d’C D, ne montrant plus la large chevelure du mannequin mais le seul visage féminin, expression de l’oeuvre première repris tel quel, seules les couleurs du maquillage apparaissant alors accentuées, ou colorisé en bleu, seule la bouche conservant en ce cas sa couleur, le rouge des lèvres apparaissant accentué ;

— inclus une des photographies (le plus souvent le visuel 2) ainsi retravaillée dans une série d’oeuvres, le visage représenté apparaissant ainsi (surtout pour les visuels 2 et 3) comme une icone omniprésente, associée le plus souvent à des éléments de représentation industrielle (notamment de machines ou autos) montrant généralement des logos, inflammable ou haute tension, ou des panneaux tel celui d’arrêt, certaines des oeuvres incriminées étant d’ailleurs dénommées, selon les procès verbaux de constat et saisie, 'Arrêt', 'Blue Face/Red Machine/Hight Voltage’ 'The Blue Face/Hight Voltage 84« 'Lady in Blue Inflammable A7 » mentionnée dans les procès-verbaux de constat et de saisie ;

Que si ces réalisations sont l’oeuvre d’un artiste connu pour transformer des images comme symboles du goût d’une société pour le confronter à d’autre images qu’elle ne voudrait pas voir, les utilisations litigieuses ne suffisent pas à caractériser l’existence d’une démarche artistique relevant de la parodie alors que Y X a en fait conservé les représentations du visage du mannequin dans une pose inchangée, sans la priver de leur impact attirant voulu par son auteur, les confrontant seulement à d’autres représentations décalées, généralement d’objets, permettant de s’interroger sur la pertinence de l’attraction induite par l’oeuvre première ; que cette impression demeure dans les quelques oeuvres incriminées qui associent le visage photographié par C D à d’autres, y compris dans une oeuvre y ajoutant des représentations de corps féminins dénudés ;

Qu’au demeurant, Y X indiquait lui-même dans un entretien publié en 2008 (p 313) dans un ouvrage qu’il produit en pièce 24 avoir > ;

Que si une telle démarche peut s’inscrire dans l’appropriation de l’oeuvre d’autrui, comme une constante reliant plusieurs oeuvres de Y X incitant à la réflexion, ces oeuvres ne permettent pas d’identifier une parodie ou dérision des oeuvres premières au sens de l’article L 122-5 4° du Code de la propriété intellectuelle, mais apparaissent comme une simple utilisation, non autorisée, des photographies d’C D ;

Que, dans ces conditions, c’est à tort que les premiers juges ont admis que Y X était fondé à invoquer l’exception de parodie ;

Considérant que cet artiste ne saurait pas plus valablement invoquer un droit de courte citation alors que les photographies utilisées occupent une place non négligeable dans les oeuvres litigieuses, le pourcentage du visuel utilisé s’établissant au demeurant selon le tableau récapitulatif de l’intimé (pièce 10, concernant 21 oeuvres incriminées) entre 20 et 56% de l’oeuvre seconde, sauf pour deux d’entre elles (oeuvres 10 et 12) où il se limiterait à 3% ; que la cour constate que les photographies ainsi employées attirent immédiatement l’attention, y compris dans les oeuvres où leur représentation est réduite, leur couleur contrastée ou place inattendue montrant qu’il s’agit d’un élément important de la composition voulue par Y X ;

Que par ailleurs celui-ci serait mal fondé à se prévaloir de la non reprise de certains des éléments figurant dans les photographies d’C D (chevelure et tout ou partie des doigts) alors que la représentation très caractéristique du visage tel que photographié demeure, et a manifestement été choisie du fait de l’impression singulière qu’elle produit, ce qui exclut que de telles reproductions puissent être considérées comme de courtes citations ;

Qu’il ne peut pas plus être retenu que les images ainsi employées présenteraient un caractère accessoire s’agissant au contraire de l’utilisation de visuels pris pour ce qu’ils traduisent afin de les confronter à d’autres éléments et poursuivre ainsi, selon l’artiste peintre, une critique de la société de consommation ;

Considérant qu’en définitive aucune des exception opposées, nécessairement d’interprétation restrictive, ne saurait s’appliquer en l’espèce ;

Sur la contrefaçon et les mesures réparatrices

Considérant qu’il est établi que les photographies en cause ont été utilisées sans autorisation de leur auteur ;

Considérant que l’intimé soutient que seuls 21 tableaux seraient en réalité en cause et que le constat d’huissier démontre la présence dans son atelier de 11 tableaux établissant ainsi les ventes à 10 tableaux ;

Que certes l’oeuvre répertoriée n°23 apparaît n’être qu’un détail de l’oeuvre 22 et l’oeuvre 13 paraît faire doublon avec l’oeuvre 19 ; que toutefois l’intimé n’a pas inclus dans son tableau récapitulatif précité l’oeuvre 25 intitulée voiture customisée, qui reproduit sur une portière d’un véhicule le visage caractéristique photographié par C D, ni l’oeuvre 24 précédemment évoquée, qui certes ne montre que le bas d’un visage féminin (nez et bouche) tourné vers le haut (et non légèrement penché vers l’avant comme photographié) mais qui demeure parfaitement identifiable et présente suffisamment d’éléments caractéristiques pour constituer une contrefaçon de la photographie n° 3 d’C D;

Qu’ainsi il doit être retenue que 23 tableaux distincts s’avèrent reproduire partie d’une des trois oeuvres premières opposées, étant observé que si Y X a pu indiquer lors de la saisie 'je pense avoir utilisé des photographies dans une trentaine de tableaux', cette appréciation, faite sur un mode non certain dans le contexte d’une saisie, n’est confortée par aucun autre élément ;

Qu’il en résulte que la contrefaçon définie à l’article L 122-4 du Code de la propriété intellectuelle, par la représentation ou la reproduction intégrale ou partielle de l’oeuvre faite sans le consentement de l’auteur est caractérisée à la charge de Y X pour 23 oeuvres ;

Qu’il sera rappelé que la bonne foi est inopérante en la matière, étant au surplus relevé que Y X en sa qualité d’artiste, averti de l’art ainsi que relevé par l’appelant, qui prétend choisir des clichés comme emblématiques de notre société ou pouvant symboliser le goût collectif, ne peut sérieusement ignorer que de tels clichés sont susceptibles de relever du droit d’auteur, a fortiori lorsqu’ils ont été publiés comme en l’espèce avec mention du nom de leur auteur ;

Considérant qu’C D demande une somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à ses droits patrimoniaux et de 200.000 euros pour l’atteinte à son droit moral, et ce, avec intérêts au taux légal et anatocisme à compter de l’assignation ;

Considérant que l’article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que « Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l’atteinte », étant observé que ces dispositions n’imposent pas au juge de détailler, pour chacun de ces éléments, la fraction du préjudice total qu’il représente et n’interdisent pas une évaluation globale ;

Considérant que l’appelant fait valoir que :

— les oeuvres litigieuses ont été reproduites dans au moins 4 publications et 3 ouvrages, exposées à plusieurs reprises, reproduites dans au moins 7 sites internet et que la valeur de chacune des oeuvres litigieuses de Y X s’établirait en moyenne à 16.000 euros selon ses déclarations lors de la saisie,

— une condamnation limitée à la seule redevance qui serait due, s’il avait sollicité son autorisation, ou au seul bénéfice réalisé ne prendrait pas en compte l’impact réel et global de la contrefaçon ;

Que cependant toutes les oeuvres en cause n’apparaissent pas avoir nécessairement été reproduites dans les publications, ouvrages ou sites internet invoqués et le prix moyen avancé correspond en fait selon les déclarations de l’artiste lors de la saisie au prix proposé en galerie et non à sa part qui se limiterait à 30% ;

Que selon le tableau qu’il verse aux débats Y X aurait perçu un prix net de vente HT total de 51.118 euros pour les 11 oeuvres qu’il indique avoir vendues, son bénéfice net s’établissant à 24.025 euros compte tenu du prix de revient, même s’il fait valoir que le pourcentage de l’oeuvre première utilisée réduirait le bénéfice induit par l’utilisation reprochée à 6.730 euros, et que la facturation des 3 oeuvres premières par C D serait fort modique, étant précisé qu’elle s’établit, selon pièce produite par l’appelant, à 2.250 dollars ;

Considérant que les agissements de l’intimé ont par ailleurs incontestablement porté atteinte au droit à la paternité et respect des oeuvres d’C D dont le nom n’apparaît d’aucune manière et dont les photographies ont fait l’objet de recadrage et modification de couleurs sans son accord ;

Considérant qu’en définitive la cour dispose d’éléments suffisants d’appréciation pour fixer les dommages et intérêts à une somme totale de 50.000 euros, qui s’avère, eu égard aux circonstances de l’espèce, de nature à raisonnablement indemniser et de manière proportionnée tant les atteintes aux droits patrimoniaux que celles au droit moral subies par C D ;

Que le montant de la condamnation ainsi prononcée portera intérêts à compter du présent arrêt, qui fixe la créance indemnitaire, et leur capitalisation sera ordonnée dans les conditions de l’article 1154 du Code Civil ;

Considérant que l’appelante sollicite en outre la confiscation aux fins de destruction des oeuvres secondes sous astreinte ; que toutefois une telle mesure s’avère disproportionnée ; que de même la mesure de publication de la présente décision, demandée sur 5 supports papier et en ligne sur la page d’accueil du site internet de Y X, ne s’avère pas appropriée en la cause ;

Sur les autres demandes

Considérant qu’il s’infère du sens de l’arrêt que l’appel ne présente aucun caractère abusif qui ouvrirait droit à indemnité compensatoire ; qu’il convient donc de débouter l’intimé de ce chef ;

Considérant qu’il est équitable d’allouer à l’appelant une somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ; que l’intimé, partie perdante tenue à paiement, sera condamné au paiement des dépens de première instance et d’appel, étant précisé que ceux-ci ne sauraient inclure que les débours tarifés des opérations judiciairement autorisées, savoir celles de saisie contrefaçon à l’exclusion de celles de constat dont le coût relève des frais irrépétibles par ailleurs pris en compte ;

PAR CES MOTIFS,

Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a débouté Y X de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

Déclare C D recevable en ses demandes sur le fondement du droit d’auteur,

Condamne Y X à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des atteintes à ses droits patrimoniaux et à son droit moral d’auteur et ordonne la capitalisation des intérêts au taux légal dus à compter du présent arrêt, dans les conditions fixées par l’article 1154 du Code Civil ;

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;

Condamne Y X aux dépens de première instance et d’appel, qui incluront les frais taxés de saisie contrefaçon du 22 janvier 2010, et qui pour les dépens d’appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu’à verser à C D une somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2013, n° 12/02480