Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 21 juin 2013, n° 10/08903

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 8, 21 juin 2013, n° 10/08903
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 10/08903
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Créteil, 6 septembre 2010, N° 09/00195

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRÊT DU 21 Juin 2013

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 10/08903 – JS

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Septembre 2010 par le conseil de prud’hommes de CRETEIL section encadrement RG n° 09/00195

APPELANTE

Madame Y X

XXX

XXX

représentée par Me Kossi AMAVI, avocat au barreau de VAL DE MARNE, toque : PC092

INTIMEE

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Pascal GASTEBOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : R188 substitué par Me Julia MOHAMED, avocat au barreau de PARIS, toque : R188

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Mai 2012, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Julien SENEL, Vice-Président placé, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 22 mars 2012

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Y X a été embauchée par la société Saturn 6 Ivry le 1er juillet 2008 en qualité de responsable de caisse, avec reprise d’ancienneté au 5 septembre 2001, suivant contrat à durée indéterminée, moyennant une rémunération brute de 2500€ par mois.

Après avoir été convoquée le 19 novembre 2008 à un entretien préalable fixé et tenu le 26 novembre 2008, Y X a été licenciée le 18 décembre 2008 pour faute grave.

Contestant son licenciement et ne s’estimant pas remplie de ses droits, Y X a, le 22 janvier 2009, saisi le Conseil de Prud’hommes de Créteil lequel, par jugement du 7 septembre 2010, a notamment dit qu’il n’y avait pas nullité du licenciement et qu’il était fondé sur une cause réelle et sérieuse, et condamné la société Saturn 6 Ivry à verser à Y X une indemnité de préavis, les congés payés afférents, un rappel de salaire de novembre 2008, les congés payés afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement, un remboursement de notes de frais et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des commerces et services de l’audiovisuel, de l’électronique et de l’équipement.

L’entreprise occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Régulièrement appelante, Y X demande à la cour de la recevoir en son appel et l’y dire au surplus bien fondée ; juger que la rupture de son contrat de travail est imputable à l’employeur et qu’à ce titre, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; réformer le jugement partiellement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ; le confirmer pour le surplus ; donc condamner la SAS SATURN 6 à lui payer la somme de 32 388,88€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse en application de l’article L1235-2 du code du travail et la somme de 10796,126€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire outre 2500€ en application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

La société Saturn 6 Ivry demande à la cour de :

— sur le licenciement, juger qu’il repose sur une faute grave, donc infirmer le jugement entrepris de ce chef et débouter Madame X de l’ensemble de ses demandes ; subsidiairement, juger que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, donc confirmer le jugement entrepris en ce sens, et débouter Madame X de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; à titre infiniment subsidiaire, si la Cour ne retient pas la cause réelle et sérieuse, juger que Madame X ne rapporte pas la preuve du préjudice qu’elle invoque permettant de lui allouer une indemnité au-delà des 6 mois de salaires prévus par l’article L.1235-3 du code du travail, donc limiter à son minimum l’éventuelle indemnité qui pourrait lui être allouée, soit la somme de 16.194 Euros bruts,

— sur le préjudice distinct invoqué, juger qu’elle n’en rapporte pas la preuve, ni celle d’une faute de la société SATURN IVRY et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice, donc confirmer le jugement de ce chef, et débouter Madame X de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

— sur les frais professionnels, juger que Madame X ne rapporte pas la preuve de ceux dont elle demande le remboursement pour un montant de 2.135,38 Euros, donc infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société SATURN IVRY à payer la somme de 2.135,38 Euros, limiter la somme due à ce titre à 227,78 Euros, juger que les documents de fin de contrats ont été remis à Madame X, donc la débouter de sa demande de remise de documents sous astreinte,

— débouter Madame X de toutes ses autres demandes plus amples ou contraires,

— juger qu’elle devra rembourser à la société SATURN IVRY la somme de 14.612,36 Euros perçue au titre de l’exécution provisoire,

— la condamner à verser à la société SATURN IVRY la somme de 2.000 Euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d’appel.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l’audience des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement :

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En l’espèce, la lettre de licenciement, dont la motivation fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :

« … nous vous informons que nous avons pris la décision de procéder à la rupture de votre contrat de travail pour faute grave.

Cette sanction est motivée par les éléments suivants :

Responsable des caisses, vous aviez en charge l’application des différentes procédures liées à la gestion de la trésorerie. Or, et malgré votre expérience passé au même poste, il s’avère que de nombreuses procédures n’étaient pas respectées.

Ainsi, vous avez effectué des prélèvements d’espèces supérieurs à 2000€.

Alors que les prélèvements devaient être tout de suite mis dans le coffre de remise en banque, vous avez déposé régulièrement ceux-ci dans un coffre à monnaie qui n’est absolument pas prévu à cet effet.

Vous n’avez pas fait le rapprochement entre les remises en banque d’espèce et les comptages qui ont été faits par notre société de convoyeur de fonds. Ceci a engendré un risque important de perte de fonds et ne nous a pas permis de repérer rapidement les disparitions de pochettes.

Le 5 septembre, vous avez laissé sur la table de comptage plusieurs pochettes d’argent liquide, pour un montant approximatif de 50000€ sans surveillance pendant 2 heures. Ceci représente un risque majeur pour l’entreprise.

De par votre expérience, vous aviez pour mission de former l’ensemble de l’équipe caisse. Or, après plusieurs mois de fonctionnement, les superviseurs caisses n’étaient pas encore en mesure d’occuper leur poste et les hôtes et hôtesses de caisse présentaient des lacunes importantes dans la tenue de leur fonction.

Cette non application des procédures ont eu pour conséquence la disparition de 9 pochettes d’espèces pour un montant global de 560006 sur les journée des 24 juillet, 1er août, 2 août, 23 août, 29 août, 30août, 3 septembre et 4 septembre 2008.

En tant que Responsable de caisse, vous êtes la garante de l’application des procédures de gestion des fonds. Le manque de rigueur dont vous avez fait preuve ont engendré des pertes importantes pour l’entreprise et mis enjeu la sécurité des personnes.

Aucune des explications que vous avez donné ne nous ont pas permis de comprendre de telles négligences. Par conséquent, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible.

La rupture de votre contrat de travail prend donc effet à la date d’envoi de cette lettre et ne donnera lieu ni à préavis ni à indemnité de licenciement. »

L’employeur reproche donc à la salariée plusieurs griefs en qualité de responsable de caisse, qu’elle conteste.

C’est vainement que la salariée rétorque que les procédures visées par l’employeur n’auraient pas été validées avec ses supérieurs hiérarchiques dès lors qu’il résulte de l’attestation de A B, responsable organisation, que ces procédures étaient en ligne, qu’elles s’appliquaient à l’ensemble des magasins du groupe et en particulier à celui d’Ivry, et qu’elles pouvaient librement être consultées grâce aux postes informatiques mis à leur disposition.

Si, selon l’attestation de Kittysay Pholvichith, responsable administratif, il a pu effectivement être reproché à Y X au regard notamment de ses fonctions consistant pour l’essentiel à encadrer les équipes de caisse, de ne pas avoir respecté les procédures en vigueur et d’avoir également commis des négligences en ne vidant pas immédiatement les pochettes d’espèces dans le coffre placé dans son bureau, il n’est en revanche nullement démontré que postérieurement à l’enquête menée début septembre 2008 et à l’audit du 15 septembre suivant, la salariée à laquelle jusqu’alors aucun reproche n’avait été fait, a fait preuve d’un manque de rigueur dans l’exercice de sa mission.

Il en résulte que les défaillances de la salariée, pour réelles qu’elles aient été, ne suffisent pas à caractériser une cause sérieuse de nature à fonder un licenciement pour faute grave ni même pour tout autre motif personnel.

Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse; cette situation ouvre droit au paiement des indemnités suivantes :

—  27000€ d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu notamment de l’ancienneté supérieure à 2 ans de la salariée, de sa rémunération au moment de la rupture et des conséquences financières générées par la perte de son emploi, en application de l’article L 1235-3 du code du travail ;

—  3932,81€ à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

—  7827,21€ à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents.

Il convient en outre de lui allouer la somme de 1500€ à titre de dommages et intérêts compte tenu du préjudice subi du fait du caractère vexatoire de son licenciement au regard notamment de son ancienneté ainsi que la somme de 989,64€ à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied, injustifiée, outre 98,96€ de congés payés afférents.

Sur les notes de frais de 2008

Y X est fondée à obtenir uniquement le remboursement de la somme de 228,19€ au regard des justificatifs qu’elle a produits, au titre de ses frais de déplacement.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Saturn 6 Ivry, laquelle versera à Y X la somme de 1500€ à ce titre en cause d’appel et supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Infirme la décision attaquée sauf en ce qu’elle a condamné la société Saturn 6 Ivry à verser à Y X les sommes suivantes :

—  7827,21€ d’indemnité de préavis, et 782,72€ de congés payés afférents,

—  989,64€ de rappel de salaire de novembre 2008, et 98,96€ de congés payés afférents,

—  3932,81€ d’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  1000€ d’ indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau pour le surplus et y a ajoutant:

Dit que le licenciement de Y X est sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Saturn 6 Ivry à payer à Y X:

—  228,19€ au titre des frais professionnels,

—  27000€ de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  1500€ de dommages et intérêts pour procédure vexatoire de licenciement,

—  1500€ au titre des frais irrépétibles d’appel ;

Dit que les sommes de nature salariale produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Saturn 6 Ivry de la convocation devant le bureau de jugement et que les autres sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Ordonne le remboursement par la société Saturn 6 Ivry à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à Y X à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois ;

Ordonne à la société Saturn 6 Ivry de remettre à Y X des bulletins de salaire et une attestation destinée à Pôle emploi conformes au présent arrêt ;

Condamne la société Saturn 6 Ivry aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 21 juin 2013, n° 10/08903