Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 5, 21 novembre 2013, n° 12/06795

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 ch. 5, 21 nov. 2013, n° 12/06795
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/06795
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 15 mars 2012, N° 11/03578
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRÊT DU 21 Novembre 2013

(n° 7 , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 12/06795

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Mars 2012 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – Section encadrement – RG n° 11/03578

APPELANT

Monsieur [J] [C]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Judith FRANK, avocat au barreau de PARIS, toque : C0244

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/042966 du 21/09/2012 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉE

SA ALLIANZ G.I. FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Alexandra LANCE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le17 octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Renaud BLANQUART, Président

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Anne MÉNARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— signé par Monsieur Renaud BLANQUART, Président et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [J] [C], qui avait été engagé le 18 juin 2001 en qualité de comptable OPCVM au sein de la société AGF et repris en 2005 par la société AGF Asset Management, aujourd’hui Allianz Global Investors France, a été licencié le 5 mars 2009. Son dernier salaire brut mensuel était de 2900 €.

Le 16 mars 2009, les parties ont signé un accord transactionnel aux termes duquel M.[C] a reçu une indemnité représentant 19 mois de salaire.

Le 22 février 2011, M. [C] a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir l’annulation de la transaction, sa réintégration, et le paiement d’un rappel de salaire jusqu’au jour de sa réintégration et, à titre subsidiaire, de diverses indemnités au titre de la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du 16 mars 2012 notifié le 25 juin, le Conseil de prud’hommes de Paris a déclaré sa demande irrecevable.

M. [C] a interjeté appel de cette décision le 3 juillet 2012.

Assisté de son avocat à l’audience du 17 octobre 2013, il demande à la Cour d’infirmer le jugement entrepris et de dire nulle la transaction du 16 mars 2009, ordonner la compensation entre les sommes perçues au titre de la transaction et celles allouées, annuler le licenciement, ordonner sa réintégration avec maintien de ses avantages acquis, condamner la société à lui payer la somme de 123580 € à titre de rappel de salaire du 5 juin 2009 au 30 septembre 2013, et, à titre subsidiaire, celles de :

—  150000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

—  30000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral

—  12489,79 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement

—  552,38 € à titre de rappel de salaire du 1er au 5 juin 2009

—  9745,32 € à titre de rappel de congés payés

—  975,77 € à titre d’indemnité de congés payés sur préavis.

Il expose qu’ayant rencontré des difficultés avec certains membres du personnel et, plus particulièrement, son responsable hiérarchique, des échanges ont eu lieu pour organiser son départ de l’entreprise et, une fois l’accord prévu, la société l’a informé de sa volonté de le changer d’équipe et, à la suite de son refus, a mis en oeuvre la procédure de licenciement. Il soutient que la transaction signée ensuite entre les parties est nulle en raison de son absence de consentement libre et éclairé, puisqu’il était dépressif, sous pression de ses supérieurs hiérarchiques, et que les négociations ont eu lieu alors qu’il était encore salarié de l’entreprise. Il allègue, en outre, que son licenciement a, en réalité, un motif économique, son poste ayant été supprimé en raison de la fusion de 14 fonds obligataires et des licenciements économiques étant intervenus en 2012 et 2013, si bien que son licenciement pour motif personnel constitue une fraude aux dispositions d’ordre public qui entraîne sa nullité et donc celle de la transaction. Il estime, également que son licenciement a pour véritable motif sa dénonciation d’agissements de harcèlement moral et est donc nul, ainsi que la transaction consécutive. Enfin, il considère qu’il a été licencié en raison de son état de santé, ce qui rend également nul son licenciement en vertu de l’article L.1132-4 du Code du travail. Il soutient, donc, avoir été victime d’un montage juridique destiné à mettre fin à la relation de travail.

Réprésentée par son Conseil, la société Allianz Global Investor France a, à l’audience du 17 octobre 2013 développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles, elle demande, pour sa part, à la Cour de confirmer le jugement entrepris en constatant la validité du protocole transactionnel du 16 mars 2009 et en déclarant irrecevables les demandes de M. [C], et à titre subsidiaire, de le condamner à lui rembourser l’indemnité transactionnelle de 53987,15 € et de le débouter de l’intégralité de ses demandes.

Elle expose qu’après avoir été alertée, en janvier 2008, par M. [C] de faits de harcèlement dont il considérait être victime, elle l’a reçu à plusieurs reprises, a réuni le comité d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail, et a fait réaliser une enquête interne dont le rapport a conclu à l’absence de harcèlement, tout comme l’Inspection du travail, saisie par le salarié. Ayant demandé à M. [C] de changer d’équipe, celui-ci s’est fait conseiller par un avocat et c’est , donc, parfaitement éclairé des conséquences de sa décision qu’il a refusé le changement proposé qui a justifié son licenciement. Elle soutient que, par application de l’article 2052 du Code civil, la transaction, qui a été conclue plus de dix jours après la notification du licenciement, rend irrecevables les demandes formulées puisqu’elle avait pour objet de mettre fin à la fois, à la contestation du salarié des conditions d’exécution de son contrat de travail dans le cadre de sa dénonciation de harcèlement et à la contestation de son licenciement. Elle considère que la transaction est parfaitement valable dès lors qu’elle a été conclue alors que le salarié avait parfaitement connaissance des motifs de la rupture lui permettant de les discuter, même si des négociations avaient eu lieu antérieurement en raison du litige relatif au harcèlement dont il se plaignait. Elle soutient, également, que le consentement de M. [C] n’a aucunement été vicié, l’intéressé ayant, d’ailleurs, été déclaré apte à son poste lors de sa visite de reprise le 15 décembre 2008 sans aucune réserve et ayant signé la transaction deux mois après les prétendues pressions qu’il invoque. Elle souligne, à cet égard, qu’il résulte des pièces produites par le salarié que celui-ci s’est fait assister par un avocat pendant toute cette période et que le chèque, a d’ailleurs, été versé sur un compte Carpa. A titre subsidiaire, elle conteste l’existence d’agissements de harcèlement moral à l’appui desquels l’appelant ne produit aucun élément de fait, hormis des certificats médicaux et indique que le motif du licenciement était parfaitement réel, un autre salarié ayant dû être affecté au poste qu’il a refusé, du fait de la réorganisation rendue nécessaire par le départ d’un salarié et la réorganisation de fonds. Elle conteste, enfin, tant la demande de réintégration que le quantum des indemnités réclamées, celle au titre du licenciement équivalent à 50 mois de salaire.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l’audience des débats.

MOTIFS

Considérant qu’il résulte des pièces produites au dossier que M. [C] a été licencié par lettre du 5 mars 2009 aux motifs suivants : 'Vous avez été embauché dans notre entreprise le 18 juin 2001 en qualité de comptable, et êtes passé en statut cadre le 1er février 2007. Vous exercez votre activité de comptable au sein du service 'Gestion administrative et comptable’ composé de trois équipes : monétaire, fonds de fonds et structurés. Vous étiez affecté depuis début juillet 2008 à l’équipe 'Structurés'.

Par courrier du 23 janvier 2009, nous vous avons informé qu’à compter du 11 février 2009, vous exerceriez vos fonctions au sein de l’équipe 'Monétaire’ qui appartient au même service. Par courrier du 26 janvier 2009, vous nous avez indiqué que vous refusiez ce changement d’équipe au motif que ce changement constituait, selon vous, une modification de votre contrat de travail. Nous vous avons alerté dans notre courrier du 30 janvier 2009 sur le fait que ce changement d’équipe au sein du même service, qui ne s’accompagne d’aucun changement de vos fonctions, de votre rémunération ou de la durée de votre travail, constituait une simple modification de vos conditions de travail, décidée dans le cadre de notre pouvoir de direction, et que nous étions en conséquence en droit de vous l’imposer. Vous avez malgré tout réitéré votre refus par courrier du 5 février 2009 et nous avons été contraints de constater le 11 février 2009 que vous refusiez effectivement de rejoindre l’équipe 'Monétaire'.

Vous nous avez confirmé votre refus définitif d’accepter ce changement d’équipe au cours de notre entretien préalable. Votre refus réitéré et définitif d’accepter cette modification de vos conditions de travail ne nous permet pas de poursuivre une relation contractuelle et nous contraint à vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. (….)' ;

Que par lettre du 10 mars 2009, M. [C], qui avait été dispensé d’exécuter son préavis, a contesté son licenciement, maintenant qu’il s’agissait d’une modification de son contrat de travail, compte tenu de la présence horaire plus importante que son transfert aurait entraînée, et indiquant entendre saisir le Conseil de prud’hommes ;

Que le 16 mars 2009, les parties ont signé, en application des articles 1134, 2044 et 2052 du Code civil, un protocole d’accord transactionnel par lequel, après avoir rappelé leurs positions respectives sur la qualification du changement de service refusé par M. [C], la société a accepté de verser une indemnité transactionnelle d’un montant brut de 58529 €, soit une somme nette de 53987,15 € versée par chèque libellé à l’ordre de la CARPA, hors indemnités de rupture ; qu’en contrepartie, M. [C] s’estimait complètement et définitivement rempli de ses droits, tant en ce qui concernait l’exécution que la rupture de son contrat de travail en renonçant à toute action à ce titre, reconnaissant en particulier 'avoir eu connaissance de l’enquête conduite par la DRH de la société, ce dernier s’estimant victime d’un harcèlement moral de la part d’un des cadres de la société. La procédure d’enquête a été menée à bonne fin et M. [C] a été informé des conclusions de cette enquête qui ne reconnaissent pas l’existence d’un harcèlement moral. Monsieur [C] déclare n’avoir aucune réclamation complémentaire à formuler à ce titre et renonce à toute autre action, de quelque nature qu’elle soit, sur le sujet.' ; qu’enfin, à l’article 7 de la convention, les parties reconnaissaient que leur consentement était libre et traduisait leur volonté éclairée et qu’elles avaient disposé d’un délai de réflexion suffisant pour apprécier les termes de la convention ;

Considérant qu’en application de l’article 2052 du Code civil expressément visé dans la transaction litigieuse, celle-ci a, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort, et ne peut être attaquée ni pour cause d’erreur de droit, ni pour cause de lésion ; que pour la contester, l’appelant invoque son absence de consentement libre et éclairé ;

Considérant que si M. [C] verse à l’appui de son argumentation la totalité de son dossier médical par son médecin traitant de 1999 à 2011 qui fait état de l’apparition d’un syndrome dépressif à partir de mai 2008 que le patient déclare réactionnel à un harcèlement professionnel, force est de constater qu’à la date de la transaction, le salarié avait repris le travail depuis le 15 décembre 2008, qu’il a été déclaré apte à cette date par le médecin du travail, que son médecin traitant n’a signalé le 29 janvier 2009 au médecin du travail qu’un problème d’ORL même s’il a prescrit la poursuite du traitement antidépresseur, et que les 4 et 11 mars 2009, M.[C] ne l’a consulté que pour un problème de rhino-pharyngite et de sinusite ; que la prise régulière de médicaments antidépresseurs depuis plus de dix mois ne permet pas de conclure en soi à une absence de discernement et, donc, de consentement lors de la signature de la transaction ;

Qu’en ce qui concerne les pressions également alléguées, l’appelant ne verse comme éléments que l’attestation de l’Inspection du travail par laquelle celle-ci précise qu’il l’a saisie de sa réclamation relative à un harcèlement moral en décembre 2008 et janvier 2009, réclamation à laquelle elle n’a donné aucune suite après avoir entendu le comité d’enquête interne à l’entreprise, une attestation d’une amie qui n’était pas présente dans l’entreprise, et l’un de ses propres courriels à son avocat, du 21 janvier 2009, qui fait état d’agressivité depuis une semaine de la part de ses responsables, alors que la transaction a été signée près de deux mois plus tard, quand l’intéressé avait quitté l’entreprise ; qu’il n’est donc établi aucune pression l’ayant contraint à signer la transaction, alors que M. [C] n’était plus sous le lien de subordination de quiconque à cette date et était depuis plus de deux mois assisté d’un avocat avec lequel il a pu discuter des conditions de son départ, des termes de la lettre de licenciement et du montant de la transaction proposée ; qu’à cet égard, le fait que des discussions aient déjà eu lieu en janvier 2009 entre l’employeur et le salarié ne retire rien à la validité de la transaction finalement signée deux mois plus tard, le courriel précité du 21 janvier 2009 à son avocat démontrant que les parties, à l’époque en litige sur l’existence du harcèlement, n’envisageaient alors qu’une indemnité transactionnelle de 37000 €, indemnités de rupture comprises, bien éloignée du montant finalement obtenu par le salarié après son licenciement ; que la contrepartie financière tout à fait conséquente qu’a reçue M. [C] constitue une véritable concession de la part de l’employeur en échange de la renonciation de l’intéressé à toute action à son encontre qui n’autorise pas ce dernier à s’estimer 'victime’ d’un procédé frauduleux ; que la transaction, qui n’est donc entachée d’aucun vice du consentement, répond donc à toutes les conditions exigées pour sa validité ;

Considérant, enfin, que l’appelant invoque différents éléments qui entacheraient son licenciement de nullité, ce qui entraînerait la nullité subséquente de la transaction ; que cependant, celle-ci étant postérieure au licenciement a, précisément, pour objet de rendre irrecevable toute discussion sur la validité de la rupture ;

Et considérant que l’ensemble des réclamations ayant fait l’objet de la transaction, le jugement doit, donc, être confirmé en ce qu’il a déclaré les demandes irrecevables, la dite transaction ayant les effets d’un jugement ayant force de la chose jugée;

Considérant qu’aucune indemnité n’étant réclamée par l’intimée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, il n’y a pas lieu d’en faire application au profit de la partie perdante ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Condamne M. [J] [C] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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