Cour d'appel de Paris, Pôle 2 chambre 2, 22 novembre 2013, n° 12/01710

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 2 ch. 2, 22 nov. 2013, n° 12/01710
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/01710
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 28 novembre 2011, N° 08/05757
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 2

ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2013

(n° 2013- , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/01710

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 novembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 08/05757

APPELANT:

Monsieur [N] [F]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Maître Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque C1050

assisté de Maître Jean-Pierre CAHEN, avocat au barreau de PARIS, toque R217

INTIMÉE:

S.A.R.L. CREDICO

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée et assistée par Maître Philippe GRUNDLER de la SCP GRUNDLER, avocat au barreau de PARIS, toque P0191

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 octobre 2013, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise MARTINI, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du Code de procédure civile.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Anne VIDAL, Présidente de chambre

Madame Françoise MARTINI, Conseillère

Madame Marie-Sophie RICHARD, Conseillère

Greffier, lors des débats : Khadija MAGHZA

ARRÊT

— contradictoire

— rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Anne VIDAL, Présidente et par Guénaëlle PRIGENT, Greffier.

***

Aux termes de deux actes sous seing privé du 21 septembre 1992 portant l’intitulé de « Reconnaissance de dette », M. [F] a reconnu devoir à la société Crédico à titre de prêts :

— la somme de 150 000 francs (22 867,35 euros) avec intérêts au taux de 9% l’an, remboursable en 180 mensualités de 1 521,39 francs,

— la somme de 395 000 francs (60 217,36 euros) avec intérêts au taux de 12% l’an, remboursable au plus tard à l’échéance du 15 octobre 2007.

A la même date du 21 septembre 1992, plusieurs actes notariés ont été dressés entre les mêmes parties, emportant :

— l’exercice par M. [F] contre paiement de 1 255 824 francs (191 449,13 euros) de la faculté de réméré sur le lot numéro 2 de l’état descriptif de division d’un immeuble situé [Adresse 1] qu’il s’était réservée lors de la cession de ce bien précédemment consentie le 9 juillet 1991 à la société Crédíco au prix de 892 500 francs payable à hauteur de 779 844 francs par la reprise d’un emprunt qu’il avait souscrit le 25 mars 1989 auprès de la société Sofapi,

— l’affectation hypothécaire de ce bien en garantie du remboursement de chacun des deux prêts de 150 000 francs (22 867,35 euros) et 395 000 francs (60 217,36 euros) consentis le même jour par la société Crédico à M. [F],

— la vente par M. [F] à la société Crédico du lot numéro 7 de l’état descriptif de division du même immeuble au prix de 1 350 000 francs (205 806,17 euros) payé à concurrence de 900 000 francs au moyen d’un prêt consenti par la Sofapi.

Par actes des 9 et12 juin 1998, M. [F] a assigné la société Crédico et son gérant M. [J], entendant faire prononcer la nullité des deux reconnaissances de dette pour vices du consentement.

Par jugement du 10 octobre 2000, le tribunal de grande instance de Paris l’a débouté de l’intégralité de ses demandes, et a accueilli la demande reconventionnelle de la société Crédico afin de paiement de la somme de 150 000 francs (22 867,35 euros) avec intérêts au taux annuel de 15 % au titre du premier prêt, le second d’un montant de 395 000 francs (60 217,36 euros) n’étant pas alors exigible. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d’appel de Paris du 31 mai 2002, qui a fait l’objet d’un pourvoi déclaré non admis par arrêt de la Cour de cassation du 18 mai 2005.

Le 28 mars 2008, la société Crédico a assigné à son tour M. [F], entendant faire prononcer avec exécution provisoire sa condamnation à lui payer au titre du second prêt devenu exigible la somme de 332 533,15 euros avec intérêts de retard conventionnels de 15 % à compter du 15 octobre 2007, outre celles de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 29 novembre 2011, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté les fins de non recevoir soulevées par M. [F] tirées du caractère fictif de la société Crédico, l’a condamné à payer à celle-ci la somme de 169 060 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2007, et a rejeté le surplus des demandes.

M [F] a relevé appel de ce jugement et, dans ses dernières conclusions signifiées le 25 juillet 2012, il demande d’infirmer la décision, de dire la société Crédico irrecevable en ses demandes et en tout cas mal fondée, de la condamner au paiement de la somme de 7 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, et subsidiairement de confirmer le jugement en toutes ses dispositions. Il fait valoir que la preuve du caractère fictif de la société Crédico est amplement rapportée en l’absence de siège social réel et d’activité propre à l’adresse déclarée d’une société Norex qui semble l’héberger sans exercer l’activité de domiciliation d’entreprises. Au fond, il soutient que la convention est dépourvue de cause, contestant à cet effet la remise effective des fonds permettant de qualifier l’acte de prêt, et faisant valoir qu’il disposait sur le produit de la vente du lot numéro 7 des fonds propres suffisants pour exercer sa faculté de rachat du lot numéro 2 sans savoir recours à un prêt. Il explique que la société Crédico lui a proposé de l’aider à honorer le crédit qu’il avait contracté auprès de Sofapi pour l’acquisition en 1989 du lot numéro 2 en l’entraînant dans un montage complexe dont elle a dégagé une substantielle plus value par le procédé de prêts destinés à la rembourser du prix d’acquisition du lot numéro 7. Il ajoute que, selon les statuts de la société Crédico, le prêt ne pouvait être accordé sans une décision collective de ses associés, et que la preuve de cette autorisation n’est pas rapportée. Il observe enfin que la cour d’appel de Paris n’a pas eu à se prononcer dans son arrêt du 31 mai 2002 sur la question de la qualification de l’acte en « reconnaissance de dette », qui ne lui avait pas été posée, que d’autre part le caractère fictif de la société ne lui est apparu qu’à l’occasion d’une tentative de sommation interpellative le 5 décembre 2007, et que le principe jurisprudentiel de concentration des moyens qui lui est opposé par la société Crédico est inapplicable en l’espèce puisque découlant d’un arrêt de l’assemblée plénière de la Cour de cassation de 2006 postérieur à l’instance de 2002.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 1er juin 2012, la société Crédico poursuit la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné M. [F] au paiement de la dette, mais demande d’en rectifier le montant en le fixant à la somme de169 162,94 euros due au 15 octobre 2007, d’infirmer la décision en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande de pénalité de retard, et en conséquence de condamner M. [F] à lui payer la somme de 169 162,94 euros avec intérêts de retard au taux de 15% à compter du 15 octobre 2007 outre celles de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 8 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Elle demande également de dire, au visa de l’article 1844-14 du code civil, que M. [F] est irrecevable en sa demande de nullité de la société et à tout le moins mal fondé et, au visa des articles 1351 du même code et 122 du code de procédure civile, qu’il est irrecevable en ses demandes tendant à contester la validité de la reconnaissance de dette en raison de l’autorité de chose jugée attachée au jugement du 10 octobre 2000 du tribunal de grande instance de Paris confirmé en appel, et de le débouter de toutes ses demandes.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité à agir de la société Crédico

Le moyen tiré par la société Crédico de la prescription édictée par l’article 1844-14 du code civil concerne les actions en nullité de la société. Il est sans application à la fin de non recevoir que M. [F] oppose à la demande en paiement qui lui est faite par la société Crédico.

Pour écarter cette fin de non recevoir, le tribunal a exactement énoncé que le caractère fictif de la société Crédico allégué par M. [F] était sans incidence sur sa recevabilité à agir en remboursement du prêt en l’absence de nullité prononcée. En cause d’appel, il résulte des éléments du dossier que, postérieurement au jugement déféré, M. [F] a introduit le 27 mars 2012 devant le tribunal de commerce de Dieppe une action en nullité de la société, encore pendante à la date de l’ordonnance de clôture. Mais, si cette nullité était prononcée, elle mettrait fin à la société sans rétroactivité selon l’article 1844-15 du code civil, produisant les effets d’une dissolution, de sorte que les actes passés par la personne morale, nulle mais non inexistante, demeureraient opposables aux tiers. La nullité de la société ne pourrait décharger l’appelant du prêt allégué, ni priver la personne morale, subsistant aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés, des actions lui appartenant.

Le jugement qui a rejeté la fin de non recevoir soulevée par M. [F] sera en conséquence confirmé.

Sur le fond

Selon l’article 1351 du code civil, l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

En l’espèce le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 10 octobre 2000 confirmé par arrêt de la cour d’appel de Paris du 31 mai 2002 a, entre les mêmes parties agissant en la même qualité, débouté M. [F] de ses demandes tendant notamment à voir annuler les reconnaissances de dette du 21 septembre 1992 dont la validité est de nouveau contestée. Selon les décisions intervenues, M. [F] prétendait alors que son consentement avait été vicié par l’emploi de manoeuvres frauduleuses et sa signature extorquée. Il soutient aujourd’hui que la convention est dépourvue de cause au motif que les fonds ne lui ont pas été remis, mais ne peut être admis à invoquer un fondement juridique qu’il s’est abstenu de présenter en temps utile, d’autant que ce moyen était déjà sous-jacent à l’argumentation à laquelle la cour a répondu dans son arrêt de 2002, énonçant, non seulement  : « que M. [F] a signé lui-même, après avoir pris des conseils extérieurs, les actes dont il conteste le contenu, sans démontrer que son consentement aurait été vicié « , mais également : « qu’il résulte expressément des actes qu’il a signés que c’est bien lui qui a perçu les sommes dont il a donné quittance ». Il ne peut ainsi soutenir que la cour n’a pas eu à se prononcer en 2002 sur la qualification de « reconnaissance de dette » de l’acte, impliquant une remise préalable des fonds.

C’est également en vain que M. [F] fait valoir que le prêt n’a pas été autorisé par une décision collective des associés de la société Crédico requise par les statuts, ceux-ci ayant vocation à régir les rapports entre les associés et la société, auxquels il est étranger,.

C’est donc à juste titre que le jugement déféré a retenu que M. [F] ne pouvait contester la validité de l’acte sous seing privé du 21 septembre 1992, par lequel il a reconnu devoir à la société Crédico « la somme de 395 000 francs, pour prêt de pareille somme qui lui a été consenti, et dont l’usage fût exclusivement destiné à des fins purement commerciales », analysé en une reconnaissance de dette ainsi qualifiée par l’arrêt du 31 mai 2002.

En l’absence de mention de la somme due écrite de la main du débiteur en toutes lettres et en chiffres telle qu’exigée par l’article 1326 du code civil, le tribunal a exactement puisé dans l’acte notarié d’affectation hypothécaire reçu le même jour, qui rappelait la teneur de la reconnaissance de dette à laquelle elle s’appliquait, les éléments extrinsèques de nature à parfaire la preuve de la connaissance par le débiteur de la nature et de l’étendue de son engagement.

Le montant de la réclamation de la société Crédico est établi par les comptes de la période du 21 septembre 1992 au 15 octobre 2007 qu’elle produit, incluant les intérêts au taux stipulé de 12% l’an. Il en ressort un solde de169 162,94 euros à la date d’exigibilité du prêt, et non de 169 060 euros mentionné dans le jugement.

La clause de l’acte qui, sous l’intitulé : « Conséquences de la défaillance du débiteur – Pénalités de retard », a prévu que dans le cas où le créancier exigerait le remboursement immédiat des sommes restant dues celles-ci produiraient des intérêts de retard au taux de 15% l’an jusqu’à leur remboursement effectif, s’analyse en une clause pénale fixant de manière forfaitaire et anticipée les conséquences de l’inexécution de l’obligation contractée.

C’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que cette clause, soumise au pouvoir de modération du juge édicté par l’article 1152 du code civil, était manifestement excessive pour réparer le préjudice né de la défaillance de l’emprunteur et l’ont réduite au taux de l’intérêt légal.

Le préjudice qui justifierait l’allocation de dommages et intérêts distincts n’est pas caractérisé.

Il n’est pas inéquitable d’abandonner aux parties la charge de leurs frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, sauf à préciser que le montant de la condamnation prononcée est de de169 162,94 euros, et non 169 060 euros, augmenté des intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2007,

Condamne M. [F] aux dépens, avec droit de recouvrement direct dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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