Cour d'appel de Paris, 6 novembre 2013, n° 09/01792

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 6 nov. 2013, n° 09/01792
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 09/01792
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 8 décembre 2008, N° 05/00212

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2013

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 09/01792

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Décembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 05/00212

APPELANTE

La SAS VEOLIA EAU – COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX, prise en la personne de ses représentants légaux,

XXX

XXX

représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151, avocat postulant

assistée de Me Renaud GOURVES, avocat au barreau de PARIS, toque : C0029, avocat plaidant

INTIMÉES

La SA UNIBAIL-Y, prise en la personne de ses représentants légaux,

XXX

XXX

représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP FISSELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044, avocat postulant

assistée de Me Denis CHARDIGNY de la SCP LEFEVRE PELLETIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0238, avocat plaidant

L’Association POUR LA GESTION DU RESTAURANT INTERENTREPRISE LE VILLAGE, prise en la personne de ses représentants légaux,

Intervenante forcée

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Luc COUTURIER de la SELARL HANDS, avocat au barreau de PARIS, toque : L61, avocat postulant

assistée de Me Chloé HUSSON-FORTIN du cabinet MOUNET, avocat au barreau de PARIS, toque : E668, avocat plaidant

La SAS COMPASS GROUP FRANCE, venant aux droits de la société EUREST FRANCE, prise en la personne de ses représentants légaux,

Intervenante forcée

XXX

XXX

représentée par Me Jean-Philippe AUTIER de la SCP AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L53, avocat postulant

assistée de Me Thomas du PAVILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : C921, avocat plaidant

La société HORIS, venant aux droit de la société HMI GRANDE CUISINE, venant aux droits de la société BONNET GRANDE CUISINE, prise en la personne de ses représentants légaux,

Intervenante forcée

XXX

XXX

77290 MITRY-MORY

représentée par Me Pascale NABOUDET – VOGEL de la SCP NABOUDET HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L46, avocat postulant

ayant pour avocat plaidant Me Caroline SIMON du cabinet FISHER, TANDEAU DE MARSAC, SUR ET ASSOCIES,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Juillet 2013, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.

Madame Chantal BARTHOLIN a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente

Madame C D, Conseillère

Madame A B, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Alexia LUBRANO.

ARRÊT :

— contradictoire.

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente et par Mme Alexia LUBRANO, Greffière.

* * * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Un sous bail a été consenti en 1994 par la snc Loca Village 2, crédit preneur, à la snc Cge Village 2 sur des locaux composés de l’un des six immeubles du quartier Valmy la Défense 32 place ronde, la snc Cge Village 2 sous louant les locaux à la Compagnie générale des eaux ; en 1995, un bail commercial a été conclu entre la snc Loca Village 2 et la snc Gge Village 2 , les biens devant par suite de fusion absorption entre la snc Cge Village 2 et la snc Loca Village devenir la propriété de cette dernière en 1999 :

Ce bail a pris fin par l’effet du congé délivré le 16 mai 2003.

Auparavant et le XXX, un incendie s’est déclaré dans le restaurant interentreprise mitoyen des locaux donnés à bail à la Compagnie générale des eaux, devenue par suite d’apport partiel d’actif par la société devenue Vivendi , l’actuelle société Veolia eau-compagnie générale des eaux ;

Cet incendie a endommagé les locaux de la société Veolia eau Compagnie des eaux qui, après avoir sollicité en vain désignation d’un expert en référé, a assigné au fond la société bailleresse devenue Unibail Y en réparation de son dommage devant le tribunal de grande instance de Paris ;

Par jugement du 9 décembre 2008, le tribunal a :

— dit que Veolia eau-compagnie générale des eaux disposait d’un droit contractuel de recours en responsabilité civile contre sa bailleresse, la société Unibail Y,

— débouté la société Veolia eau-compagnie générale des eaux de ses demandes, faute pour elle de rapporter la preuve formelle d’une défectuosité du mur mitoyen et de ce que cette défectuosité serait la cause unique de la propagation des fumées à l’origine de son préjudice,

— rejeté le surplus des demandes et condamné Veolia eau-compagnie générale des eaux aux dépens.

Appel ayant été formé contre cette décision par la société Veolia eau-compagnie générale des eaux, la cour, par arrêt du 15 septembre 2010, a :

— confirmé le jugement déféré en ce qu’il a dit recevable l’action de la société Veolia eau compagnie générale des eaux,

Avant dire droit au fond,

— ordonné une expertise confiée à M E Z avec mission notamment de dire si l’importance des désordres localisés tant au niveau 1 que dans les niveaux supérieurs trouve son explication dans le seul défaut d’étanchéité de la cloison mitoyenne entre le niveau 1 et les locaux du restaurant interentreprises et si d’autres causes ont pu y participer en les précisant et de donner son avis sur les devis et factures produits sur l’évaluation des dommages en distinguant ceux subis au niveau 1 et ceux subis aux autres niveaux du bâtiment,

— sursis à statuer sur l’ensemble des demandes.

L’expert a déposé son rapport le 15 février 2012.

La société Unibail Y a appelé en intervention forcée l’Association pour la gestion du restaurant interentreprises Le Village qui a elle-même mis en cause la société Compass Group France laquelle a assigné à son tour la société Horis aux droits de Hmi cuisines elle-même aux droits de Bonnet Grande cuisine.

La société Veolia eau-compagnie générale des eaux (dite Veolia eau cge) par conclusions signifiées le 2 mai 2013 demande d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes au fond et de :

Condamner la société Unibail Y à lui payer la somme de 347 767,38 € avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 2003 ou subsidiairement à compter de l’acte introductif d’instance du 23 décembre 2004 avec capitalisation conformément à l’article 1154 du code civil,

Condamner la société Unibail Y à lui payer la somme de 20 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société Unibail Y aux entiers dépens de première instance et d’appel comprenant les frais d’expertise avec droit de recouvrement direct conforme aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile .

La société Unibail Y, par conclusions signifiées le 18 juin 2013, demande à la cour de :

A titre principal,

Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société Veolia eau compagnie générale des eaux de ses demandes,

A titre subsidiaire,

Dire et juger que le préjudice réparable de la compagnie générale des eaux ne saurait être supérieur à la somme de 285 000 € en tout état de cause,

Condamner la société Veolia eau compagnie générale des eaux à payer à la société Unibail Y une somme équivalente à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice causé par l’exécution abusive et déloyale de son bail ;

A titre infiniment subsidiaire,

Déclarer la société Unibail Y recevable et non prescrite en sa demande d’intervention forcée de l’association pour la gestion du restaurant interentreprises Le Village,

Dire que conformément aux dispositions de l’article 55 du code de procédure civile, l’évolution du litige justifie la mise en cause de cette association,

Dire que le rapport d’expertise est opposable à ladite association,

Déclarer en conséquence Unibail Y recevable et bien fondée à demander la condamnation de ladite association,

En conséquence,

Condamner l’Association pour la gestion du restaurant interentreprises Le Village à relever indemne et garantir la société Unibail Y de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, en principal, intérêts ou accessoires de toute nature au profit de la société Veolia eau cge ;

Rejeter la demande de l’Association pour la gestion du restaurant interentreprises Le Village visant à condamner la société Unibail Y à lui verser le montant des condamnations éventuellement mises à sa charge à titre de dommages intérêts au titre de la perte de chance de pouvoir exercer ses propres recours dans le délai de prescription à l’encontre de la société Compass Group France.

Condamner la société Veolia eau compagnie générale des eaux à la relever indemne et la garantir de la condamnation qui pourrait être prononcée, compte tenu de ses propres carences ayant différé la désignation d’un expert judiciaire et la mise en cause des responsables du sinistre,

En tout état de cause,

Débouter la société Veolia eau compagnie générale des eaux, l’Association pour la gestion du restaurant interentreprises Le Village et la société Compass Group France de toutes leurs demandes,

Dire et juger que le lien de causalité avec les dommages subis par la société Veolia eau compagnie générale des eaux n’ayant pas encore été établi, la créance n’étant pas encore judiciairement déterminée, les intérêts au taux légal sur cette créance ne courront que à compter de l’arrêt à intervenir,

Condamner solidairement toute partie succombant à lui verser la somme de 22 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de première instance et d’appel y compris le frais d’expertise dont distraction pour ceux d’appel conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

L’Association pour la gestion du restaurant interentreprises Le Village demande par conclusions signifiées le 12 juin 2013 de :

Dire et juger que l’éventuel non fonctionnement des détecteurs de fumée étaient connus de la société Unibail Y constituent des éléments connus dès la première instance et de dire et juger qu’ils ne peuvent constituer une évolution du litige et en conséquence, de déclarer irrecevable la demande d’intervention forcée formée par la société Unibail Rodemco à son encontre,

Au surplus, dire cette action prescrite depuis le 18 octobre 2011, vu la date du sinistre et celle de l’assignation du 31 octobre 2012,

Dire et juger que le rapport d’expertise lui est inopposable, qu’elle n’a pas été à même de débattre contradictoirement des termes du rapport d’expertise, s’agissant de l’éventuelle absence de fermeture des portes, de l’absence de ferme portes, de l’éventuel dysfonctionnement du système de détection incendie, de l’ampleur du sinistre si les portes de l’escalier de Veolia eau avaient été fermées, que le rapport d’expertise lui est inopposable et que la responsabilité de l’Association ne peut être dès lors fondée sur les conclusions de l’expert,

A titre subsidiaire,

Dire et juger que la cause exclusive de la propagation du sinistre résulte dans le défaut d’étanchéité du mur séparant le Rie et les locaux donnés à bail à Veolia eau cge, ce qui relève de la responsabilité de Unibail Y et que la propagation de l’incendie au travers des locaux de Veolia eau Cge lui est imputable du fait de l’absence de fermeture des portes coupe feu de l’escalier encloisonné, de rejeter en conséquence les demandes de la société Unibail Y à son égard,

A titre infiniment subsidiaire,

Dire et juger que l’exploitation du restaurant a été confiée à Eurest France, qui gérait l’entretien et la maintenance du matériel de cuisine, et en particulier les chambres froides, que l’association ne peut être tenue pour responsable d’un incendie qui s’est déclaré dans l’équipement frigorifique, qu’aucun système de détection incendie n’était obligatoire à la date de l’incendie, qu’elle ne peut être tenue pour responsable du non fonctionnement du système qui n’était pas obligatoire, qu’il n’est pas démontré que s’il avait fonctionné, les conséquences du sinistre auraient été moindres, que seule la société Eurest France pourrait être tenue pour responsable de non fermeture des portes du RIE, que la société Unibail Y doit être déboutée de ses demandes,

Déclarer l’association pour la gestion du restaurant interentreprises recevable et bien fondée en sa demande d’intervention forcée de la société Compass group France, dire que l’évolution du litige justifie sa mise en cause, de condamner la société Compass group France à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

A titre infiniment plus subsidiaire,

Condamner la société Unibail Y à titre de dommages intérêts à lui verser l’intégralité des sommes qui pourraient être mises à sa charge,

Condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

La société Compass Group France, aux droits de Eurest France, par conclusions signifiées le 23 mai 2013, demande de déclarer irrecevable et sans objet l’assignation en intervention forcée délivrée à son encontre, subsidiairement de dire qu’aucun acte interruptif de prescription n’a été délivré, de dire prescrite l’action de l’association pour la gestion du restaurant interentreprises, de lui dire inopposable le rapport d’expertise, de prononcer sa mise hors de cause, plus subsidiairement, de constater sur les installations de sécurité sont restées sous la responsabilité de l’association pour la gestion du restaurant et de constater l’absence de lien de causalité entre les fautes prétendument imputables à la société Compass Group France et les désordres et dommages dénoncés par la société Veolia Cge, de prononcer sa mise hors de cause et si par impossible une condamnation devait être prononcée à son encontre, de déclarer recevable son intervention forcée à l’encontre de Hmi Grande cuisine et de la condamner à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, de condamner tout succombant à lui payer la somme de 10 000 € et en tous les dépens recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société Horis aux droits de Hmi Grande cuisine, elle même aux droits de Bonnet Grande cuisine, par conclusions signifiées le 3 juillet 2013, demande de renvoyer le dossier à la mise en état et à défaut de rejeter du fait de la tardiveté l’assignation en intervention forcée à son encontre et les conclusions qui lui ont été dénoncées, de déclarer nulle l’assignation délivrée le 13 mai 2013 à son encontre par la société Compass Group France ainsi que tous les actes subséquents, de dire irrecevable l’assignation en intervention forcée du fait de l’absence d’évolution du litige, de débouter à titre subsidiaire la société Compass de toutes ses demandes, de la condamner en tous les dépens et à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

Les parties s’accordent sur le fait que l’incendie a pour origine un dysfonctionnement de l’équipement frigorifique du local 'formule 2 'du restaurant interentreprises dont la centrale de détection incendie n’a pas fonctionné et que les fumées se sont propagées depuis ce local d’abord vers les toilettes du restaurant en raison de l’absence de fermeture des portes de communication non dotées de ferme portes puis vers les locaux exploités par la société Veolia passant au travers d’un mur mitoyen non isolé ;

Elles s’opposent en revanche sur la responsabilité de l’ampleur des dégâts, la société Veolia soutenant que les constatations de l’expert ont permis de mettre en évidence que le mur mitoyen n’était pas étanche sur toute sa longueur, y compris la partie du mur séparant la cage d’escalier des locaux loués de ceux des toilettes hommes du restaurant de sorte que les fumées se sont propagées vers les autres niveaux par la cage d’escalier en traversant le mur non étanche tandis que la société Unibail soutient au contraire que les fumées se sont propagées vers les autres niveaux, uniquement en raison de l’absence de fermeture de la porte coupe feu de la cage de l’escalier des locaux loués à Veolia eau cge et destinée à empêcher la propagation du feu ;

La société Veolia eau cge fait valoir que la société Unibail Y a manqué à son obligation de délivrance et de jouissance paisible, que le bailleur avait l’obligation de lui délivrer des locaux répondant à la réglementation, que la fermeture de la porte coupe- feu entre la salle informatique et les escaliers est sans influence sur la présence de fumée dans les escaliers, qu’en outre une porte coupe feu n’est pas nécessairement une porte coupe fumée, que les fumées se sont également propagées dans les autres niveaux via les circuits de ventilation et climatisation de l’immeuble, indépendamment de la position ouverte ou fermée de la porte de communication entre le local informatique et l’escalier de service ;

La société Unibail Y soutient pour sa part que la propagation des fumées vers les autres niveaux ne s’explique que par l’absence de fermeture des portes coupe feu, et donc par l’absence de confinement du local informatique, associée à un dysfonctionnement de l’alarme incendie qui ne s’est déclenchée que tardivement, ce qui traduit la violation par la société Veolia tout à la fois de son obligation d’usage des locaux en bon père de famille, des stipulations du bail dans la mesure où elle s’y oblige à maintenir les locaux en état permanent d’exploitation effective et normale, et à se soumettre à tout règlement de sécurité, et en particulier à l’arrêté du 5 août 1992 sur la prévention des incendies et au désenfumage des lieux de travail, qui prévoit, dans les locaux présentant des risques particuliers d’incendie associés à un potentiel calorifique important, de les isoler des autres locaux par de portes coupe feu de degré une demi heure munies de ferme porte.

Or, les locaux donnés à bail à la société Veolia eau cge étant à usage de bureaux, la société Unibail devait délivrer des locaux conformes à l’ usage auquel ils étaient destinés et notamment à celui de matériel informatique habituellement utilisé dans les locaux à usage de bureaux et elle échoue à démontrer alors que la bail est de 1994 et que la législation relative à la sécurité des locaux informatiques qu’elle cite date du 5 août 1992, d’une part que les normes se seraient renforcées ensuite et d’autre part que la société Veolia qui avait au terme du bail l’obligation de se soumettre aux injonctions administratives touchant à l’hygiène et la sécurité n’auraient pas respecté cette obligation ;

La société Unibail fait d’ailleurs précisément grief à la société Veolia d’avoir laissé ouverte une porte de sécurité coupe feu séparant les locaux de bureaux contenant du matériel informatique de la cage d’escalier encloisonnée ;

L’expert relève dans son rapport que les locaux salle à manger 2, sanitaires femmes et partiellement les sanitaires hommes du restaurant interentreprises du bâtiment 2 sont mitoyens avec les locaux informatiques et l’escalier des locaux donnés à bail à Veolia, que le mur séparatif, constitué de parpaings ne comportait ni sas ni porte, ni gaine avec des clapets mais présentait en sous face de la dalle plancher haut un vide qui n’a pas été comblé par les parpaings ni isolé d’après les photos transmises associées aux constatations faites sur place ;

L’expert précise qu’il existait ainsi un manque d’étanchéité sur toute la longueur du mur en parpaings mitoyen entre le restaurant interentreprises et les locaux de Veolia, ce qui constitue la principale cause de désordres : la société Unibail qui n’a pas fourni les plans de coupe réclamés par l’expert dans sa note n° 1 est mal fondée à soutenir que le mur mitoyen ne comportait en réalité un tel vide que dans sa partie séparant les toilettes des femmes du restaurant aux locaux loués à Veolia mais non dans la partie séparant les locaux du restaurant de la cage d’escalier des locaux Veolia ;

Si l’absence de fermeture de la porte de communication entre le local informatique et l’escalier encloisonné des locaux donnés à bail à Veolia a cependant joué un rôle aggravant dans la propagation des fumées, c’est alors de façon secondaire selon l’expert qui n’est pas contredit à cet égard par des données probantes et notamment le plan de coupe des locaux mais au contraire conforté par les données du rapport Gab Robins qui fait apparaître que les parpaings sont à l’état brut dans le plenum de faux plafond des deux cotés sans que soit faite de distinction entre les différentes parties du mur mitoyen ;

Il s’ensuit que la société Unibail, tenue de délivrer un local conforme à sa destination et de procurer à sa locataire une jouissance paisible de celui-ci, a manqué à ses obligations ; elle s’oblige en conséquence à l’indemniser de l’entier dommage qu’elle a subi à la suite de l’incendie, y compris pour celui résultant de la propagation des fumées dont la cause exclusive ne réside pas dans la faute alléguée de la société Veolia résultant de l’absence de fermeture de la porte de la cage d’escalier.

Sur le préjudice :

La société Unibail fait valoir que doivent être écartés les travaux se rattachant à des désordres survenus dans les étages et qu’en tout état de cause, seules doivent être retenues les factures dont le libellé les rattache clairement au niveau R+ 1 qui représente seulement 6,10 % de la surface concernée par les travaux de sorte que les autres factures devront être réduites de 90 %.

*L’expert retient le coût des mesures conservatoires pour un montant de 4 200 € ht qui n’est pas critiqué ;

*Parmi les mesures urgentes, il a proposé une réduction du montant des factures en tenant compte des travaux portant uniquement sur les niveaux atteints directement par le sinistre ; sa proposition de retenir un chiffre global de 15 000 € est adaptée aux locaux concernés et ne saurait donner lieu à un abattement supplémentaire comme le sollicite la société Unibail ;

*S’agissant des frais de remise en état et décontamination :

La société Unibail forme essentiellement deux contestations, l’une concernant la facture annexe 8 du rapport Galtier concernant la fourniture de filtres et courroies pour les armoires frigorifiques, faisant valoir que celle-ci fait partie de la maintenance préventive annuelle, l’autre concernant l’acquisition d’un appareil Cisco qui avait, suivant le constat fait par la société Veolia elle-même, fonctionné sans défaillance depuis le sinistre ; elle ne conteste cependant pas que ces éléments viennent en remplacement de matériels endommagés ou contaminés par les fumées de l’incendie de sorte que leur remplacement qui a fait l’objet de factures s’imposait.

L’expert a retenu le document annexe 15 du rapport Galtier – facture de fourniture de filtres – pour un montant de 1 000 € alors qu’elle s’élève en réalité à un montant de 28 153,62 € ht qui n’est pas utilement critiquée en ce qu’elle correspond au changement des filtres du système de climatisation à la suite du sinistre ;

S’agissant des travaux réalisés par la société Veolia elle-même (documents annexes 17 et 17 bis), l’expert note que les travaux réalisés correspondent à ce qui a été commandé ; ils seront comptés pour un montant de 35 700 € ht et non 34 000 € ht comme indiqué par erreur ;

Ainsi le montant total des travaux de décontamination et remise en état s’élève à la somme de 179 100 €, les autres factures retenues par l’expert n’étant pas sérieusement critiquées ;

*S’agissant des frais supplémentaires :

Le montant des frais de location de matériel informatique pendant deux mois sera retenu mais sera écartée la proposition d’acquisition d’un lecteur Exabyte Mammoth + connexion pour un montant de 5 915,02 € ht sans lien démontré avec le sinistre ;

La location de deux climatiseurs ne sera retenue qu’à concurrence de deux mois soit 4 184,70 : 5 x 2 = 1 673,88 € ;

Les autres frais ne sont contestés qu’en ce qui concerne l’achat de 100 cartouches pour l’appareil de reproduction et de 10 onduleurs qui seront retenus à hauteur des montants demandés compte tenu de la proximité de l’achat lié à des machines atteintes par les fumées.

Les frais supplémentaires s’élèvent ainsi à la somme de 123 682 € ;

*La société Veolia réclame un préjudice de jouissance pour n’avoir pu disposer des locaux à la suite du sinistre pendant une durée d’un mois ; elle évalue ce préjudice à la somme de 4 451,12 € correspondant au montant du loyer mensuel rapporté aux surfaces concernées par la privation qui n’est pas sérieusement critiqué ;

En conséquence, la somme totale allouée en réparation du préjudice global subi s’établit à 326 433,12 € laquelle somme portera intérêts au taux légal à compter de la date du jugement à titre compensatoire ;

Sur la demande en dommages-intérêts formée par la société Unibail :

La société Unibail fait valoir que la société Veolia avait l’obligation de s’assurer contre la totalité des risques et périls visés au § 4.10. 2 du bail, que les conditions dans lesquelles elle a rempli cette obligation caractérisent un abus dans la mesure où elle a accepté une franchise démesurée de sorte que la probabilité de voir mettre en oeuvre la garantie se trouve considérablement réduite, que si elle avait été normalement assurée, elle aurait été indemnisée par son assureur sans recours possible contre le bailleur en application de la clause du bail qui prévoit que le preneur ainsi que ses assureurs renoncent à tout recours en cas de sinistre couvert par les garanties qu’ils seraient en droit d’exercer contre le bailleur, que la compagnie d’assurance n’aurait pu se prévaloir de la clause spécifique contenant renonciation à recours sauf défectuosité de la construction car cette réserve est expressément stipulée en faveur du preneur et non de son assureur, qu’elle est donc fondée à solliciter l’octroi de dommages intérêts d’un montant égal au montant de la somme allouée à Veolia eau cge du fait de l’exécution fautive par Veolia eau du bail.

L’action de la société Veolia eau cge contre son bailleur Unibail a été jugée recevable au regard de l’article 4-8 du bail qui énonce que l’absence de recours du preneur contre le bailleur est prévu en considération des garanties que le preneur doit souscrire telles que précisées à l’article 4-10 du bail qui oblige le preneur à contracter assurances pour tous les risques autres que les vices de construction pour lesquels il ne peut s’assurer ;

Or la société Unibail dont les moyens d’irrecevabilité ont été rejetés en première instance comme en appel, ne peut valablement invoquer le défaut d’assurance liée à l’existence d’une franchise alors que ce moyen est sans portée au regard de l’action entreprise fondée précisément sur l’existence d’un vice de la construction à l’origine du dommage, pour lequel le preneur ne pouvait s’assurer ;

Sur les appels en garantie :

La société Unibail Y a appelé en garantie l’Association pour la gestion du restaurant interentreprises qui n’était pas partie en première instance, invoquant que l’évolution du litige implique sa mise en cause, que les constatations de l’expert judiciaire caractérisent une circonstance de fait postérieure au jugement qui modifie les données juridiques du litige, que l’expert Z relève en effet que l’extension du sinistre est dû à un isolement incomplet du local formule 2 par rapport aux locaux mitoyens (fermeture des portes qui n’étaient pas dotées de ferme porte) et au non fonctionnement de la centrale de détection incendie indiquée par la main courante du poste central de sécurité, que le départ de feu qui a eu lieu dans le local Formule 2 du RIE aurait du se limiter uniquement à ce local si l’isolement de ce local avait été assuré notamment au niveau des portes, qu’aucune expertise n’avait été diligentée jusqu’alors permettant de déterminer les causes du sinistre, que les éléments mis en évidence par l’expert identifient des causes à tout le moins aggravantes en relation directe avec l’exploitation du RIE qui n’avaient jamais été identifiées jusqu’à présent.

Or l’évolution du litige implique l’existence d’un élément nouveau survenu postérieurement au jugement ;

A cet égard, il convient de relever que l’expert Z indique avoir examiné le rapport des pompiers ainsi que les rapports d’expertise de Gab Robins réalisé après l’incendie ;

Le rapport Gab Robins intermédiaire n° 2 rappelle que l’incendie a pris naissance dans le restaurant interentreprises implanté au niveau R+ 1 dans un bâtiment contigu sans communication avec celui de CGE , plus précisément au niveau de l’armoire réfrigérée, que les investigations ont permis de déterminer le cheminement des fumées, localisées au niveau de la cloison mitoyenne entre le RIE et les locaux de CGE, qu’aucun joint d’étanchéité n’existe entre la dalle supérieure et la cloison, que l’alerte a été donnée suite au déclenchement d’une alarme incendie chez CGE et non pas au RIE qui, suivant le rapport, n’en possède pas ;

Un autre rapport intermédiaire Gab Robins indique que l’analyse des plans des niveaux rez-de-dalle -1 des locaux occupés par CGE et des locaux occupés par le RIE permet de constater une mitoyenneté entre la circulation qui dessert la batterie d’ascenseurs au niveau rez-de-dalle -1 et un local réserve du restaurant constituée d’une cloison en parpaings de 20 enduite de plâtre ou de carrelage réalisés jusqu’à la hauteur des faux plafonds des deux cotés, que dans la partie comprise dans le faux plenum du faux plafond, les parpaings sont bruts et qu’il existe à cet endroit d’importantes traces de suie et fumées grasses au niveau de la cueillie de la dalle supérieure, et il conclut que la pollution de la dalle informatique et des locaux annexes du niveau rez-de-dalle -1 est due essentiellement à une propagation des fumées d’incendie par une cloison non étanche réputée coupe feu 1 heure.

L’association du restaurant interentreprises fait également observer que, dans ses conclusions récapitulatives pour l’audience de la mise en état du 30 janvier 2008 devant la 18e chambre du tribunal de grande instance, la société Unibail Y avait en outre indiqué que 'le sinistre peut tout aussi bien trouver son origine tant dans un défaut de calfeutrement existant entre les locaux RIE et les locaux occupés par Veolia que dans une mauvaise utilisation des sas et autres portes coupe feu', qu’elle y faisait référence à un rapport établi par X indiquant que le non fonctionnement de la détection de fumées dans le RIE a également pu contribuer à une aggravation des dommages chez Veolia ;

La société Unibail Y ne caractérise en conséquence de l’ensemble de ces données aucun fait nouveau qui n’était pas connu en première instance, la circonstance que l’expert Z ait tiré toute conséquence des rapports en sa possession antérieurs au jugement n’implique la révélation d’aucun fait, d’aucune circonstance qui n’étaient pas déjà connus au moment du jugement ; qu’il n’existe en conséquence aucune évolution du litige qui justifie la mise en cause forcée d’une partie qui n’a pas été appelée en première instance.

L’intervention forcée de l’Association pour la gestion du restaurant interentreprises est donc irrecevable en cause d’appel.

Sont tout autant irrecevables les interventions forcées des sociétés Compass Group France et celle de la société Horis non parties en première instance.

Sur les autres demandes :

La société Unibail Y supportera les entiers dépens de première instance et d’appel d’appel, sauf en ce qui concerne les mises en causes des sociétés Compass Group France et Horis qui seront supportés par l’Association pour la gestion du restaurant interentreprises ;

La société Unibail Y paiera à la société Veolia eau compagnie des eaux une somme de 12 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et une somme de 3 000 € à l’Association pour la gestion du restaurant interentreprises Le Village ;

Ladite association paiera à la société Compass Group France et à la société Horis la somme de 2 000 € à chacune d’elles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Vu l’arrêt de cette cour du 15 septembre 2010 ayant confirmé le jugement déféré en ce qu’il a déclaré l’action de la société Veolia eau compagnie générale des eaux recevable,

Infirme le jugement en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne la société Unibail Y à payer à la société Veolia eau compagnie générale des eaux la somme de 326 433,12 € en réparation des dommages qu’elle a subis, consécutifs à l’incendie du XXX, ladite somme portant intérêts à compter de la date du jugement à titre de dommages intérêts compensatoires,

Condamne la société Unibail Y à payer à la société Veolia eau compagnie générale des eaux la somme de 12 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Ajoutant,

Déclare irrecevables les interventions forcées de l’Association pour la gestion du restaurant interentreprises, des sociétés Compass Group France et Horis,

Condamne la société Unibail Y à payer à l’Association pour la gestion du restaurant interentreprises la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne l’Association pour la gestion du restaurant interentreprises à payer aux sociétés Compass Group France et Horis à chacune la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la société Unibail Y aux dépens de première instance et d’appel, sauf en ceux afférents à la mise en cause des sociétés Compass Group France et Horis qui seront supportés par l’Association pour la gestion du restaurant interentreprises Le Village et seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Paris, 6 novembre 2013, n° 09/01792