Cour d'appel de Paris, 12 novembre 2013, n° 11/12638

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 12 nov. 2013, n° 11/12638
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 11/12638
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Longjumeau, 10 octobre 2011, N° 11/00245

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRÊT DU 12 Novembre 2013

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 11/12638

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Octobre 2011 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LONGJUMEAU RG n° 11/00245

APPELANT

Monsieur D Z

XXX

XXX

comparant en personne,

assisté de Me Anne-sophie HETET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0220

INTIMEE

SOCIETE SEGEX ENERGIES venant aux droit de la SAS AQUA DISTRIBUTION POMPES venant elle même aux droits de la société AQUAGREEN SERVICES

XXX

XXX

représentée par Me Georges SOUCHON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0452 substitué par Me Soizic NADAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0452,

En présence de Mme Marie-Hélène JOUANNET, Directrice des Ressources Humaines

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Octobre 2013, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame B C, Conseillère, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame B C, Conseillère

Madame Michèle COLIN, Conseillère

Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

— signé par Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur D Z a été embauché par la société Aquagreen Services en qualité d’électromécanicien par contrat du 29 août 2005 à compter du 5 septembre 2005.

Plusieurs avenants au contrat de travail ont eu pour objet d’élever le niveau et le coefficient de Monsieur Z qui deviendra électromécanicien, statut chef d’équipe, par avenant proposé le 31 juillet 2008.

Après un arrêt de travail du 25 juillet au 20 août 2009, Monsieur Z a été déclaré, par avis du médecin du travail du 14 septembre 2009, apte à un poste aménagé : pas de charge supérieure à 10 kg ; pas de marteaux piqueurs ; éviter les gestes répétitifs et es postures difficiles.

Le 24 septembre 2009, le médecin du travail l’a déclaré apte à son poste mais sans port de charges lourdes et sans déroulement de certains câbles.

Monsieur Z a été reconnu travailleur handicapé à compter du 1er décembre 2009.

Il a été placé à nouveau en arrêt de travail à compter de juillet 2010.

Par lettre du 6 août 2010, un avertissement pour utilisation du téléphone professionnel à des fins personnelles a été notifié à Monsieur Z.

Le 3 août 2010, Monsieur Z a saisi le conseil de prud’hommes de Longjumeau d’une demande de prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur pour harcèlement moral.

L’affaire a été radiée le 1er février 2011.

Le 1er octobre 2010, la société Aqua Distribution Pompes a absorbé la société Aquagreen Services.

A l’issue de son arrêt de travail, le 15 novembre 2010, le médecin du travail a déclaré Monsieur Z apte à la reprise de son poste avec une limitation de charges de 15 kgs et défaut d’utilisation du marteau piqueur.

Par lettre du 26 novembre 2010, Monsieur Z a été convoqué à un entretien préalable qui s’est tenu le 6 décembre 2010.

Monsieur Z a été licencié par lettre du 21 décembre 2010 aux motifs résumés comme suit :

défaut de réalisation, selon les règles de l’art, des travaux électriques dont il avait la charge sur le chantier du tramway de Reims, en qualité de chef d’équipe électromécanicien : constat d’abandon de câbles électriques en fonds de fouille, absence de tirage des câbles et fourreaux alimentant les électrovannes et défaut d’alimentation des électrovannes en omettant de poser les fourreaux de liaison.

Ces manquements vont nécessiter des travaux de reprise avec une équipe de 3 personnes pendant 3 semaines.

Ces faits très graves ont des répercussions importantes tant sur le plan financier que sur celui de l’image commerciale de la société.

Lors de l’entretien préalable de licenciement, Monsieur Z n’a pas apporté d’explications permettant de modifier l’appréciation de la situation.

*****

Monsieur Z a réinscrit l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Longjumeau qui, par jugement du 11 octobre 2011 a condamné la société Aqua Distribution Pompes à payer à Monsieur Z la somme de 125 , 06 € à titre de remboursement de frais kilométriques et 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Monsieur Z a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

La société Segex Energies vient aux droits de la société Aqua Distribution Pompes depuis le 1er juillet 2012.

*****

Par conclusions visées au greffe le 2 octobre 2013, au soutien de ses observations orales, auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Monsieur Z demande à la cour d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Longjumeau et de :

— dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— condamner la société Aqua Distribution Pompes, venant aux droits de la société Aquagreen Services, à lui payer les sommes suivantes :

* 30 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral dont il a été la victime,

* 21 235 € à titre de remboursement d’indemnités kilométriques,

* 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ,

le tout, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts.

Par conclusions visées au greffe le 2 octobre 2013, au soutien de ses observations orales, auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, la société Segex Energies, venant aux droits de la société Aqua Distribution Pompes, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et :

— à titre principal :

* de dire et juger que le licenciement revêt une cause réelle et sérieuse et que Monsieur Z n’a subi aucun harcèlement moral,

* de débouter Monsieur Z de ses demandes,

— à titre subsidiaire :

* de lui donner acte de ce qu’elle reconnaît devoir à Monsieur Z la somme de 125, 06 € à titre d’indemnités de petit déplacement, somme réglée à Monsieur Z,

* de ramener à de plus juste proportions les dommages et intérêts alloués à Monsieur Z, à savoir à l’euro symbolique,

— en tout état de cause :

de condamner Monsieur Z au paiement de la somme de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur le licenciement

Considérant qu’il appartient à la cour en vertu de l’article L 1235 – 1 du code du travail de former sa conviction sur le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur au vu des éléments fournis par les parties ;

que si un doute subsiste, il profite au salarié ;

Considérant que Monsieur Z soutient que les manquements invoqués sont prescrits, que les griefs sont mensongers et que le licenciement est en lien avec sa saisine du conseil de prud’hommes ; que ne sont démontrés ni les désordres, ni les fautes et que la prétendue enquête n’est pas établie ;

Considérant que la société Segex Energies prétend au contraire que les manquements reprochés à Monsieur Z sont établis par les attestations qu’elle produit ; que ces fautes ont causé un préjudice financier important à l’entreprise ; qu’elle a introduit la procédure de licenciement après avoir eu connaissance des faits le 14 octobre 2010 et avoir diligenté une enquête interne ;

Considérant qu’il est constant que le délai de prescription de 2 mois des faits fautifs de l’article L 1232 – 4 du code du travail court à compter de la parfaite connaissance par l’employeur des faits fautifs ;

que la société Segex Energies a versé aux débats le mail de Monsieur Y du 14 octobre 2010 qui l’informe qu’à l’issue de la semaine de contrôle des travaux de câblage d’électrovannes du tramway, il a constaté des manquements aux règles de l’art : tirage mal réalisé, pas de repérage des câbles, et tirage de câbles sans utilité ;

que le tirage des câbles d’électrovannes aurait été réalisé par D Z ;

que l’employeur établit ainsi qu’il a eu connaissance le 14 octobre 2010 des manquements reprochés à Monsieur Z lors du contrôle des travaux effectués sur le chantier du tramway de Reims ;

que la convocation à entretien préalable de licenciement a été adressée à Monsieur Z le 26 novembre 2010, soit dans le délai de deux mois de l’article L 1232 – 4 du code du travail de sorte que la prescription ne peut être valablement opposée par Monsieur Z ;

Considérant que la société Segex Energies verse aux débats, pour établir la réalité des fautes énoncées dans la lettre de licenciement, à savoir constat d’abandon de câbles électriques en fonds de fouille, absence de tirage des câbles et fourreaux alimentant les électrovannes et défaut d’alimentation des électrovannes en omettant de poser les fourreaux de liaison, deux attestations de ses salariés :

— Monsieur Y décrit les malfaçons dont il a été témoin sur le chantier du tramway de Reims, lesquelles sont reprises dans la lettre de licenciement, en précisant les rues dans lesquelles ces désordres ont été constatés ;

— Monsieur X, aide conducteur de travaux, précise avoir suivi les travaux du chantier du tramway de Reims et atteste avoir été témoin de l’abandon des câbles électriques, de l’absence de tirage des câbles et d’un mauvais nombre de câbles tirés dans les fourreaux de liaison entre les électrovannes et les programmateurs ;

qu’elle produit également des rapports de chantier de reprise des malfaçons confiés à 3 de ses salariés et un devis estimatif des travaux de reprise évalué à 13 525, 85 € ;

Considérant que si ces pièces établissent la réalité des désordres constatés par Messieurs Y et X, par contre elles ne permettent nullement, face aux dénégations de Monsieur Z, de faire la preuve de l’imputabilité à Monsieur Z des malfaçons décrites dans la lettre de licenciement ;

qu’en effet, aucun témoin n’atteste de la nature exacte des tâches confiées sur ce chantier à Monsieur Z ; que la date à laquelle les câblages défectueux ont été effectivement réalisés n’est nullement certaine alors que les travaux ont duré plusieurs mois et que Monsieur Z s’est trouvé en arrêt de travail à partir de juillet 2010 ;

que si l’employeur prétend avoir diligenté une enquête interne et avoir entendu Monsieur A, supérieur de Monsieur Z, pour autant cette enquête n’est pas plus produite qu’une attestation des salariés présents pendant les travaux ;

qu’aucune information n’est donnée de façon objective sur la composition de l’équipe de travail chargée du câblage et sur les responsabilités de chaque membre de cette équipe ;

Considérant en conséquence que la cour estime que les pièces versées aux débats ne permettent pas de caractériser la réalité et le sérieux des manquement reprochés à Monsieur Z ; que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef ;

que Monsieur Z est en conséquence bien fondé, par application de l’article L 1235-3 du code du travail, à se voir allouer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

qu’eu égard à l’ancienneté de Monsieur Z dans l’entreprise, à savoir 5 ans, de son âge, soit 26 ans au moment du licenciement , de sa situation de travailleur handicapé, du montant de son salaire, soit en moyenne 2 137, 43 €, de ses périodes d’indemnisation par Pôle Emploi, il convient d’allouer à Monsieur Z la somme de 15 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur le harcèlement moral

Considérant qu’en application de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;.

que lorsque survient un litige relatif à des faits de harcèlement au sens de l’article L 1152 – 1 du code du travail, le salarié établit, conformément à l’article L 1154 – 1 du code du travail, des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement ;

qu’au vu de ces éléments, il appartient à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ;

Considérant qu’en l’espèce si Monsieur Z prétend avoir été l’objet de harcèlement moral de la part de son employeur, force est de constater qu’il ne verse aux débats aucun élément susceptible de présumer l’existence d’un tel harcèlement moral ;

qu’il ne justifie par aucune pièce que l’employeur n’a pas respecté les préconisation de la médecine du travail sur les réserves notées sur les déclarations d’aptitude ;

que le fait de s’être vu refuser une formation demandée tardivement ne permet pas de présumer l’existence d’un harcèlement moral ;

que la réalité d’arrêts de travail est parfaitement insuffisante pour constituer une présomption de harcèlement ;

que Monsieur Z n’a pas contesté l’avertissement notifié pour usage abusif de son téléphone portable ;

Considérant en conséquence qu’à défaut d’établissement par le salarié de faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral, il convient de confirmer le jugement déféré en déboutant Monsieur Z de sa demande de dommages et intérêts de ce chef ;

Sur les indemnités kilométriques

Considérant que Monsieur Z est mal fondé, en l’absence de toute clause contractuelle d’avantage d’un véhicule de société, à prétendre être bénéficiaire d’indemnités kilométriques calculées forfaitairement sur la base du barème fiscal ;

que, par contre, l’employeur a reconnu ne s’être pas acquitté, pendant certaines périodes de travail pendant lesquelles Monsieur Z n’avait plus l’usage du camion de l’entreprise, des indemnités conventionnelles de petit déplacement ;

qu’il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a alloué à Monsieur Z une somme de 125, 06 € à ce titre, somme dont la société Aqua Distribution Pompes soutient s’être acquittée ;

que Monsieur Z sera débouté su surplus de ses demandes d’indemnités kilométriques ;

Sur le surplus des demandes

Considérant que la société Segex Energies qui succombe sera condamnée à payer à Monsieur Z la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de ce chef de demande ;

Considérant que la condamnation au paiement de 15 000 € à titre d’ indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt et que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l’article 1154 du code civil ;

PAR CES MOTIFS

— Confirme partiellement le jugement entrepris :

* en ce qu’il a condamné la société Aqua Distribution Pompes, aux droits de laquelle vient la société Segex Energies, au paiement de la somme de 125, 06 € à titre de remboursement de frais kilométriques,

* en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

— Infirme le surplus du jugement déféré, et, statuant à nouveau,

— Dit que le licenciement de Monsieur D Z n’a pas revêtu une cause réelle et sérieuse ;

— Condamne la société Segex Energies, venant aux droits de la société Aqua Distribution Pompes, à payer à Monsieur Z :

* la somme de 15 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,

* la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Autorise la capitalisation des intérêts dus pour une année entière dans les conditions de l’article 1154 du code civil ;

— Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

— Condamne la société Segex Energies, venant aux droits de la société Aqua Distribution Pompes, aux dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT FF

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