Cour d'appel de Paris, 14 novembre 2013, n° 12/02509

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 14 nov. 2013, n° 12/02509
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/02509
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 24 février 2010, N° 06/02225

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRÊT DU 14 Novembre 2013

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 12/02509 et 12/02516- MAC

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Février 2010 par le Conseil de prud’hommes – Formation de départage de PARIS section commerce RG n° 06/02225

APPELANT

Monsieur K L

XXX

XXX

comparant en personne, assisté de Me Julien RODRIGUE, avocat au barreau de PARIS, toque : R260 substitué par Me Benoît PELLETIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R260

INTIMEES

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Michel BERTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R077 substitué par Me Stéphane DUPLAN, avocat au barreau de PARIS, toque : R077

Syndicat SUD RAIL DE PARIS SAINT LAZARE

XXX

XXX

représentée par Me Julien RODRIGUE, avocat au barreau de PARIS, toque : R260 substitué par Me Benoît PELLETIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R260

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 Octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine MÉTADIEU, Présidente

Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. D a été engagé suivant un contrat de travail à durée indéterminée du 10 Septembre 1984 par la SNCF en qualité d’agent des installations électriques.

Il est devenu délégué du personnel, membre du CHSCT de son unité, délégué de commission jusqu’en 2009, délégué de la commission professionnelle centrale depuis 2008 et délégué du CHSCT depuis 2011.

Considérant être victime d’une discrimination syndicale, depuis 1995 et plus activement depuis l’année 2003, M. D a saisi le conseil de prud’hommes de Paris, le 16 février 2006 afin de se voir accorder divers rappels d’allocations du régime général, d’indemnités compensatrices de représentation, des dommages-intérêts pour le préjudice subi dans le déroulement de sa carrière, pour préjudice moral.

Par un jugement du 25 février 2010, le conseil de prud’hommes de Paris, statuant en départage a condamné la SNCF à verser à M. D la somme de 2000 euros en réparation du préjudice subi pour insuffisance de programmation de nuits et a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

M. D a relevé appel de ce jugement.

Il demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SNCF à lui verser la somme de 2000 euros en réparation du préjudice subi pour insuffisance de programmation de nuit, mais de l’infirmer pour le surplus.

Il sollicite la condamnation de la SNCF à lui verser les sommes suivantes :

—  8006, 60 euros à titre de dommages et intérêts pour la discrimination au titre de la programmation de nuit,

—  25 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi dans le déroulement de sa carrière et la discrimination syndicale,

—  5000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral,

—  1064,13 euros à titre de rappels d’allocations de nuit et de complément d’allocation de travail de nuit pour la période 2009-2012,

—  3 400,36 euros à titre de rappel d’allocations de déplacement du régime général,

—  21 372,70 euros à titre de rappel d’indemnité compensatrice de représentation.

—  253,90 euros au titre des rappels de salaire pour retenues injustifiées opérées sur les paies de janvier, février, mars 2011 outre les congés payés afférents.

Il entend voir ordonner à la SNCF de lui délivrer les bulletins de paie conformes en prenant en compte les rappels salariaux et la régularisation auprès des organismes sociaux sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt à intervenir.

Le syndicat Sud rail Paris Saint-Lazare, intervenant volontaire, sollicite la condamnation de la SNCF à lui verser une somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif des salariés.

M. D et le syndicat Sud rail Paris Saint-Lazare réclament, chacun, le versement d’une indemnité de 2500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sans remettre en cause la condamnation prononcée à son endroit par le conseil de prud’hommes pour les programmations de nuit, la SNCF conclut au rejet de toutes les autres prétentions formulées tant par M. D que par le syndicat Sud rail Paris Saint-Lazare.

Elle réclame une indemnité de 1000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l’audience.

MOTIFS :

Il convient, pour une bonne admnistration de la justice de prononcer la jonction des procédures inscrites sous les numéros RG 12/02509 et 12/02516.

Sur la discrimination syndicale :

Aux termes de l’article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L.3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’action, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales.

L’article L.2141-5 du code du travail interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Selon l’article L.1134-1 du code du travail, en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels, il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Enfin, l’employeur ne peut, fût ce pour partie, prendre en compte les absences d’un salarié liées à ses activités syndicales pour arrêter ses décisions en ce qui concerne notamment la conduite, la répartition du travail, la formation professionnelle, l’avancement et la rémunération de celui-ci.

En l’espèce, M. D soutient que son implication syndicale et représentative est à l’origine de mesures discriminatoires de la part de son employeur et invoque les faits suivants :

— un défaut de programmation des prestations de nuit au cours de la période 2000-2003, les membres de la brigade au sein de laquelle il est affecté travaillant, pour partie la nuit et percevant des primes et des indemnités spéciales dont il a été privé pour partie, et la non perception des allocations afférentes telles l’allocation de travail de nuit et le complément d’allocation de travail de nuit depuis octobre 2009,

— les modifications de lieux de travail et de fonctions imposées par l’employeur en dépit de son statut de salarié protégé,

— l’absence de formation pendant plus de dix années et d’entretien individuel de formation,

— l’absence de notation et d’évaluation,

— le retard pris dans l’application de la majoration de la prime de travail.

Sur le moyen tiré des défauts de programmation des prestations de nuit :

Il relève que pour les années 2000 à 2003, l’examen comparatif des tableaux de service a mis en évidence une situation inégalitaire sur la programmation des nuits par rapport aux autres membres des équipes, situation d’ailleurs reconnue par la SNCF par lettre du 21 Novembre 2003, qui a alors promis de l’affecter de nuit 30 fois pour l’année 2004 conformément à la moyenne de l’équipe, sans toutefois assurer le dédommagement pour les années précédentes.

Il a contesté au surplus les moyennes retenues par la SNCF

Ainsi fait-il état d’un nombre de nuits programmées en moyenne pour la brigade s’élevant à:

—  58 en 2000,

—  87 en 2001,

—  81 en 2002.

Interpellée à cet égard, la SNCF a répondu par lettre du 18 février 2004 :

«  […]Le nombre de nuits qui vous seront programmées en 2004 sera égal à la moyenne de celles programmées pour les agents de votre équipe. À ce jour était prévu que moins d’une trentaine de nuits soit réalisée[…]}Une quinzaine de nuits devrait donc être programmée sur vos programmes mensuels de 2004.[…]Je maintiendrai cette position pour l’année 2004 et ce, sans tenir compte du fait que vous soyez à temps partiel ».

Il fait valoir qu’en dépit de l’engagement pris par la SNCF, il n’a été programmé que six nuits au premier semestre 2004,13 nuits au second semestre, qu’aucune solution ne lui a été proposée pour le préjudice subi les années précédentes.

Enfin, il relève qu’après lui avoir versé les allocations de travail de nuit et de complément d’allocations de travail de nuit entre 2007 et 2009, la SNCF a cessé de le faire alléguant à tort qu’il s’agit d’un remboursement de frais alors que ces allocations sont forfaitaires et sont versées aux divers agents travaillant de nuit sans qu’ils aient à justifier de frais réellement engagés.

L’employeur réplique qu’elle n’a pas relevé appel, pas plus que M. D d’ailleurs, de la condamnation prononcée par le conseil de prud’hommes s’agissant de l’insuffisance de programmation de nuit pour la période de 2000 à 2006.

Il précise que les dirigeants de proximité tiennent compte de la charge des travaux à réaliser et des absences connues et prévisibles, en fonction des formations, des congés pour programmer les affectations de nuit, que toutes les nuits programmées pour l’agent étaient rémunérées, même lorsqu’il n’a pas pu en assurer le service, qu’il a d’ailleurs été rémunéré sur les années 2007 à 2012 à raison de 30 nuits par an sans les avoir effectuées.

La SNCF soutient à juste titre au regard du référentiel applicable que doivent être prises en compte les indemnités versées et non pas les allocations correspondant à des frais professionnels réellement déboursés, que les nuits payées par compensation à M. D sont fictives, que par suite, à défaut pour lui d’engager des frais professionnels, il ne peut prétendre au remboursement forfaitaire à ce titre, que c’est par erreur qu’il a perçu ces allocations jusqu’en octobre 2009.

Sur les fonctions au regard des formations :

M. D expose qu’en 1995, il avait fait l’objet d’un détachement sur le site du parc SES d’Achères Grand Cormier, qu’il s’y était dans un premier temps refusé arguant de son statut de salarié protégé, que devant l’insistance de l’employeur, il avait écrit « je m’exécuterai donc contre mon gré et ce malgré les problèmes dus à l’augmentation de mon temps de trajet », qu’il avait été réintégré dans son équipe.

Il fait valoir que par lettre du 12 janvier 2005, qu’il communique aux débats, l’employeur a de nouveau pris la décision de l’affecter au parc SES d’Achères Grand Cormier et de limiter ses fonctions à des tâches logistiques et ce sans son accord, qu’en 2010, alors qu’il sollicitait le règlement de ses allocations de déplacement, l’employeur lui a écrit, le 3 mai 2010 « […], Il reste à éclaircir votre lieu d’affectation qui d’après les éléments du système d’information RH est Paris et non Achères. » et le 18 juin 2010, « Votre unité d’affectation actuelle dans le SIRH est « Travaux Paris ». Votre unité de travail est « siège UP Paris » ». Par ce même courrier, il était proposé à M. D d’indiquer ses desiderata en retournant le coupon-réponse afin de clarifier sa situation administrative.

Le 22 juillet 2010, l’employeur a communiqué à M. D un formulaire afin d’officialiser l’affectation sur l’UA travaux d’Achères.

La SNCF réplique que depuis l’embauche de M. C jusqu’au 1er janvier 2009, son unité d’affectation est restée la même et communique, pour l’établir, les formulaires de changement de situation administrative émis en 1993, 2002, 2007 et 2009, les rubriques étant renseignées de la manière suivante:

— unité d’affectation PB équipe Seg tvx,

— unité de charge équipe travaux,

— établissement et proche banlieue PSL,

— Région Paris Saint-Lazare.

Elle ajoute qu’au 1er novembre 2008, les deux établissements l’Even grande banlieue et l’Even proche banlieue, dont faisait partie M. D ont fusionné en un seul établissement Infrapôle de Paris Saint-Lazare, que par suite, l’unité d’affectation de M. D a été modifiée sans que cela ait un quelconque impact sur sa zone normale d’emploi, qu’une lettre a été adressée à M. D le 27 novembre 2008 pour lui préciser qu’il avait reçu un formulaire de consultation, qu’il n’avait pas retourné.

Elle soutient que la modification de la dénomination de l’unité d’affectation n’a entraîné aucune conséquence quant à la zone d’emploi, aux postes tenus, aux conditions de travail, aux conditions d’exercice des mandats et au rattachement hiérarchique direct.

S’agissant de l’affectation de M. D au parc d’Archères en 2005 et clairement notifiée par la lettre du 12 janvier 2005, la SNCF explique qu’à défaut pour le salarié d’avoir pu obtenir une habilitation subordonnée à la vérification de l’aptitude de l’agent en matière de sécurité, et ce, conformément aux textes réglementaires, son DET l’a affecté à un poste n’exigeant aucune habilitation sécurité sur le parc SAS d’Archères ce qui lui permettait en outre de conserver son affectation géographique sur Paris.

Sur l’accès à la formation :

M. D explique qu’il s’est vu privé de toute formation pendant plus de dix ans, qu’il a en vain demandé à pouvoir en bénéficier.

En 2011, l’évaluateur a relevé que M. D n’avait pas eu de formation depuis trois années.

Il renvoie au document du 23 Janvier 2009, initié par la SNCF, répertoriant les formations nécessaires au sein de son service et communiqué aux débats et fait observer que son nom n’est pas cité.

Il évoque l’annotation de son supérieur hiérarchique qui a indiqué à cet égard « compte tenu des missions actuelles assurées par M. D, il n’est pas prévu que des formations métier signalisation soient envisagées. ».

Il en déduit que le fait de ne lui avoir fait bénéficier d’aucune formation professionnelle sans que la SNCF n’ait d’autre explication que celle tenant aux absences pour fonctions syndicales caractérise l’existence d’une discrimination syndicale.

De même, il constate qu’il n’a bénéficié d’aucun entretien individuel de formation avant 2011.

La SNCF répond que M. D n’a pu obtenir certaines habilitations en raison d’une juste application des textes qui exigent le suivi d’une formation et le contrôle de ses connaissances sur le terrain, que des formations ont été proposées chaque année à l’agent, qui en réalité n’a pas souhaité suivre de formation depuis juin 2002. Elle fait valoir que M. D a refusé de participer à la formation sécurité incendie pourtant demandée lors de son entretien individuel de formation de l’année 2012.

La SNCF fait observer que M. D bien qu’il y a une activité syndicale importante depuis l’année 1994 n’avait jamais émis de revendications avant 2003.

Sur la notation évaluation

M. D explique que l’obtention d’une qualification, d’un niveau, d’une position de rémunération supérieure suppose plusieurs conditions et exige d’être proposé ce qui implique une notation de la part de ses supérieurs.

Il relève que:

— en dépit de son refus clairement exprimé de passer sur la qualification D niveau 1 hors compte, en mars 2007, par crainte de se voir bloqué pendant des années à la position de rémunération 15, l’employeur a passé outre, si bien qu’il n’a progressé que d’une position de rémunération en avril 2011, qu’il peut rester jusqu’à 14 ans sur le niveau 1, alors que, si à l’instar d’autres collègues, il était passé de C-2-15 à C-2-16, il aurait pu évoluer plus rapidement sur D-2-17 et D-2-18 ce qui aurait eu un impact financier sur sa rémunération à hauteur de 60 à 80 euros par mois;

— un autre salarié M. Y placé dans la même situation a refusé l’accès à la qualification D, a alors obtenu son passage en C-2 15 puis, en mars 2010 la qualification D et est alors passé à la condition de rémunération D-2-16,

— en mai 2011, son nom ne figurait pas sur les propositions de notation de changement de niveau pour l’exercice 2011-2012, alors que son collègue M. I J s’est vu proposer à l’accès au deuxième niveau de la qualification D, tout en gardant son poste,

— consécutivement à sa réclamation, il lui a été indiqué que « comparativement aux agents proposés dans le listing, M. D n’a pas développé sur son poste et ses postes précédents des compétences qui conduisent l’établissement à estimer qu’il maîtrise l’emploi tenu et qu’il ait acquis une expérience suffisante ».

Il considère que l’employeur s 'appuie implicitement sur ses absences pour motif syndical pour lui dénier l’expérience nécessaire à son évolution de carrière.

La SNCF rétorque que M. D a bénéficié d’un déroulement de carrière honorable qui ne révèle aucunement une quelconque différence de traitement par rapport à un autre salarié placé dans la même situation, qu’il a obtenu la qualification D et accédé régulièrement à des niveaux et à des positionnements de rémunération supérieure. Elle explique que les demandes de M. D tendant à être promu à des positions de rémunération supérieure sur la qualification C en espérant pouvoir ainsi accéder directement au deuxième niveau de la qualification D était contraire à l’application du statut.

Elle fait observer qu 'en sa qualité de délégué de la commission, M. D a assisté à la commission de notation et d’établissement du 15 mai 2007, a signé sans réserve les procès-verbaux issus de cette commission y compris celui concernant sa demande d’attribution d’un positionnement de rémunération 14.

Elle propose enfin des comparaisons avec les situations de quatre agents, soutient que M. D a une évolution plus rapide que M. Z qui est entré à la SNCF en 1982 a accédé à la qualification C en 1993, soit 11 années après son embauche, est parvenu à la qualification C, niveau 2 rémunération 12 en 2002 soit après 20 années d’exercice, puis à la position de rémunération 14 de la qualification C le 1er avril 2007 soit après 25 années d’exercice.

M. Q R est entré à la SNCF en qualité d’agent d’exécution en 1981 a obtenu la position de rémunération 14 en 2002.

M. M N entré à la SNCF en qualité d’agent d’exécution en 1983, a obtenu la position 15 en 2009.

M. K P est entré à la SNCF en qualité d’agent d’exécution en 1976 a accédé à la position de rémunération 13 de la qualification C en 2006 soit après 30 années d’exercice de ses fonctions.

Sur la question du retard dans l’application de la majoration de la prime de travail :

M. D explique qu’à compter du 1er juillet 2008, les agents justifiant de 20 années d’ancienneté sur un emploi avéré pénible devaient percevoir une prime de travail majorée de 15 euros par mois, contrairement à ses collègues Messieurs E et X, que cette majoration ne lui a pas été appliquée automatiquement bien qu’il répondait aux conditions exigées, qu’ il a été contraint de solliciter sa régularisation par courrier du 10 avril 2009, et que cette majoration ne lui a été effectivement attribuée qu’ en septembre 2009.

La SNCF conteste toute discrimination à l’encontre de M. D à cet égard dans la mesure où il a obtenu comme tous les autres agents la majoration de sa prime de travail au titre de la pénibilité, le retard pris dans le versement de cette prime étant nécessaire pour la reconstitution de sa carrière et pour vérifier qu’il était admissible à la revalorisation de sa prime.

L’examen de l’ensemble de ces moyens et des éléments communiqués par les deux parties montre que les absences du salarié directement en lien avec ses activités syndicales sont manifestement prises en compte, au moins pour partie par l’employeur pour arrêter ses décisions en matière de conduite du travail, ( insuffisance de programmation de nuits) de formation professionnelle( aucune formation pendant plusieurs années), de rythme des notations, d’avancement, de refus d’habilitation en raison de l’impossibilité de vérifier ses aptitudes, et par suite de rémunération, le tout en dépit de la prohibition légalement posée à cet égard.

Sur les préjudices :

Les dommages-intérêts accordés sur le fondement des dispositions légales ayant trait à la discrimination n’ont pas pour seul objet de réparer les pertes de salaires résultant de la discrimination mais d’indemniser l’ensemble du préjudice subi du fait de celle-ci.

Toute demande de dommages-intérêts de ce chef n’est pas soumise à prescription quinquennale des salaires.

sur le préjudice matériel,

Le préjudice financier résultant de l’insuffisance de programmation des prestations de nuit a été évalué par les premiers juges à la somme de 2000 euros.

Dans la mesure où M. D a expressément sollicité la confirmation du jugement déféré s’agissant de la condamnation au paiement de cette somme au titre des programmations de nuit, il ne peut solliciter des dommages et intérêts supplémentaires du chef du préjudice financier à ce titre, sous couvert de la prise en compte de cette insuffisance de programmation des nuits comme étant un des éléments caractérisant la discrimination.

En effet, il ne peut prétendre à une double indemnisation d’un même préjudice correspondant à la perte de chance d’obtenir une rémunération spécifique, celle-ci ayant en réalité été évaluée pour l’indemnisation accordée par les premiers juges au titre de l’insuffisance de programmation des nuits et acceptée par lui.

M. D formule une demande particulière s’agissant du rappel de l’allocation de travail de nuit de complément d’allocation de travail de nuit sur la période 2009-2012 à hauteur de 1060,13 euros, alléguant d’une part qu’il s’agit d’une allocation forfaitaire d’autre part, que la SNCF lui a effectivement versée jusqu’en 2009.

La SNCF rétorque que cette allocation lui a été versée à tort et que l’erreur n’est pas constitutive de droits acquis.

Selon le RH 0131, les allocations travail de nuit et complément d’allocations de travail de nuit ont pour objet le remboursement des frais exposés par l’agent.

Alors même que le remboursement est forfaitaire, M. D, qui n’expose aucun frais ne peut prétendre à ces allocations et complément d’allocations complémentaires, leurs versements jusqu’en 2009 résultant en effet d’une erreur qui n’est pas constitutive de droits acquis.

Il ne sera pas fait droit à cette demande.

S’agissant de la discrimination en matière de formation, de formation, d’affectation, de notation M. D réclame une somme de 25 000 euros au titre de dommages-intérêts sans toutefois communiquer d’indications précises sur le préjudice financier qu’il allègue à ces titres.

Tout au plus, peut-il prétendre à une indemnisation pour une perte de chance d’avoir pu bénéficier d’un déroulement plus rapide de sa carrière s’il avait reçu certaines habilitations dont il s’accorde à préciser que la perte de rémunération serait de l’ordre de 60 à 80 euros par mois.

Au regard de ces éléments, la cour dispose d’éléments suffisants pour fixer à 2160 euros le montant du préjudice à ces titres.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur le préjudice moral;

Le préjudice moral avéré résultant de certaines décision de l’employeur, dont le caractère discriminatoire a été reconnu, sera justement réparé par l’octroi d’une somme de 1 500 euros.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur les demandes d’allocations statutaires:

sur les allocations de déplacement:

M. D relève que depuis 2006, certaines des réunions pour lesquelles il avait été convoqué par la SNCF, pourtant répertoriées sur les relevés d’EVS (d’éléments variables de solde) n’ont pas induit le versement de l’allocation correspondante. Il réclame un rappel de 3 400,36 euros à ce titre.

Outre la prescription quinquennale sur la période antérieure au 14 Février 2007, la SNCF réplique que toutes les réunions de CHSCT ou de délégation du personnel n’ouvrent pas droit au versement des allocations et renvoie aux dispositions des référentiels applicables.

Elle précise que l’unité d’affectation de M. D est le siège de l’infrapole PSL, fixé à Paris jusqu’en février 2011, que depuis février 2011 consécutivement au déménagement intervenu, le siège désormais à Courbevoie. Elle en conclut que dans la mesure où les réunions des délégués du personnel et des CHSCT ordinaires et extraordinaires se déroulent dans les salles de réunion du siège de l’établissement, M. D ne fait pas de déplacements lorsqu’il se rend à ce type de réunion.

Les parties divergent dans leur interprétation des référentiels applicables.

Selon le régime général des allocations de déplacement, il est spécifié aux termes de l’article 114.1 du référentiel RH 0131que l’attribution des allocations de déplacement n’est justifié que si le déplacement entraîne des frais supplémentaires pour l’agent. Un agent est considéré en déplacement lorsque, pour les besoins du service et il sorte de sa zone normale d’emploi. La zone normale d’emploi d’un agent englobe toutes les installations situées à moins de 3 km de son unité d’affectation.

L’article 116 du dit référentiel fixe les taux des allocations de déplacement du régime général lesquels varient selon la qualification ou la classe des intéressés. À cet effet, les agents sont placés en trois groupes.

L’article 118 du référentiel prévoit que les dispositions particulières pour l’attribution des allocations de déplacement aux délégués et représentants du personnel ainsi qu’aux agents désignés pour siéger dans certaines instances font l’objet de la procédure RH 0226.

Selon l’article 3 de ce référentiel RH 0226, les délégués des représentants du personnel[…]reçoivent, à l’occasion des déplacements effectués sur convocation de l’entreprise, les allocations de déplacement du régime général, au taux normal ou majoré selon le cas quel que soit le régime de déplacements auxquels ils sont soumis.

Les intéressés bénéficient pour ces déplacements des taux d’allocations prévus pour le groupe I, quelque soit la qualification sur laquelle ils sont placés lorsque les réunions auxquelles il participe se tiennent à Paris.

M. D estime que le RH 0226 fixant une règle particulière a vocation à s’appliquer par dérogation à la règle générale, qu’il régit les conditions de versement des allocations de déplacement aux délégués et représentants du personnel par dérogation aux dispositions du référentiel 0131. Il en déduit que le versement de l’allocation n’est pas soumis aux conditions restrictives édictées par le texte général et plus spécialement la sortie de la zone d’emploi.

Il communique le témoignage de M. F qui atteste qu’en tant que délégué, il travaille à la garenne, que les réunions auxquelles il est convoqué au lion même endroit, qu’il n’expose aucun frais de déplacement que pour autant, il perçoit dans le cadre du RH 0226 une allocation repas à chaque réunion.

M. D verse également aux débats un tableau reprenant un certain nombre de réunions auxquelles il a participé en compagnie de son collègue M. G et constate qu’il a perçu une allocation de déplacement alors que son collègue n’en percevait pas et vice versa.

À cet égard, la SNCF évoque des erreurs favorables à M. D.

Or, l’interprétation retenue par M. D est erronée.

En effet, l’article 3.3 du référentiel RH 0226, stipule « par dérogation aux règles générales d’attribution des allocations de déplacement, une allocation partielle pour repas au taux prévu pour le groupe I, quelle que soit la qualification sur laquelle l’agent est placé, est attribuée, à l’exclusion de tout autre cas, délégués aux représentants du personnel dont l’unité d’affectation est à Paris, lorsqu’il se réunisse avec leurs collègues venus de province, à l’occasion des réunions autorisées [|…] qui se tiennent à Paris. »

Cet article prévoit donc une allocation spécifique de repas pour les délégués et représentants du personnel, dont l’unité d’affectation est à Paris à l’occasion de certaines réunions autorisées se tenant à Paris et ce, par dérogation aux règles générales applicables en matière d’allocation de déplacement.

Force est de constater que c’est en application de ces dispositions particulières que M. F perçoit une allocation de repas étant observé que ce témoin ne soutient pas avoir reçu des allocations de déplacement.

Dès lors que M. D ne sortait pas de la zone normale d’emploi pour certaines des réunions auxquelles il était convoqué, c’est à juste titre qu’il n’a pas perçu les allocations de déplacement.

Dans la mesure où les erreurs éventuellement commises par la SNCF ne peuvent en aucun cas être sources de droit, il résulte des dispositions réglementaires précédemment relatées que les demandes formulées ne peuvent pas prospérer.

M. D sera débouté du chef de cette demande.

Sur la demande relative aux indemnités compensatrices de représentation;

Selon l’article 3-1 de la directive RH 0612 relative au paiement des indemnités des gratifications aux agents investis d’un mandat de représentant du personnel ou de fonctions syndicales pour les agents absents, « lorsqu’un agent est rattaché à un roulement ou un service connu il convient de lui verser le montant des indemnités ou des gratifications qu’il aurait perçues s’il avait assuré le service normalement prévu».

L’article 3-1.2 de ladite directive est ainsi rédigé :

« Lorsque le service qu’aurait assuré un agent n’est pas connu, il convient de lui verser le montant journalier théorique correspondant à sa filière et à sa qualification lorsqu’il est :

— couvert par un crédit heures,

— couvert par un chèque-congé syndical,

— absent pour exercice de fonctions de conseiller prud’homal,

— en réunion à l’initiative du service.

L’indemnité compensatrice de représentation n’est versée que si le poste de travail tenu habituellement par l’agent ouvre droit à des indemnités ou à des gratifications. ».

Il s’en déduit que dès lors que le service de l’agent est programmé et donc connu, comme pour M. D et quand bien même celui-ci serait absent en raison de ses missions représentatives, il ne peut prétendre au bénéfice de l’indemnité compensatrice de représentation, étant relevé qu’il a reçu l’intégralité de son traitement au sens des deux textes et ne peut ainsi réclamer une double rémunération.

M. D se fonde sur ces textes précités, dont les termes sont clairs et qu’il convient d’appliquer non obstant les cas des salariés cités par lui étant précisé, à toutes fins que les situations de Messieurs B et H ne sont pas comparables à celle de M. D, ces deux agents ayant été placés en situation de service libre à la demande du syndicat et relevant en conséquence des dispositions de l’article 2 de la directive.

C’est donc à juste titre que le conseil de prud’hommes a débouté M. D du chef de sa demande à ce titre.

Sur la demande de rappel de salaire pour des retenues injustifiées opérées sur l’épée de janvier, février et mars 2011 :

M. C soutient qu’une retenue de salaire a été opérée à tort, à raison d’absence prétendument injustifiées les 5 et 10 décembre 2010, ainsi que la fraction de la prime de travail couverte par les absences prétendument injustifiées sur la paie de mars 2011.

Il admet avoir commis une erreur et avoir pris une demi-journée d’absence injustifiée le 18 novembre 2010.

Il invoque l’autorisation donnée par M. A directeur d’établissement adjoint qui lui avait écrit le 6 août 2010 « l’établissement vous autorise exceptionnellement à prendre à cette fin de tenue de rapports une journée par mois[…] ».

L’examen de cette lettre produite aux débats montre que son auteur a relevé que M. D avait décompté deux journées pour rédaction de son rapport en juillet 2010, et lui a rappelé alors le principe selon lequel, il ne pouvait disposer que d’une journée par mois pour rédiger les rapports.

Dans le cas présent, les documents communiqués ne permettent pas de constater que M. D a pris d’autres journées que celles qu’il évoque les 5 novembre 2009 et 10 décembre 2009 pour la rédaction de ses rapports pour les deux mois concernés et les mails et documents de l’employeur ne remettent pas en cause cette journée mensuelle ni ne démontrent une erreur de la part de l’agent dans le décompte de ces journées.

Il sera fait droit à la demande.

La SNCF sera condamnée au versement de la somme de 253,90 euros à ce titre outre celle de 25,39 euros au titre des congés payés afférents, en ce compris la fraction de prime de travail en lien avec ces retenues injustifiées.

Sur la demande de délivrance de bulletins de paye conformes :

La demande de délivrance de bulletins de paye conformes aux termes du présent arrêt et de régularisation auprès des organismes sociaux est légitime. Il y sera fait droit.

Aucune astreinte ne sera toutefois ordonnée, aucune circonstance ne le justifiant.

Sur l’intervention du syndicat Sud rail:

Se fondant sur les dispositions des articles L. 2132- 3 et L. 2131-1 du code du travail, le syndicat Sud rail soutient à bon droit que les mesures discriminatoires dont le salarié a fait l’objet par la rupture de l’égalité professionnelle qu’elles ont provoquée ont porté préjudice à l’ensemble de la profession, étant observé que le statut de la SNCF est assimilable à un accord collectif de travail dont la violation justifie l’intervention du syndicat.

L’examen des pièces communiquées montre au surplus que le syndicat est intervenu à plusieurs reprises dans l’intérêt de l’agent, en dénonçant la discrimination en cause.

Enfin, le syndicat verse aux débats les relevés de décisions des instances dirigeantes mandatant le secrétaire du syndicat pour le représenter dans le cadre de l’intervention volontaire aux côtés de M. D ainsi que les statuts et récépissé de dépôt en mairie nécessaires et ce, conformément aux dispositions de l’article L. 2131-3 du code du travail.

L’intervention du syndicat Sud Rail est donc tout à la fois recevable et fondée.

Une indemnité de 1000 euros sera allouée au syndicat Sud rail au titre du préjudice avéré allégué.

Sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile:

L’équité commande d’accorder à M. D une indemnité de 1000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et au syndicat Sud rail de Paris Saint-Lazare une indemnité de 500 euros, sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement et publiquement,

Prononce la jonction des procédures RG n° 12/02509 et 12/02516

Constate le caractère définitif de la condamnation de la SNCF à verser à M. D une indemnité de 2000 euros au titre du préjudice financier résultant de la question des programmations de nuit,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. D de sa demande au titre du rappel de l’indemnité compensatrice de représentation,

L’infirme pour le surplus;

Statuant à nouveau et y ajoutant:

Condamne la SNCF à verser à M. D les sommes suivantes :

—  2160 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi au titre de la discrimination syndicale,

—  1500 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi du fait de la discrimination syndicale,

—  253,90 euros au titre du rappel de salaire pour les retenues injustifiées outre les congés payés afférents de 25,39 euros,

—  1000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonne la délivrance par la SNCF à M. D des bulletins de paie conformes aux termes du présent arrêt ainsi que la régularisation auprès des organismes sociaux,

Déboute M. D du surplus de ses demandes et notamment de ses demandes d’allocations de déplacement, de travail de nuit et de complément de travail de nuit, d’astreinte;

Déclare l’intervention volontaire du syndicat Sud rail Paris Saint-Lazare recevable,

Condamne la SNCF à lui verser les sommes suivantes :

—  1000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,

—  500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SNCF de sa demande d’indemnité en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SNCF aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,

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Cour d'appel de Paris, 14 novembre 2013, n° 12/02509