Cour d'appel de Paris, 2 juillet 2014, n° 12/09745

  • Bruit·
  • Piscine·
  • Acoustique·
  • Expert·
  • Trouble·
  • Pompe à chaleur·
  • Installation·
  • Propriété·
  • Moteur·
  • Climatisation

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, 2 juill. 2014, n° 12/09745
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/09745
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Créteil, 5 mars 2012, N° 10/12708

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 2

ARRÊT DU 02 JUILLET 2014

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/09745

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Mars 2012 -Tribunal de Grande Instance de Créteil – RG n° 10/12708

APPELANTS

Monsieur W E

XXX

XXX

Madame O E

XXX

XXX

représentés et assistés par la SELARL TVR, avocats au barreau de PARIS, toque : D2178

INTIMES

Madame Q Z épouse K

XXX

XXX

Monsieur S K

XXX

XXX

représentés par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

assistés de Me Sandrine ROBLOT, avocat au barreau du VAL DE MARNE, toque : PC 113

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Mars 2014, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Denise JAFFUEL, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Dominique DOS REIS, Président

Madame Denise JAFFUEL, Conseiller

Madame Claudine ROYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Emilie POMPON

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Dominique DOS REIS, Président, et par Madame Emilie POMPON, Greffier présent lors du prononcé et auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

***

Les époux E et les époux K Z sont propriétaires occupants de maisons mitoyennes sises 8 et XXX à XXX

La propriété du 10, qui est celle des époux K Z, comporte une piscine pour laquelle des équipements de chauffage, de filtration et de nage à contre courant sont installés dans un local technique attenant.

Les époux E, se plaignant de nuisances sonores qui proviendraient depuis l’été 2005 du fonctionnement de ces équipements, ont obtenu, par ordonnance de référé du 17 juin 2008, la désignation de M. G en qualité d’expert.

L’expert a déposé son rapport le 16 juin 2010.

Par exploit du 29 novembre 2010, les époux E ont fait assigner les époux K Z, sur le fondement du trouble anormal de voisinage, pour obtenir sous astreinte la mise hors service du matériel litigieux, outre des dommages et intérêts et une indemnité au titre de l’article 700 du CPC.

Par jugement contradictoire, rendu le 6 mars 2012, dont les époux E ont appelé par déclaration du 29 mai 2012, le Tribunal de grande instance de Créteil 4e chambre civile :

Déboute M. et Mme E de l’ensemble de leurs demandes,

Les condamne aux dépens de l’instance en ce compris le coût de l’expertise judiciaire.

Les époux K Z, intimés, ont constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions, moyens et arguments dont elle est saisie, la Cour fait référence expresse à la décision déférée et aux conclusions d’appel, dont les dernières ont été signifiées dans l’intérêt :

Des époux E, le XXX,

Des époux K Z, le XXX.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 janvier 2014.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,

Sur les prétentions des parties en cause d’appel

Les époux E demandent, par infirmation, de condamner sous astreinte solidairement M. et Mme K à procéder à la mise hors service de leur système de climatisation et ventilation de la pompe à chaleur, de la pompe à filtration, du système de nage à contre courant équipant leur piscine, d’ordonner la réalisation des travaux recommandés par l’expert judiciaire sous le contrôle d’un bureau d’étude acoustique et de condamner solidairement les époux K à leur payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre celle de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC ;

M. K et Mme Z épouse K demandent de confirmer le jugement et de condamner M. et Mme E à leur payer la somme de 5.000 euros pour procédure abusive, outre celle de 5.000 euros au titre de l’article 700 du CPC ;

Sur le caractère contradictoire du constat inopiné effectué par l’expert

Les époux K soutiennent que les constatations faites par l’expert, en leur absence, lors du constat inopiné du 16 juin 2009, ne leur seraient pas opposables au motif qu’elles ne seraient pas contradictoires ;

Les époux E soutiennent que ce constat, expressément autorisé par l’ordonnance de référé, serait parfaitement contradictoire, l’expert n’étant pas tenu d’informer les parties au préalable de la date d’une telle visite ;

Il appert de l’ordonnance de référé désignant M. G en qualité d’expert, que le juge l’a autorisé à « si nécessaire, procéder à des mesures inopinées à charge d’en rendre compte aux parties » ;

Il appert de l’examen du rapport d’expertise que l’expert a organisé une première réunion le 28 octobre 2008 mais qu’il n’a pu procéder à aucun relevé compte tenu de bruits de chantier et que lors de la deuxième réunion fixée le 31 mars 2009, les conditions climatiques (vent) n’ont pas permis davantage d’effectuer lesdites mesures ; que le 16 juin 2009, l’expert s’est rendu de façon inopinée sur les lieux pour effectuer un constat ;

L’expert a adressé le 9 novembre 2009 une note n° 4 aux parties pour leur donner les relevés sonores effectués le 16 juin 2009 ; il a déposé son rapport le 16 juin 2010 ;

Il résulte de ce qui précède que l’expert, qui n’avait pas à informer au préalable les parties de la mesure inopinée ni à soumettre cette mesure inopinée à leur avis, a respecté le principe de la contradiction puisqu’il a adressé le 9 novembre 2009 aux parties les résultats des investigations auxquelles il a procédé le 16 juin 2009, hors leur présence, afin de leur permettre d’être en même d’en débattre contradictoirement avant le dépôt de son rapport en date du 16 juin 2010 ;

Dans ces conditions, la demande des époux K Z de ce chef sera rejetée ;

Sur le trouble anormal de voisinage

Vu les articles 544 et 1382 du Code civil,

Le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par la loi ou les règlements, est limité par l’obligation qu’il a de ne causer à la propriété d’autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux de voisinage ;

Les époux E versent aux débats plusieurs attestations qui, à l’exception de celle de Mme N qui affirme de façon non circonstanciée : «'le samedi 28 juillet 2012 à H, j’ai constaté dans leur jardin le bruit d’un moteur en fonctionnement, parfaitement audible et continu, qui provenait de la propriété limitrophe de leurs voisins », ont été établies en 2007et 2011;

En 2007, Mme L atteste : « 'le 3 juillet 2007'j’ai pu constater qu’en arrivant à 16h30, le calme était présent et que c’était fort agréable. Nous discutions gentiment lorsqu’à 17h20 environ, un ronronnement soudain s’est fait entendre, provenant de chez les voisins du côté est’ce ronronnement dès qu’il commence est constant, lancinant, énervant. Ce bruit monte en puissance en dix minutes environ. Il me fait penser à un appareil ménager type lave-vaisselle qui fonctionnerait à l’extérieur. Si j’avais à acheter une propriété, jamais je ne porterais mon choix sur un bien présentant un tel désagrément de bruit », M. M, un voisin, atteste : «  M’étant rendu à l’invitation de W E dans son jardin samedi 23 juin 2007 un peu avant midi, j’ai pu constater sur place la gêne occasionnée par un bruit de fond persistant provenant de leurs voisins du dessus, M. K et Mme Z’sans que le niveau du bruit soit en lui-même excessif, j’ai constaté que la persistance de cette vibration désagréable devenait entêtante et obsédante. Resté sur place une quinzaine de minutes, j’ai d’ailleurs pu apprécier la différence de fond sonore lorsque la pompe s’est arrêtée et a laissé place au reposant murmure du vent dans les arbres qui a nous a fait choisir ce calme lieu de résidence il y a une quinzaine d’années », Mme D atteste le 10 juillet 2007 : « ' arrivée vers 15H30 chez M. et Mme Ynous sommes allés dans le jardin vers la terrasse pour prendre le thé. Or le bruit m’a interpellée et dérangée. Cela m’a fait penser à une turbine dont le bruit est extrêmement lancinant qui importune au point de quitter le jardin » ;

En 2011, M. A atteste : « le 19 avril 2011 à X, lors d’une visite de courtoisie à M. et Mme W E à leur domicile’j'ai constaté à différents endroits de leur jardin et notamment sur leur terrasse qu’un bruit de moteur électrique (type pompe) était clairement audible. Ce bruit lancinant provenait clairement de la propriété sise à l’est du jardin de mes hôtes », Mme I atteste : « 'le jeudi 10 mars 2011, j’ai constaté un ronronnement continu, lié au fonctionnement des installations de la piscine des voisins M. et Mme BCe bruit a été continu pendant toute la durée de ma visite, dès mon arrivée vers 11H30 jusqu’à mon départ vers 17H, nous amenant à rentrer dans la maison pour ne pas subir la gêne » ;

Il appert de l’examen des témoignages précités et d’autres attestations concordantes de 2007 et 2011 versées aux débats que les installations de la piscine des époux K Z fonctionnent de mars à octobre, soit pendant huit mois de l’année, en journée et soirée ainsi que les dimanches et jours fériés, et que ce fonctionnement occasionne un bruit permanent de moteur électrique audible du jardin et de la terrasse des époux E, que les témoins décrivent comme un ronronnement continu et lancinant ;

Il appert du rapport d’expertise de M. G, que l’expert a constaté que la piscine des époux K Z est située à environ 4 mètres du mur séparatif des deux propriétés et que le local technique ne se trouve qu’à environ 2 mètres dudit mur séparatif ;

L’expert, après avoir procédé à des mesures acoustiques, indique : « les émergences en fréquences de 1/3 d’octave lors du fonctionnement de la climatisation et de la piscine sont importantes entre la fréquence de 1/3 d’octave de 160 Hz et la fréquence de 1/3 d’octave de 630 Hz. Dans ce dernier cas l’émergence à la fréquence de 1/3 d’octave de 630 Hz est de 6,1 dB », et il conclut : « compte tenu du bruit résiduel et de la qualité acoustique du lieu, il est nécessaire de supprimer ce ronronnement du aux matériels de la piscine de M. et Mme K Z. Ce ronronnement est plus sensible en période estivale compte tenu de l’utilisation de la piscine » ;

L’expert indique également : « compte tenu de la qualité acoustique du lieu, il est dommageable de constater une émergence dans la propriété de M. et Mme E due à des matériels de piscine appartenant à M. et Mme K Z implantés à proximité de la limite de propriété de leur habitation. Dans le cas d’une location ou d’une vente de l’habitation de M. et Mme E, une diminution du prix de location ou une diminution du prix de cette habitation est à prévoir compte tenu de ce trouble de voisinage » ;

Il résulte de ce qui précède que les bruits causés par les installations de piscine des époux K Z constituent, du fait de leur durée et répétition dans le temps ainsi que de leur intensité, un trouble qui dépasse les inconvénients normaux de voisinage ;

Les deux attestations versées aux débats par les époux K Z, l’une de M. J prédécesseur des époux K Z qui a fait construire la piscine en 1995 et l’autre des époux F, voisins, faisant état que du temps de M. J les époux E ne s’étaient jamais plaints de nuisances de la piscine qu’ils utilisaient à l’occasion, ne viennent pas contredire les témoignages produits par les époux E faisant état d’un ronronnement continu et lancinant à partir de juin 2007, époque à laquelle les époux K Z ont fait installer une pompe à chaleur pour le chauffage de leur piscine ;

En conséquence, par infirmation, il sera dit que le trouble subi de ce chef par les époux E constitue un trouble anormal de voisinage, l’anormalité du trouble étant en l’espèce caractérisé ;

Sur les mesures réparatoires

Les époux E demandent de condamner solidairement les époux K Z à procéder sous astreinte à la mise hors service de leur système de climatisation et ventilation de la pompe à chaleur, de la pompe à filtration, du système de nage à contre courant équipant leur piscine et d’ordonner la réalisation des travaux recommandés par l’expert judiciaire dans son rapport du 10 juin 2010 sous le contrôle d’un bureau d’étude acoustique, outre l’allocation de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Les époux K Z s’opposent à ces prétentions ; ils font valoir notamment que le matériel critiqué a été remplacé et que ces nouvelles installations ont été réalisées par une entreprise qualifiée ; ils versent aux débats de ce chef des factures datées du 30 avril 2012 ;

L’expert G préconise, pour redonner à l’endroit la qualité acoustique initiale, d’effectuer des travaux consistant à éloigner la pompe à chaleur de la limite de propriété avec réalisation d’un écran acoustique autour de cette pompe, de déplacer la pompe de filtration du local technique au pool house qui devra être insonorisé, et de créer un écran acoustique en limite de propriété côté K Z d’une hauteur de 2 m à 2,50 m, un bureau d’étude en acoustique devant être mandaté avant tous travaux par des entreprises ;

Toutefois, depuis le rapport d’expertise en juin 2010, la situation a évolué, les installations en place lors des mesures acoustiques réalisées par l’expert ayant été remplacées et modifiées ;

Il ressort en effet des factures en date du 30 avril 2012, produites par les époux K Z, que la pompe de filtration a été remplacée ainsi que la pompe à chaleur avec installation de cette dernière en pleine terre pour éviter les vibrations ;

Depuis la réalisation de ces travaux en 2012, les époux E n’établissent pas la persistance du trouble anormal qu’ils allèguent, la seule attestation de Mme N, retraitée, et celle de son époux, disant avoir constaté le samedi 28 juillet 2012 dans le jardin le bruit d’un moteur en fonctionnement, étant insuffisante pour caractériser l’anormalité du trouble de voisinage ;

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande des époux E tendant à la mise hors service des installations et à la réalisation par les époux K Z des travaux préconisés par l’expert ; cette demande sera donc rejetée ;

En revanche, il est établi que les époux E ont subi, entre juin 2007 et avril 2012, pendant les mois où ils auraient pu jouir paisiblement de leur jardin dans l’environnement particulièrement calme du village de PERIGNY SUR YERRES, un préjudice certain en raison du trouble anormal de voisinage occasionné par le bruit des installations de la piscine des époux K Z ;

Au vu des éléments du dossier, la Cour fixera ce préjudice à la somme de 4.000 euros ;

En conséquence, les époux K Z seront condamnés in solidum à payer aux époux E la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Sur les autres demandes

Les époux K Z seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, qui n’est pas justifiée ;

Il sera alloué aux époux E la somme de 3.000 euros au titre de leurs entiers frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit constitué le trouble anormal de voisinage causé aux époux E par les installations de piscine des époux K Z ;

Condamne in solidum M. K et Mme Z épouse K à payer à M. et Mme E les sommes suivantes :

—  4.000 euros à titre de dommages et intérêts,

—  3.000 euros au titre de leurs entiers frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

Rejette les demandes autres, plus amples ou contraires ;

Condamne in solidum M. K et Mme Z épouse K aux entiers dépens de première instance et d’appel, qui comprendront les frais de l’expertise judiciaire et qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, 2 juillet 2014, n° 12/09745