Cour d'appel de Paris, 25 septembre 2014, n° 13/10719

  • Canal·
  • Avenant·
  • Indemnité·
  • Contrat de travail·
  • Technologie·
  • Rupture·
  • Collaborateur·
  • Clause de non-concurrence·
  • Travail·
  • Démission

Chronologie de l’affaire

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

www.francmuller-avocat.com · 11 novembre 2014

11 novembre 2014 Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris Nous avons déjà évoqué ici l'existence de clauses contractuelles insérées en marge du contrat de travail de salariés, essentiellement cadres dirigeants, prévoyant en cas de survenue d'un évènement particulier affectant la poursuite de leur relation de travail, l'octroi d'une indemnité d'un montant déterminé, ces clauses étant communément qualifiées de « clauses parachutes » Une récente décision de la Cour d'appel de Paris, rendue à ce sujet, retient l'attention (Pôle 6, chambre 8, n° S 13/10719 et S 13/10799) Elle consacre en …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Paris, 25 sept. 2014, n° 13/10719
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 13/10719
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 8 septembre 2013, N° 08/05875

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRÊT DU 25 Septembre 2014

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 13/10719 et 13/10799

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Septembre 2013 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 08/05875

APPELANT

Monsieur I X

XXX

XXX

comparant en personne, assisté de Me Christophe RICOUR, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : E2035

INTIMEE

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Chantal GIRAUD VAN GAVER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0053

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 03 Juillet 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Catherine MÉTADIEU, Présidente

Mme Q-R S-T, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. X a été engagé par la SA Canal + suivant un contrat à durée indéterminée en date du 15 Juin 1999 en qualité de directeur délégué auprès de la présidence.

Il a été nommé directeur délégué de la société Groupe Canal + à compter du 21 Décembre 2000.

Un avenant à son contrat de travail a été signé.

En avril 2002, M. G D a été limogé et M. Xavier F, nommé Président.

Alléguant des difficultés rencontrées depuis le changement de gouvernance, M. X a adressé à M. F une lettre, le 18 juin 2002, en évoquant « une rupture inéluctable sauf à trouver de nouvelles modalités de collaboration».

A compter de Juin 2002, M. X qui était aussi Président de Canal + Technologies a mené les opérations de cession de cette filiale à Thomson Multimédia, laquelle cession est intervenue le 20 Septembre 2002.

Dans le cadre de ces opérations et alors que Thomson avait manifesté le souhait de le conserver comme Chairman & CEO de Canal + Technologies et par suite de reprendre le contrat de travail au moment du closing des dites opérations, M. X a été engagé par l’acquéreur dans le cadre d’un contrat à durée déterminée en date du 21 octobre 2002 à effet jusqu’au 31 Décembre 2003.

M. X a adressé sa démission à la présidence du groupe Canal + par lettre du 30 Janvier 2003 et a été dispensé de son préavis.

Lors de la remise du solde de tout compte, SA Canal + a versé à M. X une prime de cession et une prime d’objectif.

A défaut d’obtenir la prime contractuelle de départ résultant de l’avenant contractuel portant mention de la date du 12 mai 2000 et le paiement de la contrepartie de la clause de non concurrence, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris afin d’obtenir le paiement de ces sommes, ainsi que celui de l’indemnité de licenciement.

Par un jugement du 09 Septembre 2013, le conseil de prud’hommes de Paris, section encadrement, a condamné SA Canal + à verser à M. X les sommes suivantes :

—  33 208,45 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

2 158 330,50 euros au titre de l’indemnité contractuelle de départ,

—  50 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La juridiction a débouté M. X du surplus de ses demandes, en ce compris de sa demande d’indemnité pour concurrence déloyale et rejeté la prétention émise par SA Canal + en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Appelant de ce jugement, M. X demande à la cour de confirmer le jugement lui ayant alloué l’indemnité légale de licenciement mais de l’infirmer pour le surplus.

Il réclame en effet le versement des sommes suivantes :

—  913 159,54 euros au titre de la clause de non concurrence,

—  6 731 848,40 euros au titre de l’indemnité contractuelle de départ,

ces sommes portant intérêts à compter du jour de sa demande soit à compter du 27 juin 2003, lesquels intérêts faisant l’objet de la capitalisation prévue aux termes de l’article 1154 du code civil.

Il sollicite en outre une indemnité de 15 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La SA Canal + conclut à la confirmation du jugement ayant débouté M. X de sa demande au titre de l’indemnité de non-concurrence mais à son infirmation pour le surplus.

Elle réclame une indemnité de 15 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l’audience.

MOTIFS :

Il convient pour une bonne administration de la justice de prononcer la jonction des dossiers inscrits sous les numéros RG 13/10719 et 13/10799.

Sur les demandes au titre de l’indemnité de licenciement et del’indemnité contractuelle de départ :

Au soutien de ses demandes d’indemnité de licenciement et d’indemnité contractuelle de départ, M. X invoque l’application des dispositions arrêtées aux termes de l’avenant à son contrat de travail en date du 12 mai 2000, rédigé dans les termes suivants :

« du fait de votre niveau de responsabilité, des liens privilégiés tissés depuis votre arrivée dans l’entreprise entre Canal+ et vous-même, il est expressément convenu qu’en cas de rupture de votre contrat de travail et ce, pour quelque raison que ce soit et quelle que soit la partie ayant eu l’initiative de la rupture, vous serez dégagé de toute obligation envers la société Canal+ et pourrez prétendre à l’ensemble des indemnités conventionnelles et légales qui vous auraient été dues en cas de licenciement pour cause réelle et sérieuse. Afin de prendre en compte l’ensemble des préjudices professionnels et moraux résultant de la rupture de contrat de travail, il vous sera versé de surcroît une indemnité de départ d’un montant égal à trois années de rémunération net de toutes charges sociales, y compris CSG et CRDS, et de toute charge fiscale…».

Pour justifier son refus d’appliquer ces dispositions, la SA Canal+ soulève la nullité de ce document.

A titre principal, la SA Canal + soulève le défaut de pouvoir du représentant de la société lors de la signature effective du document intervenue courant septembre 2000 et non pas le 12 mai 2000 comme indiqué de façon erronée sur l’avenant.

La SA Canal + explique que l’appelant ne peut utilement se prévaloir de l’ordonnance de non-lieu désormais définitive rendue consécutivement au dépôt de sa plainte pour faux, pour soutenir que le document contractuel invoqué a été signé le 12 mai 2000, dès lors qu’elle considère démontrer que ce document contractuel a été réalisé le 26 septembre 2000 à partir d’un fichier créé informatiquement le 26 juin 2000, soit en toute occurrence à une date postérieure au 12 mai 2000.

Elle s’appuie tout à la fois sur les conclusions de deux constats opérés par des experts sur les matériels informatiques utilisés pour la rédaction du dit avenant et sur le témoignage de Mme M Y qui atteste que « M. K E lui a demandé de rédiger des avenants prévoyant des indemnités de rupture de contrat de travail dans des montants qui lui ont paru exorbitants, qu’elle a d’ailleurs rédigé à sa demande une note à cet égard le 27 juin 2000, que les avenants ont effectivement été rédigés au mois de septembre 2000 ».

La SA Canal + ajoute qu’au moment de la signature effective de cet avenant, en septembre 2000, M. G B ne disposait plus, en sa qualité de représentant de la société du pouvoir de le signer, et cela depuis le 19 juin 2000, en raison de la fusion décidée à cette date entre Vivendi Canal+ Seagram dès lors qu’il avait été spécialement spécifié à M. D représentant Canal + que « la gestion des ressources humaines, la gestion des relations sociales, les politiques de rémunération de collaborateurs,…. seraient du ressort de Canal+ en cohérence avec les orientations d’ensemble du groupe » qu’au surplus, d’après les traités d’apports d’actifs signés le 4 juillet 2000, il était spécialement prévu qu’ « à compter des présentes et jusqu’à la date de réalisation incluse, l’ apporteur s’engage à gérer les actifs transférés dans le cours normal de leurs affaires avec toute la prudence et la diligence requises ».

Pour la SA Canal +, le fait d’accorder à 15 cadres de l’entreprise, une indemnité de départ d’un montant égal à trois années de rémunération net de toutes charges sociales et de toutes charges fiscales, même en cas de faute grave ou lourde, et une indemnité conventionnelle due même en cas de démission, ne saurait s’assimiler à une gestion normale des affaires avec prudence et diligence, dans le contexte contemporain d’importantes difficultés économiques et de la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Pour elle, cet acte constitue en réalité tout à la fois, un détournement de pouvoir et un abus de bien social de la part de M. B en vue de s’attacher la fidélité personnelle de ses collaborateurs, dès lors qu’il était lui-même inquiet sur les conséquences pour lui du projet de rapprochement des entités Vivendi, Canal + et Seagram.

Or, ainsi que l’ont pertinemment relevé les premiers juges, alors même que le non lieu définitif n’a effectivement pas autorité de chose jugée, la SA Canal + n’apporte aucun élément supplémentaire autre que ceux qu’elle a exposés devant les juridictions d’instruction saisies qui ont constaté que l’élément matériel susceptible de caractériser le faux n’était pas établi.

La cour relève à son tour que les conclusions des consultants en informatique communiquées aux présents débats ne sont pas probantes. L’expert consulté n’a en effet pas écarté la possibilité de modification de la date et de l’heure de l’horloge de la carte mère de l’ordinateur à raison de deux types d’ événements, à savoir une manipulation volontaire ou la défaillance de la pile électrique logée sur la carte mère. M. Z a aussi précisé qu’il n’ avait pas pu déterminer avec précision les différences de fonctionnement entre les différentes versions de Windows, de même qu’entre les différentes versions du logiciel de traitement de texte Word, et ce, après avoir observé que la société utilisait en 2000, windows 95, ou 98 ou 2000 alors en phase de lancement et les traitements de texte word 95 ou 96 plus anciens, les expériences réalisées au cours de l’expertise ayant été menées sous windows XP et Word 2003.

Il peut seulement être déduit des constatations réalisées tant par M. Z que par M. C que l’avenant existait en septembre 2000, qu’il a fait l’objet d’une énième modification sans qu’il puisse être exclu qu’il n’a pas été créé avant septembre 2000, la discordance entre les dates de modification et les dates d’impression montrant que cet avenant et les avenants concernant les autres collaborateurs bénéficiaires d’une clause similaire existaient avant la date de modification.

De même l’onglet « date d’impression » correspond à la dernière date d’impression enregistrée pour le document, les experts ayant précisé que les dates d’impression n’étaient pas toujours enregistrées, et que ces dates ne sont sauvegardées que si les fichiers ont été sauvegardés. Il ne peut en conséquence être exclu que les avenants et celui qui concerne M. X ont été créés avant leur date d’impression mais sans déterminer celle-ci.

Un doute demeure en conséquence sur la date exacte à laquelle l’avenant a été établi, modifié et imprimé, lequel doute n’est pas levé par le témoignage de Mme Y qui affirme que les avenants ont été créés en septembre 2000.

La SA Canal + communique la note que Mme Y explique avoir rédigée à la demande de M. E, qu’il a lui même transmise le 27 juin 2000 à M. A sur les « golden parachutes » réservés à quinze collaborateurs et les éventuelles conséquences attachées à la signature de tels avenants.

Ce document comporte une mention manuscrite de M. A, qui fait état « des conclusions définitives sur le sujet ».

La société Canal + en déduit que ce document confirme que les avenants litigieux et celui dont se prévaut M. X n’ont pu être rédigés et signés avant cette note et donc avant le 27 juin 2000.

Toutefois, si les conclusions de cette note attirent l’attention des dirigeants sur la légalité et les risques encourus par de tels avenants, il ne peut en être déduit avec certitude qu’ils n’étaient pas déjà établis.

Le témoignage de Mme Y qui ne précise pas avoir été présente lors de la signature de l’avenant tant par M. D que par M. X ne permet pas d’exclure que l’avenant en cause a été signé à une autre date que celle qui figure sur le document.

Enfin, il est avéré et non utilement contesté que l’engagement résultant de ce document a été pris par son président, M. D, président de la SA Canal +, habilité à le signer en application des statuts n’ayant pas fait l’objet d’une modification par l’instance légitime et compétente s’agissant du périmètre de ses missions et pouvoirs, laquelle modification des statuts était seule susceptible d’être utilement opposée au salarié, tiers aux actes de fusion et aux traités d’apports.

En conséquence, aucun détournement de pouvoir de la part du représentant de la SA Canal + et opposable au salarié n’est établi.

La SA Canal + soulève également le caractère illicite de la cause de l’avenant à raison de l’abus de bien social qu’elle caractérise du fait qu’elle avait pour cause exclusive l’intérêt personnel de M. D et à raison de l’atteinte qu’elle portait à la liberté d’entreprendre en restreignant de manière disproportionnée le pouvoir de licencier de l’employeur.

La SA Canal + explique en effet que la concession par son représentant de telles indemnités, même en cas de démission, aux proches collaborateurs représentant un coût global de 90 millions d’euros constituait un acte contraire à l’intérêt social de la société dont le résultat d’exploitation était négatif à hauteur de 831 millions d’euros en 2001 et par suite, n’avait pour cause que l’intérêt personnel du représentant de l’entreprise.

Elle ajoute que son pouvoir de licencier était restreint de manière disproportionnée et entravait sa liberté d’entreprendre, constitutionnellement affirmée.

C’est avec pertinence que les premiers juges ont relevé, d’une part, que tout employeur a la possibilité d’accorder à ses salariés des indemnités ou avantages au-delà des minima fixés par la loi et les conventions collectives, même en cas de démission, d’autre part, que la volonté de maintenir une équipe cohérente de collaborateurs dans le contexte de l’opération de fusion envisagée n’était pas dénuée de fondement.

En effet, la clause a été conçue alors que s’ouvrait une période compliquée caractérisée par un projet de fusion, propice à des départs de cadres dirigeants ayant des fonctions importantes, essentielles et ce, dans le but d’assurer leur engagement et leur fidélité à l’entreprise.

Par ailleurs, si les indemnités susceptibles d’être versées aux divers collaborateurs bénéficiaires d’une clause similaire, en cas de départ, représentaient une somme de l’ordre de 90 millions d’euros, il ressort des éléments communiqués que la capitalisation boursière de Canal+ au 30 juin 2000 s’élevait à 27 milliards d’euros, l’actif net de Canal+ ayant alors été estimé dans une fourchette de 22 à 25 milliards d’euros.

Il s’en déduit que ni le pouvoir de licencier de l’employeur, ni la liberté d’entreprendre, principe constitutionnel, n’étaient restreints ou entravés par ces clauses, au regard notamment de la capacité financière du groupe, en dépit du résultat négatif évoqué pour l’année 2001.

Enfin, la SA Canal + argue de la nullité de la clause pour défaut de cause au motif que ce défaut de cause est caractérisé lorsque l’obligation souscrite par l’une des parties se trouve dépourvue de toute justification ou confère à une partie un avantage si excessif qu’il est dépourvu de toute contrepartie, qu’en l’espèce, la clause confère à M. X un avantage extravagant sans aucune contrepartie, qu’une récompense correspondant à neuf années de rémunération pour neuf mois de collaboration, de manière inconditionnelle est dépourvue de cause.

Or, il a été précédemment relevé que la clause en cause reposait sur une cause consistant à garantir l’implication et la fidélité des collaborateurs dont les fonctions étaient importantes pour assurer la cohérence de l’équipe et préserver ainsi l’intérêt social de la société Canal+ dans le contexte des opérations de fusion envisagées.

Ce moyen est donc également inopérant.

Dans ces conditions, l’avenant du 12 mai 2000, faisant la loi entre les parties, doit recevoir application.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont accordé à M. X l’allocation de l’indemnité conventionnelle de licenciement.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

S’agissant de l’indemnité contractuelle de départ, la SA Canal + soutient que de par son libellé, le deuxième paragraphe de l’avenant exclut son versement en cas de démission, dès lors que l’indemnité n’est due que lorsque le salarié subit des préjudices professionnels et moraux résultant de la rupture, qu’un salarié démissionnaire ne subit aucun préjudice professionnel ou moral.

Elle estime par ailleurs que ce deuxième paragraphe, donnant droit à une indemnité contractuelle de départ en cas de démission donnait à M. X le droit de modifier unilatéralement une situation juridique mettant en cause les intérêts de son cocontractant, que par suite, le versement de l’indemnité contractuelle de départ est contracté sous condition potestative

Selon l’article 1161 du Code civil, toutes les clauses des conventions s’interprètent les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l’acte entier.

Or, l’examen des deux paragraphes montre, sans ambiguïté, que la commune intention des parties a été de prévoir les indemnités susceptibles d’être versées au salarié en cas de rupture du contrat de travail, pour quelque raison que ce soit et quelle que soit la partie ayant eu l’initiative de cette rupture, qu’outre les indemnités conventionnelles et légales susceptibles d’être versées en cas de licenciement pour cause réelle et sérieuse, serait versée, « de surcroît », soit en plus, une indemnité de départ…

Ainsi, l’indemnité de départ était-elle due, en cas de rupture du contrat, pour quelque raison que ce soit, et quelle que soit la partie ayant pris l’initiative de la rupture et est par suite exigible au départ du salarié, quel que soit l’auteur de la rupture.

Il se déduit aussi de ce constat que l’article 1174 Code civil selon lequel « toute obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige » n’ a pas vocation à recevoir application.

Enfin, dès lors que cette clause ne sanctionne pas l’inexécution d’une obligation contractuelle, elle ne peut être qualifiée de clause pénale susceptible d’être modifiée, minorée par le juge.

La clause doit en conséquence être exécutée conformément aux termes précis qu’elle comporte.

L’indemnité de départ correspond au montant égal à trois années de rémunération net de toutes charges sociales y compris CSGnn et CRDS ainsi que de toutes charges fiscales.

C 'est à juste titre que la SA Canal + conteste le montant de l’indemnité réclamée dans la mesure où le salarié a inclus dans le montant de la rémunération de référence la somme de 200 000 euros versée au titre de la prime de cession.

En effet, ne doit pas être prise en compte dans le calcul de l’indemnité tendant à prendre en compte les conséquences de la perte de l’emploi, une gratification dont l’employeur fixe discrétionnairement le montant et les bénéficiaires et qui est attribuée à l’occasion d’un événement unique.

En conséquence, la prime de cession de 200000 euros, octroyée de façon unique et exceptionnelle, à l’occasion de l’opération de cession menée par le salarié à la demande de la société ne peut être incluse dans le montant de la rémunération de référence.

La rémunération annuelle de référence n’est donc pas de 913 159,54 euros bruts mais de 718 776,84 euros.

En conséquence, en application de la clause et des éléments de calcul dont elle dispose, la cour arrête l’indemnité contractuelle à revenir à M. X à la somme de 5 298 851,09 euros et ce, sans que ce montant puisse être modifié de quelque manière que ce soit au regard du taux d’imposition effectif applicable au moment du paiement de cette indemnité.

Le jugement déféré sera donc réformé et la SA Canal + sera condamnée à verser à M. X une indemnité de 5 298 851,09 euros.

Sur les intérêts :

Il convient de rappeler à toutes fins que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

L’anatocisme sera ordonné et appliqué conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil.

Sur la clause de non-concurrence :

M. X réclame la contrepartie financière de la clause de non-concurrence dès lors que la SA Canal + ne lui a pas expressément notifié, ainsi que le prévoyait l’article 6 de son contrat de travail, sa renonciation à cette clause par lettre recommandée avec accusé de réception, dans le délai d’un mois suivant la notification de la rupture du contrat de travail, quelle que soit la partie ayant pris l’initiative de la rupture.

La SA Canal + s’oppose à sa demande estimant que M. X est malvenu à solliciter la contrepartie financière de la clause de non-concurrence à défaut pour lui de l’avoir respectée.

M. X fait valoir que la société Thomson dont il est devenu un dirigeant n’étant en aucune façon concurrente de Canal+ puisqu’elle est un fabricant d’équipements électroniques grand public, tandis que la SA Canal + est une société de télévision à péage produisant et diffusant des programmes audiovisuels.

Il précise de surcroît qu’il était mandataire social de Canal+ technologies, au nom de son employeur, que le transfert de son contrat de travail a été envisagé, qu’en définitive un contrat de travail à durée déterminée a été signé à raison du surcroît exceptionnel d’activité lié à l’intégration de Canal+ technologies par Thomson multimédia SA.

D’après le contrat de travail initial du 15 juin 1999, M. X était en charge du projet « Media Cie ». Il avait ainsi « autorité sur l’ensemble des personnels de la direction technique affectée au développement des logiciels de contrôle d’accès d’interactivité en numérique » ainsi que le fait écrire la SA Canal +.

Dans le prolongement de cette activité salariée, M. X a été nommé administrateur et président du conseil d’administration de Mondial + devenue Canal+ technologies à compter du 23 décembre 1999.

Canal+ technologies a été cédée à Thomson.

M. X en tant que mandataire social a reçu mandat de céder la participation de Canal+ au sein de Canal+ technologies.

Il a par ailleurs signé un contrat de travail à durée déterminée puis un contrat de travail à durée indéterminée avec Thomson.

S’il est patent que M. X a été amené à exercer au sein de Thomson SA les fonctions qu’il exerçait auparavant en ce qu’il a persisté à avoir « autorité sur l’ensemble des personnels de la direction technique affectée au développement des logiciels de contrôle d’accès et d’interactivité en numérique », force est effectivement de relever qu’il n’exerçait aucune activité concurrente à l’activité de Canal + puisqu’il a simplement continué à exercer ses missions de direction d’une activité cédée et que le groupe Canal+ n’avait plus vocation à exercer.

En revanche, il est exact qu’en application de l’avenant du 12 mai 2000, dont la cour a reconnu l’entière validité, l’employeur a expressément dégagé le salarié de toutes ses obligations envers la société Canal+ en cas de rupture du contrat de travail, qu’il a, ce faisant, renoncé à la clause de non-concurrence.

M. X n’est donc pas fondé à se prévaloir de la clause de non-concurrence prévue à son contrat initial pour réclamer une contrepartie financière à laquelle il ne peut plus prétendre.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point mais par substitution de motif.

Sur la demande d’indemnité en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :

L’équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a accordé à M. X une indemnité en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une nouvelle indemnité sur le même fondement pour les frais engagés au soutien de son appel.

Les deux parties ont évalué à la somme de 15 000 euros le montant de ces frais.

Dans la mesure où la SA Canal + succombe dans la présente instance, c’est à elle qu’incombera de verser à l’autre partie l’indemnité de 15 000 euros en application de ces dispositions légales.

Elle-même sera déboutée du chef de cette demande et condamnée aux entiers dépens conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement et publiquement,

Prononce la jonction des dossiers inscrits sous les numéros RG 13/10719 et 13/10799,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a alloué à M. X les sommes suivantes :

—  33 208,45 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

—  50 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

et en ce qu’il l’a débouté de sa demande de contrepartie financière pour la clause de non-concurrence,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Condamne la SA Canal + à verser à M. X la somme de 5 298 851,09 euros à titre d’indemnité contractuelle de départ, outre celle de 15 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,

Prononce l’anatocisme conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil,

Déboute la SA Canal + de sa demande d’indemnité en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA Canal + aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, 25 septembre 2014, n° 13/10719