Cour d'appel de Paris, 27 mai 2014, n° 13/05752

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 27 mai 2014, n° 13/05752
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 13/05752
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 19 novembre 2012, N° 08/00263

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRET DU 27 MAI 2014

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 13/05752

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Novembre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 08/00263

APPELANTE

XXX prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège.

XXX

XXX

Représentée par Maître Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Assistée de Maître Y GABURRO, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 98, substitué par Maître Anne Sophie GYRE ARNOULT, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 98

INTIMES

Monsieur Y X

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Représenté par Maître Nathalie HERSCOVICI de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Assisté de Maître Jean Luc DURAND, avocat au barreau de PARIS, toque : E 50

SA BNP PARIBAS REAL ESTATE TRANSACTION FRANCE

XXX

XXX

Représentée par Maître François BLANGY de la SCP CORDELIER & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0399, substitué par Maître Elsa KRIEGER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0399

SA NATIXIS LEASE IMMO anciennement dénommée FRUCTICOMI 30 avenue Pierre Mendès France

XXX

Représentée par Maître Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

Assistée de Maître Jacques SENTEX, avocat au barreau de PARIS, toque : R036

SCI EL

XXX

XXX

Représentée et assistée par Maître Jean-Alain MICHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D0371

XXX

XXX

XXX

Représentée par Maître Alain FISSELIER de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 24 Mars 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente

Madame A B, Conseillère

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Céline LITTERI

MINISTERE PUBLIC :

L’affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Madame Céline LITTERI, greffière présente lors du prononcé.

Selon acte authentique du 7 mars 2003, la société Fructicomi a acquis de la société Resthocol des locaux à usage de bureaux et de réserves situés au rez-de- chaussée et au sous-sol d’un immeuble sis 224 rue du Faubourg Saint-Antoine à Paris 12e. Une attestation d’absence d’amiante établie le 18 décembre 2002 par M. Y X a été annexé à cet acte.

Selon un autre acte du même jour, la société Fructicomi a donné le bien en crédit-bail à la SCI El pour une durée de 12 ans.

Aux termes d’un acte authentique du 15 décembre 2005, la SCI El a cédé son contrat de crédit-bail à l’association Apsad Accueil et Service (Una Paris 12), association d’aide à domicile pour personnes handicapées, moyennant le versement d’une indemnité

de 1.515.000 euros. Cette convention avait été précédée d’une promesse de cession en date du 20 octobre 2005 négociée par l’intermédiaire de la société Atisrear C D. L’attestation de M. X a été également jointe à cet acte.

Selon avenant au contrat de crédit-bail d’origine en date du 15 décembre 2005, la société Fructicomi a consenti à l’Una Paris 12 un financement complémentaire de 230 000 euros en vue de la réalisation de travaux.

Ces travaux ont révélé la présence d’amiante dans la composition et la colle de fixation des dalles du sol ce qu’a confirmé le diagnostic demandé le 28 février 2006 au Laboratoire Lem.

Par lettre recommandée du 14 mars 2006, l’Una Paris 12 a informé le crédit-bailleur de la situation et lui a demandé de prendre en charge, en sa qualité de propriétaire, le coût des travaux de retrait de l’amiante d’un montant de 43 056 euros TTC selon un devis de la société Arcadem.

La société Fructicomi ayant opposé un refus à cette demande, l’Una Paris 12 a fait procéder, à ses frais, aux travaux de retrait.

Par lettre recommandée du 11 décembre 2006, elle a demandé réparation de son préjudice à M. X, auteur de l’attestation du 18 décembre 2002.

Faute de réponse et par actes d’huissier des 4 et 5 décembre 2007, l’Una Paris 12 a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris la société Fructicomi, la SCI El, M. X et son assureur, la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne, et la société Atisrear C D en responsabilité et paiement de dommages et intérêts.

Par jugement du 20 novembre 2012, le tribunal de grande instance de Paris a débouté l’Una Paris 12 de toutes ses demandes, a débouté M. X de sa demande reconventionnelle et a condamné l’Una Paris 12 à payer la somme de 1 000 euros à chacun des défendeurs en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 21 mars 2013, l’Una Paris 12 a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières écritures signifiées le 13 novembre 2013, elle demande à la cour de réformer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de dire que les clauses transférant au preneur les obligations issues du décret n° 96-97 du 7 février 1996 insérées dans le contrat de crédit-bail des 7 mars 2003 et 15 décembre 2005 sont réputées non écrites, subsidiairement, vu la responsabilité contractuelle de la société Natixis Lease Immo, anciennement dénommée Fructicomi, et de la SCI El, la responsabilité quasi délictuelle de M. X et de la société BNP Paribas Real Estate Transaction France, aux droits de la société Atisrear C D, et le contrat d’assurance consenti par la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne, vu le vice du consentement dont elle a été victime, de dire que le crédit-bailleur et la SCI El ont failli à leurs obligations contractuelles, que M. X et la société BNP Paribas Real Estate Transaction France ont failli à leurs obligations quasi délictuelles, en toute hypothèse, de débouter les intimés de toutes leurs demandes dirigées contre elle, de condamner in solidum les intéressés à lui payer les sommes de 43 056 euros TTC majorée des intérêts au taux légal à compter du 14 mars 2006 au titre des travaux de retrait de l’amiante, de 22 527,49 euros au titre des frais complémentaires consécutifs à l’absence de prise de possession des lieux dans les délais, de 5 000 euros en réparation du préjudice complémentaire subi et de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, plus subsidiairement, de condamner in solidum M. X et son assureur, à lui payer la somme de 56 466,79 euros, correspondant à 80 % des sommes précitées à raison de la perte de chance d’obtenir une réduction du prix de vente et du surcoût des travaux consécutifs à l’enlèvement et au remplacement des dalles viciées, outre 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, de condamner in solidum les sociétés Natixis Lease Immo, la SCI El, M. X, la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne et la société BNP Paribas Real Estate Transaction France aux entiers dépens.

Dans ses conclusions signifiées le 10 décembre 2013, la société Natixis Lease Immo, anciennement dénommée Fructicomi, demande à la cour de dire que, dans le cadre des relations entre le crédit-bailleur et le crédit-preneur, les dispositions du contrat de crédit-bail doivent conserver leur pleine application, en conséquence, de dire l’Una Paris 12 tant irrecevable que mal fondée en sa demande dirigée contre elle, très subsidiairement, au cas où la cour prononcerait une condamnation à son encontre, de dire que M. X, la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne et la SCI El, en sa qualité de crédit-preneur entre le 7 mars 2003 et le 15 décembre 2005, seront tenus in solidum de l’indemniser de toutes sommes qui pourraient être mises à sa charge en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais et dépens, de condamner l’Una Paris 12 et, subsidiairement, la SCI El, M. X et son assureur, à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions signifiées le 31 juillet 2013, la société El sollicite la confirmation du jugement dont appel et la condamnation de l’Una Paris 12 à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions signifiées le 19 septembre 2013, M. X demande à la cour de débouter l’Una Paris 12 de ses demandes dirigées contre lui, de le mettre hors de cause, de constater qu’il n’a commis aucune faute dans l’accomplissement de sa mission les 17 et 18 décembre 2002 et, à titre secondaire, qu’il n’y a aucun lien de causalité directe et immédiate entre le diagnostic qu’il a établi le 18 décembre 2002 et les préjudices invoqués par l’appelante, reconventionnellement, d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts, en conséquence, de condamner l’Una Paris 12 à lui payer la somme de 7 500 euros sur le fondement de l’article 1382 du code civil, en toute hypothèse, de débouter la société Natixis Lease Immo de ses demandes formées à son encontre, et, pour le cas où il serait condamné à réparer un quelconque préjudice, de constater que le fait générateur de sa responsabilité est survenu le 18 décembre 2002, pendant le temps de la garantie due par la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne, en conséquence, de dire que l’intéressée devra le garantir de l’intégralité des éventuels dommages et intérêts et autres sommes mis à sa charge et de condamner l’Una Paris 12 à lui payer la somme de 5 000 euros en remboursement de ses frais non taxables.

Dans ses conclusions signifiées le 2 août 2013, la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne demande à la cour de confirmer la décision déférée, à titre subsidiaire, de débouter l’Una Paris 12 et M. X de toutes leurs demandes dirigées contre elle, de prononcer sa mise hors de cause et de condamner in solidum, ou l’un à défaut de l’autre, l’Una Paris 12 et/ou M. X à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions signifiées le 18 février 2014, la société BNP Paribas Real Estate Transaction France demande à la cour de confirmer le jugement dont appel, de constater qu’elle n’a fait qu’acte d’entremise et s’est contentée de rapprocher les parties pour leur permettre de trouver un accord sur le prix de cession du contrat de crédit-bail, que les actes subséquents, notamment la promesse de cession du 20 octobre 2005 et l’avenant du 15 décembre 2005, ne sont pas de sa rédaction, qu’elle n’a commis aucune faute et que le préjudice allégué par l’appelante est sans lien avec ses prestations, de la mettre hors de cause, de débouter l’Una Paris 12 de toutes ses demandes et de condamner l’intéressée à lui verser une indemnité de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

SUR CE

Sur la responsabilité de la société Natixis Lease Immo

Considérant que l’Una Paris 12 argue à titre principal de l’illicéité de la clause, insérée dans le contrat de crédit-bail et l’acte de cession du 15 décembre 2005, prévoyant le transfert au crédit- preneur des obligations issues du décret du 7 février 1996 relatif à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à l’exposition à l’amiante, ensuite de l’abrogation par le décret du 13 septembre 2001 de l’article 10 du décret précité qui a mis fin à la possibilité de dérogation conventionnelle, que ledit article avait admise, au principe selon lequel les obligations imposées par la réglementation en matière d’amiante incombent au propriétaire de l’immeuble ; qu’elle estime que la clause litigieuse doit être réputée non écrite et que la société Natixis Lease Immo ne peut s’affranchir de la charge des obligations résultant de la réglementation relative à la protection des risques d’exposition à l’amiante ; qu’elle ajoute que si la clause de transfert devait être jugée valable, le bailleur aurait, malgré tout, engagé sa responsabilité contractuelle à son égard et doit réparer le préjudice qu’elle a subi, lui faisant grief :

— de ne pas avoir procédé au repérage étendu (DTA) et au diagnostic amiante friable que les dispositions réglementaires en vigueur lui imposaient,

— d’avoir annexé au contrat de crédit-bail le certificat erroné et incomplet de M. X qui n’était pas un contrôleur technique disposant d’une habilitation et qui a vicié son consentement, alors que le contrat de crédit-bail valant vente, un certificat relatif à la présence d’amiante établi par un professionnel dûment agréé devait y être annexé,

— de ne pas lui avoir délivré, en sa qualité de bailleur, un local en bon état de réparation et répondant aux normes et à la réglementation d’ordre public relative à la sécurité des personnes, en violation des dispositions des articles 1720 et suivants du code civil ;

Considérant que la société Natixis Lease Immo réplique que bailleur et preneur sont convenus que l’ensemble des obligations concernant l’amiante et tous travaux de retrait de l’amiante resteraient à la charge exclusive du preneur en une clause qui ne heurte aucune disposition d’ordre public, que les obligations relatives au diagnostic technique invoquées par l’appelante étaient à la charge non pas de l’acquéreur (Fructicomi) mais du vendeur (la société Resthocol) et que la société Fructicomi n’avait pas l’obligation de faire établir un diagnostic technique lors de la conclusion du contrat de crédit-bail qui n’est pas un contrat de vente mais un contrat de financement et de celle de la cession du contrat de crédit-bail par la SCI El à l’Una Paris 12 auquel elle n’est intervenue que pour faire savoir sa non opposition à la cession ; qu’elle conteste en conséquence avoir commis une quelconque faute susceptible d’engager sa responsabilité à l’égard de l’Una Paris 12 et devoir supporter la charge des travaux de retrait de l’amiante ;

Considérant que la loi SRU du 13 décembre 2000 et son décret d’application du 3 mai 2002 ont instauré dans le code de la santé publique l’article L 1334-7 qui, dans sa rédaction applicable en la cause, prévoit qu’un état mentionnant la présence ou, le cas échéant, l’absence, de matériaux ou produits de la construction contenant de l’amiante doit être annexé à toute promesse unilatérale de vente ou d’achat et à tout contrat réalisant ou constatant la vente de certains immeubles bâtis et qu’en l’absence de l’état annexé, aucune clause d’exonération de la garantie des vices cachés ne peut être stipulée à raison des vices constitués par la présence d’amiante ;

Considérant que si le contrat de crédit-bail fait appel à des éléments empruntés à d’autres contrats, il constitue une institution juridique particulière et unique ; que la promesse unilatérale de vente qui y est incluse ne constitue qu’un élément d’une technique juridique permettant aux parties de réaliser une opération globale leur apportant des avantages réciproques ; qu’insérée dans un ensemble d’obligations dépendantes les unes des autres, il ne peut en être dissocié ; qu’en conséquence, les dispositions de l’article L 1334-7 du code de la santé publique, applicables aux seules promesses unilatérales de vente, ne le sont pas au contrat de crédit-bail ; que la société Fructicomi, aujourd’hui dénommée Natixis Lease Immo, n’était donc pas soumise à l’obligation d’information prévue par ce texte et n’a commis aucune faute à cet égard;

Considérant que le décret n° 96-97 du 7 février 1996 relatif à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à l’exposition à l’amiante dans les immeubles bâtis met à la charge des propriétaires de ceux-ci, aux termes de ses articles 2 à 9, l’obligation d’effectuer le repérage de la présence d’amiante et de réaliser les travaux de retrait dont ledit repérage aurait révélé la nécessité ;

Considérant que le contrat de crédit-bail conclu le 7 mars 2003 entre la société Fructicomi et la société El, cédé le 15 décembre 2005 à l’Una Paris 12, stipule en son paragraphe A.2.3.3 intitulé 'Réglementation relative à l’amiante’ :

'En ce qui concerne la réglementation relative à l’amiante, le Preneur déclare avoir été informé des obligations résultant des dispositions du Décret du N° 96-97 du 7 février 1996 modifié par le Décret N° 2000-840 du 13 septembre 2001 et de tous textes subséquents relatifs à la présence d’amiante dans les immeubles. De convention expresse entre les parties, le Preneur devra satisfaire aux obligations édictées par lesdits Décrets et les textes subséquents dans les délais qui y sont stipulés et telles notamment les opérations de recherche de présence d’amiante, obtention d’un diagnostic technique, réalisation de contrôles périodiques et mise en oeuvre des prescriptions qui en résultent, en ce compris tous travaux de désamiantage qui s’avéreraient nécessaires et en justifier au Bailleur dès leur exécution’ ;

Considérant que cette clause a été reprise dans l’acte authentique du 15 septembre 2005 aux termes duquel la société Fructicomi a consenti à l’Una Paris 12 un financement complémentaire en vue de la réalisation de travaux d’aménagement;

Considérant que l’Una Paris 12 argue de l’illicéité de cette clause à la suite de l’abrogation par le Décret n° 2001-840 du 13 septembre 2001 modifiant le décret n° 96-97 du 7 février 1997 de l’article 10 de ce dernier qui disposait : 'Lorsque les obligations de réparation du propriétaire ont été transférées à une personne physique ou morale en application de la loi ou d’une convention, les obligations édictées par les articles 2 à 9 du présent décret sont à la charge de cette personne’ ;

Considérant que les premiers juges ont cependant justement retenu que si, en conséquence de cette abrogation, le propriétaire de l’immeuble ne peut pas invoquer le transfert conventionnel de ses obligations pour échapper aux sanctions pénales prévues par l’article 11 du décret du 7 février 1996 en cas de non respect des prescriptions des articles 2 à 9, aucune disposition n’est venue interdire la possibilité, dans les rapports entre crédit-bailleur et crédit-preneur, de mettre conventionnellement à la charge de ce dernier les obligations imposées par la réglementation en matière d’amiante au propriétaire de l’immeuble et leurs conséquences économiques ;

Considérant que, par suite, la clause de transfert incluse dans le contrat de crédit-bail du 7 mars 2003 n’encourt pas la nullité et ne peut être réputée non écrite; que le crédit-bailleur s’en prévaut à bon droit pour soutenir que, dans ses rapports avec le crédit-preneur, la charge des obligations du repérage de l’amiante, du diagnostic technique et des travaux de retrait éventuellement nécessaires ne lui incombait pas et que le fait de ne pas y avoir procédé ne peut donc pas engager sa responsabilité à l’égard de l’Una Paris 12 ;

Considérant que si le crédit-bailleur est soumis aux obligations de réparation et de garantie prévues par les articles 1720 et suivants du code civil, les dispositions de ceux-ci peuvent cependant être écartées par la commune intention des parties ; qu’en l’espèce, le contrat de crédit-bail met à la charge du crédit-preneur 'les opérations de recherche de présence d’amiante, obtention d’un diagnostic technique, réalisation de contrôle périodiques et mise en oeuvre des prescriptions qui en résultent, en ce compris tous travaux de désamiantage qui s’avéreraient nécessaires'; que figure en outre en tête du contrat de crédit-bail une 'Déclaration préliminaire’ ainsi rédigée :

'Le Preneur, qui a pris l’initiative de l’investissement portant sur l’immeuble (…) dont il a défini ou accepté l’ensemble des caractéristiques techniques, dont il aura la jouissance, et dont il deviendra propriétaire s’il le désire, reconnaît que le rôle du Bailleur se limite dans cette opération à assurer (…) le financement en crédit-bail immobilier de cet investissement. Dans ces conditions, et bien que la propriété de l’immeuble soit juridiquement dévolue au Bailleur pour la durée du financement, il est apparu légitime que le Preneur assume l’ensemble des risques et obligations quels qu’ils soient, même résultant de la force majeure, qui incomberaient selon le droit commun au (…) propriétaire des biens. C’est sous le bénéfice de cette déclaration préliminaire, à laquelle il conviendra de se référer pour justifier en tant que de besoin la répartition des charges, risques et obligations entre les parties, et pour rechercher leur intention commune, qu’est passée la présente convention’ ;

Considérant que recherche et diagnostic concernant la présence d’amiante et les travaux de 'désamiantage’ nécessaires incombent donc, de convention expresse, au crédit-preneur ;

Considérant enfin que le crédit-bailleur s’est vu remettre par le vendeur de l’immeuble, la société Resthocol, et a annexé au contrat de crédit-bail, une attestation d’absence, dans les locaux, de flocages, calorifugeages et faux-plafonds contenant de l’amiante établie depuis moins de trois mois par un professionnel de la construction, M. X, architecte de profession couvert par une assurance multirisque professionnelle couvrant les activités 'Expertise, conseil et arbitrage', dont il n’est pas démontré qu’il pouvait douter de la compétence et de la pertinence du diagnostic ;

Considérant qu’il n’est ainsi pas établi que la société Natixis Lease Immo ait manqué à une quelconque de ses obligations contractuelles à l’égard de l’Una Paris 12 ;

Sur la responsabilité de la SCI El

Considérant que l’Una Paris 12 recherche la responsabilité contractuelle de la SCI El qui lui a cédé le 15 décembre 2005 le contrat de crédit-bail, faisant plaider qu’elle est en droit de lui transférer les obligations afférentes à la clause du dit contrat mettant à la charge du crédit-preneur les obligations relatives à l’amiante ;

Considérant qu’il ne peut être reproché à la SCI El de ne pas avoir procédé au constat d’amiante avant vente prescrit par l’article L 1334-7 ancien du code de la santé publique, la cession d’un contrat de crédit-bail par le crédit-preneur à un autre crédit-preneur ne constituant pas une vente ;

Considérant qu’il est constant qu’aux termes du contrat de crédit-bail, il revenait à la SCI El, qui a pris l’immeuble en crédit-bail le jour même de son acquisition par le crédit-bailleur et qui ne conteste pas la validité de la clause transférant ces obligations au crédit-preneur, de procéder aux opérations de recherche d’amiante et à la constitution du dossier technique et qu’elle a omis de le faire durant ses deux années d’occupation des locaux ; qu’elle ne doit cependant contractuellement répondre de sa carence à cet égard qu’à l’endroit de son cocontractant, le bailleur ; qu’en toute hypothèse, même si la SCI El avait exécuté les obligations relatives à l’amiante à elle transférées par le propriétaire, sa recherche n’aurait portée, aux termes des articles R 1334-15 et suivants du code de la santé publique, dans leur version à la date des faits en cause, que sur la présence d’amiante dans les flocages, calorifugeages et faux-plafonds et non sur les dalles du sol et leur colle, de sorte qu’aucun lien de causalité entre le manquement qui lui est reproché et le préjudice allégué n’est établi;

Considérant que la SCI El n’était pas tenue de faire procéder à un repérage étendu (DTA) qui ne vise que les parties communes ;

Considérant que la cour observe que la SCI El qui a joint à l’acte de cession du contrat de crédit-bail l’attestation de M. X faisant état de l’absence de flocages, calorifugeages et faux-plafonds contenant de l’amiante, seuls éléments sur lesquels devaient porter, aux termes du décret du 7 février 1996, les recherches à la charge du propriétaire, et dont il n’est pas établi qu’elle ait modifié les locaux durant son occupation de ceux-ci, était fondée à penser que ces derniers étaient exempts d’amiante ;

Sur la responsabilité de M. X

Considérant que l’Una Paris Paris 12 fonde sa demande dirigée contre M. X sur l’article 1382 du code civil lui faisant grief de son absence d’habilitation en qualité de diagnostiqueur et d’une légèreté coupable dans la réalisation de son diagnostic qui n’a ni révélé ni réservé les risques d’amiante que comportait les dalles recouvrant le sol, matériau accessible à l’oeil nu, sans travaux destructifs, et dont tout bon professionnel sait qu’il est susceptible de contenir de l’amiante ;

Considérant que M. X fait valoir que la réglementation applicable au constat avant vente qu’il a établi le 18 décembre 2002 sont moins approfondies que celles relatives au constat avant travaux, que la défaillance de l’examen visuel auquel il a procédé et auquel il était exclusivement obligé n’est pas établie et qu’il n’avait pas à se livrer à des investigations destructrices qui auraient seules permis de détecter la présence d’amiante dans les dalles du sol, lesquelles étaient recouvertes d’une moquette ;

Considérant que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ;

Considérant que M. X, qui avait été chargé d’établir l’état à annexer à l’acte de vente de l’immeuble par la société Resthocol à la société Fructicomi, a conclu, dans son certificat du 18 décembre 2002, à l’absence d’amiante en flocage, calorifigeage ou sous forme de faux-plafond, panneaux ou composant ; que le rapport d’analyse du Laboratoire Lem en date du 28 février 2006 a révélé à l’Una Paris 12, qui souhaitait réaliser des travaux de rénovation, l’existence de fibres d’amiante de type Chrysolite dans le revêtement de sol (plaque dure) et dans la colle de celui-ci ;

Considérant que sont habilités pour attester de la présence d’amiante, les contrôleurs techniques ou les techniciens de la construction ayant contracté une assurance professionnelle ;

Considérant que M. X, architecte couvert par une assurance multirisque professionnelle couvrant les activités 'Expertise, conseil et arbitrage', était habilité à procéder au diagnostic prévu dans le cadre de la vente de l’immeuble ;

Considérant qu’aux termes de l’article L 1334-7 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable en la cause, l’état devant être annexé à tout acte de vente d’immeuble doit préciser 'la présence ou, le cas échéant, l’absence de matériaux et produits de la construction contenant de l’amiante’ ;

Considérant que les investigations du contrôleur technique devaient donc porter, non pas seulement sur les flocages, calorifugeages et faux-plafonds, mais sur l’ensemble des matériaux et produits de la construction et, par suite, notamment, sur les planchers et dalles de sol (décret du 3 mai 2002 modifiant la liste des matériaux auxquels s’applique l’obligation de recherche de l’amiante) ;

Considérant que les dalles de sol situées dans les locaux privatifs objet de la vente relevaient de l’examen de M. X, diagnostiqueur chargé d’établir l’état avant vente des dits locaux ;

Considérant que les dalles du sol contenant l’amiante détectée par le Laboratoire Lem étaient accessibles sans travaux destructifs, la présence alléguée d’une moquette recouvrant le sol n’étant pas établie ; que les investigations visuelles dont se prévaut M. X appelaient des recherches plus approfondies en présence de matériaux susceptibles de contenir de l’amiante ; que l’attention de l’intimé, professionnel de la construction, aurait dû être attirée par la présence au sol de dalles vinyle composées d’un matériau de cette sorte ; qu’il s’ensuit que M. X a établi un constat avant vente incomplet et inexact et a commis, ce faisant, une faute dans l’accomplissement de sa mission contractuelle de diagnostiqueur ;

Considérant que l’état avant vente inexact établi par M. X annexé au contrat de crédit-bail a donné faussement à croire à l’Una Paris 12, à la charge de laquelle cette convention mettait les travaux de retrait d’amiante éventuellement nécessaires, qu’en l’état de ce constat, au périmètre plus étendu que celui imposé au propriétaire de l’immeuble par le décret du 7 février 1996, elle ne courait aucun risque à cet égard ; que les investigations incomplètes et le constat inexact de M. X engagent donc sa responsabilité à l’égard de l’Una Paris 12 ;

Considérant que M. X, qui n’est pas responsable de la présence d’amiante dans les locaux, ne saurait cependant être tenu d’indemniser l’Una Paris 12 du coût des travaux de retrait de l’amiante rendus nécessaires par les travaux de rénovation qu’elle a entrepris et des frais consécutifs ; que le préjudice imputable au diagnostiqueur qui n’a pas détecté la présence d’amiante à l’occasion de la vente de l’immeuble ne peut consister, pour l’appelante, qu’en une perte de la chance de négocier et de contracter à des conditions plus avantageuses ;

Considérant qu’au vu des éléments dont elle dispose la cour évaluera le préjudice résultant de cette perte de chance à 10 000 euros ; que compte tenu de son caractère indemnitaire, cette somme ne portera intérêts au taux légal qu’à compter du présent arrêt sans qu’il y ait lieu à capitalisation ;

Sur la garantie de la société Groupama

Considérant que M. X exerçant la profession d’architecte a souscrit auprès de la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne une police d’assurance multirisque des professions indépendantes à effet du 24 janvier 2001 qui a été résiliée le 4 mai 2004 ; qu’il s’agissait d’une police dans laquelle la garantie était déclenchée par la réclamation et qui ne s’appliquait donc qu’aux réclamations présentées à l’assureur pendant la période de validité du contrat ; que l’article L 124-5 du code des assurances issu de la loi du 1er août 2003 entré en vigueur le 2 novembre 2003 et applicable aux contrats d’assurance prenant effet postérieurement à cette date, soit par la souscription d’un nouveau contrat, soit par la reconduction d’un contrat existant, comme ce fut le cas du contrat de M. X, a validé les clauses 'base réclamation'; que force est de constater que la réclamation de l’association Una Paris 12 en date des 4 et 5 décembre 2007 est postérieure à la date d’expiration du contrat d’assurance en cause et qu’il n’est pas invoqué de garantie subséquente ;

Considérant que la société Groupama dénie dès lors à bon droit sa garantie ;

Sur la responsabilité de la société BNP Paribas Real Estate Transaction France

Considérant que l’Una Paris 12 recherche la responsabilité de la société BNP Paribas Estate, aux droits de la société Atisrear C D, sur le fondement de l’article 1382 du code civil en sa qualité d’agent immobilier par l’intermédiaire duquel a été signée la promesse de cession du contrat de crédit-bail entre elle et la société El; qu’elle fait grief à l’intéressée d’avoir manqué à l’obligation d’information et de conseil qui lui incombait tant à l’égard de son mandant que du cessionnaire et qui l’obligeait à vérifier et à garantir la production d’un diagnostic récent de la présence d’amiante établi par une personne habilité et conformément à la réglementation en vigueur ; qu’en annexant le certificat insuffisant de M. X, elle a commis une négligence qui, en lui laissant croire faussement à l’absence d’amiante, lui a causé un préjudice ;

Considérant que les premiers juges ont justement retenu que s’agissant d’une cession de crédit-bail et non d’une vente, l’agent immobilier n’était pas tenu de s’assurer de la présence à l’acte du constat d’amiante avant vente exigé par l’article L 1334-7 ancien du code de la santé publique ;

Considérant qu’aucun manquement n’étant établi à la charge de la société BNP Paribas Real Estate Transaction France, l’appelante doit être déboutée de toutes ses demandes formées à son encontre ;

Sur la demande reconventionnelle formée par M. X à l’encontre de l’Una Paris 12

Considérant que M. X qui succombe n’est pas fondé en sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée à l’encontre de l’appelante ;

Considérant que le jugement déféré sera, en conséquence, confirmé sauf en ce qu’il a débouté l’Una Paris 12 de ses demandes formées à l’encontre de M. X ;

Considérant que l’équité ne commande pas de condamner M. X au paiement d’un indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ni d’ajouter en appel aux sommes allouées à ce titre aux autres intimées ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté l’association Una Paris 12 de ses demandes dirigées contre M. X et en ce qu’il a jugé sur les dépens,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne M. X à payer, à titre de dommages et intérêts, à l’association Una Paris 12 la somme de 10 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Rejette toute autre demande,

Condamne M. X aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

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Cour d'appel de Paris, 27 mai 2014, n° 13/05752