Cour d'appel de Paris, 2 mai 2014, n° 12/22840

  • Artistes·
  • Rémunération·
  • Mandat·
  • Preuve·
  • Candidat·
  • Image·
  • Incompétence·
  • Réseau social·
  • Code du travail·
  • Onéreux

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, 2 mai 2014, n° 12/22840
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/22840
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 28 novembre 2012, N° 12/13410

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 2

ARRÊT DU 02 MAI 2014

(n° 2014 – , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/22840

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 novembre 2012 -tribunal de grande instance de PARIS – RG n° 12/13410

APPELANTS

Monsieur K L Y

XXX

XXX

Représenté et assisté par Me Laurence TARQUINY CHARPENTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0542

Mademoiselle B D

XXX

XXX

Représentée et assistée par Me Etienne DENARIÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : C2401

INTIMÉE

Mademoiselle Q Z S T

demeurant chez Monsieur N O P,

XXX

XXX

Représentée par Me Joëlle VALLET-PAMART, avocat au barreau de PARIS, toque : D1476

Assistée par Me K-Philippe TOUATI, avocat au barreau de PARIS, toque : C2001

COMPOSITION DE LA COUR :

Madame I J, Conseillère, ayant été préalablement entendue en son rapport dans les conditions de l’article 785 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 mars 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Anne VIDAL, Président de chambre

Madame I J, Conseillère

Madame Marie-Sophie RICHARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Monsieur François LE FÈVRE

ARRÊT :

— contradictoire

— rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame I J, Conseillère appelée pour compléter la composition de la cour en vertu de l’ordonnance de monsieur le président de la cour d’appel de Paris du 18 décembre 2013 et par Guillaume LE FORESTIER, greffier.


FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Mme Z a participé du 25 mai au 8 septembre 2012 à un jeu télévisé intitulé Secret story dont elle a remporté le premier prix d’un montant de 150 000 euros outre une cagnotte constituée pendant le jeu. M. Y et Mme D ont prétendu lui avoir prêté leur concours et leurs compétences pour parvenir à ce succès, contre une rémunération de 50% des gains pour M. Y et de 15% pour Mme D. Sur autorisation d’assigner à jour fixe, ils ont introduit le 19 septembre 2012 une action en paiement de dommages et intérêts du montant de la rémunération non exécutée. Par jugement du 29 novembre 2012, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par Mme Z au profit des juridictions hélvétiques, a débouté M. Y et Mme D de leurs demandes, les a condamnés à payer à Mme Z la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, et a rejeté toutes autres demandes. Le tribunal a retenu pour l’essentiel l’absence de preuve des conventions invoquées. M. Y et Mme D ont relevé appel de ce jugement en réitérant les prétentions formulées en première instance.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 12 février 2014, M. Y demande, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil et L. 7121-9 et L. 7121-10 du code du travail, de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme Z de son exception d’incompétence juridictionnelle et a rejeté sa demande reconventionnelle, mais de l’infirmer en ce qu’il l’a débouté de ses propres demandes, entendant faire juger qu’il existait un contrat tacite dès lors qu’il avait mis ses compétences au service de Mme Z afin d’intégrer et de remporter la 6e saison du jeu de télé-réalité Secret story, constater la rupture brutale et abusive des relations contractuelles par Mme Z et sa mauvaise foi, dire que ces atteintes lui avaient causé un préjudice évident, et en conséquence condamner Mme Z à lui payer la somme de 80 500 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à sa commission due en qualité d’agent à 50% de l’ensemble des gains perçus lors de la victoire, somme à parfaire dans l’attente des éléments financiers réclamés par sommation de communiquer, outre celle de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Il fait valoir qu’il exerce la profession de photographe reporter, officiant plus spécifiquement dans le domaine de la presse people, qu’il intervient également comme agent d’artiste auprès d’un ou deux candidats par an qui s’adressent à lui pour être coachés afin de réussir le casting et les jeux de télé-réalité, qu’en intervenant dans cette limite de un ou deux candidats par an mentionnée par l’article L. 7121-10 du code du travail il n’est pas soumis aux obligations des agents d’artiste énoncées par ce même code et n’est pas en particulier tenu de faire signer un contrat écrit, qu’ayant été contacté par Mme D en mars 2012 il a accepté par amitié de s’occuper de Mme Z, que celle-ci a suivi à 99% la stratégie qu’il avait mise en place, qu’il l’a aidée à remplir son dossier de candidature, a mis l’accent sur les traits de personnalité de nature à attirer l’attention de la production, l’a préparée activement au casting et au déroulement du jeu, a influé sur les médias pendant sa participation au jeu, a préparé un plan média et des projets artistiques dès sa sortie du jeu, et que Mme Z a rompu brutalement et de son seul fait le contrat tacite par lequel ils étaient liés.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 28 juin 2013, Mme D demande à son tour, au seul visa des articles 1134 et 1147 du code civil, de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence juridictionnelle présentée, mais de l’infirmer en ce qu’il l’a déboutée de toutes ses demandes, et de condamner Mme Z à lui payer la somme de 25 800 euros ainsi que celle de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Elle fait valoir qu’elle s’est spécialisée dans les relations publiques, dispose de ce fait d’un réseau social très étendu et connaît personnellement M. Y, que s’étant liée d’amitié avec Mme Z elle s’est engagée à la présenter à celui-ci ainsi qu’à l’aider à intégrer l’émission Secret story et à façonner et promouvoir son image auprès du public, que le travail de promotion médiatique dans lequel elle s’est impliquée était déterminant pour remporter la victoire, qu’aucun contrat écrit n’a été passé compte tenu de leurs liens d’amitiés et de la confidentialité que doivent observer les candidats quant à leur participation, que ce contrat résulte des attestations et échanges de sms ou courriers entretenus et de la création par elle-même du compte twitter officiel de la candidate, et que son caractère onéreux a lui-même été évoqué devant témoins.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 24 juillet 2013, Mme Z demande de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce que le tribunal a rejeté ses demandes reconventionnelles et, formant appel incident, de condamner M. Y à lui payer la somme de 10 000 euros pour procédure abusive et celle de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et d’image, de condamner Mme D à lui payer la somme de 5 000 euros pour procédure abusive, et de les condamner in solidum à lui verser la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Elle déclare renoncer à soulever l’incompétence des juridictions françaises. Elle conteste sur le fond tout lien contractuel et soutient que les appelants tentent de la spolier en s’attribuant un rôle qu’ils n’ont jamais eu dans le but de parasiter sa nouvelle notoriété et de lui nuire, qu’elle n’a jamais confié le moindre mandat d’agent artistique à M. Y qui n’est en réalité qu’un paparazzi auquel elle a accordé des photos, qu’il ne justifie pas être inscrit au registre des agents artistiques prévu par l’article R. 7121-2 du code du travail, qu’un tel mandat devait au minimum comporter les précisions énoncées par l’article R. 7121-6 du code du travail et en particulier les conditions de rémunération ne pouvant excéder un plafond de 10% selon l’article D. 7121-7 du même code, qu’il n’a jamais été question de contrat et encore moins de rémunération avec Mme D qui était une amie, et que les attestations produites sont de pure complaisance.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La compétence des juridictions françaises n’étant plus discutée, le jugement qui a rejeté l’exception soulevée à ce titre en première instance sera confirmé de ce chef.

Aux termes de l’article 1315 du code civil, il appartient à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver. Selon l’article 1341 du même code, cette preuve ne peut être que littérale lorsque la convention porte sur un montant supérieur à 1 500 euros, sauf commencement de preuve par écrit ou impossibilité matérielle ou morale d’apporter cette preuve en application des articles 1347 et 1348 du même code. L’exigence d’une preuve littérale est encore renforcée par les articles L. 7121-9 et suivants du code du travail, s’agissant de la convention d’agent d’artiste dont se prévaut M. Y. Il soutient à tort qu’il n’était pas soumis aux obligations des agents d’artiste tels que définis par l’article L. 7121-10, s’entendant de ceux qui reçoivent au cours d’une même année civile mandat de plus de deux artistes du spectacle de leur procurer des engagement, citant en cela le texte antérieur à la loi 2010-853 du 23 juillet 2010. A l’époque située en mars 2012 où M. Y indique avoir été contacté par Mme Z, l’article 21 de la loi avait modifié la teneur de ce texte, qui crée aujourd’hui un registre national des agents artistiques. L’activité d’agent artistique est désormais définie par l’article L. 7121-9, comme consistant à recevoir mandat à titre onéreux d’un ou de plusieurs artistes du spectacle aux fins de placement et de représentation de leurs intérêts professionnels, sans seuil édicté quant au nombre de mandats dont l’agent est chargé. Selon les articles R. 7121-6 et D. 7121-7 du code du travail modifiés par le décret 2011-517 du 11 mai 2011, le mandat doit notamment préciser la ou les missions confiées et leurs conditions de rémunération, laquelle ne peut excéder un plafond de 10% du montant brut des rémunérations perçues par l’artiste, porté à 15% en cas de missions particulières justifiant une rémunération complémentaire.

M. Y ne démontre pas la conclusion d’un tel mandat, pas plus au demeurant que son inscription au registre national des agents d’artistes susceptible de lui conférer une telle qualité. En outre, les pièces qu’il produit ne contiennent aucun engagement émanant de Mme Z de rétribuer un service. Une lettre, sans nom ni date ni signature, attribuée à Mme Z écrivant «j’aimerais que tu voies avec Y comment je pourrais le remercier dès la sortie avec une exclu ou autre…» n’évoque aucune rétribution financière. La preuve de l’obligation ne pouvant être admise par témoignages, présomptions ou indices à défaut de commencement de preuve par écrit, l’attestation de M. F déclarant que Mme Z lui avait confié que «K-L Y et B seraient rémunérés (récompenses) sur un pourcentage de ses gains» demeure sans portée, en même temps que trop imprécise. Les contacts que M. Y a entretenus avec Mme Z dans le courant du mois de mai 2012, dont témoigne M. F par attestation, et qui ressortent également de la facturation téléphonique détaillée qu’il produit, sont eux-mêmes insusceptibles d’établir une obligation de rétribution. En réalité, les relations entretenues dans le contexte de l’émission à succès à laquelle Mme Z a concouru ont permis à M. Y de bénéficier de sa part d’une séance de photographies et de s’entremettre dans des demandes d’interview comme en atteste M. E rédacteur en chef de la revue Entrevue, ou de promotion de maillots de bain portés par plusieurs personnalités de la presse people comme en atteste Mme A, styliste. Les accords invoqués sont à ce point imprécis et la rémunération alléguée indéterminée que la mise en demeure adressée à Mme Z le 10 septembre 2012 lui rappelait «les termes financiers de l’accord» et lui réclamait la rétrocession de «la juste rémunération convenu» sans indication d’une somme.

Mme D ne rapporte elle-même aucun commencement de preuve par écrit d’un engagement quelconque de Mme Z de lui verser une rémunération en contrepartie d’une gestion de ses comptes ouverts sur les réseaux sociaux et de la promotion de son image à travers ces réseaux. Son impossibilité morale de fournir une preuve écrite ne résiste pas au fait que les liens d’amitiés ressortant de correspondances et messages affectueux n’ont pas eu d’autre manifestation que dans la période concernée par le concours, que le professionnalisme en relations publiques revendiqué par Mme D ainsi que le niveau des enjeux représentés par les gains escomptés sont inconciliables avec un abandon du formalisme requis, et que la confidentialité exigée des candidats quant à leur participation faisait autant obstacle aux accords oraux allégués et cédait en tout cas dès l’instant où le jeu télévisé débutait. La preuve testimoniale proposée par Mme D, à travers une attestation de Mme X rapportant une conversation au cours de laquelle Mme Z a annoncé «B touche 15% de tout ce que je rapporte» et Mme D a répondu «oui, c’est ça» avant de se taper la main avec un grand sourire, au-delà du fait que cet échange ne revêt pas un sérieux véritable, ne peut être admissible au sens des articles 1347 et 1348 du code civil. L’avis des internautes sur la contribution de Mme D au succès remporté par Mme Z, pas plus que celui de M. C attestant de l’investissement de Mme D, demeurent eux-mêmes indifférents quant à la teneur des accords invoqués et à leur caractère onéreux.

Dès lors, le jugement qui a débouté M. Y et Mme D de toutes leurs demandes sera confirmé.

Le droit d’agir n’a pas dégénéré en abus justifiant l’allocation de dommages et intérêts. Le préjudice moral et d’image invoqué par Mme Z, qui se prête cependant au jeu des médias, n’est pas caractérisé. Le jugement qui a rejeté les demandes formulées à ces titres sera également confirmé.

Il est équitable de compenser à hauteur de 2 000 euros les frais non compris dans les dépens que l’intimée a été contrainte d’exposer.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. Y et Mme D aux dépens d’appel, avec droit de recouvrement direct dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile, et à verser à Mme Z la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du même code.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, 2 mai 2014, n° 12/22840