Cour d'appel de Paris, 17 septembre 2014, n° 12/05681

  • Cliniques·
  • Travail·
  • Licenciement·
  • Stock·
  • Harcèlement moral·
  • Salarié·
  • Gestion·
  • Archivage·
  • Employeur·
  • Dossier médical

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, 17 sept. 2014, n° 12/05681
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/05681
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 28 février 2012, N° 11/03931

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRÊT DU 17 Septembre 2014

(n° 14, pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 12/05681 MPDL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Février 2012 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS RG n° 11/03931

APPELANT

Monsieur A F D

XXX

XXX

représenté par Me Paul BOUAZIZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0215 substitué par Me Nicolas COLLET-THIRY, avocat au barreau de PARIS, toque : P 0215

INTIMEE

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Stéphane MARLETTI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0819 substitué par Me Juliette SAINT-LEGER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0327

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Juin 2014, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente

Madame Y Z, Conseillère

Monsieur Thierry MONTFORT, Conseiller

Greffier : Mme Patricia PUPIER, lors des débats

ARRET :

— CONTRADICTOIRE,

— mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, présidente et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Les faits

M A D a été engagé le 1er décembre 1991 en qualité de secrétaire réceptionniste, suivant contrat à durée déterminée, devenu CDI le 16 mars 1992, par la SA clinique Alleray Labrouste .

A partir du 28 juin 1993 il a exercé une activité d’économe, coefficient 248.

La SA clinique Alleray Labrouste a changé de directeur à la fin du mois de mai 2010.

Suite à un entretien du 6 septembre M. X, le nouveau directeur a précisé ses taches à M A D par courrier.

M A D adressait en réponse deux courriers à son employeur les 15 et 20 octobre 2010.

Le 24 septembre 2010 le salarié consultait le médecin du travail, avant de le recontacter par téléphone le 20 octobre 2010 ; entre-temps le 18 octobre 2011 il était placé en arrêt de travail.

M A D était convoqué par courrier du 14 novembre à un entretien préalable fixé au 5 janvier puis, son licenciement lui était notifié pour faute grave par courrier du 20 janvier 2011.

M A D saisissait alors le conseil de prud’hommes de Paris le 28 février 2011, pour réclamer le statut de cadre, des rappels de salaires, des dommages et intérêts pour absence d’exécution de bonne foi du contrat de travail et pour harcèlement moral et contester son licenciement, sollicitant diverses indemnités en conséquence.

Celui-ci par jugement du 29 février 2012, section activités diverses chambre cinq, refusait le statut de cadre au salarié qu’il déboutait également de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral mais, requalifiant le licenciement en licenciement sans cause réelle ni sérieuse, condamnait l’employeur à verser à M A D les sommes suivantes :

-3781,50 euros d’indemnité compensatrice de préavis congés payés de 10 % en sus ;

-9605 € d’indemnité légale de licenciement ;

-11 340 € d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

-500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile .

M A D a régulièrement formé le présent appel contre cette décision. Il demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,.

L’infirmer pour le surplus et statuant à nouveau,

— dire que les fautes commises par la SA clinique Alleray Labrouste envers M A D sont constitutives d’une exécution de mauvaise foi du contrat de travail et d’un harcèlement moral

— fixer la moyenne des 12 derniers mois de salaire à 2020 € bruts ;

— condamner la XXX à lui verser 25 000 € de dommages-intérêts en réparation des préjudices résultant de l’exécution fautive du contrat de travail et du harcèlement,

-75 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

-4040 € d’indemnité compensatrice de préavis congés payés de 10 % en sus

-11 514 € d’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  3000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sollicite la capitalisation des intérêts légaux.

La XXX demande à la Cour :

à titre principal, de :

— juger que le licenciement pour faute grave est justifié, infirmer le jugement et ordonner le remboursement des sommes perçues, soit 24 166,83 euros,

— confirmer le jugement rendu pour le surplus et débouter le salarié de ses demandes

à titre subsidiaire en cas de confirmation de la requalification de la rupture :

— confirmer le jugement quant aux indemnités allouées,

— dire que les sommes s’entendent des sommes brutes avant décompte des charges sociales,

— débouter le salarié de sa demande formulée au titre du harcèlement moral et, subsidiairement, dire qu’il ne rapporte pas la preuve du préjudice invoqué en lien avec ces agissements,

en tout état de cause,

condamner M A D à payer à son ancien employeur de 1500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’entreprise compte plus de 11 salariés.

Le salaire brut moyen mensuel de M A D était selon les premiers juges de 1890,75 €, le salarié conclut toutefois un salaire brut moyen mensuel de 2020 € comprenant les primes de fidélisation.

La convention collective de l’hospitalisation privée à but lucratif est applicable à la relation de travail.

Les motifs de la Cour

Vu le jugement du conseil de prud’hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l’audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur l’absence d’exécution de bonne foi dans le contrat de travail et le harcèlement moral

Selon sa fiche de poste initial (pièce 4), M A D avait pour missions :

au plan commercial,

— la prospection continue en direction des fournisseurs : activation de la concurrence, obtention des meilleures conditions d’achat, négociations commerciales, protocoles d’accord, suivi des nouveautés, promotion tant pour les produits identifiés et réguliers que pour les produits occasionnels ou exceptionnels et les imprimés officiels de fonctionnement ;

au plan de l’administration et du suivi,

— la gestion générale et informatique :stocks, saisie des commandes, gestion quotidienne des besoins et dépannages, intégration informatique des stocks, traitement et validation informatique des factures et avoirs, suivi des articles périmés, des délais et retards de livraison, du fonctionnement et du relevé des compteurs des imprimantes, fax, télécopieurs, du matériel, du matériel de secrétariat, et problèmes informatiques, inventaire régulier et permanent,

au plan logistique,

— réception vérification et stockage des livraisons,

— suivi des stocks, relevé des approvisionnements nécessaires,

— distribution aux différents services,

qu’il s’agisse des produits identifiés et réguliers ou des produits occasionnels et exceptionnels.

Cette fiche de poste, a été rédigée par le salarié lui-même, en 2010, elle n’est toutefois pas contredite par l’employeur qui dans ses conclusions (page 12) écrit « ainsi que M A D le reconnaissait en établissant à destination de la SA clinique Alleray Labrouste une fiche de poste résumant les tâches qu’il prétendait accomplir, il était en charge de veiller au rangement au renouvellement et au suivi des stocks de tous produits, hors pharmacie destinée au bon fonctionnement de la SA clinique Alleray Labrouste. Il assumait donc des fonctions de vérification, des fonctions de rangement et donc de manutention, des fonctions administratives il s’agisse de prendre des commandes ou encore de tenir des inventaires. Or les tâches que la SA clinique Alleray Labrouste entendait lui confier en complément pour la gestion du stock des dossiers patients étaient parfaitement identiques puisqu’il s’agissait de ranger puis d’assurer le suivi des mouvements des dossiers des patients et enfin de leur conservation ».

Il en ressort que M A D était chargé de la gestion de l’ensemble des éléments utiles au bon fonctionnement de la SA clinique Alleray Labrouste, hormis la pharmacie.

Le nouveau directeur a rapidement souhaité modifier les fonctions de M A B le domaine de la gestion des stocks, des dossiers patients, des dépenses de tickets repas.

Plusieurs entrevues ont eu lieu à ce sujet les 29 juin, 6 juillet, 6 et 14 septembre 2010.

Dans son courrier du 5 octobre 2010, l’employeur, ne faisant qu’une présentation manifestement réduite des fonctions d’économe de M A D (gestion des stocks d’imprimés administratifs et médicaux, suivi du parc de copieurs, imprimantes, dictaphones ; gestion des stocks de produits d’entretien), et affirmant que ses fonctions ne l’occupaient que pour une partie de son temps de travail, disait souhaiter le voir « assumer des tâches complémentaires, à savoir la gestion des stocks des dossiers patients entreposés dans le local d’archives au sous-sol » : rangement de façon chronologique, réponse aux demandes de sortie des dossiers et conservation de la trace de toute entrée ou sortie du dossier médical.

L’employeur précisait en outre « votre contrat de travail ne sera pas modifié dans la mesure où votre rémunération, votre classification et votre durée de travail resteront inchangées'.

Le salarié ayant auparavant soulevé différentes questions relatives au volume des nouvelles taches annoncées, aux moyens et à l’organisation à mettre en place pour les réaliser et à leur contrepartie salariale, sans accord entre les parties, la direction a donc imposé à M A D, par ce courrier du 5 octobre 2010, une modification de ses tâches devant entrer en vigueur le 18 octobre.

Le salarié qui fait état de pressions pour l’obliger à accepter ces modifications et invoquant un harcèlement moral, adressait un courrier en ce sens à la direction le 15 octobre 2010 dans la perspective d’une entrevue en présence du délégué du personnel en date du 18 octobre. Par courrier du 20 octobre M A D a réitéré son refus de modification de son contrat de travail (P10)

Le même jour le salarié a été placé en arrêt maladie arrêt prolongé ininterrompu jusqu’au 3 septembre 2012. L’ensemble des médecins y compris le médecin du travail, deux médecins psychiatres, et un cardiologue font le lien entre la dégradation de la santé de M A D et ses conditions de travail.

M A D plaide qu’il s’agit d’une modification unilatérale du contrat de travail.

Il invoque un harcèlement moral et une absence de bonne foi dans l’exécution du contrat de travail

L’article L 1222-1 du code du travail dispose que « le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ». Par ailleurs l’article L1152-1 du même code précise qu’ « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel ».

Le juge doit appréhender les faits dans leur ensemble et rechercher s’ils permettent de présumer l’existence du harcèlement allégué .

Dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L’employeur soutient qu’il ne s’agit que d’une modification des modalités de travail qui s’inscrit dans le cadre de son pouvoir de direction, ne requiert pas l’accord du salarié, et ne changeait ni sa rémunération, ni sa qualification, ni son niveau hiérarchique.

En l’espèce, la cour considère en effet que les changements que le nouveau directeur souhaitait introduire dans les missions de M A D ne constituaient pas, pour les raisons évoquées ci-dessus, une modification du contrat de travail.

D’autre part, la stratégie développée par l’employeur pour imposer cette modification des conditions de travail, ne s’analyse pas comme des « agissements répétés constitutifs de harcèlement » et ce, même si, de manière établie, la dégradation des conditions de travail du salarié a entraîné des conséquences dommageables sur sa santé.

La cour considère en conséquence que, comme l’a jugé le conseil de prud’hommes, le harcèlement moral n’est pas établi.

Pour autant,les faits dénoncés par le salarié, constitués de pressions visant à lui faire accepter la modification de ses tâches, de tentatives d’ intimidation par menace de licenciement en juin puis en septembre 2010, de réduction évidente de son rôle d’ économe, puisque ses responsabilités en matière de gestion des stocks, de passations de commandes, d’études comparatives etc. qui concernaient, initialement l’ensemble des besoins de la SA clinique Alleray Labrouste pour son fonctionnement, hormis la pharmacie, se trouvaient en 2010 réduites à la gestion des stocks d’imprimés et de produits d’entretien ainsi qu’au « suivi » du parc de copieurs imprimantes dictaphones» .

L’évolution que souhaitait imposer la nouvelle direction correspondait donc de manière évidente à une réduction des missions du salarié.

Or le salarié produit un ensemble d’attestations d’anciens collègues qui tous disent la multiplication de ses tâches et son professionnalisme.

En revanche, la conception que l’employeur développe relativement à l’archivage des dossiers des patients, qu’il intitule dans ses conclusions « gestion du stock des dossiers patients » pour convaincre la cour de ce que cette nouvelle mission était de même nature que les précédentes est manifestement erronée.

En effet, des fonctions d’archivage, en particulier de dossiers médicaux appelés à rester longtemps «vivants », ne se résument pas à la gestion de stock , mais implique effectivement un savoir-faire en matière d’archivage . « Classer un dossier médical » ne se résume pas à le poser sur une étagère, mais bien à organiser son contenu d’une manière appropriée.

Dans sa lettre du 5 octobre 2010, l’employeur décrit d’ailleurs ces fonctions : «vous serez chargé de ranger les dossiers médicaux de façon chronologique, de répondre aux demandes de sortie d’un dossier et de conserver la trace de toute entrée ou sortie du dossier médical ». De telles tâches, en particulier celles relatives au classement des pièces de dossiers médicaux, ne peuvent donc s’improviser, mais, quand bien même de telles fonctions peuvent être considérées comme relevant de l’économat, requièrent nécessairement une formation d’appui, que l’employeur n’a nullement proposée au salarié pour le conforter dans les nouvelles tâches qu’il souhaitait lui confier, alors que le salarié dans sa lettre du 15 octobre 2010 disait : « à ce jour, alors même que je n’ai aucune idée de la réglementation applicable en matière de tenue du dossier médical, ni de connaissances sur les méthodes d’archivage, vous ne m’avez nullement proposé d’être formé à ces taches ».

En conséquence et quand bien même il s’agissait simplement d’une modification des modalités de travail relevant du pouvoir de direction de l’employeur, pour autant, les choix opérés par le nouveau directeur,-réduction importante des tâches de gestion de l’ensemble des besoins de la SA clinique Alleray Labrouste , et attribution en contrepartie des taches d’archivage, taches techniques de nature fort différente d’une simple « gestion de stock »ce choix, imposé par l’employeur en dépit des réticences et inquiétudes légitimes exprimées par le salarié depuis le mois de juin 2010, qui n’ont nullement été prises en compte, caractérisent effectivement un manque de bonne foi dans l’exécution du contrat de travail, alors que M A D travaillait 17 ans pour cette SA clinique Alleray Labrouste et avait manifestement donné toute satisfaction.

Au-delà, la cour rappellera également que la charge de travail relative au classement à l’archivage et à la manutention des dossiers pour chaque visite de patients dans la clinique, qui ne saurait être considérée comme négligeable, évaluée par le patient dans sa lettre du 15 octobre 2010 à plus de 30 minutes dossier par an de patients et de facturation, n’a manifestement pas été sérieusement évaluée par l’employeur , pour répondre de manière fondée à la revendication d’augmentation de son salaire formulée par le salarié, mais aussi à sa demande d’obtenir du renfort en manutention et en secrétariat. Cette attitude caractérise également une absence de bonne foi dans la relation de travail, pour la gestion de ce problème, gestion évoquée par le CHSCT lors de sa réunion du 2 décembre 2010, qui mentionnait l’absence de revalorisation du salaire malgré l’ajout des tâches, tout comme le comité d’entreprise lors de sa réunion du 23 décembre 2010, alors que les délégués du personnel avaient dénoncé, évoquant le cas de M A D lors de la précédente réunion du 28 octobre 2010 « des méthodes de management autoritaires sans aucune concertation ni avec le personnel concerné encore moins avec les représentants du personnel».

De l’ensemble de ces éléments la cour retire la conviction d’un défaut de bonne foi dans l’exécution du contrat de travail de M A D .En conséquence, la cour accordera au salarié une somme de 10 000 € en réparation du préjudice occasionné à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail de M A D

La lettre de licenciement pour faute grave adressée à M A D le 20 janvier 2011 énonce les motifs suivants :

« par deux courriers recommandés AR en date des 15 et 20 octobre 2010 vous avez fait part de votre désaccord concernant l’adjonction de nouvelles fonctions en plus de celles que vous exerciez en qualité d’économe ' Votre courrier du 15 octobre 2010 enjoignait de cesser les agissements à votre égard que vous qualifiez expressément de harcèlement moral ce qui est inacceptable’ Il s’agit d’une accusation d’autant plus grave à l’encontre de la SA clinique Alleray Labrouste que vous n’avez pas hésité diffuser aux représentants du personnel comme à l’inspection du travail ; d’autre part il n’est pas acceptable que vous utilisiez des accusations injustifiées pour tenter d’obtenir gain de cause dans vos revendications salariales’ En définitive il n’est pas acceptable que vous ayez proféré, à l’encontre de la SA clinique Alleray Labrouste et de votre supérieur hiérarchique, des accusations graves et injustifiées de harcèlement moral dont vous dites avoir été victime, pour tenter de faire entendre des revendications salariales que vous estimiez justifiées».

La cour considère que c’est après une analyse exacte des faits et en fonction de motifs justes et pertinents qu’elle reprend à son compte, que le conseil de prud’hommes a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle ni sérieuse, après avoir constaté que « M A D pour dénoncer le harcèlement moral dont il se sentait victime n’a pas fait preuve de dénonciation calomnieuse en énonçant des faits infondés mais a simplement exprimé son ressenti par écrit à son employeur et oralement à des personnes extérieures » rappelant que d’ailleurs « M A D était dans son droit en faisant appel à ces personnes extérieures, les représentants du personnel, l’inspection du travail, le médecin du travail’ acteurs légalement en charge de la défense des droits des salariés ou de leur santé».

Au-delà, la cour ajoutera que la revendication salariale de M A D , n’était pas fondée sur « des accusations injustifiées », mais sur le fait incontestable que sa hiérarchie voulait sensiblement modifier ses attributions. Cette circonstance ne peut être considérée comme constitutive d’une faute grave.

La Cour confirmera donc la décision des premiers juges qui ont dit que les faits reprochés au salarié par la SA clinique Alleray Labrouste ne caractérisaient pas une faute et ne pouvait donc fonder son licenciement.

Le licenciement de M A D est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La Cour rappellera toutefois que, depuis quasiment 20 ans qu’il travaillait dans la SA clinique Alleray Labrouste, le salarié n’avait fait l’objet d’aucune critique ni sanction rapportée, alors qu’il produit au contraire les attestations fort positives d’anciens collègues

Compte tenu des circonstances de l’espèce, de l’ancienneté de 19 ans dans son emploi du salarié, de son âge lors du licenciement et du préjudice qu’il établit avoir subi à la suite de celui-ci, tant au plan de sa santé , 26 mois d’arrêt maladie après son licenciement, qu’au plan de son devenir professionnel , la Cour, retenant un salaire brut de référence de 2020 € , fixera à 50 000€ la somme due en application de l’article L. 1235-3 du travail.

En conséquence, le préavis de deux mois prévu par la convention collective justifie d’octroyer à M A D 4040€ d’indemnité à ce titre, auxquels s’ajouteront 404 € de congés payés.

L’indemnité conventionnelle de licenciement, sera fixée au regard des dispositions de la convention collective (article 47), plus favorables que les dispositions légales, à une somme justifiée de 11 514 €.

Sur le remboursement aux organismes sociaux

Le licenciement relevant de l’application de l’article L 12 35-3 du code du travail, conformément à l’article L. 1235 '4 du même code, la Cour ordonnera d’office, le remboursement par la clinique aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M A D depuis le jour de son licenciement et dans la limite légale de 6 mois.

Sur les dépens et la demande de dommages et intérêts au titre de l’article 700 du CPC

La XXX qui succombe supportera la charge des dépens .

La Cour considère que, compte tenu des circonstances de l’espèce, il apparaît inéquitable de faire supporter par M A D la totalité des frais de procédure qu’il a été contraint d’exposer. Il sera donc alloué, en application de l’article 700 du code de procédure civile , une somme de 2500 euros pour l’ensemble de la procédure , en sus de la somme de 500 € déjà octroyée par les premiers juges.

Décision de la Cour

En conséquence, la Cour,

CONFIRME la décision du Conseil de prud’hommes en ce qu’il a écarté de harcèlement moral et dit le licenciement de M A D dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L’INFIRME pour le surplus .

FIXE à 2020 € bruts la moyenne des salaires des 12 derniers mois.

CONDAMNE la XXX à payer à M A D les sommes suivantes :

-10 000 € de dommages-intérêts pour exécution fautive contrat de travail

-50 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieusement

sommes avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

-4040 € à titre de préavis et 404 € pour congés payés afférents,

-11 514euros d’indemnité conventionnelle de licenciement,

sommes avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le conseil de prud’hommes,

DIT que les intérêts légaux entraîneront capitalisation conformément à l’article 1154 du Code civil.

ORDONNE le remboursement par la XXX aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M A D depuis le jour de son licenciement et dans la limite légale de 6 mois.

DÉBOUTE les parties de leurs demandes complémentaires ou contraires.

CONDAMNE la XXX à régler à M A D la somme de 2500 € au titre de l’article 700 du CPC pour l’ensemble de la procédure en complément de la somme allouée par les premiers juges

LA CONDAMNE aux entiers dépens de l’instance.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, 17 septembre 2014, n° 12/05681