Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 2, 5 novembre 2015, n° 14/03504

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 ch. 2, 5 nov. 2015, n° 14/03504
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 14/03504
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Créteil, 26 janvier 2014
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 novembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRET DU 05 NOVEMBRE 2015

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/03504

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Janvier 2014 – Tribunal de Grande Instance de CRETEIL

APPELANT

SYNDICAT SUD TELECOM ILE DE FRANCE

pris en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 3]

Représenté par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119, avocat postulant

Représenté par Me Yanick ALVAREZ DE SELDING, avocat au barreau de PARIS, toque : C0952, avocat plaidant

INTIMEE

SA ORANGE prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 5]

[Adresse 4]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Représentée par Me Frédéric-Guillaume LAPREVOTE, avocat au barreau de PARIS, toque : P461, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 1er octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Nicolas BONNAL, Président

Madame Martine CANTAT, Conseiller

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

— contradictoire

— rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Nicolas BONNAL, Président et par Madame FOULON, Greffier .

Statuant sur l’appel formé par le syndicat SUD TÉLÉCOM ÎLE DE FRANCE d’un jugement rendu le 27 janvier 2014 par le tribunal de grande instance de CRÉTEIL qui, saisi par ce syndicat de demandes visant la société ORANGE et tendant à voir dire que les conseillers clients du centre de [Localité 1] travaillant en cycles de 38 heures devraient bénéficier d’une augmentation de salaire de 8,51'% à la date de la modification de l’aménagement du temps de travail, et à voir condamner cette société aux régularisations subséquentes, sous astreinte, a':

— dit le syndicat SUD TÉLÉCOM ÎLE DE FRANCE irrecevable à agir,

— condamné le dit syndicat à payer à la société ORANGE la somme de 1'000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

— condamné le syndicat aux dépens, dont distraction au profit de l’avocat de la société';

Vu l’ordonnance rendue par le conseiller chargé de la mise en état le 16 octobre 2014 qui':

— s’est dit compétent pour statuer sur l’exception de nullité pour irrégularité de fond de la déclaration d’appel,

— l’a rejetée,

— s’est dit incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir du syndicat SUD TÉLÉCOM ÎLE DE FRANCE,

— a invité la société ORANGE à présenter cette fin de non-recevoir devant la cour,

— a dit que les conclusions de la société ORANGE transmises le 15 juillet 2014 avaient régulièrement interrompu le délai de l’article 909 du code de procédure civile,

— a invité les parties à se présenter à une prochaine audience de mise en état pour fixation d’un calendrier,

— a réservé les frais irrépétibles et les dépens de l’incident';

Vu les dernières conclusions transmises à la cour le 15 juillet 2015 par le syndicat SUD TÉLÉCOM ÎLE DE FRANCE, auxquelles on se référera pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de l’appelant, qui demande à la cour de':

— infirmer le jugement déféré,

— le recevoir en son action,

— dire que les conseillers clients du centre de [Localité 1] EDP de la direction du service grands comptes situé [Adresse 1] travaillant en cycles de 38 heures devront bénéficier d’une augmentation de salaire de 8,51'% à la date de la modification de l’aménagement du temps de travail, sous astreinte de 2'000 euros par jour de retard et par infraction,

— se réserver l’éventuelle liquidation de l’astreinte,

— rejeter toutes les demandes de la société ORANGE,

— condamner la société ORANGE à lui payer la somme de 4'000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens';

Vu les dernières conclusions transmises à la cour le 11 juin 2015 par la société ORANGE, auxquelles on se référera pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de l’intimée, qui demande à la cour de':

à titre principal,

— confirmer le jugement déféré,

— rejeter l’ensemble des demandes du syndicat SUD TÉLÉCOM ÎLE DE FRANCE,

— condamner le dit syndicat à lui payer la somme de 3'000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, dont distraction au profit de son avocat,

à titre subsidiaire,

— rejeter toutes les demandes du syndicat,

à titre plus subsidiaire,

— rejeter les demandes d’astreinte,

— réduire le montant de l’indemnité allouée au syndicat au titre de ses frais irrépétibles,

à titre encore plus subsidiaire,

— réduire le montant de l’astreinte à de plus justes proportions,

— dire qu’elle ne courra que deux mois après la signification de l’arrêt à intervenir';

SUR CE, LA COUR

Sur les faits constants

Il résulte des pièces produites et des débats que':

— par l’effet de fusions successives, la société ORANGE FRANCE a été composée de personnels provenant de diverses sociétés, avant d’être absorbée, en 2013, par la société FRANCE TÉL’ÉCOM, laquelle a pris le nom d’ORANGE,

— elle dispose d’un «'centre clients entreprises'» à [Localité 1], qui employait 213 personnes au mois de décembre 2012,

— le 30 mai 2003, a été signé au sein de la société ORANGE FRANCE un accord cadre portant sur l’aménagement et la réduction du temps de travail, qui énumère des typologies d’activité, comprend un titre 4 relatif aux «'modalités d’aménagement réduction du temps de travail pour les non cadres'», qui distingue notamment la «'réduction dans le cadre des horaires d’accueil clients'» (chapitre 4-3) et la «'réduction sur 35 heures effectives en moyenne sur un cycle de 2 à 12 semaines'» (chapitre 4.4), et précise enfin les mesures qui ne sont pas négociables localement, qu’il énumère (portant notamment sur la définition et les durées de temps de travail, et l’amplitude de réduction du temps de travail par régime de travail) et renvoie à des accords locaux pour les autres,

— dans ce dernier cadre, a été signé, le 30 juin 2003, un «'accord local portant sur l’organisation, l’aménagement et la réduction du temps de travail (OARTT) au sein du centre clients entreprises de [Localité 1] d’ORANGE FRANCE'», qui répartit notamment le personnel suivant les régimes de travail et les diverses modalités d’organisation et d’aménagement de la réduction du temps de travail, notamment entre un horaire de 38 heures hebdomadaires et 17 jours annuels de réduction du temps de travail, ou un horaire de 35 heures hebdomadaires par cycle,

— en 2010, il a été proposé par la direction du centre de [Localité 1] aux salariés qui travaillaient selon le régime de 35 heures hebdomadaires de prendre individuellement la décision de passer au régime de 38 heures, certains salariés bénéficiant à cette occasion d’une augmentation de salaire de 8,5'%,

— des salariés qui n’avaient pas bénéficié de cette augmentation de leur rémunération, ainsi que les délégués du personnel, ont interrogé en 2012 la direction du centre sur cette situation,

— le 9 mars 2012, il leur a été répondu que les salariés qui n’avaient pas bénéficié de cette augmentation étaient déjà soumis à un régime de 38 heures hebdomadaires, mais effectuaient «'en pratique un horaire travaillé'» de 35 heures hebdomadaires,

— c’est dans ces conditions que, le 31 octobre 2012, le syndicat SUD TÉLÉCOM ÎLE DE FRANCE a saisi le tribunal de grande instance de CRÉTEIL de la procédure dans le cadre de laquelle a été rendue la décision déférée.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la société ORANGE

La société ORANGE conteste au syndicat SUD TÉLÉCOM ÎLE DE FRANCE que l’action qu’il a engagée dans l’intérêt de quelques salariés puisse être fondée sur les dispositions de l’article L'2132-3 du code du travail, aux termes duquel les syndicats professionnels, qui ont le droit d’agir en justice, peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits reconnus à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.

Il n’est en effet pas contesté que l’action du syndicat SUD TÉLÉCOM ÎLE DE FRANCE ne peut se fonder que sur ces dispositions, dès lors qu’elle ne tend pas à obtenir de la société ORANGE le respect des stipulations d’un accord collectif, et ne saurait donc se fonder sur les dispositions des articles L'2262-9 et L'2262-10 du code du travail, qui permettent aux organisations dont les membres sont liés par un accord d’exercer toutes les actions en justice qui en résultent en faveur de leurs membres (dès lors que ceux-ci en ont été avertis et n’ont pas déclaré s’y opposer) ou d’intervenir à une telle action lorsqu’elle a été engagée par les intéressés.

En vertu de l’article L'2132-3 susvisé, si un syndicat ne peut demander au profit de salariés nommément désignés l’octroi d’avantages individuels déterminés, il est en revanche recevable à agir lorsque, comme au cas présent, une question relative au montant du salaire est source de contentieux dans l’entreprise, mettant en cause le principe d’égalité de traitement au sein d’une communauté de salariés, intéresse plusieurs salariés, peu en important le nombre exact, et porte atteinte, par là-même, aux intérêts collectifs de la profession qu’il représente.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a fait droit à la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir du syndicat SUD TÉLÉCOM ÎLE DE FRANCE, fin de non-recevoir qui sera rejetée.

Sur la demande du syndicat SUD TÉLÉCOM ÎLE DE FRANCE

Il résulte des pièces produites et spécialement de l’accord local du 30 juin 2003 que, précédemment à la modification litigieuse, les régimes de réduction du temps de travail prévus pour les salariés du centre de [Localité 1] étaient notamment, et suivant les services et activités':

—  38 heures hebdomadaires avec réduction sous forme de 17 jours annuels de réduction du temps de travail,

— réduction sur 35 heures hebdomadaires sur un cycle de deux à douze semaines.

Les parties s’accordent pour affirmer que tous les personnels concernés par le présent litige travaillaient en fait 35 heures hebdomadaires selon un régime cyclique, et reconnaissent également que certains des intéressés se voyaient remettre des bulletins de paie faisant état de 164,67 heures mensuelles (1596 heures annuelles), soit 38 heures hebdomadaires, et d’autres des bulletins faisant état de 151,67 heures mensuelles, soit 35 heures hebdomadaires.

— Sur les salariés recrutés après l’année 2003

Les parties s’accordent sur le fait que le bulletin de paie des salariés entrés au centre de [Localité 1] après l’année 2003, tant en provenance d’autres sociétés du groupe que de l’extérieur du groupe, mentionnait 38 heures hebdomadaires.

Il sera toutefois observé que les contrats et bulletins de paie versés aux débats relatifs à M. [AX] [SH] et Mme [ON] [KD] montrent que, quoique bénéficiant d’une ancienneté remontant respectivement aux 15 mai et 1er avril 2004, ces salariés étaient rémunérés sur la base de 151,67 heures mensuelles (bulletins de paie du mois d’août 2008 pour le premier nommé et des mois de mai et juin 2011 pour la seconde).

Les éléments relatifs à d’autres salariés recrutés postérieurement à l’année 2003 (Mmes [HY] [QS], [JN] [YW], [CQ] [SX], [ZM] [BZ] et [BF] [TW] et MM. [WR] [MI] et [QC] [UM]) montrent que ceux-ci étaient rémunérés sur une base mensuelle de 164,67 heures, étant précisé qu’un bulletin de paie du mois de janvier 2012 encore produit au nom de Mme [VC] [FD] recrutée à compter du 1er juillet 2010 montre que celle-ci n’était pas rémunérée sur la base d’un temps plein.

— Sur les salariés recrutés avant la conclusion des accords de 2003

Le syndicat SUD TÉLÉCOM ÎLE DE FRANCE soutient que les salariés entrés au centre de [Localité 1] avant la signature des accords susmentionnés ont tous vu leur bulletin de paie faire état de 35 heures hebdomadaires. La société ORANGE soutient pour sa part que ces salariés, recrutés avant la signature des dits accords, se répartissaient entre ces deux catégories, en fonction du régime en vigueur dans la société d’où ils provenaient (35 heures pour les salariés issus des sociétés FRANCE TÉLÉCOM MOBILES SERVICES, HUTCHINSON et 2RC, 38 heures pour les salariés issus des sociétés ORANGE FRANCE, FRANCE TÉLÉCOM et FRANCE TÉLÉCOM MOBILE).

Il résulte de l’examen des divers contrats et bulletins de paie versés aux débats que':

— M. [U] [YG], bénéficiant d’une ancienneté dans le groupe au 5 juillet 1992 et qui aurait été affecté au centre de [Localité 1] au plus tard le 1er janvier 2003 (contrat de travail à durée indéterminée de cette date, dont l’objet est de «'confirmer'» l’affectation de l’intéressé, et qui précise que sa «'durée initiale de travail reste inchangée jusqu’à la mise en place d’un accord cadre OARTT'»), était rémunéré sur une base mensuelle de 151,67 heures, ainsi que l’indique son bulletin de paie du mois de décembre 2010, puis sur la base de 164,67 heures aux termes de son bulletin de paie pour le mois de janvier 2012,

— Mme [CY] [LS], bénéficiant d’une ancienneté dans le groupe au 18 janvier 1998, est passée de la base mensuelle de 151,67 heures en avril 2011 à celle de 164,67 heures en mai 2011, selon les deux bulletins de paie produits aux débats,

— deux contrats de travail anonymisés signés par la société FRANCE TÉLÉCOM MOBILES SERVICES respectivement le 1er juillet 2000 avec «'Mlle A'» et le 20 avril 2001 avec «'M. C'» font état d’une durée hebdomadaire de travail de 35 heures (durée «'inchangée'» selon contrat confirmatif du 1er janvier 2003 conclu entre la société ORANGE FRANCE et «'M. C'»).

Les autres salariés engagés avant la signature des accords mentionnés ci-dessus et pour lesquels des éléments sont produits (Mmes [HI] [NX], [FT] [PM] et [VS] [XH]) avaient, le 1er juillet 2002, signé un contrat de travail faisant état d’une durée annuelle du travail de 1596 heures, ce que confirmaient leurs bulletins de paie mentionnant une base mensuelle de 164,67 heures (respectivement pour les mois de septembre 2011, janvier 2011 et janvier 2013).

— Sur la date et les effets de la modification litigieuse

Il n’est pas précisé à quelle date au cours de l’année 2011 a eu lieu la modification litigieuse, étant observé que, si plusieurs avenants au 1er mai 2011 sont produits, ils ne font pas mention d’une modification de l’horaire de travail. Il sera relevé qu’il est produit aux débats dix convocations devant le conseil de prud’hommes de PARIS suite à la saisine de cette juridiction par dix des salariés du centre de [Localité 1], lesquels demandent tous la condamnation de leur employeur à leur payer un rappel de salaire à compter du mois d’avril 2011.

Pour quelques salariés, des bulletins de paie sont produits aux débats qui permettent d’établir une comparaison entre la situation antérieure et la situation postérieure à cette modification.

Ces pièces permettent de distinguer avec certitude les conséquences du passage à 38 heures pour Mme [CY] [LS] et M. [U] [YG], précédemment payés sur une base mensuelle de 35 heures, et qui ont vu leur rémunération augmenter de 8,50'% pour la première nommée, entre avril (dernier mois à 35 heures) et mai (premier mois à 38 heures) 2011, et de 11,30'% pour le second, au vu des deux seuls bulletins de paie produits (décembre 2010 avant le passage à 38 heures et janvier 2012 après).

S’agissant des salariés déjà payés sur la base de 38 heures, et faute d’indications précises sur la date à laquelle aurait eu lieu, pour eux, la modification de régime de travail, il sera observé que les bulletins de paie d’avril et juillet 2011 de Mme [ZM] [BZ], à base horaire mensuelle inchangée, font état d’une augmentation d’environ 3'% entre ces deux dates, et que ceux de M. [QC] [UM] de mars et août 2011, également à base mensuelle inchangée, font état d’une augmentation d’environ 2,80'%.

Enfin, les bulletins de paie des mois d’avril, mai et juin 2011 de Mme [ON] [KD], présentés par le syndicat SUD TÉLÉCOM ÎLE DE FRANCE comme un exemple de passage à 38 heures assorti d’une augmentation de salaire, font tous les trois état d’un horaire de 151,67 heures mensuelles, aucun bulletin de paie postérieur qui ferait mention d’une durée mensuelle de 164,67 heures n’étant produit aux débats, malgré les termes d’un courrier électronique de l’employeur à la salariée du 28 août 2011 faisant état d’une «'erreur sur [son] augmentation du passage à 38h'».

Il en résulte, malgré le caractère lacunaire de ces pièces, qu’il peut être considéré comme acquis, comme l’indiquent les parties, que n’ont bénéficié d’une augmentation d’environ 8,50'% au moment du passage à 38 heures hebdomadaires que les salariés dont le bulletin de paie faisait mention, avant le dit passage, d’un horaire hebdomadaire de 35 heures, cependant que les salariés dont le bulletin de paie mentionnait déjà un horaire hebdomadaire de 38 heures n’ont bénéficié que d’une augmentation inférieure, dont le lien avec ce changement de régime horaire n’est pas démontré. Il sera ajouté que le régime de tous les salariés concernés, y compris ces derniers, aurait été également modifié en ce que les jours de réduction du temps de travail (qui peuvent être pris au choix du salarié) auraient été substitués aux jours de repos fixes liés au cycle sur plusieurs semaines, les pièces produites ne permettant pas de le vérifier.

— Sur l’engagement unilatéral de l’employeur et l’usage

Le syndicat SUD TÉLÉCOM ÎLE DE FRANCE fait valoir que le fait que des salariés travaillaient selon un régime cyclique sur une base hebdomadaire de 35 heures, alors que leur bulletin de paie mentionnait un nombre d’heures mensuelles de 164,67, caractérise un engagement unilatéral de l’employeur que la société ORANGE n’a pas dénoncé régulièrement.

Cependant, ainsi que le fait valoir la société ORANGE, aucune décision ni aucun document n’est venu consacrer ce prétendu engagement unilatéral, qui ne peut, en conséquence, être qualifié comme tel.

Le syndicat évoque aussi que cette situation caractériserait également un usage. La société ORANGE observe cependant à juste titre que la réalité de cet usage, qui suppose que soit établie par celui qui l’invoque l’existence d’une pratique constante, fixe et générale, n’est pas démontrée. La preuve de la généralité de l’usage n’est en effet par rapportée, dès lors que, tout en évoquant une trentaine de salariés concernés, le syndicat se contente d’apporter des éléments relativement à une dizaine d’entre eux, et que, comme il résulte de ce qui précède, les situations des salariés du centre de [Localité 1], dont la catégorie d’activité au regard des règles de l’accord collectif local du 30 juin 2003 (dont l’article 2 prévoyait la répartition entre le régime cyclique de 35 heures hebdomadaires et le régime de 38 heures hebdomadaires avec 17 jours de réduction du temps de travail, selon l’activité exercée) n’est jamais précisée, étaient marquées par une grande diversité.

C’est donc en vain que le syndicat SUD TÉLÉCOM ÎLE DE FRANCE se plaint de ce que l’employeur n’aurait pas averti chacun des salariés concernés et les représentants du personnel de sa volonté de dénoncer un engagement unilatéral ou un usage, et ce suffisamment à l’avance, étant de façon superfétatoire observé qu’il est justifié par la société ORANGE que les salariés ont été invités à faire ou non le choix du passage aux 38 heures hebdomadaires, dont les modalités leur ont été exposées, et que les organisations syndicales et les délégués du personnel ont été informés de ce projet notamment le 17 septembre 2010, toutes ces informations ayant été données bien antérieurement au mois d’avril 2011.

— Sur l’application du principe d’égalité de traitement

Le syndicat SUD TÉLÉCOM ÎLE DE FRANCE soutient que, dès lors que, malgré ces mentions différentes sur les bulletins de paie, tous les salariés concernés travaillaient effectivement avant la modification litigieuse selon un cycle de 35 heures, cette différence de traitement au moment du passage à 38 heures est contraire au principe «'à travail égal, salaire égal'».

Ce principe et, plus généralement, le principe d’égalité de traitement, imposent à l’employeur d’assurer une égalité de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail équivalent, et s’opposent donc à ce que des salariés placés dans une situation identique soient traités différemment au regard d’une augmentation de salaire ou de l’octroi d’un avantage quelconque.

En application des dispositions de l’article 1315 du code civil, il appartient au demandeur qui invoque une atteinte au principe «'à travail égal, salaire égal'» et plus généralement une inégalité de traitement, de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de la caractériser, puis il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence.

Il sera à ce stade observé qu’aucun des éléments produits aux débats ne permet d’effectuer une comparaison entre les taux horaires retenus pour chacun des salariés du centre de [Localité 1] en fonction de leur activité, de leur qualification et de leur ancienneté.

Au cas présent, la société ORANGE fait valoir à juste titre que les salariés qui ont bénéficié d’une augmentation de 8,50'% au moment du passage au régime de 38 heures hebdomadaires n’étaient pas dans une situation identique à celle des salariés qui n’en ont pas bénéficié, dès lors que les premiers étaient précédemment payés sur la base mensuelle de 151,67 heures et les seconds sur la base de 164,67 heures.

Ainsi qu’il a été dit, et alors que l’accord local du 30 juin 2003 autorisait les deux régimes de travail (étant observé que les pièces produites pour chaque salarié ne permettent pas de déterminer précisément son type d’activité, lequel, en application de l’article 2 de l’accord local, déterminait l’application de l’un ou l’autre régime), il n’est pas contesté que cette différence, antérieure à la modification litigieuse, n’était effective que sur les bulletins de paie, dès lors que tous les salariés concernés travaillaient en réalité selon un régime cyclique de 35 heures hebdomadaires.

Dans ces conditions, le caractère sélectif de l’augmentation litigieuse n’a eu pour objectif et pour effet que de rétablir l’égalité de traitement, en mettant fin à une inégalité antérieure qui n’est elle-même pas critiquée dans le cadre du présent litige, peu important en conséquence le caractère inexact antérieurement à cette modification de certains des bulletins de paie des salariés concernés.

Ainsi que le fait observer la société ORANGE, une différence de traitement dans l’application d’une augmentation de salaire est justifiée lorsqu’elle a pour objet de mettre fin à une inégalité de traitement injustifiée.

Le manquement allégué au principe «'à travail égal, salaire égal'» n’est donc pas démontré, et les demandes du syndicat SUD TÉLÉCOM ÎLE DE FRANCE seront rejetées.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens.

Il n’est formé devant la cour de demande au titre des frais irrépétibles par la société ORANGE qu’en cas de confirmation du jugement déféré. Le dit jugement ayant été infirmé, aucune demande n’est donc présentée par l’intimée. Il n’y a lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit du syndicat SUD TÉLÉCOM ÎLE DE FRANCE, dont les demandes principales sont rejetées au fond par la cour.

Ce syndicat sera condamné aux dépens de la procédure d’appel, étant observé que la demande tendant au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile n’est présentée par la société ORANGE qu’en cas de confirmation du jugement déféré.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a accueilli la fin de non-recevoir opposée par la société ORANGE à l’action du syndicat SUD TÉLÉCOM ÎLE DE FRANCE';

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette la fin de non-recevoir';

Dit recevable l’action du syndicat SUD TÉLÉCOM ÎLE DE FRANCE';

Rejette toutes les demandes formées par le dit syndicat';

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens';

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit du syndicat SUD TÉLÉCOM ÎLE DE FRANCE';

Condamne le syndicat SUD TÉLÉCOM ÎLE DE FRANCE aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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