Cour d'appel de Paris, 25 novembre 2015, n° 15/05077

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 25 nov. 2015, n° 15/05077
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/05077
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 3 juin 2012, N° 10/16957

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 25 Novembre 2015

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 15/05077

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 juin 2012 par le conseil de prud’hommes de PARIS – section activités diverses – RG n° 10/16957

APPELANT

Monsieur A F X

XXX

XXX

XXX

né le XXX à PARIS

représenté par Me Philippe ACHACHE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, PC 238 substitué par Me Ludivine DE LEENHEER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE,

INTIMEES

SAS Y PHENIX II

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Sylvain MERCADIEL, avocat au barreau de PARIS, P0511

SOCIETE MANPOWER

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Alexandre KHANNA, avocat au barreau de PARIS, P0312 substitué par Me Clarisse PERRIN, avocat au barreau de PARIS,

SA Z VENANT AUX DROITS DE LA SA ADIA

XXX

XXX

représentée par Me François VACCARO, avocat au barreau de TOURS substitué par Me Pauline CARRILLO, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 octobre 2015, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Agnès DENJOY, conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, président

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Agnès DENJOY, conseiller

Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marion AUGER, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. A X a été engagé par contrats de mission en intérim par la SAS Manpower et mis à la disposition de la SAS Y Phenix II à compter du 29 février 1998.

Il a ensuite été engagé par contrats de mission en intérim par la société Adia aux droits de laquelle vient la SAS Z, et mis à la disposition de la société Y Phenix II à compter du 18 octobre 1999.

Enfin, il a été engagé en contrat de travail à durée indéterminée par la société Y Phenix II à compter du 1er juin 2000 en qualité de magasinier.

Par avenant à son contrat de travail en date du 1er février 2005, M. X a bénéficié d’une promotion en qualité de chef d’équipe, statut agent de maîtrise. Son dernier salaire mensuel s’élevait à 1 804,00 €.

La société Y Phenix II employait plus de 10 salariés à la date du licenciement. La convention collective applicable est celle des entreprises de propreté.

Le 12 janvier 2009, M. X a été victime d’un accident du travail. Il a repris son activité le 24 février 2009.

M. X a été par la suite à plusieurs reprises en arrêt de travail du 1er avril 2009 au 10 mai 2009, du 18 au 29 mai 2009, du 18 au 29 mai 2009, du 13 août au 28 septembre 2009, du 23 septembre au 3 octobre 2009 et en dernier lieu, du 30 novembre 2009 au 25 février 2010.

Le salarié a été licencié le 31 mai 2010 pour inaptitude «'d’origine non professionnelle'» sur avis du médecin du travail.

M. X a saisi le conseil de prud’hommes le 13 décembre 2010 de demandes portant notamment sur la requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée, sur la nullité du licenciement et subsidiairement sur le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement.

Par jugement rendu le 4 juin 2012 le conseil de prud’hommes de Paris a':

— débouté M. X de l’ensemble de ses demandes';

— mis hors de cause les sociétés Manpower et Adia';

— débouté ces dernières de leurs demandes reconventionnelles';

— condamné M. X aux dépens.

Par déclaration écrite reçue au greffe de la cour le 9 juillet 2012, M. A X a interjeté appel de cette décision.

A l’audience de la cour, M. X renouvelle les termes de ses conclusions écrites visées par le greffier. Il demande à la cour d’infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 4 juin 2012 en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

— de requalifier ses contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée;

— de condamner in solidum les sociétés Adia, Manpower et Y Phenix II à lui payer la somme de 3 604 € à titre d’indemnité de requalification

— de prononcer la nullité de son licenciement et de condamner la société Y Phenix II à lui payer à ce titre la somme de 43'296 €, à titre subsidiaire, dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société Y Phenix II à lui verser à ce titre la somme de 43'296 €

— de condamner la société Y Phenix II’ à lui payer':

' 3 608 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 360,80 € de congés payés incidents

' 10'000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral

' 6 000 € à titre de dommages-intérêts pour absence de visites médicales de reprise (demande nouvelle)

— de condamner la société Y Phenix II à lui remettre un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et des bulletins de salaire conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document

— de condamner la société Y Phenix II et les sociétés Adia et Manpower de 2 000 euros en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi qu’aux dépens.

La société Y Phenix II renouvelle les termes de ses conclusions écrites visées par le greffier.

Elle demande à la cour’de :

— à titre principal, confirmer le jugement déféré dans son intégralité et constater la prescription des demandes de requalification et rappel de salaires de M. X

— à titre subsidiaire, débouter M. X de ses demandes d’indemnité de requalification et de rappel de salaire

— à titre principal, dire bien fondé son licenciement et le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse

— plus subsidiairement, limiter le quantum des dommages et intérêts à 6 mois de salaire soit 10'231,44 € et débouter l’appelant de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et absence de visite médicale de reprise à l’issue de son arrêt pour accident du travail de janvier 2009.

La société Z venant aux droits de la société Adia renouvelle les termes de ses conclusions écrites visées par le greffier et demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, de débouter M. X de l’ensemble de ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Manpower France renouvelle les termes de ses conclusions écrites visées par le greffier et demande à la cour de’confirmer le jugement déféré, à titre subsidiaire, de débouter l’appelant de sa demande d’indemnité de requalification, en tout état de cause, le condamner à lui verser la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Pour un plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties il est renvoyé à leurs conclusions écrites visées par le greffier développées lors de l’audience des débats.

MOTIFS

Sur la demande de requalification des contrats de mission en contrats de travail à durée indéterminée et de paiement de l’indemnité afférente

Sur la prescription

Les intimés invoquent la prescription de l’action sur le fondement de l’article 2224 du code civil.

Le salarié réplique que le délai de prescription applicable était de 30 ans avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 qui a réduit le délai de prescription de droit commun à 5 ans, le nouveau délai de 5 ans courant à compter de la date d’entrée en vigueur de ce texte à savoir le 19 juin 2008. Il estime donc qu’il avait jusqu’au 19 juin 2013 pour agir en justice, aux fins de requalification de ses contrats de mission à l’égard des sociétés d’intérim et aux fins de faire valoir les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée auprès de l’entreprise utilisatrice et que ses actions ne sont pas prescrites.

Le plus ancien des contrats d’intérim conclus entre le salarié et la société Manpower pour être mis à la disposition de la société Y Phenix II a pris fin le 15 octobre 1999'; le salarié disposait d’un délai de 30 ans à compter de cette date pour faire valoir les droits tirés de l’article L.1251-40 du code du travail à l’encontre de l’entreprise utilisatrice ; à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le salarié disposait encore de cinq ans pour agir, soit jusqu’au 19 juin 2013'; le salarié ayant saisi le conseil de prud’hommes le 13 décembre 2010, son action n’est pas prescrite de ce chef.

Il en est de même pour les contrats conclus avec les sociétés d’intérim, qu’il s’agisse de la société Manpower ou de la société Adia aux droits de laquelle vient la SAS Z.

Dès lors le jugement déféré sera infirmé sur ce point et, statuant à nouveau, les actions en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée seront déclarées recevables à l’encontre de chacune des intimées.

Sur le fond

' Sur la demande d’indemnité de requalification présentée à l’égard de la société Y Phenix II

Il résulte de l’article L. 1251-6 du code du travail qu’il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que dans des cas limitativement énumérés au nombre desquels figure l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise.

M. X a été mis à disposition de la société Y Phenix II à compter, pour le plus ancien des contrats d’intérim, du 29 septembre 1998 pour «'pourvoir à un surcroît temporaire d’activité'».

La société Y Phenix II qui supporte la charge de la preuve reconnaît n’être pas en mesure d’établir la réalité du surcroît temporaire d’activité ayant alors motivé son recours à un contrat d’intérim.

Dès lors, infirmant le jugement sur ce point, la cour accueille la demande en ce que l’appelant est fondé à faire valoir auprès de la société Y Phenix II les droits afférents à un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 29 septembre 1998.

Aux termes de l’article L.1251-41 alinéa 2 du code du travail, si le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde, à la charge de l’entreprise utilisatrice, une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

En l’espèce, le montant de l’indemnité sollicitée soit la valeur de deux mois de salaire est justifié au regard de la précarité résultant de la conclusion successive avec la société AD Phenix II de nombreux contrats d’intérim ; cette indemnité sera fixée conformément à la demande à 3 604 €.

' Sur la demande de requalification présentée à l’encontre des entreprises de travail temporaire

Le salarié se prévaut des dispositions des articles L. 1251-16, L. 1251-17, L.1251-36 et L. 1251-37 du code du travail. Il invoque le non respect par les entreprises de travail temporaire, soit du délai de 48h dans lequel le contrat de mission doit être transmis au salarié, soit du délai de carence entre deux contrats d’intérim successifs conclus pour sa mise à disposition de la même entreprise utilisatrice.

Les sociétés Manpower et Z, cette dernière venant aux droits de la société Adia, s’opposent à la demande en faisant valoir’que les cas de requalification en ce qui concerne les entreprises de travail temporaire sont limitativement énumérés par les dispositions de l’article L.1251-40 du code du travail au nombre desquels ne figure pas le non respect des dispositions des articles L. 1251-36 et L. 1251-37 du code du travail.

Il convient de rappeler que le salarié peut exercer concurremment une action en requalification à l’encontre de l’entreprise de travail temporaire et à l’encontre de l’entreprise utilisatrice dès lors que ces actions s’appuient sur des fondements différents.

Aux termes de l’article L. 1251-36 du code du travail, à l’expiration du contrat de mission d’un salarié intérimaire, il ne peut être recouru pour pourvoir le poste à un salarié sous contrat à durée déterminée ou sous contrat de travail temporaire avant l’expiration d’un délai de carence en fonction de la durée du contrat de mission, renouvellement inclus.

En l’espèce, Il apparait, au vu des contrats produits, que le délai de carence prévu par ces dispositions n’a pas été respecté pour deux contrats, l’un conclu avec la société Manpower’du 5 au 16 juillet 1999 et suivi d’un nouveau contrat de mission auprès de la même entreprise utilisatrice à partir du 19 juillet 1999, l’autre conclu avec la société Adia’du 18 octobre 1999 au 31 décembre 1999, suivi d’une mise à disposition le 27 décembre 1999 de la même entreprise utilisatrice.

Par ailleurs, s’il n’est pas justifié par le salarié que l’obligation de remise d’ un contrat écrit résultant de l’article L. 1251-16 du code du travail n’a pas été respectée par les sociétés de travail temporaire, ces dernières ne démontrent pas que le délai de deux jours ouvrables prévu par l’article L. 1251-17 du code du travail pour la transmission au salarié du contrat écrit de mission a été respecté pour chaque contrat de mission comme le soutient le salarié.

Toutefois, à défaut de démonstration d’une collusion frauduleuse entre la société de travail temporaire et la société utilisatrice, l’inobservation par l’entreprise de travail temporaire tant du délai de deux jours ouvrables prévu par l’article L 1251-17 du code du travail pour la transmission au salarié du contrat écrit de mission que du délai de carence entre deux contrats de mission prévu par les articles L. 1251-36 et L. 1251-37 du même code n’est pas sanctionnée à l’égard de l’entreprise de travail temporaire par la requalification des contrats successifs de mission en contrat à durée indéterminée.

En conséquence, le salarié sera débouté de sa demande de requalification dirigée contre les sociétés de travail temporaire.

Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut de visites médicales de reprise

Le salarié expose':

— qu’il a été victime d’un accident du travail le 12 janvier 2009 et a repris son travail le 24 février 2009 sans que son employeur ne lui ait fait passer de visite médicale de reprise contrairement à ce que prévoyait l’article R. 4624-21 du code du travail dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits

— que, victime d’une rechute le 1er avril 2009, il a repris son travail le 11 mai 2009 sans bénéficier de visite médicale de reprise.

Soulignant que sa rechute d’accident du travail du 1er avril 2009, comme les arrêts de travail postérieurs, a été qualifiée de maladie par erreur de son médecin traitant, il rappelle que l’examen de reprise a pour objet d’apprécier l’aptitude du salarié à reprendre son emploi et la nécessité éventuelle d’une adaptation de ses conditions de travail. Il estime que si ces deux visites de reprise obligatoires avaient été organisées, des mesures de prévention auraient pu être prises afin d’éviter par la suite une nouvelle rechute ayant conduit à son inaptitude. Il demande l’indemnisation de son préjudice à hauteur de 6 000 €.

L’employeur s’oppose à la demande en faisant valoir que le salarié n’a pas été victime d’une rechute postérieurement à son accident du travail du 12 janvier 2009.

Aux termes de l’article R.4624-21 du code du travail dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits «'Le salarié bénéficie d’un examen de reprise de travail par le médecin du travail : (…)

3° Après une absence d’au moins huit jours pour cause d’accident du travail

4° Après une absence d’au moins vingt et un jours pour cause de maladie ou d’accident non professionnel'».

A la fin de son arrêt maladie faisant suite à l’accident du travail du 12 janvier 2009, le salarié aurait dû bénéficier d’une visite de reprise effectuée par le médecin du travail à la diligence de l’employeur. Compte tenu de la durée des arrêts de travail dépassant 21 jours qui sont par la suite intervenus, l’obligation pour l’employeur d’organiser la visite de reprise s’imposait à nouveau. Or, M. X n’a pas vu le médecin du travail avant le 11 février 2010.

Le manquememt de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat en matière de visite médicale de reprise a entraîné pour M. X un préjudice certain. Compte tenu notamment de la nature de l’activité professionnelle exercée et des arrêts de travail entrecoupés de reprises qui se sont succédés sur une longue période, la société Y Phenix II versera à M. X la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts à ce titre.

Sur la demande en nullité du licenciement

A la suite de l’arrêt de travail pour maladie du 30 novembre 2009 au 25 février 2010, M. X a bénéficié d’une visite médicale de reprise le 11 février 2010 à l’issue de laquelle le médecin du travail a conclu à son inaptitude au poste de chef de chantier mais à son aptitude à un poste sans contraintes physiques de type administratif. Le 26 février 2010, lors de la seconde visite, le médecin du travail l’a déclaré "inapte définitivement à reprendre son poste de chef de chantier, après entretien avec l’employeur dans l’entreprise le 19/02/10, proposition de reclassement à un poste sans contraintes physiques telles que port de charges > 5 kg ou postures avec torsion ou flexion du tronc".

M. X fait valoir que c’est par erreur que son médecin traitant a établi au titre de la maladie des arrêts de travail postérieurs à la période d’arrêt consécutive à l’accident du travail et soutient que « dans la mesure où la pathologie ayant abouti au premier accident du travail sans visite de reprise est en lien avec celle qui a conduit à l’inaptitude, l’employeur ne pouvait pas se contenter de l’absence de reconnaissance du caractère professionnel de l’arrêt de travail et aurait du interroger le médecin du travail sur l’origine de l’inaptitude. »

A l’appui de son allégation, il produit un certificat médical de son médecin traitant daté du 17 juin 2010 attestant qu’en novembre 2009, il a présenté une pathologie qui est en relation avec l’accident du travail du 12 janvier 2009 et que «'par erreur la pathologie a été mise en maladie alors qu’une rechute à partir du 30 novembre 2009 aurait du être faite'», ainsi que les correctifs d’avis d’arrêts de travail établis par ce même médecin pour la période comprise entre le 30 novembre et le 25 février2010.

Les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

Il appartient au juge du fond de rechercher l’existence du lien de causalité entre l’accident du travail et l’inaptitude si ce lien est contesté.

En l’espèce, le certificat médical produit aux débats n’explique pas l’erreur invoquée et ne permet pas d’établir un lien entre l’accident du travail de janvier 2009 et l’inaptitude constatée par le médecin du travail. En effet, il ressort des documents produits aux débats que le docteur H I-J qui a établi le certificat du 17 juin 2010 reconnaissant l’erreur commise sur les arrêts de travail délivrés au salarié entre les 30 novembre 2009 et le 25 février 2010 est lui-même l’auteur du certificat médical de prolongation délivré le 12 février 2009 et prescrivant un arrêt jusqu’au 23 février 2009 au titre de l’accident de travail tandis que les autres certificats délivrés au même titre, notamment le certificat initial mentionnant une sciatique, sont établis par un autre praticien du même cabinet médical. Il apparaît ainsi que M. X s’adressait régulièrement aux deux mêmes praticiens, lesquels connaissaient donc son état de santé et l’historique de ses pathologies.

Mais surtout, il résulte des pièces versées aux débats que le salarié n’ a pas contesté la nature de son licenciement avant la fin mai 2010 après avoir refusé les propositions de reclassement et que l’employeur qui s’était renseigné auprès de la caisse primaire d’assurance-maladie comme le montre la lettre datée du 29 mars 2010 aux termes de laquelle celle-ci lui indique qu’elle « n’avait pas connaissance d’une demande en accident du travail ou maladie professionnelle formulée par le salarié », n’avait pas au moment du licenciement, connaissance de l’origine professionnelle de l’inaptitude revendiquée par le salarié.

Il n’incombait donc pas à l’employeur de contester les arrêts de travail pour maladie délivrés par le médecin traitant et l’avis du médecin du travail délivré lors des deux visites de reprise qui ont conduit au licenciement de M. X pour inaptitude d’origine non professionnelle.

La procédure de licenciement prévue à l’article L.1226-10 du code du travail en cas d’inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle imposant notamment la consultation des délégués du personnel n’avait pas lieu de s’appliquer. La nullité du licenciement n’est donc pas encourue sur ce point.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de nullité du licenciement.

Aux termes de l’article L.1226-2 du code du travail'«'Lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités'».

Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l’entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Le salarié soutient que l’employeur n’a pas rempli ses obligations quant à son reclassement,'en ce que :

— ce dernier lui a proposé un poste qui ne correspondait pas à sa formation,

— l’offre de reclassement ne comportait pas la mention relative à la rémunération proposée,

— la diffusion de la recherche de poste comportait une mention inexacte en ce qui concerne sa qualification, à savoir « technicien de chantier » alors qu’il est « chef d’équipe » ce qui a faussé la recherche,

— les pièces produites ne permettent pas de déterminer si une recherche a été faite auprès de toutes les entités du groupe

— enfin, l’employeur ne justifie pas de la liste des postes disponibles au moment de son licenciement.

La société AD Phenix II réplique qu’elle justifie de ses diligences auprès de toutes les sociétés appartenant au groupe SAMSIC dont elle fait partie et qu’elle a proposé une formation au salarié en vue de lui permettre de s’adapter au poste proposé.

***

Il incombe à l’employeur de démontrer qu’il s’est acquitté de son obligation de reclassement.

L’employeur justifie avoir interrogé par courriels 43 agences du groupe SAMSIC sur l’existence d’un poste disponible pour M. X tenant compte des contraintes physiques énoncées par le médecin du travail et verse aux ébats les réponses négatives reçues en retour.

En indiquant que le salarié occupait un poste de «'technicien de chantier'» , l’employeur n’a pas fait obstacle à la recherche de reclassement du salarié dans un poste administratif et non technique.

La société AD Phenix II, qui a pour activité la décontamination de locaux après sinistre, a offert au salarié un poste d’assistant administratif basé à Mormant (77). La fiche de poste mentionne qu’il s’agit de tâches administratives de secrétariat et assistance du directeur d’agence qui supposent une expérience professionnelle de trois ans dans une fonction similaire, une parfaite maîtrise du pack «'Office'» et une formation de type BTS assistanat de direction.

L’employeur a précisé au salarié qu’il lui semblait que, compte tenu de son ancienneté au sein de l’entreprise et de ses qualités rédactionnelles, qu’il avait pu apprécier à travers plusieurs échanges épistolaires, le salarié saurait s’adapter rapidement à ce poste.

Le salarié a néanmoins souhaité bénéficier d’une formation préalable à la prise de ce poste.

L’employeur lui a alors proposé une formation interne de 15 jours à définir en commun, la mise en place d’un tutorat et une formation externe de type assistanat de direction et/ou Office manager.

En définitive, le salarié a estimé que les garanties de formation proposées par l’employeur étaient insuffisantes et a refusé le poste proposé.

Il ressort des justificatifs produits par la société Y Phenix II que cette dernière a rempli son obligation de moyen en démarchant 43 agences du groupe afin de reclasser M. X et en lui proposant un poste d’assistant administratif moyennant une formation interne et externe.

Ce dernier a refusé le poste qui lui était proposé, arguant de son absence de diplôme alors que l’employeur lui offrait un poste sans exiger la présentation d’un diplôme et en lui proposant une double formation.

Le jugement déféré sera dès lors confirmé en ce qu’il a considéré que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et a débouté le salarié de ses demandes d’indemnités compensatrice de préavis et de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

Le salarié expose avoir été rétrogradé sans motif du poste de chef d’équipe au poste de technicien de chantier.

Il indique ensuite avoir subi des pressions de son employeur ayant entraîné une dégradation de ses conditions de travail.

L’employeur fait valoir que le salarié ne justifie pas du préjudice allégué.

***

Le salarié était chef d’équipe à compter du 1er février 2005 au sein de la société Y Phenix II, niveau MP 2 catégorie ETAM (agent de maîtrise).

Par avenant n° 8 du 27 juillet 2009 à l’accord du 25 juin 2002 relatif aux classifications et aux salaires au sein des entreprises de propreté, entré en vigueur le 1er janvier 2010, la dénomination de son emploi a été modifiée et qualifiée désormais «'technicien de chantier'» niveau MP 2.

Le changement de dénomination de l’emploi n’a pas entraîné de modification de statut et la demande est dépourvue de fondement à cet égard.

Par ailleurs, M. X n’établit ni ne caractérise la réalité et la teneur de pressions dont il soutient avoir fait l’objet.

En conséquence, le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande formée de ce chef.

Il est équitable de laisser à la charge des sociétés Manpower et Z leurs frais irrépétibles.

La société Y Phenix II sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et versera à à Me Philippe Achache, avocat de M. A X, la somme de 3 000 € en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement en ce qu’il a débouté M. A X de sa demande de nullité du licenciement et de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, et en ce qu’il a dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse;

INFIRME le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,

DÉCLARE recevable la demande de M. A X aux fins de requalification des contrats d’intérim en contrat de travail à durée indéterminée ;

DIT que M. A X est en droit de faire valoir les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée à l’égard de la SAS Y Phenix II à compter du 29 septembre 1998 ;

CONDAMNE la SAS Y Phenix II à payer à M. A X la somme de 3 604 € à titre d’indemnité de requalification ;

DÉBOUTE M. C X de ses demandes de requalification des contrats d’intérim en contrats de travail à durée indéterminée à l’égard de la société Manpower et de la société Adia devenue Z ;

CONDAMNE la SAS Y Phenix II à payer à M. A X la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de visites médicales de reprise ;

CONDAMNE la SAS Y Phenix II à payer à Me Philippe Achache, avocat de M. A X, la somme de 3 000 € en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

CONDAMNE la société SAS Y Phenix II aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Paris, 25 novembre 2015, n° 15/05077