Cour d'appel de Paris, 10 décembre 2015, n° 14/19796

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 10 déc. 2015, n° 14/19796
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 14/19796
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, JEX, 25 septembre 2014, N° 14/81780

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 8

ARRÊT DU 10 DÉCEMBRE 2015

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/19796

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 septembre 2014 – Juge de l’exécution de Paris RG n° 14/81780

APPELANTE

Société Vietnam Airlines – Compagnie Aérienne Nationale du Vietnam

Société de droit vietnamien ayant son établissement en France 51/XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Frédéric Ingold de la SELARL Ingold & Thomas – avocats, avocat au barreau de Paris, toque : B1055

Assistée de Me Maylis Casati-Ollier substituée à l’audience de Me Marie Buzulier, avocat du PUK Clyde & Co LLP, avocat au barreau de Paris, toque : P0429

INTIMÉ

Monsieur E A

Né le XXX à XXX

XXX

XXX

Représenté par Me Laurence Taze Bernard de la SCP Ifl avocats, avocat au barreau de Paris, toque : P0042

Assisté de Me Antoine Delabrière, avocat au barreau de Paris, toque : P0585

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 octobre 2015, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie Hirigoyen, Présidente de chambre et Mme I J, conseillère, chargées d’instruire l’affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie Hirigoyen, Présidente de chambre

Mme I J, conseillère

Mme C D, conseillère appelée d’une autre chambre afin de compléter la cour en application de l’article R.312-3 du code de l’organisation judiciaire

Greffier, lors des débats : Mme G H

ARRÊT : Contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Mme Marie Hirigoyen, Présidente et par Mme G H, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par jugement du 7 mars 2000, le tribunal civil de Rome a condamné la société Vietnam Airlines à verser à M. A, avocat au barreau de Rome, une somme de 4 851 891 000 lires italiennes, soit 2 505 792,58 euros, correspondant à des honoraires « plus CAP (cotisations de retraite) et Z, avec les intérêts au taux légal et réévaluation ex lege n 533/1973 à partir de la demande judiciaire jusqu’au payement définitif ».

Par ordonnance du 8 juin 2004, le président du tribunal de grande instance de Paris a déclaré ce jugement exécutoire en France.

Par arrêt du 9 mars 2006, la cour d’appel de Paris a confirmé cette décision d’exequatur et, compte tenu de l’appel interjeté le 7 mai 2004 à l’encontre du jugement du 7 mars 2000, a ordonné, à titre de garantie, en application de l’article 38 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, le séquestre des sommes dues à M. A en vertu dudit jugement, sur le compte du bâtonnier de l’Ordre des avocats au barreau de Paris.

La société Vietnam Airlines a ainsi versé, en juin et août 2006, entre les mains du bâtonnier désigné en qualité de séquestre, la somme de 5 200 000 euros.

Par arrêt du 12 juin 2008, la cour d’appel de Rome a confirmé le jugement du 7 mars 2000 et le pourvoi formé contre cet arrêt a été déclaré irrecevable le 19 février 2010 par la Cour suprême italienne.

La cour d’appel de Paris a confirmé, par arrêt du 11 octobre 2011, l’ordonnance de référé du 4 mars 2011 ayant rejeté la demande de M. A tendant à la mainlevée du séquestre, au motif que le recours en annulation étant toujours en cours, toutes les voies de recours énoncées à l’article 323 du code de procédure civile italien n’étaient pas épuisées.

Le recours en annulation formé contre le jugement du 7 mars 2000 a été rejeté par jugement du tribunal civil de Rome du 18 septembre 2009, confirmé par arrêt de la cour d’appel de Rome du 18 avril 2013.

Par actes d’huissier des 12 et 18 mai 2009, M. A a fait pratiquer deux saisies attributions entre les mains de B au préjudice de la société Vietnam Airlines pour recouvrement de la somme de 268 287,30 euros représentant, à hauteur de 252.439,71 euros, des intérêts échus au 7 mai 2009 sur le montant des condamnations prononcées par le tribunal civil de Rome le 7 mars 2000, outre les frais.

Ces saisies, qui se sont révélées fructueuses en intégralité, ont été dénoncées les 15 et 20 mai 2009 et contestées par la société Vietnam Airlines suivant assignation du 12 juin 2009.

Par jugement du 26 septembre 2014, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris a rejeté les demandes de la société Vietnam Airlines tendant à voir annuler les deux saisies-attributions ainsi pratiquées ou subsidiairement à voir ordonner la consignation de la somme de 268 287,30 euros, et l’a condamnée à verser à M. A la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

La société Vietnam Airlines a relevé appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe de la cour le 30 septembre 2014.

Par dernières conclusions du 1er octobre 2015, elle demande à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de constater la caducité et à tout le moins la nullité des deux saisies-attributions pratiquées les 12 et 18 mai 2009, à titre subsidiaire, d’ordonner la mainlevée de ces mesures qui ne sont pas justifiées, de condamner M. A aux dépens et à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions du 18 février 2015, M. A demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter la société Vietnam Airlines de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens recouvrés en application de l’article 699 du même code.

SUR CE

Sur la nullité des procès-verbaux de saisies

Les actes afférents aux saisies-attribution pratiquées par Maître X, huissier de justice, entre les mains de B au préjudice de la société Vietnam Airlines mentionnent que cette dernière a son siège à l’aéroport international de Hanoï, tandis que les actes de dénonciation de ces saisies ont été délivrés par Maître Y, huissier de justice, à la succursale de la société Vietnam Airlines à Paris à une personne ayant déclaré être habilitée.

La société Vietnam Airlines fait valoir que son siège social est situé XXX à Hanoï et non à l’aéroport d’Hanoï et que sa succursale en France XXX à Paris n’est pas concernée par le litige, et soutient que les actes de saisies et de dénonciation sont, en conséquence des mentions erronées qu’ils contiennent, entachés de nullité.

Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 114 du code de procédure qui régit les nullités de forme des actes de procédure, « la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même s’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public ».

Or la société Vietnam Airlines n’allègue ni n’établit la réalité d’un grief à l’appui de la nullité qu’elle invoque, étant observé qu’elle a eu connaissance de la dénonciation des saisies qu’elle a contestées dans le délai prévu par l’article R. 211-3 du code des procédures civiles d’exécution.

Le premier juge doit en conséquence être approuvé en ce qu’il a rejeté ce moyen de nullité et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la caducité des saisies-attributions

La société Vietnam Airlines soutient que les saisies ne lui ont pas été dénoncées à son adresse au Vietnam dans le délai de huit jours prévu à peine de caducité par l’article R. 211-3 du code des procédures civiles d’exécution, la dénonciation ayant été faite à l’adresse de sa succursale en France.

Les actes de dénonciation des saisies litigieuses ont été délivrés à la société Vietnam Airlines les 15 et 20 mai 2009, dans les huit jours des saisies pratiquées les 12 et 18 mai 2009, peu important qu’ils l’aient été à l’adresse de la succursale en France, aucune nullité n’étant encourue de ce chef ainsi que retenu ci-dessus.

C’est donc à bon droit que le premier juge a rejeté le moyen tiré de la caducité des mesures litigieuses.

Sur les saisies litigieuses

La société Vietnam Airlines soutient que M. A ne justifie pas de sa créance par les pièces produites aux débats, que la décision du juge italien a été exécutée par la consignation de la somme de 5 200 000 euros ordonnée par la cour d’appel de Paris et qu’il en résulte l’interdiction de tout acte d’exécution au-delà de la somme séquestrée, que M. A a reconnu que le montant séquestré correspondait à l’intégralité de la somme due en vertu du jugement italien au jour de la consignation ordonnée par la cour d’appel, que ce séquestre a nécessairement arrêté le cours des intérêts de la créance conformément au droit français et notamment à l’article 1961 du code civil.

M. A fait valoir que les intérêts sur la condamnation prononcée par le juge italien sont dus en vertu de la décision étrangère que ni le juge de l’exequatur, ni le juge de l’exécution français ne peuvent modifier, que le séquestre ordonné dans le cadre d’une procédure d’exequatur en France n’est pas de nature à remettre en cause le montant de la créance et la computation des intérêts qui y sont attachés, que ce séquestre n’a pas la nature de celui ordonné en application de l’article 1961-3e du code civil français et n’a aucun effet libératoire mais constitue une « mesure d’attente » en raison de la contestation opposant les parties, la société Vietnam Airlines, qui n’a nullement manifesté sa volonté de payer mais multiplié les recours depuis de nombreuses années, ne pouvant se prévaloir de sa propre turpitude pour refuser de payer les intérêts.

Les parties s’opposent ainsi sur le caractère libératoire ou non du séquestre en cause, et partant sur l’exigibilité des intérêts courus depuis la date du séquestre.

En vertu de l’article 38 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, la juridiction qui statue sur le recours formé contre la décision ayant déclaré un jugement étranger exécutoire en application des articles 27 et 28, peut subordonner l’exécution à la constitution d’une garantie qu’elle détermine.

La cour d’appel de Paris a, faisant application de cette disposition, alors qu’elle confirmait l’ordonnance ayant rendu exécutoire en France le jugement italien du 7 mars 2000, ordonné, « à titre de garantie, le séquestre des sommes dues à M. E A en vertu du jugement du 7 mars 2000 sur le compte du bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris », pour préserver les intérêts de la société Vietnam Airlines contre le risque du défaut de restitution dans l’hypothèse où la décision dont l’exequatur était sollicitée serait infirmée dans le pays d’origine.

A la suite de cette décision, la société Vietnam Airlines a versé entre les mains du bâtonnier du barreau de Paris une somme de 1 331 731,39 euros le 16 juin 2006 et celle de 3 868 268,61 euros le 28 août 2006, la somme totale de 5 200 000 euros ainsi séquestrée correspondant à la somme due à cette date par la société Vietnam Airlines en vertu du jugement du 7 mars 2000, selon le décompte établi par M. A et comprenant le montant du capital réévalué, les frais de justice, les droits d’enregistrement, les CAP (cotisations de retraite) et les intérêts au taux légal.

Le séquestre ordonné par une juridiction française pour garantir l’exécution poursuivie en France de la décision étrangère, est, contrairement à ce que soutient M. A, régi par la loi française. Pour autant, la société Vietnam Airlines n’est pas fondée à soutenir que la remise des fonds au séquestre a eu un effet libératoire en application de l’article 1961-3e du code civil.

En effet, ces dernières dispositions n’ont pas vocation à s’appliquer en l’espèce dès lors que la débitrice n’a pas offert de payer la somme litigieuse ni manifesté la volonté de s’acquitter des sommes que M. A souhaitait recouvrer en France, mais s’opposait au contraire à l’exécution de la décision italienne qu’elle contestait et à l’encontre de laquelle elle avait engagé divers recours, M. A n’ayant quant à lui pas consenti à ce séquestre qui n’a été ordonné qu’à titre de garantie pour la société Vietnam Airlines, les sommes rendues indisponibles n’ayant ainsi pas quitté le patrimoine de cette dernière.

Le séquestre de la somme de 5 200 000 euros n’ayant pas eu d’effet libératoire, les intérêts ont continué à courir sur les condamnations prononcées par le tribunal civil de Rome conformément aux termes de son jugement.

M. A produit un décompte détaillant la condamnation principale prononcée par le juge italien, sa réévaluation et les intérêts au taux légal sur le capital réévalué arrêtés au 31 mars 2009, ainsi que les frais de justice, pour une somme totale de 5 452 439,71 euros.

Ce décompte, qui comprend les divers chefs des condamnations prononcées, n’est pas utilement contesté par la société Vietnam Airlines qui se borne à indiquer que M. A ne justifie pas de sa créance.

Compte tenu de la somme de 5 200 000 euros versée par la société Vietnam Airlines entre les mains du bâtonnier désigné séquestre, et alors que le jugement italien avait été confirmé par la cour d’appel de Rome, M. A était fondé à poursuivre l’exécution de sa créance pour un montant de 252 439,71 euros au titre des intérêts arrêtés au 31 mars 2009.

Le jugement ayant rejeté la contestation des saisies pratiquées les 12 et 18 mai 2009 doit être confirmé en toutes ses dispositions.

La société Vietnam Airlines qui succombe doit être condamnée aux dépens, déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée, en application de ces dernières dispositions, à payer à M. A une somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement ;

Condamne la société Vietnam Airlines à payer à M. A la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société Vietnam Airlines aux dépens qui pourront être recouvrés selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Paris, 10 décembre 2015, n° 14/19796