Cour d'appel de Paris, 20 septembre 2016, n° 14/07682

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 20 sept. 2016, n° 14/07682
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 14/07682
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 21 mai 2012, N° 11/02705

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 4

ARRÊT DU 20 Septembre 2016

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 14/07682 (14/07687)

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Mai 2012 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 11/02705

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Octobre 2009 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 05/14711

APPELANT (RG 14/07682 et 14/07687)

LES ETATS-UNIS D’ AMERIQUE, ETAT SOUVERAIN

XXX

XXX

Room 1105,1110 L Street

XXX

représentée par Me Nathalie MEYER FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0091

INTIMES (RG 14/07682 et 14/07687)

Madame S T-A

XXX

XXX

née le XXX à Tunis

représentée par Me Emmanuel KASPEREIT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0122, Me Michaël SCHLESINGER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0122

Monsieur O A

XXX

XXX

BELGIQUE

né le XXX à Paris

représenté par Me Emmanuel KASPEREIT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0122

Me Michaël SCHLESINGER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0122

Mademoiselle G A

XXX

XXX

née le XXX à Paris

représentée par Me Emmanuel KASPEREIT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0122

Me Michaël SCHLESINGER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0122

ayants droit de Monsieur E A décédé

INTERVENANT VOLONTAIRE

MADAME Z D. Y, AMBASSADEUR DES ETATS-UNIS D’AMERIQUE EN FRANCE

Résidence Saint-Honoré

41 rue du Faubourg Saint-Honoré

XXX

représentée par Me Nathalie MEYER FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0091

EN PRESENCE DE

Monsieur l’avocat général

M. M N

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 Mai 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Bruno BLANC, Président

Mme AB AC AD, AE

Mme I J, AE

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRET :

— Contradictoire,

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et prorogé à ce jour.

— signé par Monsieur Bruno BLANC, Président et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

E A a été embauché par contrat à durée déterminée selon le droit français par l’ambassade des Etats Unis d’Amérique à Paris à compter du 17 janvier 1989 en qualité de commercial spécialisé. Il a été licencié pour motif économique le 21 septembre 2005.

E A a saisi le Conseil des prud’hommes de Paris le 05 décembre 2005 à l’encontre de l’ambassade des Etats Unis d’Amérique en contestation des motifs de ce licenciement, indemnisation du préjudice subi et des préjudices résultant du non-respect de l’obligation de reclassement et de la proposition de reclassement de convention de reclassement.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 5 octobre 2009 par le Conseil des prud’hommes de Paris, l’ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique en France et les Etats-Unis d’Amérique ont été condamnés, solidairement, à verser à S T A, O A, et G A, en leur qualité d’ayants-droits de E A, décédé, la somme de 136.000 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du 3e mois de la notification, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé, les défendeurs étant condamnés aux dépens.

S T A, O A, et G A ont saisi, en leur qualité d’ayants droits de V. A, décédé, le Conseil des prud’hommes de Paris le 11 février 2011 en liquidation de l’astreinte prononcée par le jugement rendu le 5 octobre 2009 à l’encontre des Etats-Unis d’Amérique.

Par jugement réputé contradictoire en date du 22 mai 2012, le Conseil des prud’hommes de Paris a prononcé la liquidation de l’astreinte et a condamné 'Monsieur Madame l’ambassade des Etats Unis d’Amérique en France pris tant en sa qualité de représentant des Etats Unis qu’en qualité de chef de mission diplomatique, ainsi que 'les Etats-Unis d’Amérique représentés par le Chef du département de justice à Washington en France', à verser aux dits ayants-droits la somme de 734.000 euros, avec intérêts au taux légal ; il a débouté ces derniers du surplus de leur demande, les défendeurs étant condamnés aux dépens.

Par deux lettres recommandées en date du 8 juillet 2014, reçues au greffe de la cour d’appel de Paris le 9 juillet 2014, les Etats-Unis d’Amérique, Etat souverain, US Department of Justice, Office of Foreign litigation, ont relevé appel de ces deux jugements, les procédures étant respectivement enregistrées sous les n°14.07687 et 14.07682, en vue de leur annulation ou de leur réformation.

Dans un courrier enregistré au greffe le 19 juin 2015, le conseil des Etats Unis d’Amériques a indiqué avoir reçu mandat de représenter l’Ambassadeur des Etats Unis d’Amérique en France à la suite de sa convocation à l’audience du 30 juin 2015. A cette audience, l’Ambassadeur des Etats Unis d’Amérique en France est intervenu volontairement.

L’affaire a été plaidée en présence du Ministère Public, après renvoi notamment à une audience d’instruction fixée le 14 décembre 2015, à l’audience du 5 avril 2016 ; le Ministère Public avait communiqué préalablement ses observations le 21 mars 2016 et les a réitérées oralement.

Les Etats Unis d’Amérique et Madame Z D. Y, ambassadeur des Etats Unis d’Amérique en France ont demandé à la cour de :

1°) dans un jeu d’écritures (N°4 audience du 1er mars 2016),

Constater l’absence de signification du jugement à l’Ambassadeur,

— Annuler la signification du jugement invoquée comme telle par les consorts A

En conséquence,

Rejeter la fin de non recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel relevée par les consorts A,

— Dire l’appel recevable ;

En conséquence, A titre principal,

Annuler les actes de convocations adressés aux Etats Unis d’Amérique et de l’Ambassadeur pour l’audience de conciliation et devant le Bureau de jugement et toute la procédure subséquente, y compris le jugement rendu le 5 octobre 2009 en toutes ses dispositions et à l’égard de toutes les parties et sa notification,

— Renvoyer les parties à mieux se pourvoir,

A titre subsidiaire, si la Cour déclarait les actes introductifs d’instance valables,

Prononcer la nullité du jugement rendu le 5 octobre 2009 par le Conseil de Prud’hommes de Paris en toutes ses dispositions et à l’égard de toutes les parties,

Annuler, par voie de conséquence, l’acte de signification du jugement qui en est la suite,

Et, statuant, sur la demande,

Déclarer irrecevables les demandes formées à l’encontre des Etats Unis d’Amérique et de l’Ambassadeur en raison de leur immunité de juridiction,

Encore plus subsidiairement, si la Cour refusait de déclarer la demande irrecevable,

Renvoyer l’affaire à telle audience qu’il plaira à la Cour de fixer pour statuer sur les demandes des consorts A,

En tout état de cause,

Débouter les consorts A de leur demande de paiement de la somme de 50.000 Euros au titre de l’article 559 du Code de Procédure civile,

— Condamner les consorts A à payer 5.000 Euros au titre de l’article 700 du CPC

— Condamner les consorts A aux entiers dépens.

2°) dans un jeu d’écritures (n°5 audience du 10 mai 2016),

Sur l’appel interjeté contre le jugement du 5 octobre 2009,

Il est demandé à la Cour d’appel de Paris de :

— Adjuger aux concluants le bénéfice des précédentes écritures du 5 janvier 2016,

Sur la recevabilité de l’appel,

— Constater l’absence de signification du jugement à l’Ambassadeur des Etats Unis d’Amérique,

— Annuler la signification du jugement invoquée comme telle par les consorts A

En conséquence,

— Rejeter la fin de non recevoir relevée par les consorts A,

— Dire l’appel recevable,

Subsidiairement, pour le cas où l’appel interjeté par les Etats Unis d’Amérique serait jugé irrecevable car tardif,

— Constater que les Etats Unis d’Amérique forment un appel incident provoqué par l’appel

de l’Ambassadeur des Etats Unis d’Amérique en application de l’article 549 du Code de procédure civile,

— Dire cet appel incident recevable,

Très subsidiairement, si la Cour devait écarter l’appel provoqué formé par les Etats Unis d’Amérique,

— Constater que les Etats Unis se joignent à l’instance d’appel portée devant la Cour, en application de l’article 552 du Code de procédure civile,

— Dire leur intervention recevable,

Sur le fond,

A titre principal,

— Annuler les actes de convocations adressés aux Etats Unis d’Amérique pour l’audience de conciliation et devant le Bureau de jugement et toute la procédure subséquente, y compris le jugement rendu le 5 octobre 2009 (en toutes ses dispositions et à l’égard de toutes les parties), ainsi que sa notification,

— Renvoyer les parties à mieux se pourvoir,

A titre subsidiaire, si la Cour déclarait les actes introductifs d’instance valables,

— Prononcer la nullité du jugement rendu le 5 octobre 2009 par le Conseil de Prud’hommes de Paris (en toutes ses dispositions et à l’égard de toutes les parties),

— Annuler, par voie de conséquence, l’acte de signification du jugement qui en est la suite,

Et, statuant, sur la demande,

— Déclarer irrecevables les demandes formées à l’encontre des Etats Unis d’Amérique et de Monsieur l’Ambassadeur en raison de leur immunité de juridiction,

Encore plus subsidiairement, si la Cour refusait de déclarer la demande irrecevable,

— Renvoyer l’affaire à telle audience qu’il plaira à la Cour de fixer pour statuer sur les demandes des consorts A,

En tout état de cause,

— Débouter les consorts A de leur demande de paiement de la somme de 50 000 Euros au titre de l’article 559 du Code de procédure civile,

— Condamner les consorts A à payer aux Etats Unis d’Amérique la somme de 5.000 Euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

— Condamner les consorts A aux entiers dépens.

Sur l’appel interjeté contre le jugement du 22 mai 2012

Il est demandé à la Cour d’appel de Paris de :

— Adjuger aux concluants le bénéfice des précédentes écritures du 5 janvier 2016,

Sur la recevabilité de l’appel,

— Constater l’absence de signification du jugement à l’Ambassadeur des Etats Unis d’Amérique,

— Annuler la signification du jugement invoquée comme telle par les consorts A

En conséquence,

— Rejeter la fin de non recevoir relevée par les consorts A,

— Dire l’appel recevable,

Subsidiairement, pour le cas où l’appel interjeté par les Etats Unis d’Amérique serait jugé irrecevable car tardif,

— Constater que les Etats Unis d’Amérique forment un appel incident provoqué par l’appel de l’Ambassadeur des Etats Unis d’Amérique en application de l’article 549 du Code de procédure civile,

— Dire cet appel incident recevable,

Très subsidiairement, si la Cour devait écarter l’appel provoqué formé par les Etats Unis d’Amérique,

— Constater que les Etats Unis se joignent à l’instance d’appel portée devant la Cour, en application de l’article 552 du Code de procédure civile,

— Dire leur intervention recevable,

Sur le fond,

A titre principal,

— Constater l’absence de convocation à comparaître devant le Bureau de conciliation et annuler toute la procédure subséquente, y compris le jugement rendu le 22 mai 2012 (en toutes ses dispositions et à l’égard de toutes les parties), ainsi que sa notification,

— Constater l’absence de convocation de l’Ambassadeur à comparaître devant le Bureau de Jugement et annuler toute la procédure subséquente, y compris le jugement rendu le 22 mai 2012 (en toutes ses dispositions et à l’égard de toutes les parties), ainsi que sa notification,

— Annuler les actes de convocations à comparaître devant le Bureau de jugement adressés aux Etats Unis d’Amérique et toute la procédure subséquente, y compris le jugement rendu le 22 mai 2012 (en toutes ses dispositions et à l’égard de toutes les parties), ainsi que sa notification,

— Renvoyer les parties à mieux se pourvoir,

A titre subsidiaire, si la Cour déclarait les actes introductifs d’instance valables,

— Prononcer la nullité du jugement rendu le 22 mai 2012 par le Conseil de Prud’hommes de Paris en toutes ses dispositions et à l’égard de toutes les parties,

— Annuler, par voie de conséquence, l’acte signification du jugement qui en est la suite,

Et, statuant, sur la demande,

— Déclarer irrecevables les demandes formées à l’encontre des Etats Unis d’Amérique et de l’Ambassadeur en raison de leur immunité de juridiction,

Encore plus subsidiairement, si la Cour refusait de déclarer la demande irrecevable,

Renvoyer l’affaire à telle audience qu’il plaira à la Cour de fixer pour statuer sur les demandes des consorts A,

En tout état de cause,

— Condamner les consorts A à payer 5.000 Euros au titre de l’article 700 du CPC

— Condamner les consorts A aux entiers dépens.

De leur côté, les consorts A ont demandé à la cour de :

A titre principal :

— Déclarer les ETATS-UNIS irrecevables en leur appel interjeté le 8 juillet 2014 à l’encontre du jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Paris le 5 octobre 2009;

— Déclarer les ETATS-UNIS irrecevables en leur appel interjeté le 8 juillet 2014 à l’encontre du jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Paris le 22 mai 2012;

— Déclarer Mme Z Y irrecevable en ses interventions volontaires ;

— Dire que Mme Z Y n’a pas qualité pour interjeter appel incident ;

— Dire que le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Paris le 5 octobre 2009 a force de chose jugée

— Dire que le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Paris le 22 mai 2012 a force de chose jugée ;

A titre subsidiaire :

— Confirmer en toutes ses dispositions le Jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Paris le 5 octobre 2009 ;

— Confirmer en toutes ses dispositions le Jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Paris le 22 mai 2012 ;

En tout état de cause :

Y ajoutant,

— Débouter les ETATS-UNIS et Mme Z Y de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

— Condamner les ETATS-UNIS au paiement d’une somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel dilatoire et abusif ;

— Dire que toutes les condamnations prononcées par le Conseil de prud’hommes et la Cour porteront intérêts au taux légal applicable entre professionnel et particulier ;

— Dire que les intérêts se capitaliseront annuellement dans les conditions de l’article 1154 du Code civil ;

— Condamner les ETATS-UNIS aux entiers dépens

— Condamner les ETATS-UNIS au paiement d’une somme de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles.

SUR CE :

EN LA FORME :

Il est d’une bonne administration de la justice de procéder à la jonction des procédures.

AU FOND :

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l’audience.

Sur l’appel du jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Paris le 05.10.2009 :

Les Etats Unis d’Amérique ainsi que Madame Z D. Y, Ambassadeur des Etats Unis d’Amérique en France, se prévalent de différentes irrégularités affectant leur convocation en leur qualité de défendeurs à l’instance introduite par E A le 05.12.2005 devant le conseil des prud’hommes de Paris soient :

— l’absence de convocation devant le bureau de conciliation, préalable obligatoire à toute procédure prud’homale en vertu de l’article L 1411-1 du code du travail ;

— l’irrégularité de notification au destinataire de l’acte introductif d’instance,

— l’absence de notification régulière de l’acte introductif d’instance par la voie diplomatique alors que le défendeur est un Etat étranger.

Ils allèguent que de ce fait la nullité de leur convocation doit être constatée ce qui a pour conséquence la nullité du jugement critiqué.

Le recours-nullité ne présente qu’un caractère subsidiaire : son admission suppose que la voie de recours habituelle soit interdite par la loi ; il ne doit donc exister aucun autre moyen de contester la validité du jugement déféré.

Dans le cas contraire, l’exercice de la voie de recours légalement prévue suffit à faire sanctionner l’irrégularité contenue dans la décision.

Ce n’est donc que dans le seul cas où l’appel introduit selon les règles du code de procédure civile par les Etats Unis d’Amérique serait recevable que la nullité invoquée pourrait être examinée et non pas in limine litis dans le cadre d’un appel nullité.

Il n’y a pas lieu de statuer au préalable sur la nullité soulevée.

En matière de procédure prud’homale, le délai d’appel est d’un mois. Lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, les délais d’appel sont augmentés de 2 mois pour les personnes demeurant à l’étranger.

Le délai à l’expiration duquel un recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification du jugement, à moins que ce délai n’ait commencé à courir, en vertu de la loi, dès la date du jugement.

S’agissant d’un Etat étranger, et conformément aux dispositions de l’article 684 alinéa 2 du code de procédure civile, l’acte destiné à lui être notifié lui est remis au parquet et transmis par l’intermédiaire du Ministre de la Justice aux fins de signification par voie diplomatique, à moins qu’en vertu d’un règlement communautaire ou d’un traité international, la transmission puisse être faite par une autre voie.

L’article 117 CPC relatif dresse une liste limitative des irrégularités de fond pouvant affecter la validité d’un acte, cette liste ne comprend pas la méconnaissance des règles de notification qui correspond donc à une simple irrégularité pour vice de forme. Cependant l’annulation d’un acte entaché d’un vice de forme ne peut être obtenue qu’à plusieurs conditions : elle doit être explicitement prévue par un texte, sauf inobservation d’une formalité d’ordre public ou substantielle ; le contradicteur doit être en mesure de démontrer un grief ; et enfin l’acte ne doit pas avoir fait l’objet d’une régularisation. Ces conditions ne sont en l’espèce pas remplies.

De surcroît, les Etats Unis d’Amérique ont fait observer qu’avaient été convoqués devant le bureau de conciliation non seulement 'les Etats Unis d’Amérique en France’ mais également 'Monsieur Madame l’ambassade des Etats Unis d’Amérique en France pris tant en sa qualité de Représentant des Etats Unis qu’en sa qualité de Chef de mission diplomatique', représentant deux personnes juridiques distinctes.

Il s’agit en réalité d’un seul et même défendeur, les Etats Unis d’Amérique, qui a été cité à deux reprises sous des appellations différentes, l’Ambassadeur n’ayant pas été convoqué à titre personnel même dans le cadre de son activité professionnelle, mais bien en tant que représentant des Etats Unis d’Amérique ce que recouvre sa fonction de chef de mission diplomatique.

Dès lors la condamnation 'solidaire’ de 'l’ambassadeur des Etats Unis d’Amérique en France et les Etats Unis d’Amérique’ constitue une seule et unique condamnation de l’Etat défendeur, à défaut de concerner des entités juridiques distinctes.

Le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Paris a été notifié par le greffe tout d’abord le 26 novembre 2009 aux Etats-Unis d’Amérique représentés par le chef du département de justice à Washington, cette notification comprenant au recto la mention du délai d’un mois à compter de la réception de l’acte ; cependant il est également indiqué :

'Les modalités plus précises d’exercice de ce recours sont reproduites au verso de la présente’ ; au verso de ce document est reproduit le texte de l’article 643 du code de procédure civile qui prévoit un délai de recours augmenté de deux mois pour les personnes demeurant à l’étranger.

Cet acte de notification était accompagné du formulaire F3, traduit en anglais, qui précisait la voie de recours applicable : « Appel 1 mois + 2 mois ».

L’ensemble a été adressé au parquet le 27 novembre 2009, et transmis, par la voie diplomatique et par l’intermédiaire de la Direction des affaires civiles et du sceau de la Chancellerie, le 11 janvier 2010, à l’ambassade de France aux Etats-Unis, qui l’a adressé au Département d’Etat à Washington le 16 février 2010 ; les documents ont été reçus par le destinataire en la personne de 'M C D Bureau France Département d’Etat’ le 19 février 2010.

Pour contester la régularité de cette notification, les Etats Unis d’Amérique opposent tout d’abord le fait que l’Ambassadeur n’en n’a pas été destinataire ; or, en sa qualité de chef de mission diplomatique, l’ambassadeur assume la plénitude des pouvoirs de l’État à son poste et le représente officiellement ; l’article 3 1.a. de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques à laquelle se réfèrent les défendeurs prévoit explicitement que : 'les fonctions d’une mission diplomatique consistent notamment à : a. représenter l’Etat accréditant auprès de l’Etat accréditaire ….' ; l’Etat américain ayant bénéficié de la notification du jugement rendu le 05 octobre 2009, il n’était pas nécessaire de procéder à une nouvelle notification à son ambassadeur à Paris, représentant de cet Etat.

Il est exact que, parmi les nombreux actes transmis aux Etats Unis tout au long de cette procédure, seul le jugement du 05 octobre 2009 n’a pas fait l’objet d’une traduction en anglais. Cependant, hormis le cas où elle est prévue par une convention internationale, la nécessité d’assortir d’une traduction la notification mentionnée à l’article 684 du code de procédure civile ne résulte d’aucun texte ; par suite, cette circonstance n’a pas pour effet de rendre irrégulière la notification du jugement litigieux.

En outre, les Etats Unis d’Amérique reconnaissent dans leurs écritures n’avoir pas été signataires de la Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens du 02 décembre 2004, texte certes signé le 17 janvier 2007 puis ratifié le 28 juin 2011 par la France ; au surplus au 3 mars 2016, cette convention n’était pas ratifiée par le nombre adéquat d’Etat signataires ; les défendeurs ne peuvent donc s’en prévaloir. L’inobservation d’une règle de courtoisie internationale ou la simple méconnaissance des attentes du pays concerné ne rend pas irrégulière la notification de l’acte jusqu’à ce qu’une note diplomatique vienne fixer les modalités de signification diplomatique des documents juridiques entre Etats ; dans cette affaire cela a été fait postérieurement dans une note en date du 27 février 2015.

Il n’y a pas eu d’envoi par LRAR de la notification du jugement rendu le 5 octobre 2009 venant doubler la notification effectuée par voie diplomatique, le greffe ayant, par erreur, maintenu la mention d’un envoi en recommandé qui n’est dans les faits pas démontré si ce n’est pas la seule attestation délivrée par le greffe du Conseil des prud’hommes de Paris le 24 juin 2014 sans que les pièces le justifiant soient produites.

Enfin il n’est pas démontré que des délais contradictoires ou erronés aient été portés sur la notification au vu des différentes mentions qui y étaient indiquées.

En dernier lieu la cour constate que le jugement critiqué a bien été remis au 'Bureau France’ du Département d’Etat à Washington, qui doit comme tel comprendre le personnel compétent pour traiter des affaires en cours avec la France, le grief n’est donc pas démontré.

Il en résulte que la notification du jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Paris le 5 octobre 2009 était parfaitement régulière.

Dans ces conditions, l’appel de l’Etat défendeur devait intervenir avant le 16 mai 2010, à défaut il doit être jugé irrecevable.

Par ailleurs, les Etats Unis d’Amérique se prévalent de l’appel provoqué formé par leur ambassadeur, qui a été convoqué par le greffe de la cour d’appel de Paris le 1er juin 2015, de même que Madame J. D. Y, Ambassadeur des Etats Unis d’Amérique en France.

Or cette dernière, nommément désignée, n’a pas la qualité d’intimée puisqu’elle n’a pas été partie ou représentée en première instance, et par ailleurs elle ne justifie d’aucun intérêt à agir pour n’avoir pas été condamnée en première instance, elle ne saurait dans ces conditions être déclarée recevable en tant qu’intervenante volontaire et elle n’a pu former aucun appel incident.

Sur ce point, en ce qui concerne 'l’Ambassadeur', il a été décidé qu’il s’agissait d’une entité qui ne peut se distinguer de l’Etat qu’il représente ; en outre les conclusions visées par le greffe portent la seule indication de l’ 'intervention volontaire’ de l’Ambassadeur, aucun appel incident n’a donc été formalisé en son nom ; en tant que tel, il doit être également déclaré irrecevable, à défaut d’être tiers à l’instance et pour avoir été partie en première instance.

Les dispositions des articles 549 et 552 du code de procédure civile ne sont pas applicables en l’absence de personnes juridiques distinctes.

Sur l’appel du jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Paris le 22.05.2012:

Les Etats Unis d’Amérique ainsi que Madame Z D. Y, Ambassadeur des Etats Unis d’Amérique en France, invoquent des arguments similaires pour s’opposer au jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Paris le 22 mai 2012 à l’encontre de l’Ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique, pris en sa qualité de représentant des Etats Unis et en qualité de chef de mission diplomatique, et des Etats-Unis d’Amérique représentés par le chef du département de justice à Washington en France.

La question de la recevabilité de leurs appels se pose dans des conditions identiques, sans qu’il soit besoin d’examiner au préalable les nullités invoquées, qu’il s’agisse de la nullité de la citation des défendeurs dans le cadre de cette seconde instance qui selon ceux-ci aurait entraîné la nullité de la procédure et donc de ce dernier jugement mais encore de la nullité du jugement rendu le 5 octobre 2009 comme fondement du second jugement.

L’appel à l’encontre du jugement rendu le 5 octobre 2009 ayant été déclaré irrecevable, celui-ci doit être exécuté sous réserve d’un meilleur accord entre les parties, étant précisé que, dans un jugement rendu le 12 mai 2015, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris a ordonné le sursis à statuer dans l’attente de la présente décision sur les demandes présentées par les Etats Unis d’Amérique à l’encontre des consorts A à la suite de la saisie attribution pratiquée le 15 mai 2014 entre les mains du cabinet d’avocats JONES DAY à Paris. Le jugement du 5 octobre 2009 prévoyait en effet une astreinte provisoire dont le Conseil des prud’hommes de Paris a entrepris d’ordonner la liquidation dans sa dernière décision du 22 mai 2012.

Le jugement rendu par le conseil des prud’hommes le 22 mai 2012 n’a pas été notifié à l’Ambassadeur, ce qui est sans effet. C’est à tort que les Etats Unis d’Amérique plaident que leur Ambassadeur 'n’est pas le représentant des Etats Unis d’Amérique', alors que l’Ambassadeur n’a pas été convoqué à titre personnel mais bien dans le strict cadre de ses fonctions ; il n’y avait donc pas lieu à notifier aux Etats Unis d’Amérique à deux reprises la décision critiquée.

Par suite également, l’Ambassadeur en la personne de Mme J. Y ne possède pas de droit propre l’autorisant à former une intervention volontaire, et non pas un appel incident, à défaut d’avoir été pour cette dernière intimée en première instance ou d’avoir fait l’objet d’une condamnation.

Ce jugement était régulièrement accompagné du formulaire F3 qui précisait clairement, dans les mêmes conditions que le précédent jugement, les délais de recours : « appel 1 mois + 2 mois » ainsi que de l’imprimé de notification, le tout à destination des Etats-Unis d’Amérique représentés par le chef du département de justice à Washington ; cette transmission était faite, avec la traduction en langue anglaise des documents, au Parquet de Paris le 03.09.12, puis au ministère de la justice à Paris qui le faisait parvenir au ministère des affaires étrangères, service du protocole à Paris, qui remettait cette notification à l’ambassade américaine à Paris le 4 octobre 2012, en demandant un accusé de réception. Cette note de transmission porte le cachet « received on 9 octobre 2012 » ; et la réception par l’ambassade est confirmée par une note diplomatique du 20 novembre 2012 qui considère que les jugements du 5 octobre 2009 et du 22 mai 2012 sont invalides et non-exécutoires, la voie diplomatique officielle n’ayant pas été utilisée pour porter l’affaire à la connaissance du souverain étranger et le délai de 60 jours n’ayant pas été respecté.

Or, ainsi que l’a relevé le ministère public dans ses observations, le circuit de la notification diplomatique n’est régi par aucun texte mais par le principe de la courtoisie internationale qui doit gérer les rapports entre Etats ; est donc prohibée la notification par lettre recommandée considérée comme non respectueuse de la souveraineté des Etats. En effet, il est admis en droit international coutumier que les Etats souverains jouissent d’une immunité qui conduit à différencier leur sort de celui des particuliers ; notamment, le respect de la souveraineté et la courtoisie internationale commandent qu’une action exercée par un particulier depuis un Etat à l’encontre d’un autre Etat prenne la forme la moins coercitive possible, en s’opérant par la voie diplomatique.

Par note verbale en date du 1er juin 2006, et s’agissant d’une convocation devant le bureau de conciliation du Conseil des prud’hommes de Paris, l’ambassade des Etats Unis d’Amérique à Paris a précisé que 'selon les lois internationales en usage, la signification d’un acte doit être acheminée par les voies diplomatiques'.

En France et selon une pratique constante, les termes 'voies diplomatiques’ recouvrent deux voies de notification :

— un circuit dit 'long’ au terme duquel l’acte est remis au ministère des affaires étrangères de l’Etat étranger par l’intermédiaire de l’ambassade de France ;

— un circuit dit 'court’ dans lequel l’acte est remis par note verbale du Protocole à l’ambassade de l’Etat étranger en France.

Cette distinction est opérée au regard de la façon dont l’Etat est désigné dans l’acte :

— s’il est mentionné que l’acte est destiné à un Etat étranger représenté par son ambassade ou à l’ambassade elle-même, l’acte est remis à l’ambassade de l’Etat étranger en France ;

— s’il est mentionné que l’acte est destiné à un Etat étranger, l’acte est remis au ministère des affaires étrangères de l’Etat étranger par l’intermédiaire de l’ambassade de France.

En l’espèce le jugement concernait aussi bien les Etats Unis d’Amérique que l’ambassade des Etats Unis d’Amérique en France ; la notification a été réalisée le 4 octobre 2012 par le circuit dit 'court', par note verbale n°3189/PRO/PIC du Protocole à l’ambassade des Etats Unis d’Amérique à Paris, il y était demandé à l’ambassade 'de bien vouloir en accuser réception par note verbale établie en double exemplaire'.

Les Etats-Unis ne produisent pas de note générale antérieure à la notification d’octobre 2012 manifestant leur refus de principe de ce mode de « notification diplomatique simplifiée », ce qui aurait eu pour effet, en invalidant la notification, de laisser courir le délai d’appel. Ils avaient aussi la possibilité de refuser la remise à l’ambassade en octobre 2012, ou de notifier à la France en octobre 2012 l’irrégularité de cette notification. La note du 20 novembre 2012 vise essentiellement les conditions de l’introduction de la requête devant le conseil des prud’hommes et la qualité de l’ambassadeur, mais pas la notification elle-même ; elle ne peut être analysée comme un refus de ce type de notification dont elle accuse réception. Ce n’est que le 27 février 2015, soit postérieurement, que les Etats Unis d’Amérique ont pris formellement une position en faveur d’une seule transmission par la voie diplomatique officielle, soit directement par l’Ambassade de France à Washington D.C. auprès du Département d’Etat.

En conséquence, le circuit dit 'court’ utilisé pour la notification de ce jugement était approprié et régulier.

Enfin la transmission parallèle qui aurait été faite par LRAR n’est pas davantage démontrée pour les mêmes raisons que celles évoquées pour le jugement antérieur.

Par suite, l’appel formé par les Etats Unis d’Amérique ainsi que l’intervention volontaire de Madame Z D. Y, ambassadeur des Etats Unis d’Amérique en France, à l’encontre du jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Paris le 22 mai 2012 sont irrecevables.

Sur la demande reconventionnelle formée par les consorts A :

Au vu de ce qui précède il n’y a pas lieu de statuer sur cet appel incident, à défaut de recevabilité de l’appel principal.

Il serait inéquitable de laisser à la charge des consorts A une partie des sommes exposées et non comprises dans les dépens ; les défendeurs qui succombent doivent être déboutés de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement contradictoirement :

Ordonne la jonction de la procédure numéro 14/07687 à celle numéro 14/07682.

Déclare les interventions volontaires de Madame J. D. Y et de l’Ambassadeur des Etats Unis d’Amérique en France irrecevables tant en ce qui concerne le jugement rendu le 5 octobre 2009 par le Conseil des prud’hommes de Paris que celui rendu le 22 mai 2012 par le Conseil des prud’hommes de Paris ;

Déclare les appels formés par les Etats-Unis d’Amérique le 09.07.2014, tant à l’encontre du jugement rendu le 5 octobre 2009 par le Conseil des prud’hommes de Paris qu’à celui du jugement rendu le 22 mai 2012 par le Conseil des prud’hommes de Paris, irrecevables;

Constate l’irrecevabilité de l’appel incident formé par les consorts A ;

Condamne les Etats Unis d’Amérique aux dépens d’appel, et à payer aux consorts A, intimés venant aux droits de E A, décédé, la somme de 4.000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Paris, 20 septembre 2016, n° 14/07682