Cour d'appel de Paris, 17 mars 2016, n° 15/03284

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 17 mars 2016, n° 15/03284
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/03284

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 3

ARRÊT DU 17 MARS 2016

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/03284

Arrêt du 14 octobre 2010, RG n° 2009/03570

Arrêt de la Cour de Cassation, du 18 Janvier 2012, XXX

Sur renvoi après cassation, selon l’arrêt rendu le 17 décembre 2014 par la 3e Chambre Civile de la Cour de Cassation (pourvoi n° P13-24.674) de l’arrêt rendu le 25 juin 2013 par le Pôle 4 – Chambre 4 de la Cour d’appel de Paris (RG n° 12/05130), sur un jugement du 05 févirer 2009 rendu le Tribunal d’instance de Paris 5e arrondissement RG n°11-08-000201

DEMANDEURS À LA SAISINE

Monsieur K Y

Né le XXX à XXX

XXX

XXX

Représenté par Me Vincent CANU, avocat au barreau de PARIS, toque : E0869

Madame C H épouse Y

Née le XXX à XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Vincent CANU, avocat au barreau de PARIS, toque : E0869

XXX

SNC CORBERT

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 408 060 507

XXX

XXX

Représentée par Me Stéphane FERTIER de l’AARPI JRF AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

Ayant pour avocat plaidant Me de ROUX Jean avocat au barreau de PARIS, toque : E417

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 Décembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame A VERDEAUX, Présidente de chambre

Madame A B, Conseillère

M. Philippe JAVELAS, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Viviane REA

ARRET : Contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame A VERDEAUX, présidente et par Mme Viviane REA, greffière présente lors du prononcé.

******************

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 1er février 1996 à effet au 1er avril suivant, M. et Mme Y sont devenus locataires d’un appartement dépendant d’un immeuble situé à Paris, XXX, intégralement acquis le 16 juin 1998 par la SNC Corbert.

Par acte d’huissier de justice du 28 septembre 2007, la SNC Corbert a signifié à M. et Mme Y un congé valant offre de vente en application de l’article 15-II de la loi du 6 juillet 1989, à effet au 31 mars 2008 à minuit.

Le 28 avril 2008, la SNC Corbert a assigné M. et Mme Y devant le tribunal d’instance aux fins essentiellement d’expulsion.

Par jugement du 5 février 2009, le Tribunal d’instance du 5e arrondissement de Paris a :

— déclaré le congé valable,

— dit que dans le mois de la signification du jugement, M. et Mme Y devront quitter, vider et libérer les lieux tant de leurs personnes que de leurs biens et des occupants de leur chef,

— dit qu’à défaut ils seront expulsés au besoin avec le concours et l’assistance de la force publique,

— dit qu’il sera appliqué aux meubles se trouvant dans les lieux les articles 65 et 66 de la loi du 9 juillet 1991,

— fixé une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer courant majoré des charges du 1er avril 2008 à la date du jugement et à la somme mensuelle de 2 200 euros à compter du jugement jusqu’à la libération effective des lieux,

— condamné solidairement M. et Mme Y à payer ladite indemnité d’occupation,

— rejeté les demandes de dommages et intérêts,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

— condamné solidairement M. et Mme Y à payer à la SNC Corbert la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

— condamné solidairement M. et Mme Y aux dépens ;

M. et Mme Y ont interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 14 octobre 2010, la cour d’appel de Paris (Pôle 4-Chambre 3) a confirmé le jugement.

Les lieux ont été libérés en janvier 2011.

Par arrêt du 18 janvier 2012, la Cour de cassation (3e chambre civile) a cassé l’arrêt dans toutes ses dispositions et renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Paris autrement composée.

Par arrêt rendu le 25 juin 2013, la Cour d’appel (Pôle 4-4) a :

* déclaré irrecevables les conclusions de la SNC Corbert remises le 23 avril 2013

* déclaré irrecevables les pièces n° 56 et n° 57 de la SNC Corbert ;

* infirmé le jugement entrepris dans toutes ses dispositions sauf celles déboutant M. et Mme Y de leur demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et celles déboutant la SNC Corbert de sa demande de dommages et intérêts ;

statuant à nouveau sur les chefs de dispositif réformés :

* débouté la SNC Corbert de ses demandes d’expulsion et d’indemnité d’occupation ;

* dit que le bail s’est renouvelé pour six ans à compter du 1er avril 2008 aux conditions antérieures ;

* débouté M. et Mme Y de leur demande en paiement de la somme de 2 966 euros ;

* débouté M. et Mme Y de leur demande en paiement de la somme de 101 534, 40 €.

Par arrêt rendu le 17 décembre 2014, la Cour de cassation (3e chambre civile) a cassé dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 25 juin 2013 par la Cour d’appel de Paris, remis en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel de Paris autrement composée.

Par conclusions notifiées par X le 16 novembre 2015, M. et Mme Y demandent à la Cour, infirmant le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté la SNC de sa demande de dommages-intérêts, de :

* débouter la SNC Corbert de ses demandes,

* prononcer la nullité du congé,

* dire que le bail s’est renouvelé pour six ans à compter du 1er avril 2008 aux mêmes clauses et conditions

* condamner la SNC Corbert à leur payer les sommes de

° 2 966,00 euros au titre de frais de déménagement,

° 203 068,80 euros à titre principal et 85 096,08 euros à titre subsidiaire au titre de leur préjudice locatif,

° 50 000,00 euros au titre du préjudice moral,

°593 040,00 euros au titre du préjudice financier,

° 30 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

° 20 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par X le 18 novembre 2015, la SNC Corbert demande à la Cour de :

à titre principal :

* confirmer le jugement sauf en qu’il a condamné M. et Mme Y à verser à la SNC Corbert une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer courant majoré des charges pendant la période comprise entre le 1er avril 2008 et la date du prononcé dudit jugement et à la somme mensuelle de 2 200 euros du prononcé du jugement jusqu’à la libération effective des lieux et en ce qu’il a rejeté la demande en dommages-intérêts formée par la SNC Corbert;

statuant à nouveau sur ces deux points et ajoutant :

* condamner solidairement ou à tout le moins in solidum M. et Mme Y à lui payer une indemnité mensuelle d’occupation de 2 200 euros à compter du 1er avril 2008 jusqu’à la libération effective des lieux, sous déduction des sommes versées par les époux Y pendant cette période.

* condamner solidairement ou à tout le moins in solidum M. et Mme Y à payer à la SNC Corbert la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par leur mauvaise foi

* condamner solidairement ou à tout le moins in solidum M. et Mme Y à payer la somme de 1 537, 62 euros au titre en réparation du préjudice financier constitué par le coût supporté par la SNC Corbert pour les besoins de la saisie-attribution pratiquée les 9 et 14 décembre 2010 sur les comptes bancaires des époux Y.

à titre subsidiaire :

* dire et juger que la demande de condamnation de la SNC Corbert à verser à M. Y et Mme Y la somme de 3 324,88 euros au titre de leurs frais de déménagement n’est pas fondée et en conséquence, la rejeter.

* dire et juger que la demande de condamnation de la SNC Corbert à verser aux époux Y principalement la somme de 406 137,60 euros et subsidiairement celle de 170 192,16 euros au titre de l’indemnisation de leur préjudice locatif n’est pas fondée et en conséquence, la rejeter.

très subsidiairement :

* si un préjudice locatif était reconnu et déclaré imputable à la SNC Corbert, limiter la condamnation de la SNC Corbert à ce titre au paiement de la somme de 45 051,84 euros.

* dire et juger non fondée la demande des époux Y en indemnisation de leur préjudice moral à hauteur de la somme de 50 000 euros, en conséquence la rejeter, ou la réduire significativement à titre subsidiaire.

* dire et juger irrecevable et en tout état de cause non fondée la demande des époux Y tendant à la condamnation de la SNC Y au paiement de la somme de 531 440 euros au titre de leur préjudice financier et, en conséquence, la rejeter.

* dire et juger irrecevable et en tout état de cause non fondée la demande des époux Y tendant à la condamnation de la SNC Y au paiement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

en tout état de cause :

* condamner solidairement ou à tout le moins M. et Mme Y au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

* condamner solidairement ou à tout le moins M. et Mme Y aux dépens.

MOTIFS DE LA DECISION.

Sur l’exception d’irrecevabilité de la demande tendant à voir prononcer la nullité du congé pour vendre du 28 septembre 2007.

Aux termes de l’arrêt qu’elle a rendu le 17 décembre 2014, la Cour de cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir refusé de statuer sur la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de la demande de nullité du congé, faute d’intérêt pour agir au motif que cette prétention énoncée dans les motifs n’avait pas été reprise dans le dispositif, alors que l’appel ayant été formé le 18 février 2009, il leur appartenait de statuer sur la fin de non recevoir expressément soulevée dans les motifs des conclusions.

La SNC Corbert invoque les dispositions des articles 31 et 32 du Code de procédure civile à l’appui de l’exception d’irrecevabilité qu’elle soulève et fait valoir que les époux Y, n’ayant jamais manifesté leur souhait ni d’acheter, ni de réintégrer les lieux litigieux qu’ils ont quittés au mois de janvier 2011, sont dépourvus d’intérêt légitime et dès lors irrecevables à agir en annulation du congé pour vendre du 28 septembre 2007 :

En application des dispositions de l’article 31 du Code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention.

Il est constant que M. et Mme Y sollicitent de la Cour, la reconnaissance de leur qualité de locataires pour obtenir réparation des préjudices qu’ils prétendent avoir subis par suite de la méconnaissance de leurs droits et des fautes commises par la bailleresse, qu’ils doivent donc être considérés comme légitimes en leur action, le bien fondé de celle-ci étant examiné ci-après.

Il y a donc lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité de l’action intentée par les époux Y, tirée de leur prétendu défaut d’intérêt légitime.

M. et Mme Y doivent donc être déclarés recevables en leur action.

Sur les demandes de M. et Mme Y.

Sur la nullité du congé pour vendre du 28 septembre 2007.

M. et Mme Y fondent leur demande de nullité du congé sur la violation par la SNC Corbert des stipulations de l’accord collectif de location conclu le 9 juin 1998 modifié par l’accord du 16 mars 2005 relatif aux congés pour vente par lots aux locataires dans les ensembles immobiliers d’habitation ;

Aux termes du point 1.1, alinéa 1er, dudit accord, 'Préalablement à la décision d’un bailleur de mettre en vente par lots plus de dix logements dans un même immeuble, celui-ci informe de son intention les associations de locataires représentatives au sens de l’article 44 de la loi du 23 décembre 1986' ;

Aux termes du point 1.2, alinéa 1er, 'Une fois que le bailleur est prêt à rendre publique l’intention de vendre, une information est donnée à tous les locataires concernés, quelle que soit la date d’expiration de leur bail respectif’ ;

Il résulte des termes mêmes de l’accord collectif, que ce dernier n’est pas mis en oeuvre dès que sont mis en vente plus de dix logements dans le même immeuble mais lorsque la décision de mettre en vente plus de dix logements préalablement déterminés est prise par le bailleur, celui-ci s’obligeant en effet à informer de sa décision les locataires concernés ;

Il appartient donc à M. et Mme Y, qui font valoir que le congé litigieux s’inscrit dans le cadre d’une décision de mise en vente de plus de dix logements dans le même immeuble prise en 1999 et matérialisée par quatorze ventes intervenues entre 1999 et 2003, de prouver qu’à la date de la délivrance du congé, le 28 septembre 2007, la SNC Corbert avait pris cette décision et que l’appartement loué était concerné.

Il résulte des faits de l’espèce et des pièces produites qu’entre 1998 et décembre 2003, la SNC Corbert a mis en vente dix-huit logements, certaines ventes ayant abouti en 1999, 2000 et 2001, la dernière ayant été conclue en mai 2002, et d’autres n’ayant pas abouti.

La SNC Corbert ne conteste pas avoir décidé la mise en vente par lots de plus de dix logements en 1998, mais expose que cette opération s’est achevée en mai 2002 avec la dernière transaction finalisée le 3 mai 2002 : cependant, le logement occupé par M. et Mme Y était donc inclus parmi ces mises en vente de plus de dix logements alors décidées par la bailleresse, puisque les intéressés ont reçu congé avec offre de vente le 17 juillet 2001 avant la date d’achèvement de l’opération telle que retenue par la SNC Corbert.

Entre janvier 2004 et le 28 septembre 2007, puis jusqu’en 2011, aucune mise en vente n’a été opérée.

En 2011, la SNC Corbert a mis en vente deux logements, libérés par l’effet des congés donnés par les locataires.

Le contentieux ayant opposé les parties à propos du congé du 17 juillet 2001 (au cours duquel la question du respect de l’accord collectif, qui était soulevée par M. et Mme Y, n’a pas été tranchée par les juges saisis) s’est terminé par la constatation de leur accord quant au renouvellement du bail pour six années et au montant du loyer révisé, ce congé fait partie des mises en vente n’ayant pas abouti.

En délivrant en 2007 un second congé valant offre de vente, alors que le bail de M. et Mme Y venait pour la première fois à échéance depuis l’échec du congé de 2001, la SNC Corbert a manifesté son intention de poursuivre l’exécution de l’opération de mise en vente décidée en 1998, peu important que depuis 2000 et notamment entre 2004 et 2012 la bailleresse n’ait pas cessé de conclure, reconduire ou renouveler des baux pour l’occupation de l’immeuble ou n’ait mis en vente que deux logements libérés à l’initiative des locataires ou encore qu’un délai de plusieurs années se soit écoulé depuis la dernière vente, la date du 2 mai 2002 n’étant pas la date d’achèvement de l’opération de mises en vente de plus dix logements mais la date de la vente de l’un des logements concernés.

La preuve est en conséquence rapportée qu’à la date de délivrance du congé litigieux, la SNC Corbert agissait en vertu de sa décision de mettre en vente plus de dix logements parmi lesquels se trouvait l’appartement loué ;

La SNC Corbert ne conteste pas ne pas avoir respecté les exigences de l’accord collectif, notamment quant à l’information des locataires, de sorte que le congé du 28 septembre 2007 est nul.

La SNC Corbert doit être déboutée de sa demande d’expulsion et de paiement d’une indemnité d’occupation, le jugement étant infirmé sur ces points.

Il suit de là que le bail s’est en conséquence renouvelé pour six ans à compter du 1er avril 2008 aux conditions contractuelles antérieures.

Sur les demandes indemnitaires de M. et Mme Y.

Sur les frais de déménagement.

Il est constant que M. et Mme Y ont libéré les lieux en janvier 2011. Ils versent à l’appui de leur demande de remboursement des frais de déménagement, une facture que la SNC Corbert conteste en ce qu’elle a été envoyée à une autre adresse que celle des appelants.

Les époux Y répliquent que cette facture a été en fait réglée par la mère de Monsieur Y dans la mesure où par suite de leur déménagement précipité et des frais occasionnés, ils n’étaient pas en mesure de l’acquitter dans l’immédiat.

Mr et Mme Y produisent la facture de déménagement qui fait ressortir que le chargement a bien eu lieu XXX à Paris 5e arrondissement et que les déchargement a été effectué aux domiciles respectifs des époux Y qui s’étaient séparés.

Le préjudice résultant pour les locataires de la nécessité pour eux de libérer les lieux alors que le congé a été déclaré irrégulier est donc bien caractérisé.

Cependant, pour justifier leur demande de remboursement, Mr et Mme Y versent aux débats des photocopies de chèques émis par Madame C Y à l’ordre de Madame E F pour un montant de 1124,88 € correspondant à l’acompte versé le 3 janvier 2011 à l’entreprise de déménagement Marine Continental, ainsi que des photocopies de deux autres chèques émis les 8 janvier 2011 par Madame C Y à l’ordre de Dedi Déménagement pour un montant respectif de 700 € et 800 € et un troisième chèque toujours en photocopie émis le 8 mars 2011 par Madame C Y à l’ordre de la même société de déménagement.

Il y a lieu d’observer que la remise de chèques émis par Madame Y vient contredire leur argumentation selon laquelle la facture a été réglée par la mère de Monsieur Y, mais surtout tous les chèques produits en photocopie sont insuffisants à établir le paiement effectif des sommes y figurant, dès lors que ne sont pas versés aux débats les relevés de compte qui auraient permis de vérifier que les sommes auraient été portées au débit du compte courant.

Mr et Mme Y doivent donc être déboutés de leur demande de remboursement de leurs frais de déménagement.

Sur l’indemnisation du préjudice locatif.

Pour s’opposer à la demande d’indemnisation du préjudice locatif allégué par les appelants, la SNC Corbert fait valoir que :

* la séparation des époux Y n’est pas établie et même à la supposer avérée, il n’est pas établi qu’elle lui soit imputable.

* l’allégation des époux Y selon laquelle ils sont domiciliés à des adresses distinctes est contredite d’une part par les pages blanches consultées sur Internet les 12 et 17 décembre 2012, (soit près de deux ans après leur prétendue séparation et après l’envoi de leurs avis d’imposition), desquelles il ressort que Monsieur I Y est domicilié tant au XXX qu’au XXX et que Madame Y n’apparaît domiciliée à aucune de ces adresses et d’autre part par l’acte de signification du 23 février 2012, de l’arrêt rendu le 18 janvier 2012 par la Cour de cassation duquel il ressort que les époux Y déclarent être tous deux domiciliés XXX

* il semble que l’appartement sis XXX soit utilisé par Monsieur Y pour y exercer son activité de médecin,

* Monsieur Y ne figure pas sur le site Internet des pages jaunes au 22 avril 2013 à l’adresse du 10 rue des Boulangers à Paris 5e qu’il a apparemment déclarée à l’Ordre National des médecins comme lieu d’exercice de son activité libérale de médecine générale.

Certes, M. et Mme Y ne prouvent pas que la SNC Corbert soit à l’origine de leur décision de louer deux appartements distincts après la libération de l’appartement litigieux.

Cependant, il est constant que c’est à la suite du congé déclaré irrégulier qu’ils ont dû quitter les lieux et exposer, chacun, un loyer dont le montant était supérieur à celui de 1 012,79 € versé à la SNC Corbert, Monsieur Y établissant régler un loyer mensuel de 2 194,68 € pour le logement qu’il loue à Paris 5e, XXX, et Madame Y justifiant s’acquitter de la somme mensuelle de 1 638,51 € au titre du loyer de l’appartement qu’elle a pris à bail à Paris 13e, XXX.

La différence entre les montants des loyers constitue donc un préjudice certain et directement lié à la méconnaissance de leurs droits.

Pour autant, faute pour Mr et Mme Y de produire leurs contrats de bail respectifs portant sur les deux appartements où ils prétendent être chacun domiciliés, la Cour estime devoir retenir, pour l’évaluation du préjudice locatif, le montant du loyer le plus faible, soit 1 638,51 €, de sorte que la société SNC Corbert doit être condamnée à verser à M. et Mme Y la somme de 625,72€ (1 638,51 € – 1 012,79€) sur 72 mois, soit une période minimale de location de 6 ans, soit en définitive la somme de 45 051,84 €.

Sur l’indemnisation du préjudice moral.

M. et Mme Y fondent leur demande au titre du préjudice moral sur les conditions précipitées dans lesquelles ils ont dû quitter de manière anticipée les lieux loués, mais également sur le fait que par suite des saisies bancaires, ils ont rencontré de grandes difficultés à trouver un relogement, leurs comptes étant bloqués à cette époque et les bailleurs potentiels n’ayant donc aucune confiance en leur solvabilité. Ils ajoutent que ce déménagement est intervenu en pleine période scolaire alors qu’ils avaient deux enfants scolarisés à cette époque respectivement dans un lycée et un collège et soulignent que la SNC Corbert n’a pas hésité à faire état d’insertions non fondées pour se soustraire à ses obligations.

Cependant, la libération spontanée des lieux par M. et Mme Y et le paiement de l’arriéré dû à la SNC Corbert étaient la condition du maintien au rôle de la Cour de cassation, du pourvoi qu’ils avaient formé contre l’arrêt de la cour d’appel du 14 octobre 2010 prononçant, par confirmation du jugement entrepris, leur expulsion et leur condamnation au paiement d’indemnités d’occupation.

Il s’ensuit qu’en signifiant l’arrêt attaqué le 18 novembre 2011 pour pratiquer une saisie-attribution le 9 décembre 2011, la SNC Corbert n’a pas précipité l’exécution de la décision ni commis aucune faute à l’origine du préjudice invoqué par M. et Mme Y.

Dans ces conditions, M. et Mme Y doivent être déboutés comme mal fondés en leur demande d’indemnisation du préjudice moral qu’ils allèguent.

Sur l’indemnisation du préjudice résultant de l’impossibilité pour les époux Y d’acquérir le logement pris à bail.

M. et Mme Y, se prévalant de l’impossibilité d’acquérir leur logement en raison du non respect fautif de l’accord collectif de location par la SNC Corbert, invoquent un préjudice financier constitué pour eux de l’impossibilité d’acquérir leur logement en 1999, le montant de ce préjudice étant égal à la différence entre la valeur actuelle de ce bien qui serait de 844 000 euros et sa valeur au deuxième trimestre 1991 qui serait de 270 960 euros, soit à la somme de 593 040 euros revue à la baisse de 531 440 euros dans leurs dernières écritures d’appel.

La SNC Corbert soulève principalement l’irrecevabilité de cette demande comme étant nouvelle en cause d’appel puisque non préalablement soumise au premier juge et conclut subsidiairement à son mal fondé.

Aux termes de l’article 566 du Code de procédure civile, les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément.

Cette demande, quoique nouvelle en cause d’appel, est recevable au sens de l’article 566 du code de procédure civile dans la mesure où elle tend à expliciter des prétentions qui étaient virtuellement comprises dans celles soumises au premier juge, consistant à soutenir que la SNC Corbert tentait de réévaluer des loyers en simulant des ventes et en ce qu’elle est également le complément ou l’accessoire desdites prétentions.

Cependant, le préjudice invoqué par M. et Mme Y est hypothétique, rien n’assurant qu’ils auraient accepté une offre de vente d’un montant de 270 960 euros ni que la SNC Corbert aurait arrêté en 1999 à ce prix la valeur de l’appartement. M. et Mme Y doivent être déboutés de leur demande.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

La demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par M. et Mme Y n’est pas nouvelle. Elle est donc recevable.

M. et Mme Y ne prouvent pas que la SNC Corbert a commis une faute de nature à dégénérer en abus en poursuivant judiciairement leur expulsion. Ils doivent être déboutés de leur demande de dommages et intérêts de ce chef, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur les demandes de dommages et intérêts de la bailleresse :

Il ne saurait être reproché à M. et Mme Y qui conservent la qualité de locataires de ne pas avoir acheté le logement, de s’être prétendument opposés à sa visite aux fins de vente et de ne pas avoir réintégré les lieux alors que l’affaire était pendante devant la Cour de cassation, leur passivité dans la réception des plis recommandés ou leur refus d’accepter le congé ne caractérisent pas leur mauvaise foi.

La SNC Corbert doit être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, le jugement, qui a rejeté une demande formée pour la même cause à hauteur de 66 000 euros, étant confirmé de ce chef.

La SNC Corbert ayant fait le choix de pratiquer une saisie-attribution sur les comptes de M. et Mme Y, ne saurait leur réclamer, à titre de dommages et intérêts, le montant des frais de l’huissier de justice auquel elle a dû nécessairement avoir recours pour l’exécution forcée d’une décision de justice, de sorte qu’elle doit être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 1 537,62 euros.

Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il y a lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de M. et Mme Y dans les termes du dispositif ci-après, les dispositions du jugement les condamnant de ce chef étant réformées.

PAR CES MOTIFS.

La cour statuant par mise à disposition au greffe et contradictoirement,

REJETTE l’exception d’irrecevabilité de l’action intentée par les époux Y, tirée de leur prétendu défaut d’intérêt légitime.

DÉCLARE en conséquence M. et Mme Y recevables en leur action.

INFIRME le jugement entrepris dans toutes ses dispositions sauf celles déboutant M. et Mme Y en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et celles déboutant la SNC Corbert de sa demande de dommages et intérêts.

Statuant à nouveau :

DÉBOUTE la SNC Corbert de ses demandes d’expulsion et d’indemnité d’occupation ;

Dit que le bail s’est renouvelé pour six ans à compter du 1er avril 2008 aux conditions antérieures.

CONDAMNE la SNC Corbert à verser à Monsieur et Madame I Y la somme de 2 966 € à titre de remboursement de leurs frais de déménagement.

CONDAMNE la SNC Corbert à verser à Monsieur et Madame I Y la somme de 45 051,84 € à titre d’indemnisation de leur préjudice locatif.

DÉBOUTE M. et Mme Y de leur demande en paiement de la somme de 50 000 euros à titre d’indemnisation de leur préjudice moral.

DÉCLARE recevable la demande de M. et Mme Y en paiement de dommages et intérêts pour préjudice financier.

Les en déboute.

DÉCLARE recevable la demande de M. et Mme Y en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.

DÉBOUTE la SNC Corbert de sa demande en paiement de la somme de 1 537, 62 euros.

CONDAMNE la SNC Corbert à payer à M. et Mme Y la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

DÉBOUTE la SNC Corbert de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SNC Corbert aux dépens de première instance et à ceux afférents à la décision cassée ainsi qu’aux dépens de la présente procédure d’appel avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Paris, 17 mars 2016, n° 15/03284