Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 10 janvier 2017, n° 14/12548

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 4, 10 janv. 2017, n° 14/12548
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 14/12548
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 16 octobre 2014, N° 12/04061
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 4

ARRÊT DU 10 Janvier 2017

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 14/12548

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Octobre 2014 par le Conseil de prud’hommes – Formation de départage de PARIS section commerce RG n° 12/04061

APPELANTE

SA GECINA

XXX

XXX

représentée par Me Françoise PELLETIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0238

INTIMEE

Madame Z-A B

XXX

XXX

née le XXX à XXX

représentée par Me Nadine PONCIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0549

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 04 Octobre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère, faisant fonction de Président

Mme X Y, Conseillère

Mme Z D-E, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRET : – Contradictoire,

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et prorogé à ce jour.

— signé par Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère, faisant fonction de Président et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

FAITS, PROCÉDURE, ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La Société GECINA est une entreprise foncière de plus de 10 salariés qui a pour objet la constitution, la gestion et l’exploitation d’un portefeuille immobilier. Elle exerce son activité dans deux secteurs de l’Immobilier : le secteur économique (qui regroupe l’immobilier de bureau, l’immobilier logistique et les murs d’hôtels) et le secteur démographique (qui regroupe l’immobilier résidentiel les résidences étudiants et l’immobilier de santé).

La SA GECINA disposait d’un établissement secondaire à Lyon avec une quinzaine de salariés en charge de la gestion du patrimoine local .

Madame Z-A B née le XXX a été engagée ,par la SA GECINA à compter du 16 septembre 1991, en qualité de secrétaire dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée .

Madame Z-A B exerçait en dernier lieu la fonction d’ assistante technique, statut agent de maîtrise, dans l’ établissement secondaire de la SA GECINA à LYON.

Son salaire mensuel moyen était de 2636,47 € .

En raison de la cession de ses actifs situés à LYON, la SA GECINA a proposé à Madame Z-A B , par courrier du 17 mai 2011, le transfert de son contrat de travail à la société VIPM appartenant au groupe VINCI. La salariée a refusé cette proposition le 20 mai 2011.

Par courrier du 31 mai 2011, la SA GECINA a proposé à Madame Z-A B une modification de son contrat de travail consistant en un transfert de son lieu de travail au siège de la défenderesse situé à PARIS. Madame Z-A B a refusé cette proposition le 7 juin 2011.

La SA GECINA a adressé le 23 juin 2011 un nouveau courrier à Madame Z-A B lui proposant un poste de reclassement situé à PARIS. Cette proposition a été refusée par Madame Z-A B le 29 juin 2011.

Par courrier du 30 juin 2011, Madame Z-A B a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 7 juillet suivant.

Madame Z-A B a accepté la convention de reclassement personnalisé le 7 juillet 2011.

Madame Z-A B a été licencié pour motif économique par courrier daté du 18 juillet 2011.

Par déclaration au greffe enregistrée le 10 avril 2012, Madame Z-A B a contesté les conditions de son licenciement devant le Conseil de Prud’hommes de Paris et sollicité une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse . Par jugement du 17 octobre 2014 , le Conseil de Prud’hommes de Paris ,section commerce, chambre 7 , statuant en départage a :

— Dit le licenciement économique de Madame Z-A B notifié le 18 juillet 2011, dénué de cause réelle et sérieuse;

— Condamné la SA GECINA à rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage éventuellement versées à Madame Z-A B, et ce dans la limite de six mois;

— Condamné la SA GECINA à payer à Madame Z-A B ,à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 37383,52 euros ;

— Dit que les intérêts au taux légal courent à compter du 16 avril 2012 pour les créances salariales et à compter du prononcé de la présente décision pour les autres sommes allouées.

— Ordonné la capitalisation des intérêts en application de l’article 1154 du code civil.

La SA GECINA a le 14 novembre 2014 régulièrement interjeté appel de cette décision et demande à la Cour d’infirmer le jugement entrepris et de :

— Débouter Madame Z-A B de l’ensemble de ses demandes ;

— A titre très subsidiaire, limiter le montant des dommages et intérêts au minimum prévu par l’article L. 1235-3 du Code du travail ;

— Dire n’y avoir lieu au remboursement des allocations chômage ;

Condamner Madame Z-A B au paiement d’une somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile .

La SA GECINA expose notamment que:

— le changement d’employeur constitue une novation du contrat de travail qui ne relève pas dispositions relatives à la modification du contrat de travail pour motif économique;

— la procédure relative au changement de lieu de travail est régulière ,le salarié ayant été avisé par la remise en main propre de la proposition de modification de son contrat de travail dès le 31 mai 2011, cette remise en main propre ayant été doublée d’un envoi en recommandé;

— elle a fait toutes les diligences nécessaires à la demande du comité d’entreprise et des salariés pour que ces derniers soient assurés de bénéficier du dispositif de la CRP applicable seulement jusqu’au 31 juillet 2011;

— la salariée a donné sa réponse dès le 7 juin 2011 et a finalement accepté la CRP;

— le motif économique est justifié du fait de la baisse de rentabilité très forte de ses actifs résidentiels lyonnais qui ne rendait plus compétitive son offre;

— elle a parfaitement respecté son obligation de reclassement;

Madame Z-A B demande à la Cour de:

— Confirmer le jugement en ce qu’il a: *condamné la SA GECINA à lui payer les sommes de :

. 37383,52 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

.900 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance;

*ordonné la capitalisation des intérêts légaux en application de l’article 1154 du Code Civil;

— Statuant sur l’appel incident formé , juger que l’indemnité de 37383,52 € sera réglée nette de CSG, RDS et cotisations sociales;

— Statuer ce que de droit sur l’application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail;

— Débouter la société GECINA de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

— Condamner la société GECINA à payer à une indemnité complémentaire de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Madame Z-A B fait valoir à l’appui de ses prétentions que :

— la SA GECINA ne lui a pas laissé un délai de réflexion d’un mois pour prendre sa décision sur la proposition de transfert conventionnel de son contrat de travail et sur la proposition de modification de son lieu de travail;

— son employeur ne justifie pas bien fondé du motif économique , notamment la nécessité d’assurer sa compétitivité menacée, et n’a pas cherché sérieusement à le reclasser.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l’audience des débats.

MOTIVATION

Aux termes de l’article L 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques;

L’article L 1222-6 du code du travail dispose que l’employeur envisageant la modification d’un élément essentiel du contrat de travail pour l’un des motifs économiques énoncés à l’article L 1233-3, doit en faire la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception; que la lettre de notification informe le salarié qu’il dispose d’un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus.

L’inobservation de ce délai d’ un mois par l’employeur prive de cause réelle et sérieuse le licenciement fondé sur le refus par le salarié de la modification de son contrat de travail;

En l’espèce la lettre de licenciement adressée le 18 juillet 2011 à Madame Z-A B par son employeur énonce que:

«(…)Nous vous avons présenté, au cours de l’entretien préalable, le dispositif de la convention de reclassement personnalisé, remis la documentation complète de Pôle Emploi et indique que vous disposiez d’un délai de 21 jours à compter de l’entretien préalable pour l’accepter, conformément aux dispositions de l’article L. 1233-65 du code du travail.

Vous avez décidé d’adhérer à la convention dans le délai qui vous était imparti en nous retournant le bulletin d’acceptation le 7juillet 2011.

De ce fait, votre contrat de travail sera rompu d’un commun accord le dernier jour du délai de réflexion de 21 jours qui vous était imparti, sans préavis, soit le 28 juillet 2011 au soir.

Les raisons économiques de cette mesure, qui ont été exposées au comité d’entreprise notamment lors des réunions d’information et de consultation des 23 mars, 31 mars, 27 mai et 4 juin 2011, et qui vous ont été rappelé lors de l’entretien préalable, sont notamment les suivantes:

La rupture de votre contrat s 'inscrit dans le cadre de la cession du patrimoine résidentiel lyonnais.

La stratégie résidentielle du groupe mise en place afin d’assurer la compétitivité de Gecina prévoit un plan de cession d’actifs résidentiels portante n moyenne sur 328 M€ par an entre 2006 et 2010 (avec des cessions réalisées au cours de l’année 2010 pour près de 272 M€).

En application de cette stratégie et dans le cadre du plan de cession 2011, Gecina a envisagé la cession du patrimoine résidentiel lyonnais composé d’actifs vieillissants avec des volumes de CAPEX importants à venir au regard des objectifs du Grenelle de l’Environnement et peu d’upside de valorisation des loyers.

Le choix de la direction s’est porté sur ces actifs afin de permettre une vente en bloc et d’autoriser ainsi une reprise du personnel souhaitant poursuivre son activité auprès du repreneur et de son gestionnaire. A ainsi été retenue l’offre de la société Compagnie Immobilière du Lion, filiale du groupe Carlyle qui se constituait d’une offre d’acquisition portant sur le Portefeuille et d’un engagement de reprise de personnel par Vinci immobilier en qualité de gestionnaire des immeubles.

Cette cession s’accompagne d’une réorganisation du résidentiel hors Ile-de-France, rattaché à Paris pour certains actifs dans l’attente d’une éventuelle cession.

Il vous a ainsi été proposé successivement le transfert de votre contrat de travail à la société Vinci Immobilier Property Management (VIPM) afin de vous permettre de poursuivre votre activité sur Lyon, aux mêmes conditions, notamment avec reprise de votre ancienneté et de votre rémunération, ou votre mutation à Paris compte tenu de la réorganisation du résidentiel hors Ile-de-France et de son rattachement à Paris entraînant modification de votre contrat de travail. Vous avez toutefois refusé ces deux propositions.

Nos tentatives de reclassement sont malheureusement demeurées vaines dans la mesure où vous avez refusé le poste qui, compte tenu des qualifications et des compétences qu’il requiert, était susceptible de vous être proposé afin d’assurer votre reclassement et, ainsi, d’éviter d’avoir à procéder à la rupture de votre contrat de travail . II n’existe pas d’autre poste disponible au sein de la société ou du groupe susceptible de vous être proposé.

C’est dans ces circonstances et pour ces raisons que nous sommes contraints de procéder à la rupture de votre contrat de travail(…) »;

Il ressort des débats que :

— par courrier du 31 mai 2011 la SA GECINA a proposé à Madame Z-A B le transfert de son lieu de travail de Lyon à Paris en visant expressément le délai de réponse d’un mois;

— la SA GECINA ne conteste pas qu’il s’agissait d’une proposition d’une modification du contrat de travail de la salariée;

— la réalité de la remise en main propre de ce courrier n’est pas établie;

— Madame Z-A B a réceptionné le courrier le 3 juin 2011 et signé le formulaire de réponse le 7 juin 2011 en indiquant refuser la modification contractuelle proposée;

— le délai d’ un mois de l’article L 1222-6 du code du travail expirait le 3 juillet 2011;

— la SA GECINA a convoqué Madame Z-A B à un entretien préalable à un licenciement économique dès le 30 juin 2011 comme mentionné sur le courrier de convocation soit avant l’expiration de ce délai d'1 mois ;

Au vu des constatations ci dessus et, en l’absence de moyen nouveau et de pièce nouvelle, c’est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges, ont dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse en relevant notamment que :

— le délai de réflexion d’un mois visé par l’article L 1222-6 du code du travail constitue une période de réflexion destinée à permettre au salarié de prendre parti sur la proposition de modification en mesurant les conséquences de son choix;

— dès lors , même lorsque le salarié a refusé la modification de son contrat de travail, l’employeur doit attendre le terme du délai de réflexion d’un mois avant d’initier la procédure de licenciement économique;

— ce délai de réflexion prévu à l’article L 1222-6 du code du travail pour permettre à Madame Z-A B de se prononcer sur l’ensemble des modifications proposées n’était pas expiré lorsque l’employeur l’a dès le 30 juin 2011 convoquée à l’entretien préalable au licenciement;

— il n’y avait pas besoin d’examiner les motifs du licenciement économique.

Sur les conséquences de la rupture

Compte tenu de l’ancienneté du salarié , et de l’évolution de sa situation personnelle, la Cour confirme le montant l’indemnité allouée par le Conseil de Prud’homme sur le fondement de l’article 1235-3 du code du travail pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ce avec intérêts à compter du jugement.

Il convient de préciser que cette somme allouée à titre de dommages et intérêts eu égard à sa nature est exclue de l’assiette des cotisations sociales, de la CSG et de la RDS dans les conditions prévues par les dispositions des articles 80 quaterdecies du code général des impôts et L242-1 du code de sécurité sociale .

Sur la capitalisation des intérêts

La Cour confirme le jugement qui a ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l’article 1154 du code civil.

Sur le remboursement des indemnités versées par Pôle emploi

Le licenciement étant indemnisé en application de l’article L1235-3du code du travail ,il convient ordonné d’office, sur le fondement des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail , la Cour confirme le jugement qui ordonné le remboursement par l’employeur, des indemnités de chômage payées au salarié par Pôle Emploi, du jour du licenciement au jour du jugement, dans la limite de 6 mois .

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

La Cour confirme le jugement sur les condamnations au titre des frais irrépétibles et des dépens.

Il convient en outre de condamner en cause d’appel , la SA GECINA à payer à Madame Z-A B une somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS

Déclare l’appel principal et l’appel incident recevables ,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Rappelle que les sommes allouées portent intérêts au taux légal à compter du à compter du jugement ;

Rappelle que les sommes allouées à titre de dommages et intérêts , sont exclues de l’assiette des cotisations sociales, de la CSG et de la RDS dans les conditions prévues par les dispositions des articles 80 quaterdecies du code général des impôts et L242-1 du code de sécurité sociale ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la SA GECINA à payer à Madame Z-A B la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA GECINA à supporter les entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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