Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 9, 21 décembre 2017, n° 16/09242

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 9, 21 déc. 2017, n° 16/09242
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/09242
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Créteil, 26 janvier 2016, N° 14/04131
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 1 novembre 2022
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Texte intégral

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRÊT DU 21 DECEMBRE 2017

(n° , 13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/09242

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Janvier 2016 – Tribunal de Grande Instance de CRETEIL – RG n° 14/04131

APPELANTE

SELARL CABINET [Z] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Brigitte PONROY, avocat au barreau de PARIS, toque : C0487

Ayant pour avocat plaidant Me Thibaut ADELINE-DELVOLVE de la SELAS ADMINIS AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES

INTIME

Monsieur [X] [I]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Ayant pour avocat plaidant Me Nicolas LEMIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : C791

Substituant : Me Nathalie SIU-BILLOT de la CAA JURIS PARDALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : R94

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Novembre 2017, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Michèle PICARD, Présidente et Mme Christine ROSSI, Conseillère.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du Code de procédure civile.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :Mme Michèle PICARD, Présidente de Chambre

M. François FRANCHI, Président de Chambre

Mme Christine ROSSI, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Rada POT

MINISTÈRE PUBLIC : l’affaire a été communiquée au Ministère public.

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Michèle PICARD, Présidente et par Mme Rada POT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

Au mois de mai 2008, la Selarl [Z] [J], cabinet d’avocat, a confié à Monsieur [X] [I] une mission d’expertise comptable.

Par exploit d’huissier en date du 6 mars 2014, la Selarl Cabinet [Z] [J] a assigné Monsieur [X] [I] devant le tribunal de grande instance de Créteil aux fins d’obtenir réparation du préjudice résultant des fautes commises dans l’accomplissement de sa mission.

Le cabinet [Z] [J] demandait la condamnation de Monsieur [X] [I] au paiement des sommes suivantes :

—  837,20 euros en remboursement de la note d’honoraires « d’assistance sur contrats de travail », du 28 février 2010 ;

—  86,66 euros en remboursement des différentiels payés en trop à Mademoiselle [Y] [V] représentant 17 fois l’intérêt légal ;

—  730,53 euros en remboursement des différentiels payé en trop à Mademoiselle [I] [S] représentant 251 fois l’intérêt légal ;

—  246,07 euros au titre des publicités légales ;

—  120 euros en remboursement des honoraires de Monsieur [D] ;

—  884,131 euros au titre de divers postes de préjudice ;

—  135.000 euros pour l’erreur grave et préjudiciable due à la présence inexpliquée d’une somme de 135. 000 euros en « Disponibilités » de l’actif du bilan de la Selarl [Z] [J] au 30 juin 2013 ;

—  75.000 euros à titre provisionnel, concernant les conséquences de la crise sociale sur la santé de maître [Z] [J] ;

-10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 27 janvier 2016, le tribunal de grande instance de Créteil a condamné Monsieur [X] [I] à payer à Monsieur [Z] [J] la somme de 366,57 euros, ainsi que la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Il a débouté Monsieur [Z] [J] du surplus de ses demandes et Monsieur [X] [I] de ses demandes reconventionnelles.

Le tribunal a jugé que Monsieur [I] avait manqué à son obligation de résultat en établissant les bulletins de salaire de plusieurs salariés du cabinet [J] sur le fondement d’une convention collective applicable aux salariés de cabinets d’avocat et non sur la convention collective des avocats salariés mais que cette faute n’était pas à l’origine du préjudice du cabinet [J], que Monsieur [I] n’était pas en charge de la rédaction des contrats de travail et que cette faute était sans rapport direct avec le conflit social ayant touché le cabinet [J]. Le tribunal a également retenu une faute de la part de Monsieur [I] en ce que ce dernier a l’occasion de la transformation du cabinet de conseil en cabinet d’avocat n’a pas modifié la forme commerciale de la société, une faute dans la déclaration de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et une faute en présentant un bilan comptable erroné cette faute n’étant cependant à l’origine d’aucun préjudice.

La Selarl Cabinet [Z] [J] a interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 20 avril 2016.

***

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 11 octobre 2017, la Selarl Cabinet [Z] [J] demande à la cour de :

— Recevoir son appel, et y faisant droit de lui donner acte de ce qu’elle ne conteste le jugement entrepris ni en ce qu’il a condamné Monsieur [I] au paiement à son profit d’une somme de 366,57 euros, ni en ce qu’il a rejeté les demandes reconventionnelles du défendeur ;

— Infirmer pour le surplus le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Cabinet [Z] [J] du surplus de ses demandes et limité à la somme de 3.000 euros le montant alloué en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

Vu l’attestation du 18 août 2010 de Monsieur [I],

Vu la lettre de Monsieur [I] du 7 décembre 2011,

Vu l’audit de Monsieur [F],

Vu la lettre de mission du 27 mai 2008,

Vu l’article 1147 du code civil, dans sa version applicable à la date des faits ;

— Condamner Monsieur [X] [I] à verser à la société Cabinet [Z] [J] la somme de 1.056.778 euros se décomposant comme suit :

— la somme de 837.20 euros en remboursement de la note d’honoraires « d’assistance sur contrats de travail », du 28 février 2010 ;

— la somme de 86.66 euros en remboursement des différentiels payés en trop à Mademoiselle [Y] [V] représentant 17 fois l’intérêt légal ;

— la somme de 730.53 euros en remboursement des différentiels payés en trop à Mademoiselle [I] [S] représentant 251 fois l’intérêt légal ;

— la somme de 884.131 euros au titre de divers postes de préjudice ;

— la somme de 135.000 euros pour l’erreur grave et préjudiciable due à la présence inexpliquée d’une somme de 135 000 euros en « Disponibilités » de l’actif du bilan de la selarl [Z] [J] au 30 juin 2013 ;

— la somme de 20.000 euros provenant de la condamnation de la Selarl pour l’affaire [Z] [K],

— la somme de 15.000 euros pour les diverses erreurs en matière de cotisations d’assurance vieillesse, absentes notamment dès mai 2009 pour Mademoiselle [R] et sous toutes réserves pour les trois autres avocates salariées,

— Condamner Monsieur [X] [I] à verser à Monsieur [Z] [J] la somme de 65.000 euros en réparation de son préjudice personnel et financier,

— Condamner Monsieur [X] [I] à verser à la société Cabinet [Z] [J] la somme de 6.000 euros et à Monsieur [Z] [J] la somme de 1.500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés tant en première instance qu’en appel et de le condamner aux entiers dépens d’instance et d’appel dont distraction au profit de Maître Brigitte Ponroy conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

***

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifié par voie électronique le 25 octobre 2017, Monsieur [X] [I] demande à la cour de :

— In limine litis, déclarer irrecevable l’intervention volontaire de Monsieur [Z] [J] ;

A titre principal,

— Confirmer le jugement déféré, sauf en ce qu’il a admis la responsabilité de Monsieur [I] sur les manquements imputés et relatifs aux travaux de droit des sociétés et l’absence de déclaration de la CVAE ;

En conséquence,

— Débouter la Selarl Cabinet [Z] [J] de toutes ses demandes et prétentions ;

A titre subsidiaire,

— Confirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a admis la responsabilité de Monsieur [I] sur les manquements imputés et relatifs aux travaux de droit des sociétés et l’absence de déclaration de la CVAE ;

— Ordonner une expertise et de désigner l’expert avec mission :

d’entendre les parties,

de se faire communiquer les éléments comptables de la SELARL [Z] [J]

et sur les exercices 2012 et 2013 ;

de se faire communiquer, les relevés bancaires de tous les comptes bancaires détenus par la SELARL [Z] [J] sur les exercices 2012 et 2013 ;

à défaut de communication volontaire de la part de la SELARL [Z] [J], l’expert pourra se faire communiquer par les établissements bancaires, les relevés de tous les comptes bancaires détenus par la SELARL [Z] [J] sur les exercices 2012 et 2013;

de communiquer les éléments reçus à l’ensemble des parties,

de dire si un prélèvement (ou des prélèvements) d’un montant de 135.000 euros a été

effectué sur les comptes de la SELARL [Z] [J] ;

dans l’affirmative, en indiquer le(s) bénéficiaire(s) et, préciser si ce(s) mouvement(s) a été fait dans l’intérêt de la SELARL [Z] [J] ;

d’indiquer si des liens financiers et juridiques existants entre les comptes de la SELARL et le bénéficiaire permettent de justifier ce ou ces mouvements,

de communiquer un pré-rapport aux parties pour production éventuelles de leurs dires auxquels il sera répondre dans son rapport définitif ;

de déposer son rapport définitif,

de dire que l’expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du Code de procédure Civile, qu’il pourra s’adjoindre tout spécialiste de son choix pris sur la liste des experts près la Cour d’Appel de Paris, à charger d’en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle de l’expertise,

de dire qu’en cas de difficulté, l’expert saisira le Président qui aura ordonné l’expertise ou le juge désigné par lui,

— Dire que les frais d’expertise sont à la charge des demandeurs,

— Fixer la provision à verser à l’expert ainsi désigné et le délai de consignation,

— Dire qu’à défaut de consignation dans le délai indiqué la mesure sera caduque,

— Ordonner que l’expertise soit commune et opposable à l’ensemble des parties à la cause.

— Surseoir à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise, et de débouter la selarl Cabinet [Z] [J] de toutes ses demandes et prétentions ;

— En tout état de cause, condamner la selarl Cabinet [Z] [J] à payer à Monsieur [X] [I] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêt pour procédure abusive, et la condamner au paiement d’une somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

***

Dans des conclusions du 31 octobre 2017, postérieures à l’ordonnance de clôture du 25 octobre 2017, la société Cabinet [Z] [J] et Maître [Z] [J] ont sollicité la révocation de la clôture et à titre subsidiaire le rejet des conclusions adverses.

A l’audience ils ont abandonné ces demandes.

SUR CE

Sur l’intervention volontaire de Monsieur [Z] [J] et les demandes formulées en son nom

Monsieur [X] [I] soutient que Monsieur [Z] [J] ne s’est pas constitué devant le tribunal de grande instance de Créteil, et qu’il ne démontre aucune évolution du litige qui rendrait recevable son intervention volontaire tardive.

La cour rappelle qu’il est possible à une personne qui est intervenue en première instance sous une autre qualité d’intervenir en appel sous une qualité différente. En l’espèce Monsieur [J] était intervenu en première instance en qualité de dirigeant de la Selarl Cabinet [J]. Il est donc recevable à intervenir en appel en son nom personnel.

La cour note au demeurant que devant le tribunal de grande instance Monsieur [J] avait sollicité une provision au titre des conséquences de la crise sociale sur sa santé et que le tribunal a condamné Monsieur [I] à lui payer certaines sommes, probablement par erreur.

L’intervention volontaire de Monsieur [J] est donc recevable.

Sur les contrats de travail

Le cabinet [Z] [J] soutient que Monsieur [X] [I] a commis des erreurs en établissant des fiches de paie, alors que cette activité faisait partie des missions qui lui ont été confiées par la lettre de mission du 27 mai 2008. Il précise que l’expert-comptable est tenu d’une obligation de moyens, qui se double d’une obligation de résultat concernant l’exactitude des données sociables et comptables et donc que la responsabilité civile professionnelle de Monsieur [I] peut être engagée. Il ajoute que d’après la jurisprudence de la Cour de cassation, l’expert-comptable a une obligation de conseil afférente à la conformité du contrat de travail aux exigences légales et réglementaires.

Il reproche à Monsieur [X] [I] d’avoir appliqué la convention collective «'d’avocat personnel salarié'» et non celle «'d’avocat salarié'» sur les bulletins de paie de trois avocates collaboratrices du cabinet, Maître [R], Maître [S] et Maître [V], qui ont ainsi perçu des rémunérations inférieures au minimum conventionnel. L’appelant soutient qu’une note d’honoraires du 28 février 2010 récapitule l’assistance de Monsieur [I] sur les contrats de travail.

Le cabinet [Z] [J] demande au titre du préjudice subi le remboursement de la note d’honoraires «'d’assistance sur contrats de travail'» du 28 février 2010, des sommes dues au titre des rappels de salaire et des erreurs de versement des cotisations retraite et prévoyance, des sommes dues au titre des condamnations financières, du coût des procédures, de la perte d’exploitation, du préjudice moral et d’image du cabinet, des préjudices matériels consécutifs au départ des collaborateurs. Monsieur [Z] [J] ajoute qu’il a lui-même subi un préjudice dû à la détérioration de sa santé et un préjudice d’agrément.

Le cabinet [Z] [J] expose qu’à cause des fautes de Monsieur [I] sur les bulletins de salaire, les trois avocates ont perçu des rémunérations inférieures au minimum conventionnel et l’ordre des avocats des Hauts-de-Seine n’a pas pu les inscrire au Tableau, ce qui a conduit à leur démission et a engendré des litiges avec le cabinet.

Monsieur [X] [I] soutient n’être tenu que d’une obligation de moyens, qui a pour corollaire le devoir d’information et de coopération du client. Il ajoute que l’expert-comptable ne répond que des fautes ou manquements commis dans l’exécution des missions qui lui avaient été confiés.

Il précise qu’il n’avait pas pour mission de rédiger les contrats de travail, ce dont Monsieur [J] s’est lui-même chargé, et encore moins de fixer la rémunération des collaboratrices. Il fait valoir qu’il a seulement procédé aux déclarations d’embauche et à l’édition des bulletins de salaire sur la base des informations données par la société [J], et donc que sa responsabilité contractuelle ne peut pas être engagée. Quant à la note d’honoraire du 28 février 2010 versée au débat par l’appelant, elle est datée de près d’un an après l’intervention de Monsieur [I] et ne concerne pas les contrats litigieux signés en 2009.

Monsieur [X] [I] soutient que Monsieur [J] est seul responsable des préjudices qu’il a subi du fait des condamnations pour licenciements abusifs, ce qui comprend le préjudice lié aux frais de conseils engagés, ainsi que les frais de recrutement et de formation de nouveaux collaborateurs. Il fait valoir que la perte de clientèle et de chiffre d’affaire n’est pas démontrée, tout comme le préjudice d’image auprès de l’Ordre des avocats des Hauts de Seine et la perte de la valeur de la Selarl. Il soutient que le préjudice physique et moral subi par Monsieur [J] n’est pas indemnisable puisque ses demandes sont irrecevables. De même le préjudice lié à la location de locaux à la Sci [Z] [J] est irrecevable puisque cette dernière n’est pas partie à la procédure. Enfin, le préjudice lié aux erreurs de cotisation n’a été subi que par les anciennes collaboratrices de la Selarl.

Monsieur [I] soutient que la dégradation du climat de travail au sein du cabinet [J] et le départ des trois collaboratrices est uniquement dû au comportement de Monsieur [J], ainsi qu’en ont jugé les juridictions qui ont statué sur les conditions de licenciement des collaboratrices.

La cour relève qu’il résulte de la lettre de mission du 27 mai 2008 que la mission de Monsieur [I] était la suivante :supervision et révision de la comptabilité, assistance et établissement des déclarations fiscales, établissement de la liasse fiscale établissement des comptes annuels, établissement des bulletins de salaire et établissement de l’ensemble des déclarations sociales, mensuelles, trimestrielles ou annuelles. Les prestations sociales comprenaient outre l’établissement des bulletins de salaire et des déclarations sociales mensuelles, trimestrielles et annuelles, les déclarations préalables à l’embauche. La rédaction des contrats de travail n’est pas mentionné parmi les missions.

En février 2010 Monsieur [I] a établi une facture d’assistance sur contrats de travail, ce qui corrobore le fait que cette mission, facturée hors forfait, était additionnelle par rapport aux missions figurants dans la convention.

Il a par ailleurs rédigé une attestation le 18 août 2010 selon laquelle il indique avoir établi les bulletins de salaire à partir des contrats de travail signés entre la société Cabinet [J] et chaque salarié en 2009, ne reconnaissant ainsi pas avoir rédigé les contrats de travail.

Il ressort enfin d’un courrier adressé par Monsieur [I] à la société [J] le 7 décembre 2011 que les contrats de travail avaient été renseignés par le service social de son cabinet suivant les caractéristiques de chacune des salariées indiquées par le cabinet [J]. Il précise que le contrat de travail de Madame [Z] était un contrat de travail de salariée car elle n’avait pas encore prêté serment. Cette attestation ne se réfère manifestement pas aux contrats de travail signés en 2009.

Il résulte de ces éléments que Monsieur [I] n’avait pas pour mission initialement d’établir les contrats de travail des collaboratrices salariées de la société mais seulement leur bulletin de salaire et les déclarations préalables à l’embauche. Le fait de préciser ces missions sans mentionner l’établissement des contrats de travail et de facturer séparément la rédaction des contrats de travail en février 2010 montre clairement que cette tâche n’entrait pas dans sa mission telle que définie dans la lettre de mission. Il n’a établi les contrats de travail qu’à compter de 2010. Ceux établis en 2009 l’ont donc été par la société [J].

Monsieur [I] admet avoir mentionné une convention collective erronée sur les bulletins de salaire des avocates salariées du cabinet des mois d’avril à décembre 2009, celle applicable aux salariés des cabinets d’avocat et non celle applicable aux avocats salariés.

Les contrats de travail quant à eux ne mentionnaient aucune convention collective si ce n’est celle du Cabinet [J] sans plus de précision.

La détermination de la convention collective applicable à un salarié ne comporte pas de difficultés particulières ainsi que l’ont observé les premiers juges et l’expert comptable est donc tenu à une obligation de résultat à cet égard. Le seul fait que le résultat n’ait pas été atteint suffit à engager sa responsabilité.

C’est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu une faute de Monsieur [I] dans l’établissement des bulletins de salaire en mentionnant une convention collective erronée.

La cour rappelle également, à la différence des premiers juges, qu’il entre dans l’obligation de conseil d’un expert comptable chargé d’établir des bulletins de salaires, de vérifier si les contrats de travail y afférents sont réguliers et le cas échéant de le signaler à l’employeur.

En ne s’assurant pas que les contrats de travail des collaboratrices du cabinet [J] étaient réguliers et conformes aux normes applicables aux avocats salariés, salaire compris, Monsieur [I] a manqué à son devoir de conseil et une faute sera donc retenue à son égard sur ce point.

Il convient d’examiner si ces fautes sont à l’origine des préjudices subis par le cabinet [J] et Monsieur [J].

Le préjudice dont la Selarl [J] se plaint qui résulte de ces fautes est composé des condamnations financières qu’elle a subi, des coûts des procédures ainsi que des suites du conflit social, soit la perte de collaborateurs et la perte de valeur du cabinet suite à la détérioration de son image. Le préjudice de Monsieur [J] est une conséquence du préjudice subi par la société.

La cour note que les fautes relevées à l’encontre de Monsieur [I] ont eu des répercussions sur la situation des avocates puisque les cotisations sociales n’ont pas été payées aux caisses adéquates. Cependant la Selarl [J] n’établit pas avoir subi personnellement un préjudice lié aux cotisations sociales suite à ces fautes.

La Selarl [J] sollicite le paiement des sommes auxquelles elle a été condamnée par la cour d’appel de Versailles envers chacune des avocates concernées.

La cour relève à cet égard que pour ce qui concerne Madame [R], la Selarl [J] a été condamnée par la cour d’appel à lui payer diverses sommes au titre de son licenciement considéré comme abusif, condamnation qui n’a aucun lien direct avec les fautes reprochées à monsieur [I]. La Selarl [J] a été également condamnée à lui verser une somme de 5.131, 28 euros au titre de rappel de salaire sur la période du 1er juin 2010 au 15 juillet 2010 ainsi que la somme de 513, 13 euros au titre des congés payés sur ce rappel de salaire, sommes qui ici encore n’ont aucun lien avec les fautes commises par Monsieur [I].

Il en est de même pour Madame [S], les condamnations pécuniaires du Cabinet [J] étant fondées sur le licenciement abusif de cette dernière.

La situation est identique pour Madame [V] si ce n’est que la Selarl [J] a été également condamnée à lui verser une indemnité pour harcèlement, cette indemnité n’ayant aucun lien de causalité avec les fautes de Monsieur [I] ;

Enfin, le conseil de Prud’homes de Boulogne Billancourt a condamné le cabinet [J] à payer à Madame [Z] des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnités sans lien avec les fautes de Monsieur [I], et a fixé le salaire de Madame [Z] conformément à la convention collective, condamnant le cabinet [J] à lui payer la différence avec le salaire versé. La cour considère que cette dernière condamnation n’a pu porter préjudice à la Selarl [J] qui aurait du débourser cette somme en tout état de cause.

Il résulte de ces éléments qu’aucun lien direct n’existe entre les fautes de Monsieur [I] et les condamnations prononcées à l’encontre de la Selarl pour le licenciement des salariées.

Les conflits à l’origine de ces licenciements et des condamnations prononcées ne sont pas plus imputables à Monsieur [I].

En effet, pour ce qui est des préjudices liés aux suites de ces licenciements, le cabinet ayant été démantelé et ayant du recourir à des aides extérieures pour traiter les dossiers, la cour constate, à la lecture de la citation à comparaître devant le conseil de discipline de l’Ordre de Monsieur [J] et des arrêts de la cour d’appel de Versailles du 3 mai 2012 statuant sur les litiges existant entre les avocates salariées et la Selarl cabinet [J], que les contrats de travail établis en 2009 lors de leur embauche n’étaient pas conformes à la convention collective applicable aux avocats salariés tels que résultant du modèle de l’Ordre et que les rémunérations étaient inférieures au minimum conventionnel. De plus, les contrats devaient être remis au conseil de l’Ordre dans les 15 jours de leur conclusion afin que celui ci contrôle leur conformité avec les règles professionnelles afin d’inscrire les avocates au barreau des Hauts de Seine. Or ces contrats n’ont été remis aux salariées que plusieurs mois après leur conclusion et l’Ordre refusait de les inscrire au barreau des Hauts de Seine du fait de la non conformité de ces contrats, notamment en raison de la rémunération inférieure aux normes conventionnelles. L’absence de remise des contrats est entièrement imputable à la Selarl.

C’est à la suite de leurs réclamations afin de régulariser les contrats de travail que les relations se sont envenimées entre Maître [J] et les avocates salariées. Il ressort des arrêts précités de la cour d’appel de Versailles que le conflit social est essentiellement dû au comportement de Maître [J] envers les avocates qui a engendré une dégradation sévère des conditions de travail. Selon les décisions produites, il a exercé des pressions inadmissibles sur certaines d’entre elles, en a rétrogradé une en confiant ses dossiers à une salariée sans aucune justification ou retirant ses responsabilités à une autre de façon tout aussi arbitraire. La description des entretiens entre les avocates et Maître [J] est édifiante, ce dernier se montrant verbalement très violent et menaçant.

Ainsi, et alors que la Selarl [J] aurait pu aisément remédier aux irrégularités des contrats de travail, qu’elle avait elle même rédigés, sans que cela n’engendre de difficultés particulières, elle a au contraire par son comportement, suscité et envenimé les conflits jusqu’à la rupture fautive des relations de travail avec les salariées, causant alors les désordres dont elle se plaint.

La cour considère avec les premiers juges au regard de ces éléments qu’il n’existe aucun lien de causalité direct entre les fautes commise par Monsieur [I] et la situation conflictuelle régnant au sein du cabinet [J] ayant engendré les difficultés décrites par Maître [J]. Monsieur [I] n’a pas rédigé les contrats de travail litigieux et n’a pas décidé de la rémunération des avocates salariées et quand bien même il l’aurait fait ou aurait du signaler les irrégularités entachant ces contrats, c’est bien la gestion du conflit par Maître [J] qui est directement à l’origine du préjudice que la Selarl ou ce dernier dit avoir subi personnellement.

Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point et toutes les demandes indemnitaires de la Selarl [J] et de Maître [J] personnellement qui sont la conséquence de ces conflits avec les avocates salariées seront donc rejetées.

Sur les rappels de salaires

La Selarl [J] sollicite le remboursement des sommes qu’elle aurait payé en trop aux salariées. Elle ne produit cependant aucune pièce probante sur ce point et la demande sera donc rejetée.

Sur le remboursement de la facture de 837, 20 euros TTC

La Selarl [J] sollicite le remboursement de la somme de 837, 20 euros qu’elle a payé à Monsieur [I] pour établir les contrats de travail selon note d’honoraires du 28 février 2010.

Monsieur [I] soutient avoir émis cette facture car la rédaction des contrats de travail n’entrait pas dans sa mission contractuelle. Il fait valoir que ces contrats de travail ne présentaient aucun défaut ;

La cour rappelle qu’elle a déjà jugé que la rédaction des contrats de travail n’entraient pas dans la mission de Monsieur [I] telle que décrite dans la lettre de mission.

Dés lors, il apparaît que cette facture ne se rapporte pas aux contrats de 2009 mais au nouveaux contrats élaborés en 2010 avant licenciement des avocates salariées.

Cette demande sera donc rejetée.

Sur le statut juridique de la société

La Selarl [J] fait valoir que Monsieur [I] a laissé subsister l’activité du cabinet d’avocats [Z] [J], qui exerçait précédemment une activité de conseil en assurance, sous forme de société commerciale, manquement qui a été relevé par le Bâtonnier dans un courrier du 2 avril 2010. Il précise que la facture de Monsieur [I] en date du 30 septembre 2008 stipule pourtant expressément que le cabinet [I] prendra en charge «'les travaux juridiques relatifs au transfert du siège social et à la modification de l’objet social.

Monsieur [I] reconnaît qu’il a été chargé d’insérer dans les statuts de la société [Z] [J], qui exerçait une activité de conseil en assurance, la mention «'activité libérale de la profession d’avocat'» et de faire acter le changement de siège social, mais qu’il ne lui a jamais été demandé de changer la structure d’exercice. Il soutient que cette erreur incombe donc à Monsieur [J].

Il est constant que la société [J], qui exerçait sous forme commerciale une activité de conseil en assurance, est demeurée sous forme de Sarl après que Monsieur [J] ait été inscrit au barreau des Hauts de Seine.

La cour relève à cet égard que Monsieur [J] s’est inscrit sous son nom personnel et non en tant que société d’une part et d’autre part qu’il n’a pas déclaré un cabinet secondaire à [Localité 1].

Ce n’est qu’à l’occasion de la saisine de l’ordre par les salariées et de l’envoi de courrier à en tête 'Selarl’ que l’Ordre a réalisé que Monsieur [J] exerçait en société et qu’il n’était inscrit au registre des sociétés que comme société commerciale.

Monsieur [I] ne conteste pas avoir rédigé les nouveaux statuts de la société [J] et il y a mentionné que la société [J] était une société d’exercice libéral à responsabilité limitée.

Son devoir de conseil lui imposait donc de d’effectuer les formalités de changement de forme sociale ou à tout le moins de signaler à Monsieur [J] qu’il devait le faire.

S’il est exact que Monsieur [J], professionnel du droit et avocat, a commis une faute en ignorant cette incompatibilité, il n’en demeure pas moins que Monsieur [I] aurait du la lui signaler. Il a donc commis une faute à cet égard et c’est à juste titre que les premiers juges l’ont condamné au remboursement des frais de parution au journal d’annonces légales pour un montant de 246, 57 euros.

Sur la majoration artificielle du bilan comptable 2013

La société [J] reproche à Monsieur [I] d’avoir majoré artificiellement le compte «'banque'» dans le bilan du 30 juin 2014 pour un montant de 135.000 euros. Elle expose également que la Sci [J] a avancé en trésorerie la somme de 85.500 euros à la Selarl [J].

Monsieur [I] soutient que Monsieur [J] a prélevé la somme de 135.000 euros sur les disponibilités de la Selarl pour la verser à la Sci [Z] [J]. L’appelant s’étant engagé oralement à procéder à un remboursement, Monsieur [I] a accepté d’anticiper comptablement le remboursement. Ce n’est pas l’écriture comptable anticipée par Monsieur [I] mais l’absence de remboursement de la somme de 135.000 euros par Monsieur [J] qui a causé un préjudice à la Selarl.

La cour relève que Monsieur [I] ne produit aucune pièce qui établirait que Monsieur [J] avait prélevé des disponibilités des comptes de la Selarl au profit d’une Sci dont il est l’associé majoritaire et qu’il devait rembourser rapidement.

Quand bien même cela serait établi, Monsieur [I], a commis une faute en acceptant une écriture comptable qu’il savait erronée qui majorait le bilan de l’exercice 2013 de cette somme 'empruntée’ de 135.000 euros.

Cependant, pas plus en appel qu’en première instance la Selarl [J] justifie avoir subi un préjudice de ce fait.

Pour ce qui concerne la somme de 85.500 euros qui aurait été versée par la Sci [J] à la Selarl, la cour ne discerne pas la faute qui est reprochée à Monsieur [I] (omission d’écriture comptable ') ni le préjudice qui en serait résulté pour la Selarl.

Les demandes seront donc rejetées.

Sur l’absence d’établissement de la déclaration fiscale CVAE

La Selarl [J] reproche à Monsieur [I] d’avoir omis de procéder à l’établissment et au paiement par la Selarl de la Cotisation sur la Valur Ajoutée de Entreprises (CVAE ) suite à l’arrêté des des comptes annuels et de la liasse fiscale au 30 juin 2013.

Monsieur [I] fait valoir qu’il ne lui appartenait pas au regard de la lettre de mission de faire cette déclaration. C’était à la Selarl [J] de le faire.

La cour relève que la lettre de mission confiait à Monsieur [I] l’établissement des liasses fiscales et des déclarations fiscales annexes.

C’est donc à tort que Monsieur [I] considère qu’il ne lui appartenait pas de faire ces déclarations.

Le préjudice dont se prévaut la Selarl [J] est de 120 euros, soit le coût des frais de remise en ordre de la comptabilité par un nouvel expert comptable.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Monsieur [X] [I] soutient que la présente action et son appel ont été introduits avec une réelle volonté de nuire et demande la condamnation de l’appelant à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

L’exercice d’une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l’octroi de dommages-intérêts que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol. En l’espèce, un tel comportement de la part des appelants n’est pas suffisamment caractérisé. La demande de Monsieur [I] sera donc rejetée.

Sur l’article 700

Monsieur [I] sollicite le paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais qu’il a exposé et qui ne sont pas compris dans les dépens.

Il convient de lui allouer à ce titre la somme de 5.000 euros.

PAR CES MOTIFS,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Créteil le 27 janvier 2016,

Y ajoutant,

Condamne la Selarl [J] à payer à Monsieur [X] [I] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne la Selarl [J] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 9, 21 décembre 2017, n° 16/09242