Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 8 mars 2018, n° 16/23663

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 2, 8 mars 2018, n° 16/23663
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/23663
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bobigny, 31 août 2016, N° 16/05722
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées

REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRET DU 08 MARS 2018

(n° , 17 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/23663

Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er Septembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de Bobigny – RG n° 16/05722

APPELANT

[…]

pris en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

Représenté par Me Daniel SAADAT de la SCP CABINET LEGENDRE -SAADAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0392, avocat postulant

Représenté par Me Céline COTZA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0392, avocat plaidant

INTIMEE

[…]

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

Représentée par Me Lucie TEXIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C2169, avocat postulant

Représentée par Me Alexandre DUPREY, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020, avocat plaidant

représentée par Madame Z A, responsable des relations sociales

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 novembre 2017 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant

Madame Catherine MÉTADIEU, Président

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine MÉTADIEU, Président

Madame Patricia DUFOUR, Conseiller appelé à compléter la chambre par ordonnance de roulement en date du 31 août 2017

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

GREFFIER : Madame X, lors des débats

ARRET :

— contradictoire

— rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Catherine MÉTADIEU, Président et par Madame X, Greffier.

*******

Statuant sur l’appel interjeté par le comité central d’entreprise de la société ZODIAC AERO ELECTRIC d’un jugement rendu le 1er septembre 2016 par le tribunal de grande instance de Bobigny lequel, saisi par ce comité de demandes tendant essentiellement à la mise en place sous astreinte de diverses informations manquantes dans la base de données économiques et sociales, à la constatation de l’irrégularité de la procédure de consultation sur les orientations stratégiques, à la reconnaissance d’une situation d’entrave et à l’octroi de dommages-intérêts, a':

— déclaré recevables les demandes du comité central d’entreprise de la société ZODIAC AERO ELECTRIC,

— débouté celui-ci de l’ensemble de ses demandes,

— dit qu’il appartiendrait à la société ZODIAC AERO ELECTRIC de créer dans la base de données économiques et sociales un lien direct entre l’annonce de l’item et l’information qu’il recouvre,

— invité les parties à engager une négociation afin de définir les modalités de mise en 'uvre, d’accès, de consultation et d’utilisation de la base de données économiques et sociales,

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné le comité central d’entreprise de la société ZODIAC AERO ELECTRIC aux entiers dépens,

Vu les dernières conclusions transmises le 03 février 2017 par le comité central d’entreprise de la société ZODIAC AERO ELECTRIC, qui demande à la cour de':

Infirmer dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Bobigny en date du 1er septembre 2016,

statuer de nouveau et :

Le dire et juger recevable et bien fondé en ses demandes,

Constater que :

. la BDES a été mise en place de manière tardive,

. la BDES est incomplète et ne contient aucune donnée prospective,

. les informations contenues dans la BDES ne sont absolument pas circonstanciées ni intelligibles,

. certaines informations sont classées confidentielles de manière abusive,

. les informations sont inexploitables,

Enjoindre à la société ZODIAC AERO ELECTRIC de mettre en place dans la BDES les informations suivantes :

I. Documents manquants selon l’article R. 2323-1-4 du code du travail

C. Rémunération des salariés et dirigeants, dans l’ensemble de leurs éléments :

. Pour les entreprises soumises aux dispositions de l’article L. 225-115 du code de commerce, montant global, certifié exact par les commissaires aux comptes, des rémunérations versées aux personnes les mieux rémunérées, le nombre de ces personnes étant de dix ou de cinq selon que l’effectif du personnel excède ou non deux cents salariés,

. Rémunérations accessoires : primes par sexe et par catégorie professionnelle, avantages en nature, régimes de prévoyance et de retraite complémentaire,

. Rémunérations des dirigeants mandataires sociaux telles que présentées dans le rapport de gestion en application des trois premiers alinéas de l’article L. 225-102-1 du code de commerce, pour les entreprises soumises à l’obligation de présenter le rapport visé à l’article L. 225-102 du même code,

D. Activités sociales et culturelles :

. mécénat,

E. Rémunération des financeurs :

. Rémunération de l’actionnariat salarié (montant des actions détenues dans le cadre de l’épargne salariale, part dans le capital, dividendes reçus),

F. Flux financiers à destination de l’entreprise :

. Aides publiques,

. Réductions d’impôts,

. Exonérations et réductions de cotisations sociales,

. Mécénat,

G. Sous-traitance :

. Sous-traitance utilisée par l’entreprise,

. Sous-traitance réalisée par l’entreprise,

H. Pour les entreprises appartenant à un groupe, transferts commerciaux et financiers entre les entités du groupe :

. Transferts de capitaux tels qu’ils figurent dans les comptes individuels des sociétés du groupe lorsqu’ils présentent une importance significative,

. Cessions, fusions, et acquisitions réalisées,

II. Documents manquants selon l’article L. 2323-9 du code du travail

. Apprentissage : C. trav., art. L. 2323-41 anc

. Congés payés : C. trav., art. L. 3141-13

. Congés sabbatiques – Congés pour création d’entreprise et jeune entreprise innovante – Congés de mobilité C. trav., art. L. 3142-106 C. trav., art. L. 1222-16

. Contrat d’accompagnement dans l’emploi – Contrat initiative emploi C. trav., art. L. 2323 54 anc

. Contrat de génération C. trav., art. L. 5121-12

. Conventions de forfait C. trav., art. L. 2323-29 anc

. Durée du travail – Aménagement du temps de travail C. trav., art. D. 3122-7-1 et C. trav., art. L. 2323-29 anc.

. Emploi, qualifications et gestion prévisionnelle des emplois :

. Situation de l’emploi dans l’entreprise : nombre de CDD, d’intérimaires, de travailleurs mis à disposition, etc C. trav., art. L. 2323-51 anc.

. Informations sur le recours à des contrats à durée déterminée, des intérimaires ou au portage salarial C. trav., art. L. 2323-51 anc.

. Évolution de l’emploi des qualifications – Prévisions annuelles ou pluriannuelles en matière d’emploi C. trav., art. L. 2323-56 anc.

. Formation professionnelle (plan de formation, CPE, contrat de professionnalisation, congé individuel de formation, etc.)

. Orientations de la formation professionnelle dans l’entreprise, exécution du plan de formation de l’année en cours et plan de formation de l’année à venir C. trav., art. L. 2323-33 et s. anc.

. Contrats de professionnalisation, périodes de professionnalisation et compte personnel de formation (CPF) C. trav., art. L. 2323-37 anc.

. Accueil des jeunes C. trav., art. L. 2323-38 anc.

. Problèmes d’application et conditions de mise en oeuvre dans l’entreprise du congé individuel de formation (CIF), congé bilan de compétence, congé enseignement et recherche, congé jeune travailleur et validation des acquis de l’expérience (VAE) C. trav., art. R. 2325-5

. Heures supplémentaires

. Modalités d’utilisation et de dépassement éventuel du contingent d’heures supplémentaires lorsque ce contingent n’est pas fixé par voie conventionnelle C. trav., art. L. 3121-11

. Bilan relatif aux volumes et à l’utilisation des heures supplémentaires et complémentaires effectuées par les salariés L. n° 2007-1223, 21 août 2007, art. 1 : JO, 22 août

. Logement des salariés (1 % logement et logement des travailleurs étrangers) ' Affectation de la contribution sur les salaires au titre de l’effort de construction (1 % logement) C. trav., art. L. 2323-31 anc.

. Conditions de logement des travailleurs étrangers que l’entreprise se propose de recruter C. trav., art. L. 2323-31 anc.

. Participation des salaires : Rapport annuel sur l’application de l’accord de participation des salariés C. trav., art. D. 3323-13

. Prévoyance ' Mutuelle : Rapport annuel sur les garanties collectives C. trav., art. L. 2323-60 anc.

. Recherche et développement technologique de l’entreprise – Politique de recherche et de développement technologique de l’entreprise C. trav., art. L. 2323-12 anc.

. Santé et sécurité au travail

. Bilan annuel sur l’hygiène, la sécurité et les conditions de travail soumis à consultation du CHSCT C. trav., art. L. 4612-17

. Programme de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail, après consultation du CHSCT C. Travail L.4143-1

. Documents comptables et financiers prévisionnels

. Situation de l’actif réalisable et disponible et du passif exigible (document semestriel)

. Tableau et plan de financement prévisionnel, compte de résultat prévisionnel (documents annuels C. trav., art. L. 2323-10 anc.

. Évolution des commandes et de la situation financière de l’entreprise – Information trimestrielle C. trav., art. L. 2323-50 anc.

. Rapport sur la situation économique et les perspectives de l’entreprise (rapport d’ensemble annuel) C. trav., art. L. 2323-55 anc.

. Exécution des programmes de production de l’entreprise C. trav., art. L. 2323-50 anc.

. Stagiaires – Nombre de stagiaires accueillis dans l’entreprise, conditions accueil et tâches qui leur sont confiées C. trav., art. L. 2323-51 anc.

. Travailleurs handicapés – Actions en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés dans l’entreprise

C. trav., art. L. 2323-30 anc.

. Déclaration d’emploi des travailleurs handicapés C. trav., art. L.5212-4

. Le rapport de gestion

. Le texte des projets de résolution présentés par le conseil d’administration ou le directoire, selon le cas, ainsi que le texte des projets de résolution présentés par des actionnaires

. Un tableau faisant apparaître les résultats de la société au cours de chacun des cinq derniers exercices

. Le rapport du conseil d’administration ou du directoire, selon le cas, qui

sera présenté à l’assemblée ainsi que, le cas échéant, les observations du conseil de surveillance

. Les rapports des commissaires aux comptes

. Les nom et prénom usuel, soit des administrateurs et directeurs généraux, soit des membres du conseil de surveillance et du directoire, ainsi que, le cas échéant, l’indication des autres sociétés dans lesquelles ces personnes exercent des fonctions de gestion, de direction, d’administration ou de surveillance

. le montant global, certifié par les commissaires aux comptes des versements effectués au titre du mécénat,

Assortir cette injonction d’une astreinte de 1000€ par jour de retard à compter de la notification de la présente décision,

Constater que la procédure de consultation est irrégulière pour les raisons suivantes :

absence de réponses aux questions posées par le CE le 24 novembre 2015 et le 13 février 2016, absence de réponse aux propositions alternatives formulées par le CE dans le cadre de la consultation sur les orientations stratégiques, absence de transmission de l’avis du CE aux organes d’administration et notamment au conseil d’administration,

Dire et juger que l’entrave au CCE est caractérisée,

Condamner la société ZODIAC AERO ELECTRIC à lui verser la somme de 50.000 € pour entrave à son fonctionnement,

Condamner la société ZODIAC AERO ELECTRIC à lui verser la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions transmises le 30 mars 2017 par la société par actions simplifiée ZODIAC AERO ELECTRIC, intimée qui forme un appel incident et demande à la cour de':

— Déclarer l’appel interjeté par le comité central d’entreprise de la société ZODIAC AERO ELECTRIC mal fondé,

SUR L’IRRECEVABILITE DES DEMANDES,

— Dire et juger que l’information consultation sur les orientations stratégiques 2015 s’est clôturée par un avis le 15 février 2016, et que celle de l’année 2016 s’est clôturée par un avis le 10 janvier 2017,

en conséquence

— Déclarer irrecevable pour défaut d’intérêt à agir, les demandes de l’appelant tendant à remettre en cause la régularité de la procédure d’information consultation sur les orientations stratégiques, et sur l’information délivrée à cet effet [c’est-à-dire la BDES],

SUR L’IRRECEVABILITE DES DEMANDES, SUR LA BDES,

— Constater que l’ordonnance en la forme des référés du 18 décembre 2015 a statué sur le contenu de la BDES,

— Constater que les élus n’ont pas saisi le tribunal de demandes d’informations complémentaires nécessaires avant l’expiration du délai de consultation,

en conséquence

— Déclarer irrecevable toute demande, moyen ou prétentions remettant en cause le contenu de la BDES en tant que support de la consultation sur les orientations stratégiques des années 2015 et 2016,

A TITRE SUBSIDIAIRE SUR LE MAL FONDE DES DEMANDES,

— Confirmer le jugement entrepris.

«'A TITRE RECONVENTIONNEL'»,

— Condamner l’appelant à lui payer une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamner l’appelant aux entiers dépens,

La cour faisant expressément référence aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties,

Vu l’ordonnance de clôture en date du 28 septembre 2017,

SUR CE, LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Etablie à Montreuil, la société ZODIAC AERO ELECTRIC rattachée à la branche ZODIAC AEROSYSTEMS du groupe ZODIAC AEROSPACE a pour activité la conception et la fabrication de composants électriques et emploie environ 1 300 salariés.

La société ZODIAC AERO ELECTRIC compte quatre établissements, dont trois établissements de production à Antony, Besançon et Niort, et est donc dotée d’un comité central d’entreprise (CCE).

Le 19 octobre 2015, les élus du comité central d’entreprise ont été convoqués à une réunion ordinaire du 29 octobre 2015 avec l’ordre du jour suivant':

1. Information du CCE sur la situation économique de l’entreprise, des «'BU’s'» et du crédit impôt recherche (CIR) pour l’année économique «'FY2015'»

2. Information du CCE sur la stratégie de l’entreprise, de ses «'BU’s'» et son impact prévisible sur les

emplois et compétences/perspectives 2016 et affectation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE)

3. Information/consultation sur le projet d’évolution de l’organisation périmètre ZEPS.

Le 09 novembre 2015, les élus du CCE ont sollicité l’organisation d’une réunion extraordinaire dans le but de désigner un expert pour analyser les orientations stratégiques de l’entreprise.

Dans le cadre de cette réunion organisée le 17 novembre 2015, les élus ont adopté une motion aux termes de laquelle le CCE désignait le cabinet Y pour procéder à l’analyse des orientations stratégiques et décidait d’une action en justice en vue notamment de faire constater l’absence de BDES dans l’entreprise, suspendre la procédure d’information/consultation tant qu’une BDES conforme aux obligations légales n’est pas mise en place, considérer que le délai d’information/consultation n’a pas commencé à courir et constater l’entrave au «'CCE ZEL'».

Reprochant donc à l’entreprise de ne pas avoir mis en place la base de données économiques et sociales (BDES) et de ne pas lui avoir transmis des informations suffisantes sur les orientations stratégiques et ses conséquences sociales, le CCE a assigné le 27 novembre 2015 la société ZODIAC AERO ELECTRIC devant le tribunal de grande instance de Bobigny en la forme des référés pour essentiellement voir enjoindre sous astreinte à la société de mettre en place la BDES et de lui communiquer les informations complètes et précises sur les conséquences sociales des orientations stratégiques présentées aux élus, prolonger les délais de restitution de son avis de deux mois à compter de la mise en place de la BDES et de la communication des informations sollicitées et condamner la société à lui verser la somme de 50 000 € pour entrave à son fonctionnement compte tenu de l’absence de mise en place de la BDES.

Par ordonnance en la forme des référés du 18 décembre 2015, le délégataire du président du tribunal de grande instance de Bobigny a':

— rejeté le moyen d’irrecevabilité soulevé par la société ZODIAC AERO ELECTRIC,

— constaté l’accord des parties sur la prolongation du délai de la procédure d’information/consultation du CCE jusqu’au 29 janvier 2016,

— rejeté toutes les autres demandes,

— condamné le CCE aux dépens.

Le rapport d’expertise du cabinet Y a été présenté à la réunion extraordinaire du CCE en date du 15 février 2016, au cours de laquelle le CCE a rendu son avis.

A cette occasion, les élus ont également voté une nouvelle délibération aux termes de laquelle ils décidaient d’engager une action en justice pour faire constater l’entrave au fonctionnement du CCE, notamment en ce qui concerne la procédure de consultation, le contenu et la forme de la BDES et le refus d’organiser des «'CCE extraordinaires'».

C’est dans ces conditions que par acte d’huissier délivré le 27 avril 2016, le CCE de la société ZODIAC AERO ELECTRIC a saisi le tribunal de grande instance de Bobigny de la procédure qui a donné lieu au jugement entrepris.

MOTIFS

Sur la procédure d’information/consultation sur les orientations stratégiques initiée en octobre 2015':

1) sur les fins de non-recevoir opposées à la contestation de l’information délivrée au titre des orientations stratégiques 2015 et aux demandes reposant sur les irrégularités de la procédure d’information/consultation':

La société ZODIAC AERO ELECTRIC fait valoir en substance que l’avis rendu par le CCE dans le cadre de la procédure d’information consultation purge celle-ci de tout vice de forme éventuel et clôt sur le fond le débat portant sur l’information donnée, que la consultation annuelle sur les orientations stratégiques de l’entreprise est concernée par les délais préfixes fixés par les articles L 2323-3, R 2323-1 et R 2323-1-1 du code du travail et qu’aux termes des dispositions de l’article L 2323-4 du même code, les membres élus du comité peuvent, s’ils estiment ne pas disposer d’éléments suffisants, saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés pour qu’il ordonne la communication par l’employeur des éléments manquants, action qu’en l’espèce le CCE a exercée, que de surcroît la contestation relative à l’information transmise se heurte à l’autorité de la chose jugée dès lors que par ordonnance en la forme des référés du 18 décembre 2015 qui est une décision au fond et qui n’a pas été frappée d’appel, le tribunal de grande instance de Bobigny a débouté le CCE de ses demandes tendant à faire compléter la BDES, que le CCE qui pouvait compléter ses demandes ou interjeter appel ne pouvait pas saisir le juge pour faire à nouveau juger la question de la qualité de l’information délivrée, que le CCE n’a pas ressaisi en la forme des référés le tribunal de grande instance avant l’expiration du délai préfix de consultation prolongé au 29 janvier 2016 en vertu de la décision du 18 décembre 2015 et qu’il a au contraire rendu un avis exprès le 15 février 2016, que la critique de la BDES relève en réalité d’une contestation de l’information donnée au CCE sur les orientations stratégiques 2015 et est dès lors irrecevable en ce qu’elle se heurte à l’avis exprès rendu par le CCE, à la décision rendue sur le fond par le tribunal de grande instance de Bobigny le 18 décembre 2015 et à l’absence de nouvelle procédure engagée sur le fondement de l’article L 2323-4 du code du travail.

L’appelant répond qu’il justifie d’un intérêt à agir incontestable dans la mesure où la remise de son avis n’a pas eu pour effet de purger tous vices de procédure et où le recours spécial institué par l’article L 2323-3 du code du travail concerne uniquement la qualité de l’information donnée aux élus et non les irrégularités affectant la procédure de consultation. Il fait aussi observer que l’instance n’ayant plus été réunie depuis le 17 novembre 2015 du fait de la direction, les élus étaient dans l’impossibilité de ressaisir le juge avant la remise de leur avis pour faire constater l’irrégularité de la procédure et l’insuffisance des informations. Il ajoute que son action ne se heurte pas à l’autorité de la chose jugée au motif que la saisine du tribunal en la forme des référés portait sur l’absence de mise en place de la BDES et par voie de conséquence sur la nécessité de prolonger la procédure d’information/consultation alors que les problématiques posées dans le cadre du présent contentieux sont différentes en ce qu’elles portent sur':

— la qualité, l’accessibilité et le caractère suffisant des informations contenues dans la BDES,

— l’absence de réponses aux questions et la non-communication de documents postérieurement à l’ordonnance du 18 décembre 2015,

— l’absence de réponse à l’avis du CCE.

Doivent être distinguées les contestations portant sur les informations délivrées au CCE et les contestations portant sur d’éventuelles autres irrégularités affectant la procédure de consultation du comité.

S’agissant de la nature et de la qualité des informations transmises aux élus, les articles L 2323-3, L 2323-4, R 2323-1 et R 2323-1-1 du code du travail dans leur rédaction applicable en la cause disposent':

— L 2323-3': «'Dans l’exercice de ses attributions consultatives, définies aux articles L 2323-6 à L

2323-60, le comité d’entreprise émet des avis et v’ux.

Il dispose d’un délai d’examen suffisant.

Sauf dispositions législatives spéciales, un accord entre l’employeur et le comité d’entreprise ou, le cas échéant, le comité central d’entreprise, adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité, ou, à défaut d’accord, un décret en Conseil d’Etat fixe les délais dans lesquels les avis du comité d’entreprise sont rendus dans le cadre des consultations prévues aux articles L. 2323-6 à L. 2323-60, ainsi qu’aux articles L 2281-12, L 2323-72 et L 3121-11. Ces délais, qui ne peuvent être inférieurs à quinze jours, doivent permettre au comité d’entreprise d’exercer utilement sa compétence, en fonction de la nature et de l’importance des questions qui lui sont soumises et, le cas échéant, de l’information et de la consultation du ou des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

A l’expiration de ces délais ou du délai mentionné au dernier alinéa de l’article L. 2323-4, le comité d’entreprise est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif.

L’employeur rend compte, en la motivant, de la suite donnée à ces avis et voeux.'»

— L 2323-4': «'Pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d’entreprise dispose d’informations précises et écrites transmises par l’employeur ou, le cas échéant, mises à disposition dans les conditions prévues à l’article L. 2323-7-3, et de la réponse motivée de l’employeur à ses propres observations.

Les membres élus du comité peuvent, s’ils estiment ne pas disposer d’éléments suffisants, saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, pour qu’il ordonne la communication par l’employeur des éléments manquants. Le juge statue dans un délai de huit jours.

Cette saisine n’a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le comité pour rendre son avis. Toutefois, en cas de difficultés particulières d’accès aux informations nécessaires à la formulation de l’avis motivé du comité d’entreprise, le juge peut décider la prolongation du délai prévu à l’article L. 2323-3.'»

— R 2323-1 (dans sa version issue du décret n° 2013-1305 du 27 décembre 2013)': «'Pour l’ensemble des consultations mentionnées au troisième alinéa de l’article L 2323-3 pour lesquelles la loi n’a pas fixé de délai spécifique, le délai de consultation du comité d’entreprise court à compter de la communication par l’employeur des informations prévues par le code du travail pour la consultation ou de l’information par l’employeur de leur mise à disposition dans la base de données dans les conditions prévues aux articles R 2323-1-5 et suivants.'»

— R 2323-1-1 (dans sa version issue du décret n° 2013-1305 du 27 décembre 2013)': «'Pour les consultations mentionnées à l’article R. 2323-1, à défaut d’accord, le comité d’entreprise est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date fixée à cet article.

En cas d’intervention d’un expert, le délai mentionné au premier alinéa est porté à deux mois.

(…)'».

Il ressort de ces dispositions d’une part qu’un recours spécial, exclusif de toute autre action en justice, est institué lorsque les membres élus du comité estiment ne pas disposer d’éléments suffisants et d’autre part que ce recours est encadré par un délai préfix que seul le juge saisi en la forme des référés peut décider de prolonger en cas de difficultés particulières d’accès aux informations nécessaires à la formulation de l’avis motivé du comité.

Si, ainsi que le rappelle par ailleurs le CCE, la BDES est le support de préparation de la consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise, il n’en reste donc pas moins que l’absence ou l’insuffisance des informations délivrées dans la base de données relève précisément du recours institué par les dispositions légales susvisées.

Au cas présent, le CCE a effectivement saisi en la forme des référés le tribunal de grande instance de Bobigny pour en particulier solliciter, dans le dernier état de ses demandes, qu’il soit enjoint sous astreinte à la société ZODIAC AERO ELECTRIC de compléter la BDES notamment sur les informations prospectives.

Par ordonnance définitive en la forme des référés du 18 décembre 2015 qui est une décision au fond, il a été débouté de cette demande.

D’un commun accord avec l’employeur, le CCE n’a rendu un avis détaillé que lors de la réunion extraordinaire en date du 15 février 2016 après présentation du rapport d’expertise du cabinet Y.

Dès lors qu’il a recouru à la procédure prévue par l’article L 2323-4 du code du travail, qu’il a de surcroît été débouté de sa demande tendant à voir compléter la BDES, et qu’en tout état de cause il a rendu son avis dans le cadre de la procédure de consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise, le CCE n’est plus recevable, au-delà du délai préfix précité, à contester l’information qui lui a été délivrée avant qu’il ne rende son avis, que ce soit du fait de «'l’absence de communication des documents essentiels'» (page 36 de ses conclusions) ou du fait de «'l’absence de réponses aux questions posées par les élus'» (pages 37 et suivantes de ses conclusions).

Dans cette limite, le jugement entrepris sera infirmé et la cour déclarera le CCE irrecevable à contester l’information qui lui a été délivrée dans le cadre de la procédure de consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise de 2015.

S’agissant en revanche des contestations portant sur d’éventuelles autres irrégularités affectant la procédure de consultation, il doit être retenu à l’instar des premiers juges que la clôture de la procédure de consultation ne prive pas le comité de soulever toute autre irrégularité susceptible de caractériser une entrave aux fins de la faire sanctionner ou d’obtenir une indemnisation à ce titre, s’il a formalisé une réserve sur ce point lors de la réunion au cours de laquelle il a rendu son avis.

En l’espèce, l’irrégularité invoquée, qui ne se rattache pas directement à la question de l’insuffisance des informations communiquées et qui ne relève pas dès lors de la procédure prévue par l’article L 2323-4 du code du travail, a trait à l’absence d’organisation de réunions extraordinaires supplémentaires qui avaient été sollicitées par les membres élus.

A cet égard, le CCE a bien voté le 15 février 2016, après avoir rendu son avis, une délibération dans le cadre de laquelle il déplorait le refus de la direction d’organiser des «'CCE extraordinaires'» (pièce n° 27 de l’appelant).

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a déclaré recevables les prétentions à ce titre du CCE.

2) sur le fond':

En ce qui concerne la procédure de consultation initiée en 2015 restent donc en litige sur le fond l’irrégularité invoquée liée au refus de la direction d’organiser des réunions extraordinaires supplémentaires et l’absence alléguée de réponse aux propositions alternatives, cette dernière exigence s’inscrivant dans une phase de dialogue social postérieure à la remise par le comité de son avis.

— sur l’absence d’organisation de réunions extraordinaires supplémentaires':

L’article L 2327-13 du code du travail dans sa version alors applicable dispose':

«'Le comité central d’entreprise se réunit au moins une fois tous les six mois au siège de l’entreprise sur convocation de l’employeur.

Il peut tenir des réunions exceptionnelles à la demande de la majorité de ses membres.'»

Au cas présent, par courrier du 14 janvier 2016, les membres élus ont sollicité l’organisation de deux réunions extraordinaires avant celle de remise de l’avis (pièce n° 22 de l’appelant).

Contrairement à l’argumentation de l’employeur, l’organisation d’une réunion extraordinaire est de droit si elle est sollicitée par la majorité des membres du comité central d’entreprise comme tel était le cas, sauf abus caractérisé.

Toutefois, il ressort des productions que quatre réunions ont été organisées dans le cadre de la procédure de consultation': une le 29 octobre 2015, deux le 17 novembre 2015 (dont l’une à la demande des membres élus du comité) et une le 15 février 2016 au cours de laquelle le comité a rendu son avis, étant encore observé qu’une réunion préparatoire a eu lieu le 10 février 2016 avec l’expert.

En outre, la demande de deux réunions extraordinaires supplémentaires a été faite le 14 janvier 2016, à une date à laquelle l’expert n’avait pas déposé son rapport, alors que le délai de consultation avait été prolongé au 29 janvier 2016 par le juge puis d’un commun accord des parties au 15 février 2016.

Dans ce contexte et compte tenu de cette chronologie induisant des délais contraints, le refus de l’employeur d’organiser deux réunions extraordinaires supplémentaires du CCE n’est pas constitutif d’une entrave au fonctionnement de l’instance, la décision entreprise méritant confirmation de ce chef.

— sur l’absence alléguée de réponse aux propositions alternatives':

L’article L 2323-10 alinéa 2 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 et applicable à compter du 1er janvier 2016, dispose que «'le comité émet un avis sur les orientations stratégiques de l’entreprise et peut proposer des orientations alternatives. Cet avis est transmis à l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise, qui formule une réponse argumentée. Le comité en reçoit communication et peut y répondre.'».

Si ce texte ne prévoit aucun délai, pour autant la réponse de l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise doit être restituée à tout le moins avant la prochaine réunion du comité.

En l’espèce, par lettre du 28 avril 2016, le président de la société, qui est l’organe chargé de son administration, a indiqué au secrétaire du comité central d’entreprise qu’une réponse aux interrogations, remarques et préconisations des élus serait apportée par le directeur général, lequel a reçu toute délégation à cet effet (pièce n° 21 de l’intimée).

Par lettre du 04 mai 2016 reçue le 18 mai, le directeur général a apporté au comité une réponse argumentée (pièce n° 22 de l’intimée), sachant que la prochaine réunion de l’instance était organisée le 26 mai 2016.

Dans ces conditions, aucune irrégularité constitutive d’une entrave n’est caractérisée ainsi que l’ont retenu à juste titre les premiers juges dont la décision est confirmée également sur ce point.

Sur la BDES':

1) sur la fin de non-recevoir opposée aux contestations relatives à la mise en place et au contenu de la BDES':

La société ZODIAC AERO ELECTRIC fait essentiellement valoir que l’ordonnance en la forme des référés du 18 décembre 2015 a statué sur le contenu de la BDES et que les élus n’ont pas saisi le tribunal de demandes d’informations complémentaires avant l’expiration du délai de consultation.

Cependant, pour l’essentiel, le tribunal de grande instance de Bobigny n’a statué en la forme des référés que sur la remise aux élus des codes d’accès à la BDES et sur les demandes d’informations formées dans le cadre de la consultation en cours sur les orientations stratégiques de l’entreprise.

En outre, la BDES doit régulièrement être mise à jour par l’employeur. Elle constitue le socle de l’information nécessaire aux consultations légales et contient aussi les éléments d’information transmis de manière récurrente au comité. Les membres élus de celui-ci doivent être en mesure d’accéder en permanence à la base de données et non pas seulement dans le temps des consultations.

Il s’ensuit que le CCE, dont la qualité et l’intérêt à agir sont incontestables, est recevable à critiquer les modalités de mise en place de la BDES ainsi que la nature et la qualité des informations transmises par ce vecteur par l’employeur, indépendamment de toute procédure de consultation, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.

2) sur le fond':

L’article L 2323-7-2 du code du travail issu de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 dispose':

«'Une base de données économiques et sociales, mise régulièrement à jour, rassemble un ensemble d’informations que l’employeur met à disposition du comité d’entreprise et, à défaut, des délégués du personnel.

La base de données est accessible en permanence aux membres du comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, ainsi qu’aux membres du comité central d’entreprise, du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et aux délégués syndicaux.

Les informations contenues dans la base de données portent sur les thèmes suivants :

1° Investissements : investissement social (emploi, évolution et répartition des contrats précaires, des stages et des emplois à temps partiel, formation professionnelle et conditions de travail), investissement matériel et immatériel et, pour les entreprises mentionnées au’sixième alinéa de l’article L 225-102-1 du code de commerce, les informations en matière environnementale présentées en application du cinquième alinéa du même article;

2° Fonds propres et endettement ;

3° Ensemble des éléments de la rémunération des salariés et dirigeants ;

4° Activités sociales et culturelles ;

[…] ;

6° Flux financiers à destination de l’entreprise, notamment aides publiques et crédits d’impôts ;

7° Sous-traitance ;

8° Le cas échéant, transferts commerciaux et financiers entre les entités du groupe.

Ces informations portent sur les deux années précédentes et l’année en cours et intègrent des perspectives sur les trois années suivantes.

Le contenu de ces informations est déterminé par un décret en Conseil d’Etat et peut varier selon que l’entreprise compte plus ou moins de trois cents salariés. Il peut être enrichi par un accord de branche ou d’entreprise ou, le cas échéant, un accord de groupe, en fonction de l’organisation et du domaine d’activité de l’entreprise.

Les membres du comité d’entreprise, du comité central d’entreprise, du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les délégués syndicaux et, le cas échéant, les délégués du personnel sont tenus à une obligation de discrétion à l’égard des informations contenues dans la base de données revêtant un caractère confidentiel et présentées comme telles par l’employeur.'»

L’article L 2323-7-3 créé par la loi précitée dispose':

«'Les éléments d’information contenus dans les rapports et informations transmis de manière récurrente au comité d’entreprise sont mis à la disposition de ses membres dans la base de données mentionnée à l’article L 2323-7-2 et cette mise à disposition actualisée vaut communication des rapports et informations au comité d’entreprise, dans les conditions et limites fixées par un décret en Conseil d’Etat.'

Les consultations du comité d’entreprise pour des événements ponctuels continuent de faire l’objet de l’envoi de ces rapports et informations.'»

Aux termes des dispositions de l’article 8 IV de la loi du 14 juin 2013, la base de données prévue à l’article L. 2323-7-2 du code du travail est mise en place dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi dans les entreprises de trois cents salariés et plus, et de deux ans dans les entreprises de moins de trois cents salariés, tandis que l’article L. 2323-7-3 du même code entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’Etat et, au plus tard, au 31 décembre 2016.

A cet égard, l’article 2 du décret n° 2013-1305 du 27 décembre 2013 a précisé':

«'Conformément aux dispositions du IV de l’article 8 de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, la base de données est mise en place à compter du 14 juin 2014 pour les entreprises d’au moins trois cents salariés et du 14 juin 2015 pour les entreprises de moins de trois cents salariés.

Au titre de l’année 2014 pour les entreprises d’au moins trois cents salariés et de l’année 2015 pour les entreprises de moins de trois cents salariés, les entreprises ne sont pas tenues d’intégrer dans la base de données mentionnée à l’article L. 2323-7-2 les informations relatives aux deux années précédentes.

Les éléments d’information contenus dans les rapports et informations transmis de manière récurrente au comité d’entreprise sont mis à la disposition de ses membres dans la base de données mentionnée à l’article L. 2323-7-2 au plus tard le 31 décembre 2016.'»

En application de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 entrée en vigueur le 1er janvier 2016, les articles L 2323-7-2 et L 2323-7-3 précités sont devenus respectivement les articles L 2323-8 et L 2323-9 du code du travail, ces nouvelles dispositions ayant en particulier ajouté un thème devant faire l’objet d’informations dans la base de données, celui de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l’entreprise.

Compte tenu de la date de l’assignation délivrée devant le tribunal de grande instance de Bobigny, ce sont ces dernières dispositions qui sont applicables au litige.

— sur les modalités d’accès à la base et la traçabilité des accès à la BDES':

A titre liminaire, la cour constate que si l’appelant consacre les pages 26 à 28 de ses conclusions à ces questions en faisant valoir que certains membres élus n’ont pas d’ordinateur et en reprochant à l’employeur la traçabilité des accès à la BDES, pour autant il ne formule dans le dispositif de ces conclusions aucune demande particulière à cet égard, de sorte que ces arguments ne peuvent être regardés que comme venant étayer la demande de dommages-intérêts pour entrave.

Or, aucun d’eux ne caractérise une entrave.

La société ZODIAC AERO ELECTRIC a mis en place la base de données de manière informatisée avec un accès sécurisé par codes nominatifs remis aux élus le 27 novembre 2015, donc avec près de dix-huit mois de retard, étant précisé qu’aucun accord d’entreprise n’a été conclu en application de l’article L 2323-7 du code du travail.

S’agissant de l’absence éventuelle de quelques ordinateurs, qui n’est pas établie mais non contestée, le CCE ne justifie pas avoir expressément demandé à l’employeur d’y remédier et en outre les élus qui en sont dépourvus peuvent accéder à la BDES avec les moyens informatiques du comité d’entreprise ou sur un poste informatique de l’entreprise, ainsi que le soutient l’intimée sans être contredite.

Il doit être relevé enfin qu’à la suite de la réunion de formation à l’outil BDES organisée le 22 octobre 2015 et du courrier du CCE du 03 décembre 2015, la direction a immédiatement par courrier invité les membres élus qui rencontreraient des difficultés dans l’utilisation de l’outil ou dans son accès à se rapprocher directement de la «'DRH'» (pièce n° 13 de l’intimée).

S’agissant de la traçabilité des accès à la BDES et en particulier du filigrane permettant le cas échéant d’identifier l’élu qui a procédé à une impression d’information, elle n’est pas contraire à la liberté syndicale et apparaît inévitable compte tenu du caractère sensible du secteur d’activité de l’entreprise qui nécessite la mise en place de codes nominatifs d’accès, aucun élément au dossier ne laissant supposer que l’employeur «'surveille qui consulte [la BDES] et qui imprime les documents'».

— sur la classification confidentielle des documents':

En vertu des dispositions alors applicables de l’article R 2323-1-8 du code du travail, les informations figurant dans la base de données qui revêtent un caractère confidentiel doivent être présentées comme telles par l’employeur qui indique la durée du caractère confidentiel de ces informations que les membres du comité d’entreprise, du comité central d’entreprise, du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les délégués syndicaux et, le cas échéant, les délégués du personnel sont tenues de respecter.

Aux termes de son courrier en date du 28 janvier 2016 (pièce n° 24 de l’appelant), la direction a demandé au CCE d’indiquer «'la confidentialité de quel document'» il contestait.

Il relève de la seule compétence de l’employeur de présenter certains documents comme étant confidentiels et les dispositions susvisées ne lui font pas obligation de justifier de la pertinence de ce classement, sauf abus caractérisé, même si une justification sommaire serait souhaitable.

En revanche, l’employeur est tenu d’indiquer la durée du caractère confidentiel de ces informations, l’absence de durée mentionnée ne satisfaisant pas aux prescriptions légales.

Si en l’espèce l’employeur n’a pas, à tort, indiqué la durée du caractère confidentiel des informations

classifiées comme telles, il ressort des productions et en particulier de la pièce n° 24 de l’intimée que la société n’a pas abusé de cette classification, la circonstance que le document «'évolution prévisionnelle des emplois'» soit estampillé confidentiel étant à cet égard insuffisante.

Il s’ensuit que l’entrave n’est pas caractérisée sur ce point, ainsi que l’ont retenu à juste titre les premiers juges.

— sur le contenu de la BDES':

Le CCE dresse une liste des documents manquants au regard des dispositions de l’article R 2323-1-3 du code du travail, créé par le décret n° 2013-1305 du 27 décembre 2013 applicable à la date de l’assignation (modifié ensuite par le décret n° 2016-868 du 29 juin 2016 essentiellement pour incorporer le thème de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes), et de celles de l’article L 2323-9 du même code applicables à compter du 1er janvier 2016 (anciennement L 2323-7-3) relatives aux éléments d’information transmis de manière récurrente au comité d’entreprise.

S’agissant de la liste des documents manquants relevant des secondes dispositions, la cour a déjà rappelé que l’article 2 du décret n° 2013-1305 du 27 décembre 2013 prévoit que les éléments d’information contenus dans les rapports et informations transmis de manière récurrente au comité d’entreprise sont mis à la disposition de ses membres dans la base de données mentionnée à l’article L. 2323-7-2 au plus tard le 31 décembre 2016.

Contrairement à l’argumentation du CCE, ce texte qui n’a pas été modifié notamment par la loi dite «'Rebsamen'» du 17 août 2015 est toujours d’actualité, de sorte que le comité qui critique le contenu de la BDES au cours des années 2015 et 2016 n’est pas fondé à reprocher à l’employeur l’absence dans cette base au cours de la période considérée d’une partie des documents transmis de manière récurrente.

S’agissant de la liste des documents manquants relevant des premières dispositions, l’article R2323-1-3 du code du travail concernant les entreprises d’au moins trois cents salariés dispose':

«'Dans les entreprises d’au moins trois cents salariés, la base de données (') comporte une présentation de la situation de l’entreprise, notamment le chiffre d’affaires, la valeur ajoutée, le résultat d’exploitation et le résultat net.

Elle rassemble les informations suivantes :

A.-Investissements :

1° Investissement social :

a) Evolution des effectifs par type de contrat, par âge, par ancienneté ;

b) Evolution des emplois par catégorie professionnelle ;

c) Situation en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et mesures prises en ce sens ;

d) Evolution de l’emploi des personnes handicapées et mesures prises pour le développer;

e) Evolution du nombre de stagiaires ;

f) Formation professionnelle : investissements en formation, publics concernés ;

g) Conditions de travail : durée du travail dont travail à temps partiel et aménagement du temps de travail, exposition aux risques et aux facteurs de pénibilité, accidents du travail, maladies professionnelles, absentéisme, dépenses en matière de sécurité ;

2° Investissement matériel et immatériel :

a) Evolution des actifs nets d’amortissement et de dépréciations éventuelles (immobilisations) ;

b) Le cas échéant, dépenses de recherche et développement ;

3° Pour les entreprises soumises aux dispositions du cinquième alinéa de l’article’L 225-102-1 du code de commerce, informations environnementales présentées en application de cet alinéa et mentionnées au 2° du I de l’article R. 225-105-1 de ce code.

B.-Fonds propres, endettement et impôts :

1° Capitaux propres de l’entreprise ;

2° Emprunts et dettes financières dont échéances et charges financières ;

3° Impôts et taxes.

C.-Rémunération des salariés et dirigeants, dans l’ensemble de leurs éléments :

1° Evolution des rémunérations salariales ;

a) Frais de personnel y compris cotisations sociales, évolutions salariales par catégorie et par sexe, salaire de base minimum, salaire moyen ou médian, par sexe et par catégorie professionnelle ;

b) Pour les entreprises soumises aux dispositions de l’article’L 225-115 du code de commerce, montant global des rémunérations mentionnées au 4° de cet article ;

2° Epargne salariale : intéressement, participation ;

3° Rémunérations accessoires : primes par sexe et par catégorie professionnelle, avantages en nature, régimes de prévoyance et de retraite complémentaire ;

4° Rémunérations des dirigeants mandataires sociaux telles que présentées dans le rapport de gestion en application des trois premiers alinéas de l’article L. 225-102-1 du code de commerce, pour les entreprises soumises à l’obligation de présenter le rapport visé à l’article’L 225-102'du même code.

D.-Activités sociales et culturelles :

1° Montant de la contribution aux activités sociales et culturelles du comité d’entreprise;

2° Dépenses directement supportées par l’entreprise ;

3° Mécénat.

E.-Rémunération des financeurs, en dehors des éléments mentionnés au B :

1° Rémunération des actionnaires (revenus distribués) ;

2° Rémunération de l’actionnariat salarié (montant des actions détenues dans le cadre de l’épargne

salariale, part dans le capital, dividendes reçus).

F.-Flux financiers à destination de l’entreprise :

1° Aides publiques ;

2° Réductions d’impôts ;

3° Exonérations et réductions de cotisations sociales ;

4° Crédits d’impôts ;

5° Mécénat.

G.-Sous-traitance :

1° Sous-traitance utilisée par l’entreprise ;

2° Sous-traitance réalisée par l’entreprise.

H.-Pour les entreprises appartenant à un groupe, transferts commerciaux et financiers entre les entités du groupe :

1° Transferts de capitaux tels qu’ils figurent dans les comptes individuels des sociétés du groupe lorsqu’ils présentent une importance significative ;

[…], fusions, et acquisitions réalisées.'»

Le CCE qui fait inexactement référence aux dispositions de l’article R 2323-1-4 concernant les entreprises de moins de trois cents salariés considère manquantes certaines informations relatives à la rémunération des salariés et dirigeants, dans l’ensemble de leurs éléments (C. 1° b), 3° et 4°), aux activités sociales et culturelles (D. 3°), à la rémunération des financeurs (E. 2°), aux flux financiers à destination de l’entreprise (F. 1°, 2°, 3° et 5°), à la sous-traitance (G. 1° et 2°) et aux transferts commerciaux et financiers entre les entités du groupe (H. 1° et 2°).

Cependant, il ressort des productions (notamment les bilans sociaux 2013, 2014 et 2015, le bilan au 31 août 2015, le rapport du commissaire aux comptes pour l’exercice clos au 31 août 2015) et d’un tableau figurant pages 35 et 36 des conclusions de la société ZODIAC AERO ELECTRIC que celle-ci justifie avoir communiqué la majeure partie des informations utiles au CCE.

Elle justifie suffisamment en outre du caractère non applicable de l’item C. 4° relatif aux rémunérations des dirigeants mandataires sociaux telles que présentées dans le rapport de gestion en application des trois premiers alinéas de l’article L. 225-102-1 du code de commerce, pour les entreprises soumises à l’obligation de présenter le rapport visé à l’article’L 225-102'du même code, dans la mesure où en tant que société par actions simplifiée elle n’est pas soumise aux dispositions de l’article L 225-102 du code de commerce, des items D. 3° et F. 5° relatifs au mécénat, l’entreprise n’ayant pas de démarche en la matière, de l’item E. 2° relatif à la rémunération de l’actionnariat salarié, en l’absence de plan d’actionnariat salarié, et de l’item G. 2° relatif aux sous-traitances réalisées par l’entreprise dans la mesure où précisément la société ZODIAC AERO ELECTRIC n’en réalise aucune.

Les demandes présentées à ces titres par le CCE ne peuvent dans ces conditions prospérer, la décision entreprise étant confirmée de ces chefs.

Par ailleurs, si les informations prospectives apparaissent encore insuffisantes (il est seulement justifié de l’existence d’un document afférent à l’évolution des effectifs par contrat, âge et ancienneté et de quelques rares tendances, non explicitées, pour les années 2016, 2017 et 2018 intégrées au bilan social de l’année 2015), il doit néanmoins être rappelé qu’en application de l’article R 2323-1-5 du code du travail applicable en la cause, les informations figurant dans la base de données portent certes également sur les trois années suivantes, mais «'telles qu’elles peuvent être envisagées'». Ce texte précise encore que «'ces informations sont présentées sous forme de données chiffrées ou à défaut, pour les années suivantes, sous forme de grandes tendances. L’employeur indique, pour ces années, les informations qui, eu égard à leur nature ou aux circonstances, ne peuvent pas faire l’objet de données chiffrées ou de grandes tendances, pour les raisons qu’il précise.'».

La seule circonstance que l’employeur n’ait pas précisé les raisons pour lesquelles les informations portant sur les années suivantes n’ont en général pas fait l’objet de données chiffrées ou de grandes tendances ne suffit pas à caractériser une situation d’entrave, étant précisé que l’absence de données prospectives ne constitue le fondement d’aucune demande spécifique du CCE.

— sur la lisibilité et la clarté des informations communiquées':

Aux termes des dispositions de l’article R 2323-1-2 du code du travail alors applicable, l’ensemble des informations de la base de données contribue à donner une vision claire et globale de la formation et de la répartition de la valeur créée par l’activité de l’entreprise.

En outre, l’alimentation de la BDES par l’employeur doit être loyale tant dans son contenu que sur la forme, afin de faciliter l’exploitation par les élus des informations transmises.

Ainsi que les premiers juges l’ont retenu avec pertinence, il appartient à l’employeur de faire un diagnostic des informations manquantes dans la BDES et d’y remédier, au besoin par des documents d’analyse et de synthèse, la seule compilation de documents existants, figurant in extenso sous plusieurs rubriques dans la base de données sans possibilité de cibler le ou les liens entre l’item ouvert et le document qui lui est attaché étant à cet égard insuffisante.

Toutefois, les documents transmis ont pu être consultés et la société ZODIAC AERO ELECTRIC indique sans être contredite avoir poursuivi le dialogue avec les élus et son prestataire la société ALTAYS en vue d’améliorer le logiciel, notamment en ce qui concerne la lisibilité des documents.

Il doit être relevé aussi que dans le cadre de la réunion extraordinaire du 10 janvier 2017, le CCE a certes rendu un avis négatif sur les orientations stratégiques mais a néanmoins noté «'des améliorations dans la présentation de la stratégie de la société, sur le fond comme sur la forme'» (pièce n° 41 de l’intimée).

Dans ces conditions, s’il doit être remédié aux difficultés de lisibilité et d’exploitation des informations transmises dans la BDES, celles-ci ne caractérisent pas une situation d’entrave, alors qu’aucun comportement déloyal de l’employeur n’est avéré.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

Sur les frais irrépétibles et les dépens':

La décision entreprise sera également confirmée en ce qu’elle a statué sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance.

Il apparaît équitable de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles qu’elle a exposés devant la cour.

Le CCE qui succombe sera condamné aux dépens d’appel

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne la recevabilité des contestations du CCE portant sur l’insuffisance des informations délivrées dans le cadre de la procédure de consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise de 2015';

Statuant à nouveau sur ce point,

Déclare irrecevables les contestations du comité central d’entreprise de la société ZODIAC AERO ELECTRIC portant sur l’insuffisance des informations qui lui ont été délivrées dans le cadre de la procédure de consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise de 2015';

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile';

Condamne le comité central d’entreprise de la société ZODIAC AERO ELECTRIC aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 8 mars 2018, n° 16/23663