Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 23 octobre 2019, n° 18/01878

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 3 - ch. 1, 23 oct. 2019, n° 18/01878
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/01878
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 7 décembre 2017, N° 16/0030
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRÊT DU 23 OCTOBRE 2019

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/01878 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B44C6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Décembre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 16/0030

APPELANTE

Madame X, Y, G Z

née le […] à […]

[…]

[…]

représentée par Me Jérôme CASEY de la SELARL CASEY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R100

ayant pour avocat plaidant Me Marianne AUVITY, avocat au barreau de PARIS, toque : R100

INTIMES

Madame L O M veuve Z

née le […] à […]

[…]

[…]

représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

ayant pour avocat plaidant Me Alexandra de SAINT-PIERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2212

Monsieur A, H Z

né le […] à […]

[…]

[…]

représenté et plaidant par Me Clémence BERTIN-AYNÈS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0548

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 03 Septembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Dorothée DARD, Président

Mme I J, Conseiller

Mme Catherine GONZALEZ, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme I J dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Dorothée DARD, Président et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE

Le 15 juillet 1954, K Z et Madame L M se sont mariés sans contrat de mariage préalable.

Deux enfants sont issus de cette union :

Madame X Z née en 1957,

Monsieur A Z né en 1967.

Par jugement du 2 décembre 2003, K Z a été placé sous tutelle, son épouse étant désignée tutrice.

K Z est décédé à […]) le […], laissant son épouse B et ses deux enfants.

Le 25 mai 2000, il avait rédigé son testament de la façon suivante :

'Etude Maître CARBONNIER-ROUGUER à ORGON,

Je soussigné,

Monsieur K A Z, retraité né à […] le […], époux de Madame L O M, demeurant et domicilié à […], […],

Déclare faire mon testament comme suit :

Aux termes d’un acte reçu en l’étude de Me13-ORGON, le 10 décembre 1999, mon épouse et moi-même avons procédé à un premier partage entre nos deux enfants,

Dans cet acte les biens partagés n’ont pas été attribués par parts égales entre nos enfants,

Notre fille X a reçu notre appartement de PARIS pour une valeur de 1 675 500f,

Notre fils A a reçu des actions de la Société anonyme 'Hôtel du Danemark’ pour une valeur de 3202740f,

En procédant de cette manière, notre volonté était de tenir compte à notre fils A du fruit de son activité dans l’hôtel sans qu’il ait reçu un salaire correspondant.

En effet, la valeur actuelle des actions est due essentiellement à l’énergie et au travail qu’il effectue depuis de nombreuses années, notre propre activité allant en diminuant pendant ces dernières années,

Par ailleurs, il est certain que dans la mesure où nous conservons l’usufruit d’une grande part des actions, l’activité de notre fils nous assurera des revenus substantiels pour notre retraite,

En conséquence, pour rétablir cette situation, je lègue à mon fils A la totalité de la quotité disponible des biens qui composeront ma succession.

En cas de prédécès de notre fils A, je lègue cette même quotité à ses ayants droit en ligne directe

Fait à Paris

le 25.5.2000

(signature)'

Bénéficiaire d’une donation au dernier vivant depuis le 3 juin 1966, Madame L M a opté pour la totalité de la succession en usufruit.

Estimant que ses droits n’étaient pas respectés, Madame X Z a, par actes des 22 et 23 décembre 2015, assigné sa mère Madame L M et son frère Monsieur A Z devant le tribunal de grande instance de PARIS, afin de voir prononcer la nullité du testament du 25 mai 2000 et de la donation partage du 10 décembre 1999, re-qualifier en donations déguisées les acquisitions immobilières réalisées par Monsieur A Z entre 1990 et 2008 et ordonner les opérations de compte liquidation et partage de la succession de K Z ainsi que de la communauté ayant existé entre le défunt et son épouse.

Dans son jugement rendu le 8 décembre 2017, le tribunal de grande instance de PARIS a statué en ces termes :

- Rejette les demandes d’X Z tendant à :

. déclarer donations déguisées du défunt les acquisitions des biens suivants faites par A Z:

' le 28 mars 1995 : un parking quai de Jemmapes à PARIS,

' le 12 juin 1992 : un parking […],

' un terrain et un corps de ferme à E,

' un appartement à BIARRITZ,

' les 4 juillet 1995, 7 juin 2001 et 25 novembre 2008 trois appartements au […],

' les parts de la SCI VAVIN-BREA,

. déclarer nulle une donation partage du 10 décembre 1999 et le testament du 25 mai 2000;

. subsidiairement, ordonner une expertise afin de :

' évaluer les biens donnés, la société Hôtel du Danemark et la valeur réelle du loyer payé par cette société,

' déterminer l’origine des fonds ayant permis les acquisitions de A Z;

- Rejette la demande de A Z tendant à :

. condamner X Z à contribuer seule aux éventuels intérêts et pénalités réclamés par l’administration fiscale pour le défaut de paiement de sa quote-part des droits de succession;

- Ordonne le partage judiciaire de la communauté des époux Z-M et de la succession de K Z;

- Désigne pour y procéder Maître Agnès STORME, notaire associé de la SCP MICHELEZ & ASSOCIES exerçant […];

- Rappelle que les parties devront remettre au notaire commis toutes les pièces utiles à l’accomplissement de sa mission;

- Rappelle que le notaire commis devra dresser un projet d’état liquidatif dans le délai d’un an à compter de sa désignation;

- Dit qu’à défaut pour les parties de signer l’état liquidatif, le notaire devra transmettre au greffe de la 2e chambre (2e section) un procès verbal de dires et son projet d’état liquidatif;

- Commet un juge de la 2e chambre (2e section) du tribunal de grande instance de PARIS pour surveiller ces opérations;

- Rejette les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

- Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et seront partagés par les copartageants à proportion de leurs parts respectives;

- Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement.

Par déclaration en date du 17 janvier 2018, Madame X Z a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

**********************

Dans ses conclusions régularisées le 25 juin 2019 Madame X Z formule les prétentions suivantes :

— Infirmer la décision du tribunal de grande instance de PARIS en ce qu’il :

Rejette les demandes d’X Z tendant à :

. déclarer donations déguisées du défunt les acquisitions des biens suivants faites par A Z:

' le 28 mars 1995 : un parking quai de Jemmapes à PARIS,

' le 12 juin 1992 : un parking […],

' un terrain et un corps de ferme à E,

' un appartement à BIARRITZ,

' les 4 juillet 1995, 7 juin 2001 et 25 novembre 2008 trois appartements au […],

' les parts de la SCI VAVIN-BREA,

. déclarer nulle une donation partage du 10 décembre 1999 et le testament du 25 mai 2000;

. subsidiairement, ordonner une expertise afin de :

' évaluer les biens donnés, la société Hôtel du Danemark et la valeur réelle du loyer payé par cette société,

' déterminer l’origine des fonds ayant permis les acquisitions de A Z;

Rejette les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement;

— Dire que le testament de Monsieur K Z du 25 mai 2000 est nul pour insanité d’esprit;

— Dire que la donation partage du 10 décembre 1999 est nulle pour insanité d’esprit;

— Constater que l’ensemble des acquisitions de Monsieur A Z sont requalifiées en donations indirectes;

— Ordonner le rapport des donations indirectes reçues par Monsieur A Z;

— Ordonner une mesure d’instruction technique afin de déterminer la valeur des immeubles requalifiés en donations indirectes ainsi que de la SAS HOTEL DU DANEMARK et de la SCI VAVIN BREA;

— Condamner Monsieur A Z à verser à la requérante la somme de 8000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile;

— Dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de compte liquidation et partage avec

distraction selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile.

Madame X Z fait valoir que :

' la maladie d’Alzheimer est une maladie qui entraîne de manière progressive la perte des fonctions mentales. L’établissement du diagnostic ne fait que révéler l’installation et l’évolution antérieures de la maladie dégénérative. Le premier juge n’a pas tiré les conséquences des troubles substantiels constatés au cours de l’année 2000 : troubles de concentration, désorientation temporo-spatiale, syndrome amnésique cortical et atteinte des fonctions instrumentales et exécutives, alors même que ces troubles jettent un doute sérieux sur les capacités de compréhension du défunt au moment de la rédaction des actes en litige. Le contexte médical rendait impossible de partir du postulat que K Z était sain d’esprit. Le score de 24/30 au test MMS effectué en juin 2000 démontre un état de démence. C’est donc aux intimés de démontrer que les actes en litige ont été passés dans un intervalle de lucidité.

' en raison de la faible importance des rémunérations qu’il a perçues Monsieur A Z n’a pas pu procéder aux investissements immobiliers qu’il a réalisés entre 1990 et 2008, pour une valeur actuelle minimale de 11833210€, sans un apport familial. Ses parents se sont d’ailleurs servis de cette situation à plusieurs reprises pour justifier les avantages qu’ils lui ont octroyés. Ils ont toujours manifesté une préférence à son égard parce qu’il a repris l’entreprise familiale. Le défunt s’est appauvri car sa succession ne comporte pas de biens immobiliers alors qu’il disposait de revenus conséquents.

' la mise en oeuvre d’une expertise est justifiée par la nécessité d’évaluer des immeubles et des parts sociales.

**********************

Dans ses conclusions régularisées le 12 juillet 2018, Monsieur A Z formule les prétentions suivantes :

— Confirmer le jugement rendu le 8 décembre 2017 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a rejeté ses prétentions fondées sur l’article 700 du code de procédure civile;

— Débouter Madame X Z de toutes ses demandes;

— Condamner Madame X Z à lui payer une somme de 5000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile;

— Condamner Madame X Z aux entiers dépens d’appel.

Monsieur A Z fait valoir que :

' l’appelante inverse la charge de la preuve de l’état des facultés mentales de son père parce qu’elle sait pertinemment que celui-ci pouvait valablement consentir des libéralités au profit de ses enfants. Elle n’a d’ailleurs pas réagi lorsqu’elle a accepté la donation partage du 10 décembre 1999. Le fait qu’au cours de l’année 2000, K Z ait été affecté par certains troubles, notamment sur le plan de la mémoire, n’entraîne pas automatiquement une incapacité juridique. Le score MMS de 24/30 obtenu en juin 2000 ne caractérise aucune incapacité pour une personne n’ayant pas fait d’études. Au dessus de 20/30, les patients sont d’ailleurs considérés comme étant au stade léger de la maladie. Il n’existe aucun élément médical qui permettrait de retenir que le défunt n’aurait pas été en mesure de rédiger les actes litigieux. La mesure de tutelle n’a été sollicitée que trois années après la rédaction du testament et K Z n’a été placée en maison médicalisée qu’au cours de l’année 2007. Aucun élément intrinsèque au testament ne suggère une insanité d’esprit et sa veuve affirme

qu’il avait la capacité de passer les actes en litige, étant rappelé qu’il était alors âgé de 72 ans. En réalité, Madame X Z ne cherche qu’à remettre en cause les avantages dont son frère a bénéficié conformément aux voeux de ses parents.

' l’appelante ne rapporte pas plus la preuve que le défunt aurait consenti à son fils des donations déguisées. Elle ne démontre pas qu’il s’est appauvri puisque l’actif successoral net dépasse la somme de 600 000€ ce qui ne constitue pas une valeur résiduelle. Elle ne caractérise pas plus une intention libérale. Il a en effet financé ses diverses acquisitions immobilières par ses propres moyens et il a dû s’endetter à de nombreuses reprises pour réaliser ses investissements.

' l’expertise sollicitée par l’appelante ne saurait être ordonnée pour suppléer sa carence dans la charge de la preuve.

********************

Dans ses conclusions régularisées le 10 juillet 2018, Madame L M veuve Z formule les prétentions suivantes :

— Confirmer le jugement du 19 décembre 2017 en toutes ses dispositions;

— Débouter Madame X Z de l’ensemble de ses demandes;

— Ordonner l’emploi des dépens en frais généraux de partage.

Madame L M veuve Z fait valoir que :

' il n’y a pas de donations déguisées, puisqu’aucun mensonge n’est caractérisé sur la nature des actes d’acquisition en litige. Il n’y a pas lieu à la mise en oeuvre d’une mesure d’expertise.

' son époux était parfaitement sain d’esprit lorsque la donation partage a été régularisée ainsi qu’à l’époque de la rédaction du testament. Lors de la donation partage toute la famille s’est rendue en train chez le notaire dans les Bouches du Rhône, l’acte ayant préalablement été discuté en famille. Les éléments médicaux produits aux débats ne permettent pas de caractériser une insanité d’esprit en 1999 et 2000 mais uniquement un commencement de la maladie d’Alzheimer.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le mardi 2 juillet 2019.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,

Sur la demande de nullité de la donation partage du 10 décembre 1999 et du testament de K Z en date du 25 mai 2000 pour insanité d’esprit

Par application de l’article 901 du code civil 'pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit'. La nullité d’une libéralité est donc encourue, lorsqu’il est établi que les facultés intellectuelles de son auteur étaient gravement altérées, voire inexistantes, au moment où il a donné ou légué.

C’est à celui qui invoque la nullité d’une libéralité de prouver, par tous moyens, que le donateur ou le testateur n’était pas sain d’esprit au moment de l’acte critiqué, l’état habituel de la personne à l’époque de l’acte en litige pouvant être pris en compte pour apprécier l’existence ou non d’une insanité d’esprit.

Madame X Z démontre que son père, K Z, a consulté au cours de l’année 2000 en raison de troubles de mémoire remarqués par son épouse, qui se sont installés de façon très progressive au cours des quatre ou cinq années précédentes. Selon un certificat établi le 5 juin 2000 par le Docteur C, spécialiste en neurologie (pièce 9 appelante), sollicité par le médecin traitant du défunt, l’hypothèse d’une maladie d’Alzheimer 'débutante’ a été émise, en raison d’un trouble installé de la mémoire et d’une incapacité à imiter certains gestes (apraxie réflexive), sans toutefois que le patient ne puisse réaliser des gestes coordonnés dans un but précis (absence d’apraxie constructive). Il a été noté un début de perte d’autonomie, car il ne gérait pas lui même la prise de ses médicaments, mais il continuait à prendre seul l’autobus pour le même trajet et faisait encore des courses seul.

Le score MMS qui a alors été réalisé s’est élevé à 24/30, ce qui correspond à un stade léger de la maladie d’Alzheimer, selon la fiche de pharmacothérapie produite aux débats (pièce 25 appelante).

De façon générale, il résulte des documents d’information communiqués par Madame X Z au sujet de la maladie d’Alzheimer, que le diagnostic n’est le plus souvent posé que plusieurs années après l’installation très progressive d’une dégradation des fonctions cognitives (tout particulièrement troubles de la mémoire), ce qui gêne la mise en place de mesures ou de traitements précoces (pièces 7 et 8 appelante). Après ce qui est désigné comme une plus ou moins longue phase pré-démentielle, le diagnostic est posé ou confirmé par l’importance de la dépendance, qui se manifeste dans la vie quotidienne.

Le cheminement long de la maladie ne permet pas de présumer que, dès ses premiers signes, le patient serait privé de discernement. C’est ainsi qu’il ne peut pas être déduit du placement sous tutelle de K Z en décembre 2003, sur le fondement d’un certificat du Docteur D en date du 7 juillet 2003, mettant en exergue une dépendance moyenne dans les actes de la vie quotidienne et une incapacité totale de gérer ses biens, que le défunt aurait été privé de toute faculté de comprendre les actes patrimoniaux accomplis en 1999 et 2000. Aucun élément de nature médicale ne justifie de projeter l’état existant en 2003 sur l’état de santé de K Z en 1999 et 2000, même s’il était déjà porteur de la maladie à cette époque, car celle-ci ne se manifeste et ne s’aggrave que progressivement.

La description de la maladie en 2006 (pièce 11 appelante), faisant état d’un score MMS de 3/30 et d’un comportement moteur aberrant ne fait également que conforter l’installation de la maladie et sa progression depuis de nombreuses années pour aboutir à un tableau sévère (pièce 25 appelante).

L’existence de la maladie dès l’année 2000, puis son aggravation, ne sont ainsi pas de nature à caractériser une atteinte grave et constante des fonctions cognitives du défunt à la fin de l’année 1999 et lors de la rédaction de son testament en mai 2000. En faisant simplement état des éléments annonciateurs de la maladie en 2000, Madame X Z ne rapporte pas la preuve de l’insanité d’esprit de K Z au moment des actes en litige, puisque l’évolution ultérieure de la maladie n’a pas d’incidence rétroactive, du fait de sa nature progressive.

Il sera ajouté que l’absence d’apraxie constructive notée par le Docteur C, en juin 2000, ainsi que l’absence d’atteinte générale des fonctions cognitives sont confortées par la lecture du testament olographe rédigé le 25 mai 2000 (pièce 4 appelante), qui met en évidence une écriture à la fois régulière et très lisible et un raisonnement cohérent exprimé clairement pour justifier ses dispositions.

Aucune attestation de l’entourage de K Z, faisant état d’une démence installée en 1999 et 2000, n’a été produite par Madame X Z.

Pour ce qui concerne l’acte de donation partage du 10 décembre 1999 (pièce 30 A Z), Madame X Z ne peut pas raisonnablement soutenir qu’elle n’y aurait consenti qu’après la

seule lecture de la partie de l’acte la concernant, puisque, d’une part, son paraphe figure sur toutes les pages de l’acte (pièce 30 J.Z) et dès lors, d’autre part, qu’il est rappelé, en page 2 de l’acte, qu’avant sa régularisation, Monsieur et Madame K Z ont proposé à leurs enfants de procéder à cette donation partage par parts inégales, ce qu’ils ont accepté. Il résulte, en outre, de la lecture de l’acte de donation partage que toutes les parties se sont déplacées à ORGON (Bouches du Rhône) pour la régularisation de l’acte auprès du notaire de la famille et qu’aucune réserve n’a alors été émise sur la capacité de K Z, alors que ce point a été abordé en page 14 de l’acte (qui précise qu’aucune des parties ne bénéficie d’un régime de protection civile prévu pour les incapables majeurs).

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a débouté Madame X Z de sa demande de nullité de la donation partage du 10 décembre 1999 et du testament du 25 mai 2000, faute de démonstration d’une insanité d’esprit de K Z au moment des actes en litige.

Sur la demande de re-qualification en donations indirectes des acquisitions immobilières et des parts de la SCI VAVIN BREA réalisées par Monsieur A Z entre 1990 et 2008

La donation indirecte résulte d’un acte volontairement déséquilibré (ainsi une vente pour un prix lésionnaire) ou d’un acte neutre (renonciation à un droit) motivé par une intention libérale et se traduisant par un appauvrissement et un enrichissement corrélatifs.

Lorsque son existence est constatée, elle doit faire l’objet d’un rapport à la succession conformément aux dispositions de l’article 843 du code civil.

Madame X Z soutient que son frère n’a pas pu constituer son patrimoine immobilier avec ses seules ressources et que c’est le défunt qui a, en réalité, financé ces acquisitions, ce qui explique que l’actif net de la succession de K Z soit d’un montant modeste et ne comporte pas de bien immobilier (conclusions page 18). Selon l’appelante, K Z a choisi d’agir pour que son fils s’enrichisse plutôt que de s’enrichir lui-même.

Les pièces produites aux débats (notamment pièces 14,15,16,17,18,19 et 20 appelante) établissent que Monsieur A Z a procédé aux acquisitions immobilières suivantes :

DATES

Biens immobiliers

PRIX

Observations

28/3/[…]

19 260€

(85 000F)

Vente par un tiers

Prêt de 30 000F (pièce 12 intimé)

12/6/[…]

30 029€

(140 000F)

Vente par un tiers

4/7/1995

[…], […]

76 986€

(505 000F)

Vente par un tiers

Offre de prêt de 180 000F le 14 juin 1995

7/6/2001

[…]

106 714€

(700 000F)

Vente par un tiers

En juin 2001 ré-aménagement d’un prêt pour 250 000F sur 60 mois (pièce 14 intimé)

17/12/2004 Petite propriété rurale à E

faisant l’objet pour partie d’un bail à

57 930€ Vente par Mme N Z

veuve F (tante de A

ferme (pièce 10 intimé)

Z)

Délai de paiement pour partie du prix à 6 mois.

25/11/2008 […], […]

[…]

190 000€

Vente par un tiers (indivision de 34 personnes)

Prêt de 90 000€ sur 84 mois

(pièce 15 intimé)

15/10/2014 Bien immobilier à BIARRITZ

180 000€

Privilège de prêteur de deniers du CIC SUD OUEST pour 180 000€

(pièce 16 appelante)

Dans aucune de ces opérations, le défunt n’a eu la qualité de vendeur et un prêt, même partiel, a été souscrit pour la plupart des acquisitions. D’autre part, il ressort de l’analyse des avis d’imposition produits par Monsieur A Z (pièce 19 intimé), que son salaire a augmenté de façon substantielle à compter de l’année 1999, puisqu’il est passé de 285 639F en 1998 à 446898F en 1999 pour se stabiliser à 562 000F (soit plus de 7000€ par mois) environ à compter de l’année 2000, même en y ajoutant l’acquisition des 3930 parts de la SCI VAVIN BREA pour un montant de 137204€, au cours de l’année 2002 (ce qui correspond à 20% du total des acquisitions réalisées depuis l’année 2001), ne représente plus de trois fois le revenu annuel de Monsieur A Z, étant souligné que toutes les acquisitions postérieures ont fait l’objet de délais de paiement ou de prêts. Il en est de même pour la première acquisition effectuée en 1990 au regard du seul bulletin de paie émis en 1987 et produit pour cette période (pièce 18 intimé). Il ne peut dès lors être considéré comme démontré que les revenus de Monsieur A Z auraient été manifestement insuffisants – sur la période écoulée depuis 1990 jusqu’en 2014 – pour lui permettre de procéder à ses investissements immobiliers, d’autant qu’aucune indication ne permet de retenir qu’il aurait dû assumer des charges courantes élevées à un moment quelconque de ces 24 années.

Il ne peut, d’autre part, être déduit de l’analyse du projet de déclaration de succession établi à la suite du décès de K Z (pièce 1 appelante) que l’actif net de succession (314653€) constitué de la moitié de l’actif net de communauté (629306€) concrétiserait un appauvrissement volontaire du défunt au profit de son fils. Cet actif relativement modeste peut parfaitement être justifié par le fait que le défunt et son épouse se sont préoccupés à l’avance du transfert de leur patrimoine, en particulier avec la donation partage en date du 10 décembre 1999 ayant organisé la transmission au profit de leurs enfants de leur appartement à PARIS et de leur entreprise, étant rappelé que tous les frais et les droits de mutation inhérents à cet acte ont été assumés par eux.

Si les acquisitions immobilières réalisées par Monsieur A Z entre 1990 et 2014 révèlent un accroissement certain de son patrimoine, ils ne permettent aucunement d’en déduire que leur financement aurait été assuré par un appauvrissement corrélatif du défunt.

Il est établi que, par acte authentique en date du 28 novembre 1997 (pièce 21 appelante), K Z et son épouse, et leur fils Monsieur A Z, ont constitué la SCI VAVIN BREA au capital de 817 600F. Pour constituer ce capital, Monsieur A Z a procédé à un apport en numéraire de 30 000F (pièce 21 intimé), en contrepartie duquel il a reçu 300 parts de 100F. Le défunt et son épouse ont apporté la nue propriété d’un immeuble sis […] et […], pour une valeur de 787 600F (soit 7876 parts de 100F). Il a été précisé que la SCI VAVIN BREA n’aurait la jouissance de l’immeuble apporté, qu’à compter du décès du survivant de Monsieur et Madame K Z (page 5 des statuts).

L’acte constitutif des statuts précise que Monsieur et Madame Z ont acquis un tiers de cet immeuble en 1981, pour la somme de 210 000F, et les deux autres tiers en 1983, pour la somme de 420000F.

Par acte authentique en date du 17 mai 2002 (pièce 22 appelante), Monsieur et Madame K Z ont cédé chacun 3930 parts de la SCI VAVIN BREA à leur fils Monsieur A Z pour le prix de 137 204,12€ (soit 900 000F), soit pour 17,45€ (114,50F) par part sociale, ce qui représente une augmentation de valeur de 14,50% depuis la constitution de la société ou par rapport à la valeur nominale du capital social. A la suite de cette cession, le capital social s’est réparti en 8 parts pour chacun des époux Z et 8160 parts pour Monsieur A Z.

Madame X Z soutient que ces opérations ont abouti à rendre son frère propriétaire d’un immeuble entier de 5 étages à PARIS 6e, par le biais du règlement de son apport initial de 4573€ (30000F) et de la cession de parts sociales réalisée le 17 mai 2002 pour 137 204€, alors que le bien immobilier en question est d’une valeur minimale de 10 931 900€, soit un écart de 10 000 000€ en faveur de Monsieur A Z au préjudice de ses parents, et d’elle même dans le cadre de la liquidation de la succession de son père K Z.

Pour justifier que cette cession de parts opère une donation indirecte au profit de son frère, elle produit une évaluation du m² (12 878€ à 15 617€) des appartements et maisons dans le 6e arrondissement de PARIS, publiée par le site MeilleursAgents.com (pièce 23 appelante).

S’il est exact que le bien immobilier se situe dans un quartier parisien très apprécié et recherché, cette présentation de la valeur actuelle supposée de l’immeuble ne tient pas compte de l’écoulement du temps depuis la constitution de la SCI VAVIN BREA, il y a 22 ans, ainsi que depuis la cession des parts il y a plus de 17 ans (12 ans au décès de K Z), de la réserve d’usufruit totale au profit de ses parents puis du survivant de ceux-ci (ce qui équivaut à une absence quasi totale de ressources locatives pour la SCI depuis 22 ans et pour une durée indéterminée), de l’état de l’immeuble et de sa superficie utile exacte, cela sans même prendre en compte l’existence possible d’un bail au profit de la société commerciale qui exploite l’hôtel se trouvant dans les lieux. Ces éléments cumulés ne permettent pas de caractériser un avantage à la fois certain et substantiel au profit de Monsieur A Z au préjudice de ses parents, qui aurait été commandé par une intention libérale, puisque le montage opéré a permis de leur garantir la jouissance des revenus de l’immeuble (au travers de leur qualité conservée d’usufruitiers de l’immeuble depuis la constitution de la SCI), sans assumer les soucis de gestion qui lui étaient inhérents.

L’existence d’une donation indirecte au travers de la transmission à Monsieur A Z, de la nue propriété de l’immeuble exploité par une société commerciale, grâce à la constitution de la SCI VAVIN BREA, n’est donc pas rapportée.

Madame X Z doit donc être déboutée de sa demande de rapport à ce titre.

Sur la demande d’expertise présentée par Madame X Z

Madame X Z explique que l’évaluation des biens, dont Monsieur A Z est propriétaire est essentielle pour démontrer l’existence de donations indirectes (qualifiées de donations déguisées dans le corps des conclusions – page 19).

Toutefois, la seule évaluation, sous-évaluation ou sur-évaluation d’un bien ne permet pas de caractériser une donation indirecte, laquelle suppose en outre une intention libérale du donateur et son appauvrissement (notion qui n’est pas seulement comptable mais peut intégrer les modalités de gestion d’un bien), faits juridiques qui relèvent d’une appréciation juridictionnelle et non d’une expertise technique. En l’espèce, l’expertise sollicitée ne peut avoir pour vocation de démontrer une intention libérale du défunt, lequel a clairement voulu s’assurer des ressources, dans les meilleures

conditions, lors de sa retraite (et en assurer également à son épouse), ainsi que préparer sa succession.

La seule évolution économique sur 20 années qui s’est traduite par la croissance du tourisme et des prix immobiliers parisiens, au profit apparent de Monsieur A Z, n’est pas de nature à caractériser une donation indirecte du fait de l’écart (supposé) entre les patrimoines respectifs des deux enfants du couple Z.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’expertise.

Il est équitable de condamner Madame X Z à payer à Monsieur A Z une somme de 3000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, étant précisé que le jugement n’est pas infirmé en ce qu’il a rejeté la prétention formée à ce titre en première instance.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que les dépens de première instance seront employés en frais privilégiés de partage.

En revanche, les dépens d’appel seront mis à la charge de Madame X Z.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Madame X Z à payer à Monsieur A Z une somme de

3000€ par

application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame X Z aux dépens d’appel.

Le Greffier, Le Président,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 23 octobre 2019, n° 18/01878