Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 25 septembre 2019, n° 18/02717

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 3 - ch. 1, 25 sept. 2019, n° 18/02717
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/02717
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 18 décembre 2017, N° 17/01197
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2019

(n° , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/02717 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B47AU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Décembre 2017 – Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 17/01197

APPELANTE

Madame J Z veuve X

née le […] à […]

[…]

représentée par Me Pétra LALEVIC, avocat au barreau de PARIS, toque : D0524

ayant pour avocat plaidant Me Emmanuelle GROS, avocat au barreau de PARIS

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2018/001550 du 16/05/2018 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMES

Monsieur K B

né le […] à […]

[…]

représenté et plaidant par Me Léon DAYAN de la SCP DAYAN PLATEAU VILLEVIEILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0423

Madame L X épouse Y

née le […] à […]

[…]

Monsieur M X

né le […] à […]

[…]

Monsieur N X

né le […] à […]

[…]

Madame I-AG A

née le […] à […]

[…]

représentés et plaidant par Me Xavier PRUGNARD DE LA CHAISE de la SELARL CABINET DE LA CHAISE, avocat au barreau de PARIS, toque : R157

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 11 Juin 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Dorothée DARD, Président

Mme O P, Conseiller

Mme AE GONZALEZ, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme O P dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Dorothée DARD, Président et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE

Le 9 janvier 2014, Q X, né le […] à […], s’est I avec Madame J Z, née le […], sans contrat de mariage préalable.

Les époux ont résidé ensemble dans un appartement, sis […], lequel appartement était le bien propre de Q X, suite à une succession.

Le 20 octobre 2015, Q X a rédigé un testament olographe en faveur de son épouse, aux termes duquel il lui léguait la moitié de l’appartement, l’autre moitié étant léguée à Madame I AG A.

Suite à l’aggravation de son état de santé, affecté par un cancer, Q X a dû être hospitalisé le

11 décembre 2015, puis transporté le 15 décembre 2015 à l’unité de soins palliatifs de l’hôpital Cognac Jay de PARIS 15e.

Il est décédé le […], des suites de son cancer, au centre hospitalier Cognac Jay.

Le 21 décembre 2015, le testament olographe du 20 octobre 2015 a été déposé à l’étude de Maître MOULIADE, notaire à PARIS.

Quelques mois après, Madame Z veuve X a été informée, par un notaire, de l’existence d’un testament authentique en date du 15 décembre 2015.

Aux termes de ce dernier testament, authentique, Q X a révoqué toutes dispositions antérieures et légué ses biens comme suit :

—  27,50% au profit de son épouse;

—  15% au profit de Madame L X sa soeur;

—  15% au profit de Monsieur M X, son frère;

—  15% au profit de Monsieur N X, son frère;

—  27,50€ au profit de Madame A, sa fille de coeur.

En outre, ce testament prive Madame Z de son droit viager au logement et rappelle le montant des sommes qu’il doit à Monsieur B.

C’est dans ces circonstances que, par acte en date du 13 décembre 2016, Madame J Z veuve X a assigné Madame L X épouse Y, Monsieur M X, Monsieur N X, Madame I AG A et Monsieur K B devant le tribunal de grande instance de PARIS, aux fins de voir prononcer la nullité du testament en date du 15 décembre 2015.

Dans son jugement rendu le 19 décembre 2017, le tribunal de grande instance de PARIS a statué en ces termes :

- Déboute Madame J Z de la demande de nullité du testament authentique de Q X du 15 décembre 2015;

- Ordonne le partage judiciaire de sa succession;

- Désigne pour y procéder Maître François BAUCHET, notaire à PARIS;

- Commet tout juge de la 2e chambre pour surveiller ces opérations;

- Rappelle que les parties devront remettre au notaire commis toutes les pièces utiles à l’accomplissement de sa mission;

- Rappelle que le notaire commis pourra s’adjoindre, si la valeur ou la consistance des biens le justifie, un expert choisi d’un commun accord entre les parties ou, à défaut, désigné par le juge commis;

- Dit que le notaire commis pourra, si nécessaire, interroger le fichier FICOBA pour retrouver les coordonnées de tous les comptes bancaires, même joints, ouvertes par le défunt;

- Rappelle que le notaire commis devra dresser un projet d’état liquidatif dans le délai d’un an à compter de sa désignation;

- Rappelle qu’à défaut pour les parties de signer cet état liquidatif, le notaire devra transmettre au greffe de la 2e chambre un procès verbal de dires et son projet de partage;

- Rappelle que les copartageants peuvent, à tout moment, abandonner les voies judiciaires et poursuivre le partage à l’amiable;

- Condamne les consorts X, Madame A et Madame J Z en leur qualité d’ayants droit de la succession d’Q X et chacun à proportion de leurs droits, à payer à Monsieur K B la somme de 15 000€ outre les intérêts au taux légal de 3% à compter du 31 décembre 2016;

- Condamne l’indivision successorale à payer à Monsieur K B la somme de 5000€ au titre du remboursement des frais d’obsèques;

- Juge Madame J Z redevable d’une indemnité d’occupation envers la succession depuis le 16 décembre 2016 au titre de la jouissance privative du bien immobilier sis […];

- Rejette toutes autres demandes;

- Ordonne l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage;

- Ordonne le renvoi de la procédure à l’audience de mise en état du 25 juin 2018;

- Ordonne l’exécution provisoire.

Madame J Z veuve X a régulièrement interjeté appel de ce jugement, par déclaration en date du 30 janvier 2018.

******************

Dans ses conclusions régularisées le 23 avril 2018, Madame J Z veuve X formule les prétentions suivantes :

— Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de PARIS en ce qu’il a débouté Madame Z veuve X de sa demande d’annulation du testament et la réformation du jugement en ce que le tribunal a ordonné le partage de la succession, commis un notaire pour ce faire, condamné les consorts X, A et Z à payer à K B la somme de 15 000€ outre les intérêts au taux légal au taux de 3% à compter du 31 décembre 2016, condamné l’indivision à payer à K B la somme de 5000€ au titre du remboursement des frais d’obsèques, jugé Madame Z redevable d’une indemnité d’occupation;

Statuant de nouveau,

— Dire et juger qu’il est établi par les pièces du dossier que Monsieur Q X souffrait à la date de rédaction du testament de troubles mentaux exclusifs de toute manifestation d’un consentement éclairé;

— Déclarer en conséquence nul et de nul effet le testament en cause par application de l’article 901 du code civil;

— Condamner solidairement Madame L X, Monsieur M X, Monsieur N X, Madame I AG A et Monsieur K B à lui payer la somme de 2500€ par application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens;

— Débouter Madame L X, Monsieur M X, Monsieur N X, Madame I AG A et Monsieur K B de l’ensemble de leurs demandes contraires.

Madame Z veuve X fait valoir que :

' une libéralité ne peut être valable que si elle a été consentie par une personne saine d’esprit. Pour apprécier les facultés mentales de la personne, qui a consenti une libéralité, il est possible de prendre en compte des éléments de fait extérieurs à l’acte lui même, comme les hospitalisations. En l’espèce, le testament en litige a été établi le jour même du transfert du défunt dans un établissement de soins palliatifs. Il est établi que l’état de Q X s’était fortement aggravé depuis le mois de décembre 2015 : une sonde nasogastrique avait dû être installée et de nombreux médicaments affectant la vigilance et la conscience lui avaient été prescrits. Dans cet état, le défunt n’a pas pu prendre la mesure des conséquences de l’acte qu’il signait, sans doute sous la contrainte morale de sa famille et de Monsieur B. Lors de son arrivée à l’unité de soins palliatifs, le médecin a noté qu’il était peu communicant et qu’il présentait une légère confusion. Le médecin chef de service a, quant à lui, indiqué que l’état constaté le 15 décembre 2015 n’était pas compatible avec une capacité neuro-psychique du patient d’exprimer sa volonté ou de signer un document quel qu’il soit.

' les circonstances d’établissement du testament dans l’unité de soins palliatifs sont particulièrement douteuses. Maître C n’est pas le notaire habituel de Q X. Les deux témoins sont un partenaire commercial de Monsieur B et l’ex-épouse d’un frère du défunt. Celui-ci n’a pas pu appeler le notaire, ni le payer, puisqu’il était dépourvu de tout effet personnel lors de son transfert. Le tracé de la signature apposé sur le testament pose la question de la date effective de cette signature. Les certificats médicaux produits n’émanent pas de son médecin traitant et n’ont pas pu être établis sur sa demande.

' les époux ont été en bons termes jusqu’au décès et, dans ces circonstances, la privation du droit viager au logement est incompréhensible. Ces bonnes relations sont prouvées par le fait que le défunt a désigné son épouse comme personne de confiance pendant son hospitalisation jusqu’à son décès et aucun autre membre de la famille.

' la réalité des prêts qui auraient été consentis par Monsieur B au défunt, qui sont évoqués dans le testament, n’est aucunement établie ni confortée par le moindre élément bancaire. Il n’est pas plus démontré par Monsieur B qu’il aurait personnellement réglé les frais d’obsèques. Aucune indemnité d’occupation ne peut être due, puisque le conjoint survivant bénéficie de plein droit, pendant une année, de la jouissance gratuite du domicile conjugal.

**********************

Dans leurs conclusions régularisées le 24 juillet 2018, Madame L X épouse Y, Monsieur M X, Monsieur N X, Madame I AG A formulent les prétentions suivantes :

— Débouter Madame Z de l’ensemble de ses prétentions;

— Confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de licitation du bien immeuble dépendant de la succession;

— Réformer le jugement sur ce point;

Statuant à nouveau,

— Autoriser la licitation du bien au prix de 500 000€;

— Condamner Madame Z à payer une somme de 3000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile;

— La condamner aux entiers dépens.

Madame L X épouse Y, Monsieur M X, Monsieur N X, Madame I AG A font valoir que :

' l’altération du discernement du défunt lors de l’établissement de son testament authentique n’est aucunement démontrée. Les nouvelles pièces produites ne permettent pas de modifier l’analyse du dossier. C’est ainsi que le docteur D certifie que le défunt était parfaitement capable d’exprimer sa volonté, ce qui est conforté par plusieurs autres pièces, dont certaines sont produites par l’appelante elle-même.

' la validité du testament authentique est, d’autre part, non seulement confortée par les conditions dans lesquelles il a été établi avec notaire et témoins, mais encore par la cohérence de ses dispositions, puisque les legs bénéficiant à Madame Z et Madame A sont confirmés mais leur ratio simplement réduit au profit des frères et soeur, dont le défunt était resté proche.

' le partage judiciaire de la succession doit être confirmé, ainsi que la désignation du notaire pour y procéder. La licitation du bien immobilier faisant partie de la succession doit être ordonnée, dès lors qu’il est justifié que le bien a une valeur comprise entre 500 000€ et 590 000€.

*******************

Dans ses conclusions régularisées le 21 juin 2018, Monsieur K B formule les prétentions suivantes :

— Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 19 décembre 2017 par le tribunal de grande instance de PARIS sauf en ce qu’il a débouté Monsieur K B de sa demande de condamnation au remboursement de la somme de 122 270€ mentionnée dans la reconnaissance de dette notariée en date du 19 février 2015;

Statuant à nouveau,

— Condamner l’indivision successorale à payer à Monsieur K B la somme de 122270€ outre les intérêts au taux légal depuis le 1er janvier 2018;

— Condamner Madame Z à lui payer une somme de 3000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile;

— Condamner Madame Z aux entiers dépens avec distraction.

Monsieur K B fait valoir que :

' le défunt était parfaitement lucide lorsque le testament authentique a été établi en présence du notaire et de deux témoins. Le notaire avait d’ailleurs pris la précaution d’obtenir la consultation du Docteur D pour certifier que Q X était en possession de toutes ses facultés intellectuelles. Lui même n’était pas présent à l’hôpital lorsque le testament a été établi.

' il était l’ami du défunt depuis plus de 50 ans et il a réglé les frais d’obsèques, car l’actif successoral disponible n’était pas suffisant pour assumer ces frais. La famille du défunt a été présente lors de son hospitalisation jusqu’à son décès. Le testament ne contient aucune incohérence, puisqu’il se borne à partager son patrimoine entre sa famille, son épouse, et sa fille prétendue, tout en réitérant sa volonté de rembourser les prêts qui lui ont été consentis.

' le désaccord manifeste entre les indivisaires justifie que le partage judiciaire du patrimoine successoral soit ordonné.

' la reconnaissance de dette pour une somme de 122 770€ a d’abord été établie par écrit sous seing privé en date du 27 décembre 2014, puis réitérée par acte authentique en date du 19 février 2015. L’indivision successorale doit être condamnée à régler cette dette, qui est devenue exigible, depuis le jugement dont appel.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le mardi 28 mai 2019.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,

Dans son testament olographe en date du 20 octobre 2015 (pièce 7 appelante), Q X a pris les dispositions suivantes, littéralement rapportées :

'Pour Notaire. Ceci est mes dernier volonté.

Je lègue l’appartement du […] pour moitié à Z J X et pour l’autre moitié à I A ma fille. l’hypothèque sera payée sur la part de ma fille.

ce ce soit m’est dernier vololonté. Lu et approuvé . signature

PS Ma femme J restera vivre dans cette appartement jusqu’au jour de son décès. signature. à Paris 20-10-2015.

PS Tous les meubles et la cave sont pour ma femme J ma femme. signature '.

Moins de deux mois après la rédaction de ce testament olographe, le 15 décembre 2015, Q X, alors hospitalisé à l’hôpital Cognac Jay, en unité de soins palliatifs, a dicté ses dernières volontés dans un testament authentique (pièce 4 consorts X et A qui ont produit l’original), sous l’égide de Maître R S, en présence de deux témoins (Monsieur T U et Madame V W), dans les termes suivants :

'Ceci est mon testament.

Je révoque toute disposition antérieure.

Je lègue à mon épouse, Madame J Z, 27,50% de l’ensemble des biens meubles et immeubles composant ma succession.

Je prive mon épouse de son droit viager au logement sur l’appartement qui m’appartient et que nous occupons à PARIS(11e) […]s.

En revanche, elle bénéficiera pendant 1 an, si elle le désire, de son droit temporaire au logement.

Le surplus de mon patrimoine sera réparti de la manière suivante :

- 15% pour ma soeur L X, épouse Y, née à […]) le […];

- 15% pour mon frère M X, né à […]) le […];

- 15% pour mon frère N X, né à PARIS, le […];

- 27,50% pour Madame I AG A, née à E (Cameroun) le […].

Bien entendu, ces legs s’exécuteront après le règlement de l’ensemble de mes dettes, et notamment:

. de la somme de 122 770€ due à Monsieur K B, né le […] à […], demeurant à […], […], ainsi qu’il résulte d’un acte de prêt reçu le 19 février 2015 par Me MIRALLES, notaire à PARIS,

. de la somme de 15 000€ due audit Monsieur K B, ainsi qu’il résulte d’une reconnaissance de dette sous seing privé en date du 20 novembre 2015.

Je souhaite être enterré dans le carré juif du cimetière de BAGNEUX.

Ce testament a été écrit en entier par Me R S, notaire soussigné, de sa main, tel qu’il lui a été dicté par le testateur, puis Me R C l’a lu au testateur qui a déclaré le bien comprendre, le trouver conforme à sa volonté et y persévérer, le tout en la présence continue des deux témoins…….

Et après lecture faite, le testateur a signé avec les deux témoins et le notaire soussigné, le tout en la présence réelle continue et simultanée des deux témoins'.

La validité de ce testament authentique est contestée par Madame J Z veuve X, au motif que le défunt ne disposait pas des facultés nécessaires pour prendre de telles dispositions, en pleine connaissance de cause.

Par application de l’article 901 du code civil 'pour faire une libéralité il faut être sain d’esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol, ou la violence'.

Il incombe à Madame J Z veuve X de démontrer l’insanité d’esprit du défunt, et/ou l’erreur, le dol ou la violence, qui ont pu vicier son consentement.

L’absence de consentement valable doit, d’autre part, être appréciée à la date de l’acte en litige, c’est à dire le 15 décembre 2015, l’état antérieur du défunt pouvant cependant être pris en compte s’il est significatif.

Il est établi que, depuis le mois de mars 2015, l’état de santé de Q X était très dégradé du fait d’une affection de longue durée, qui n’était pas curable, ce qui explique qu’il ait, dès cette époque, fait l’objet d’une orientation en soins palliatifs à domicile (pièce 17 appelante), avec des périodes d’hospitalisation successives.

Il n’existe, cependant, aucun élément médical ou autre permettant de retenir que son état physique dégradé se serait traduit par une altération de ses facultés mentales, avant son admission finale, le 15 décembre 2015, dans l’unité de soins palliatifs de l’hôpital Cognacq-Jay. Le fait que son état ait nécessité, dès le mois d’avril 2015, la présence permanente d’une personne à ses cotés (pièces 11 et 12 appelante), se justifie par les soins, les traitements et les besoins quotidiens, mais non par une quelconque altération des facultés mentales. Si Madame Z veuve X conteste la validité du testament authentique, elle ne conteste d’ailleurs pas le testament olographe daté du 20 octobre 2015, puisqu’elle en revendique l’application.

L’extrême gravité de l’affection (cancer de la vessie) dont Q X était atteint n’avait pas d’incidence directe sur sa conscience et son raisonnement, sous réserve éventuellement des traitements mis en oeuvre.

Madame J Z veuve X fait néanmoins valoir que le cumul de l’état physique dégradé de son époux avec le traitement de sortie (de confort), mis en oeuvre le 15 décembre 2015 par l’équipe médicale de l’hôpital Saint Joseph, dans le cadre du transfert à l’hôpital Cognacq-Jay, ne permettait pas au défunt de dicter le testament en litige, le jour même de son arrivée en unité de soins palliatifs.

A l’appui de son analyse de la situation, Madame J Z veuve X produit une attestation établie le 18 janvier 2018 par Madame AA F, médecin chef de service de l’unité de soins palliatifs de l’hôpital Cognacq-Jay (pièce 29 appelante), selon laquelle 'l’état du patient rapporté par le médecin le 15 décembre 2015 n’est pas compatible avec une capacité neuro-psychique pour le patient à exprimer sa volonté ou à signer un document quel qu’il soit'. Préalablement à cet avis, le docteur F souligne, qu’à son arrivée en soins palliatifs, le médecin ayant accueilli Q X a noté qu’il était peu communicant et confus et qu’il présentait de nombreux dispositifs médicaux consistant notamment en une perfusion en intraveineuse périphérique et en une sonde naso-gastrique en aspiration douce.

Il se déduit des termes de cette attestation que ce n’est pas le Docteur F qui a accueilli Q X en soins palliatifs, le 15 décembre 2015, puisqu’elle reprend les indications fournies dans le compte rendu d’hospitalisation rédigé le 23 décembre 2015 par le Docteur G (pièce 28 appelante).

Dans ce compte rendu, il est effectivement indiqué qu’à son arrivée à l’unité de soins palliatifs Q X était peu communicant avec une légère confusion.

Il est toutefois précisé deux lignes plus loin que le patient est 'conscient, orienté, mais limitation volontaire de la communication', ce qui est un premier indicateur que, même affaibli et équipé de plusieurs dispositifs médicaux, Q X était, en tous cas, encore apte à manifester sa volonté et à la faire comprendre par un tiers.

Il est, par ailleurs, établi que, le 11 décembre 2015, Q X a exprimé sa volonté que son épouse soit désignée en tant que personne de confiance (pièce 26 appelante) et a signé le formulaire prévu à cet effet par l’hôpital Saint Joseph. Selon le suivi des consignes et de l’état du patient établi à l’hôpital Cognacq Jay entre le 16 décembre 2015 et le […] (date du décès de Q X) le patient a été interrogé par le personnel médical, pour savoir quelle personne de confiance il souhaitait désigner. Il est indiqué que, le 16 décembre 2015, à 16h47, 'le patient affirme clairement que sa personne de confiance est son épouse' et non sa soeur, malgré les dires de celle-ci, la veille.

Il résulte de cette mention explicite que le défunt pouvait donc toujours exprimer sa volonté à la date du 16 décembre 2015.

S’il est regrettable que le Docteur AB D n’ait pas précisé dans quelles circonstances et en quels lieux il avait pu examiner le défunt, il reste qu’aux termes des deux certificats qu’il a établis les 14 et 15 décembre 2015 (pièce 5 consorts X et pièce 7 Mr B) Q X était en possession de toutes ses facultés intellectuelles.

Aux termes d’une attestation rédigée le 20 décembre 2016, Madame V W (témoin du testament authentique – pièce 8 consorts X) indique qu’elle rendait visite à Q X lorsqu’il lui a été demandé d’être le témoin de ses dernières volontés. Elle indique que le défunt a répondu clairement aux questions du notaire et qu’elle a pris le soin de reposer certaines questions pour 'savoir si Monsieur X le voulait vraiment'.

Au regard de ces éléments concordants, émanant de sources diverses (médecins des soins palliatifs, infirmières, désignation de personne de confiance par le défunt, médecin extérieur, témoin), il ne peut être considéré comme démontré que Q X n’aurait plus disposé de ses facultés intellectuelles dès le 15 décembre 2015. A cet égard, la seule attestation contraire du Docteur F, qui n’a pas vu personnellement le défunt, est insuffisante à établir une absence des facultés mentales de Q X, à la date du testament authentique.

Le rapport établi le 31 mai 2017 (sur la base des documents médicaux qui lui ont été communiqués), par le Docteur AC AD (pièce 11 consorts X), psychiatre inscrit sur la liste des médecins spécialistes, ne fait que confirmer que la gravité de l’état somatique du défunt ne l’empêchait pas d’être conscient de sa situation et d’être cohérent, ce qui se trouve conforté par les énonciations du compte rendu d’hospitalisation du 23 décembre 2015 qui rapporte, qu’au cours de son séjour en unité de soins palliatifs, la somnolence s’est majorée rapidement (elle n’était donc pas complète à son arrivée), et que le patient a lui-même accepté qu’une information minimale soit donnée à sa famille sur son état.

S’il est ainsi tout à fait exact que le patient était équipé de dispositifs médicaux et soumis à une médication très lourde destinée à traiter des douleurs sévères, les effets de ces dispositifs et médicaments ne peuvent être considérés comme ayant été exclusifs d’une conscience et des facultés de raisonnement requises pour le testament en litige.

Au demeurant, les dispositions du testament ne révèlent aucune incohérence, puisque le défunt prend en compte toutes les personnes de son entourage proche (parenté et épouse), sans oublier Monsieur K B, son créancier.

Il ne résulte pas plus de l’attestation de Madame AE AF (pièce 34 appelante), expert graphologue, que la signature apposée sur le testament authentique ne serait pas celle du défunt puisqu’elle indique que 'la signature portée au nom de Monsieur Q X (page 3 et dernière du testament du 15 décembre 2015) est vraisemblablement, d’après nos confrontations, une signature de Monsieur Q X'.

Au regard des pièces versées aux débats, il est établi qu’il existait un différend ou un climat de suspicion entre les parents (frères et soeur) du défunt et sa dernière épouse (pièces 17 et 40 appelante et pièce 10 consorts X). Cette situation ne permet pas de présumer d’une quelconque pression de la famille sur le défunt, ni de son insanité d’esprit lors de l’élaboration du testament authentique.

En revanche, elle est susceptible expliquer que les deux parties de la famille du défunt aient évolué parallèlement, sans se rencontrer ou en se rencontrant le moins possible, pendant la dernière hospitalisation de Q X.

Madame J Z veuve X ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l’absence de consentement du défunt lors de l’établissement du testament authentique en date du 15 décembre 2015. Elle doit donc être déboutée de ses prétentions en nullité de ce testament, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur les sommes réclamées par Monsieur K B

Monsieur K B réclame le paiement d’une somme de 15 000€ au titre d’une reconnaissance de dette sous seing privé en date du 20 novembre 2015 (pièce 10 M. B).

Il réclame également le paiement d’une somme de 122 770€ au titre d’une reconnaissance de dettes établie par acte authentique en date du 19 février 2015 (pièce 8 Mr B). Selon cet acte, la dette a à la fois été reconnue et garantie par une hypothèque conventionnelle de premier rang portant sur les lots 5 et 6 de l’immeuble sis […]. La validité de cette inscription d’hypothèque n’était prévue que jusqu’au 1er janvier 2019, le prêt de 122770€ devant être remboursé le 1er janvier 2018 au plus tard.

Pour s’opposer à ces prétentions, Madame J Z veuve X soutient que les reconnaissances seraient sans cause, car aucune somme n’aurait jamais été prêtée par Monsieur B au défunt. Elle indique dans ses conclusions que Monsieur K B 'ne produit pas un seul chèque ou une seule preuve de virement qu’il aurait effectué au bénéfice de Monsieur X…' (conclusions page 12).

Les relevés de compte CAISSE D’EPARGNE (pièce 35 appelante) produits par Madame J Z veuve X démontrent, toutefois, que, pour l’année 2014 seulement, produite pour partie (notamment le relevé de mai n’est produit que partiellement alors qu’il intègre un crédit CARDIF de plus de 67000€) des opérations ont bien été enregistrées au profit d’Q X en provenance du compte de Monsieur K B : il existe ainsi un crédit de 120€ enregistré le 3 janvier 2014 à titre d’avance exceptionnelle, puis un virement crédité pour 5200€ enregistré le 11 juillet 2014 sous l’intitulé 'succession Mme H'.

Madame J Z veuve X ne peut donc pas soutenir qu’il n’y aurait pas eu de mouvements de fonds au profit de Q X et au débit du compte de Monsieur K B.

L’existence des dettes est, en tout état de cause, parfaitement établie par l’acte sous seing privé et l’acte authentique ci-dessus rapportés.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a condamné Madame L X épouse Y, Monsieur M X, Monsieur N X, Madame I-AG A et Madame J Z veuve X à payer à Monsieur K B la somme de 15000€ au titre de la reconnaissance sous seing privé établie le 20 novembre 2015. Cet acte ayant prévu le paiement d’intérêts au taux de 3% pour le cas où le remboursement n’aurait pas eu lieu à la date du 30 décembre 2016, la somme de 15 000€ doit produire intérêts au taux de 3% depuis le 31décembre 2016, le jugement étant également confirmé sur ce point.

Le jugement doit être infirmé en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande de Monsieur K B pour la reconnaissance de dette consacrée par l’acte authentique du 19 février 2015 au motif que la dette n’était pas encore exigible.

Le remboursement ayant été prévu pour le 1er janvier 2018, la dette est désormais exigible dans son intégralité. Bien que l’acte authentique ait prévu des intérêts conventionnels au taux de 5% à compter du 1er janvier 2018, Monsieur K B ne sollicite, dans le dispositif de ses conclusions, que l’application du taux légal depuis le 1er janvier 2018. Le point de départ du taux légal étant sollicité depuis le point de départ des intérêts conventionnels (et non depuis une mise en demeure ou réclamation conformément au droit commun), il doit s’en déduire que le taux légal se substitue au taux conventionnel, ce qui exclut, pour l’avenir, l’application éventuelle de la majoration de 5 points prévue par l’article L 313-3 du code monétaire et financier, qui est inhérente à l’application pure et simple du taux légal.

Madame L X épouse Y, Monsieur M X, Monsieur N X, Madame I-AG A et Madame J Z veuve X, indivisaires successoraux de Q X, doivent donc être condamnés chacun, à proportion de leurs droits dans la succession, à payer à Monsieur K B la somme de 122 770€ avec intérêts au taux légal (de nature conventionnelle) depuis le 1er janvier 2018.

Sur les frais d’obsèques

Il est établi par une facture des Pompes Funèbres Générales (PFG) en date du 22 décembre 2015 (pièce 11 M. B), afférente à l’enterrement d’Q X, libellée à l’ordre de Monsieur K B, que c’est celui-ci qui a réglé ces frais puisque la facture mentionne que le solde dû est néant (sur une prestation de 5000€).

Madame J Z veuve X s’oppose à cette demande sans fournir quelque élément que ce soit qui irait à l’encontre des mentions figurant sur la facture, ni même soutenir qu’elle aurait réglé elle-même les frais funéraires.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a condamné Madame L X épouse Y, Monsieur M X, Monsieur N X, Madame I-AG A et Madame J Z veuve X à rembourser à Monsieur K B les frais qu’il a engagés pour les frais d’obsèques.

Sur les indemnités d’occupation sollicitées contre Madame J Z veuve X

Madame J Z veuve X soutient qu’elle n’est redevable d’aucune indemnité d’occupation pour la jouissance du seul actif immobilier successoral, parce que l’article 763 du code civil prévoit que le conjoint survivant a droit à la jouissance gratuite du logement qu’il occupait à titre d’habitation principale au moment du décès.

La jouissance gratuite prévue par l’article 763 du code civil, au profit du conjoint survivant, est toutefois limitée à une durée d’un an depuis le décès.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a dit que Madame J Z veuve X était redevable d’une indemnité d’occupation (dont le montant n’a pas été chiffré), sous la réserve que le point de départ de cette indemnité d’occupation doit être fixé au 20 décembre 2016 et non au 16 décembre 2016, Q X étant décédé le […] et non le 15 décembre 2015.

Sur la demande de licitation de l’appartement sis […]

Cette demande a été rejetée en première instance, faute de production du moindre élément permettant de connaître les caractéristiques et la valeur vénale du bien immobilier.

Madame L X épouse Y, Monsieur M X, Monsieur N X, Madame I-AG A produisent désormais une estimation immobilière établie le […], après visite des lieux, par l’agence GUY HOCQUET, sise […] (pièce 12 consorts X). Compte tenu de la configuration et de la superficie de l’appartement (3 pièces de 66,92m² avec cave) dans un immeuble en pierre de taille avec ascenseur et de sa situation à proximité du 12e arrondissement, la valeur vénale proposée a été fixée à la somme de 590 000€ soit 8800€ environ par m².

Cette évaluation est en concordance avec l’évaluation (470 000€) figurant dans une attestation de propriété immobilière établie le 28 juillet 2014, rappelée dans l’acte authentique de reconnaissance de dette dressé le 19 février 2015 (page 9).

La consistance de l’actif successoral et la nécessité de régler les dettes du défunt justifient que la vente du bien immobilier (lots 5 et 6) outre une cave, sis […]

11e soit ordonnée en audience des criées sur une mise à prix de 500 000€ avec faculté de baisse du quart, puis du tiers en cas d’absence d’enchères.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur les prétentions accessoires

Il est équitable de condamner Madame J Z veuve X qui succombe dans l’ensemble de ses prétentions à payer aux consorts X d’une part et à Monsieur K B d’autre part une somme de 1200€ chacun par application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a :

— débouté Monsieur K B de sa demande de paiement par la succession de la somme de 122270€ au titre de la reconnaissance de dette authentique du 19 février 2015;

— fixé la date de départ de l’indemnité d’occupation dont Madame J Z veuve X est redevable au 16 décembre 2015 ;

— débouté les consorts X de leur demande de licitation du bien immobilier sis […] ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE Madame L X épouse Y, Monsieur M X, Monsieur N X, Madame I-AG A et Madame J Z veuve X en qualité d’ayants droit de la succession d’Q X et chacun à proportion de ses droits dans cette succession, à payer à Monsieur K B une somme de

122 770€ avec intérêts au taux légal

(de nature conventionnelle) depuis le 1er janvier 2018 ;

DIT que le point de départ de l’indemnité d’occupation dont Madame J Z veuve X est redevable pour sa jouissance privative de l’appartement de 3 pièces sis […] doit être fixé au 20 décembre 2015 ;

ORDONNE la licitation en audience de criées du tribunal de grande instance de PARIS de l’appartement de 3 pièces (lots 5 et 6 d’une superficie de 66,92m²), outre une cave, sis à l’entresol de l’immeuble du […]s et […] à […], […] et […], sur une mise à prix de 500 000€ avec faculté de baisse du quart, puis du tiers, en cas d’absence d’enchères ;

DIT que le notaire commis établira un cahier des charges de la vente qui sera déposé au greffe du tribunal de grande instance de PARIS (chambre des criées) ;

DIT que la publicité sera celle prévue par les articles R 322-31 à R 322-35 du code des procédures civiles d’exécution et par des insertions dans le journal LE PARISIEN, ainsi que sur le site LICITOR.COM ;

CONDAMNE Madame J Z veuve X à payer à Madame L X épouse Y, Monsieur M X, Monsieur N X, Madame I-AG A (consorts X), d’une part, et à Monsieur K B, d’autre part, une somme de

1200€ chacun (soit 2400€ au total) par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE l’emploi des dépens et de licitation en frais privilégiés de partage.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 25 septembre 2019, n° 18/02717