Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 9 janvier 2020, n° 18/22848

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Chronologie de l’affaire

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www.flpavocats.com · 4 octobre 2021

Mise en jeu de la garantie de passif : l'importance d'instaurer une procédure de suivi et de contrôle post acquisition Droit des sociétés Il ne sert pas à grand-chose de négocier des garanties d'actifs et de passifs (« GAP) si leur mise en jeu est trop tardive par rapport aux conditions prévues par le contrat. Le risque est, en effet, de ne pas pouvoir la faire valablement jouer si les délais d'information des préjudices au garant ne sont pas respectés. Plusieurs arrêts rendus en 2019 et 2020 nous rappellent l'importance du suivi attentif des garanties de passif. Fort logiquement ils …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 9, 9 janv. 2020, n° 18/22848
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/22848
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 17 octobre 2018, N° 2017022884
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRÊT DU 09 JANVIER 2020

(n° , 16 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/22848 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6SZI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Octobre 2018 -Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2017022884

APPELANTE :

SAS EXABEL agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège

Immatriculé au RCS de sous le numéro

Ayant son siège social 231 rue Saint-Honoré

[…]

représentée par Me Audrey MEGRET ROTH MEYER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1091,

représentée par Me L-philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053

INTIMÉS :

Monsieur F X

[…]

[…]

né le […] à […]

Madame H Y

[…]

[…]

née le […] à […]

Monsieur L-M Z

[…]

[…]

né le […] à SAINT-CLOUD (92)

SA MIDWAY Société de droit luxembourgeois prise en la personne de son liquidateur volontaire Monsieur J K, domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social […]

1528 LUXEMBOURG

représentés par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056,

représentés par Me Alexia SAMPIERI, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Novembre 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère et Madame Aline DELIERE, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Q R, Présidente de chambre

Mme Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère

Mme Aline DELIERE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme O P

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Q R, Présidente de chambre et par Madame O P, Greffière présente lors du prononcé.

*****

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Etel consulting est une société par actions simplifiée, créée en 2000, ayant pour activité l’assistance technique dans le domaine de l’informatique.

Le 9 février 2015 un protocole de cession et d’acquisition d’actions a été signé entre les quatre actionnaires de la société Etel consulting et la société Exabel, par lequel les parties convenaient de la cession au profit de la société Exabel de la totalité des 876 actions composant le capital social de la société Etel consulting, au prix de 2 300 000 euros, soit 2625,57 euros par action.

La somme de 2 100 000 euros a été payée comptant par le cessionnaire et le solde, soit 200 000 euros, devait être payé aux cédants à hauteur de 100 000 euros le 30 juin 2017 et le 30 juin 2018. Il était stipulé que les cédants consentaient à ce que ce crédit-vendeur soit affecté à la garantie d’actif et de passif.

Le 19 février 2015 les parties ont signé une convention de garantie d’actif et de passif aux termes de laquelle les cédants garantissaient le cessionnaire à hauteur de 400 000 euros HT au maximum, à un certain nombre de conditions précisées dans l’acte, sur la base des comptes clôturés au 31 décembre 2014.

Par courrier du 29 décembre 2016 la société Exabel a sollicité la mise en oeuvre par les cédants de la garantie et leur a réclamé la somme totale de 394 024,05 euros à titre de réduction du prix de cession. Par courrier du 14 janvier 2017 les cédants ont contesté devoir la somme réclamée. La société Exabel a renouvelé sa réclamation par courriers des 10 avril et 19 juillet 2017.

Le 5 avril 2017 la société Midway, société de droit luxembourgeois, M. F X, Mme H Y et M. L-M Z (les cédants) ont assigné la société Exabel devant le tribunal de commerce de Paris en paiement du complément de prix de cession des parts sociales de 200 000 euros restant dû et pour faire juger que les prétentions de la société Exabel au titre de la garantie d’actif et de passif ne sont pas fondées.

Par jugement du 18 octobre 2018 le tribunal de commerce de Paris a :

— condamné la société Exabel à payer à la société Midway, M. X, Mme Y et M. Z la somme de 200 000 euros dans les 15 jours suivant la signification du jugement, avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2016 pour la moitié, à compter du 30 juin 2017 pour l’autre moitié, et sous une astreinte de 500 euros par jour de retard à l’issue des 15 jours, et ce pendant une période de 30 jours à l’issue de laquelle il sera fait droit à nouveau en cas de non exécution,

— débouté la société Exabel de sa demande de 17 170 euros au titre du complément de CVAE,

— débouté la société Exabel de sa demande de 2502,30 euros au titre de la facture de CEGOS,

— condamné la société Midway, M. X, Mme Y et M. Z à payer à la société Exabel la somme de 17 450 euros au titre des factures FEELEUROPE,

— débouté la société Exabel de sa demande de 7500 euros au titre de la facture FIRMALLIANCE,

— débouté la société Exabel de sa demande d’indemnisation à hauteur de 108 379,50 euros au titre de congés payés non soldés,

— débouté la société Exabel de sa demande de 17 800 euros au titre du litige A,

— débouté la société Exabel de sa demande de 41 507,20 euros et des frais d’avocat de 4803,60 euros au titre du litige C,

— condamné la société Midway, M. X, Mme Y et M. Z à payer à la société Exabel la somme de 15 950 euros au titre du litige D,

— débouté la société Exabel de sa demande de 5014,88 euros au titre du litige TECHSOFT/ E,

— débouté la société Exabel de sa demande de 3 000 euros au titre des frais d’avocat du litige D,

— débouté la société Exabel de sa demande d’indemnisation de 45 000 euros au titre des factures «'supplémentaires'» de 2014,

— débouté la société Exabel de sa demande d’indemnisation à hauteur de 124 499,50 euros au titre des facturations en excès de 2013 et 2014,

— débouté la société Exabel de sa demande de 14 500 euros au titre de la créance douteuse sur VISIWARE,

— codamné la société Exabel à payer à la société Midway, M. X, Mme Y et M. Z la somme de 39 100 euros provenant de reprises de provisions pour litiges salariaux,

— ordonné la compensation,

— en conséquence, condamné la société Exabel à payer aux vendeurs la somme de 203 565,12 euros dans les 15 jours suivant la signification du jugement, avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2016 pour 100 000 euros, du 30 juin 2017 pour 103 505,12 euros, à répartir entre les vendeurs au prorata du nombre d’actions de la société Etel consulting qu’iIs détenaient lors de la cession (soit pour la société Midway, 267 actions ou 30,4795 % ; pour M. X, 267 actions ou 30,4795 % ; pour Mme Y, 267 actions ou 30,4795 % ; pour M. Z, 75 actions ou 8,5616 %) , et sous une astreinte de 500 euros par jour de retard à l’issue des 15 jours, et ce pendant une période de 30 jours à l’issue de laquelle il sera fait droit à nouveau en cas de non- exécution,

— condamné la société Exabel à payer à la société Midway, M. X, Mme Y et M. Z la somme de 7 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire.

La société Exabel a fait appel le 23 octobre 2018.

Elle expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 11 juillet 2019 auxquelles il est renvoyé en application de l’article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.

Elle conclut à l’infirmation du jugement sauf en ce qu’il a :

— condamné la société Midway, M. X, Mme Y et M. Z à lui payer la somme de 17 450 euros au titre des factures FEELEUROPE,

— condamné la société Midway, M. X, Mme Y et M. Z à lui payer la somme de 15 950 Euros au titre du litige D.

Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de :

— dire et juger qu’elle est recevable à mettre en jeu la garantie d’actif et de passif du 19 février 2015,

— dire et juger qu’elle est titulaire d’une créance indemnitaire de 400 000 euros à l’encontre de la société Midway, M. X, Mme Y et M. Z sur le fondement de la garantie d’actif et de passif du 19 février 2015,

— condamner conjointement la société Midway, M. X, Mme Y et M. Z à lui payer cette somme, soit 121 920 euros à la charge de la société Midway, M. X et Mme Y, chacun, et 34 240 euros à la charge de M. Z,

— ordonner la compensation entre la créance indemnitaire de 400 000 euros et le solde du prix de cession de 200 000 euros, soit un solde de 200 000 Euros à payer conjointement par les cédants selon la ventilation suivante : 60 960 Euros à la charge de la société Midway, M. X et Mme Y, chacun, et la somme de 17 120 euros à la charge de M. Z,

— condamner conjointement la société Midway, M. X, Mme Y et M. Z à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Midway, M. X, Mme Y et M. Z exposent leurs moyens et leurs demandes dans leurs dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 17 avril 2019 auxquelles il est renvoyé en application de l’article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.

Ils demandent à la cour de juger que les prétentions d’activation de la garantie d’actif et de passif formulées par la société Exabel sont irrecevables pour non respect des délais de notification stipulés dans la convention de garantie d’actif et de passif.

Subsidiairement, si la cour déclare l’action recevable, ils lui demandent :

— de confirmer le jugement en ce qu’il a :

* condamné la société Exabel à leur payer la somme de 200 000 euros et fixé les conditions du paiement,

* débouté la société Exabel de ses demandes de 17 170 euros au titre du complément de CVAE et de 2502,30 euros au titre de la facture de CEGOS, de sa demande d’indemnisation à hauteur de 7500 euros au titre de la facture FIRMALLIANCE et à hauteur de 108 379,50 euros au titre de congés payés non soldés, de ses demandes de 17 800 euros au titre du litige A, de 41 507,20 euros et des frais d’avocats de 4803,60 euros au titre du litige C, de 5014,88 euros au titre du litige TECHSOFT / E, de 3 000 euros au titre des frais d’avocat du litige D, de 45 000 euros au titre des factures « supplémentaires » de 2014, de 124 499,50 euros au titre des facturations en excès de 2013 à 2014, de 14 500 euros au titre de la créance douteuse sur VISIWARE et de 39 100 euros provenant de reprises de provisions pour litiges salariaux.

* ordonné la compensation,

* en conséquence, condamné la société Exabel à payer aux vendeurs la somme de 203 565,12 euros et fixé les conditions du paiement,

* condamné la société Exabel à leur payer chacun la somme de 7000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— d’infirmer le jugement en ce qu’il les a condamné à payer à la société Exabel la somme de 17 450 euros au titre des factures FEELEUROPE et celle de 15 950 euros au titre du litige D.

Ils demandent à la cour, statuant à nouveau de :

— condamner la société Exabel à leur verser les sommes complémentaires de 17 450 euros et 15 950 euros,

— en tout état de cause, constater que les parties ont expressément convenu que les garants ne seraient pas tenus solidairement de toute éventuelle condamnation au titre de la garantie d’actif et de passif et débouter la société Exabel de sa demande de condamnation, in solidum, à hauteur de 400 000 euros à leur encontre sur le fondement de la garantie d’actif et de passif,

— débouter la société Exabel de sa demande tendant à voir ordonner la compensation entre sa créance indemnitaire de 400 000 euros et le solde du prix de cession de 200 000 euros.

Ils réclament la somme de 7000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L’ARRÊT

1) Sur la recevabilité de l’action en garantie

Les intimés soutiennent que l’ensemble des demandes de la société Exabel au titre de la garantie d’actif et de passif sont irrecevables car elles n’ont pas été formées dans les conditions fixées par la convention de garantie d’actif et de passif et que la déchéance de la garantie est encourue.

L’article 5-6 de la convention de garantie d’actif et de passif du 19 février 2015'stipule :

«'Procédure d’indemnisation et paiement de la Réduction de prix

(a) Demande d’un Tiers

(i) Dans l’hypothèse où le Bénéficiaire viendrait à avoir connaissance qu’un Tiers, après la date des présentes, a intenté une procédure judiciaire (quelle que soit sa nature, civile, pénale, arbitrale, prud’homale, commerciale, etc'.) ou une réclamation à l’encontre de la Société (la

« Demande d’un Tiers ») susceptible de donner lieu, immédiatement ou à terme, à un Dommage, il devra notifier par lettre recommandée avec avis de réception aux Garants ladite demande dans un délai de soixante (60) jours calendaires à compter de la date à laquelle le Bénéficiaire aura été informé de ladite demande. Il est précisé que, dans l’hypothèse où la Demande d’un Tiers impliquerait une quelconque action ou un quelconque acte de procédure avant l’expiration du délai de soixante (60) jours calendaires susvisé, le Bénéficiaire devra notifier ladite demande aux Garants dans un délai suffisant pour permettre aux Garants de faire valoir leurs arguments, notamment dans le cadre des paragraphes (ii) et (iii) ci-après.

(') La notification, accompagnée des pièces justificatives disponibles, devra comporter le cas échéant , et dans la mesure du possible, à titre provisionnel, une estimation du montant du Dommage et le détail du calcul du montant estimé de la Réduction de prix (')

(ii) Les Garants devront indiquer dans les quinze (15) jours calendaires à compter de la notification faite par le Bénéficiaire si les Garants souhaitent être associés à la défense des intérêts de la Société. Si tel est le cas, les Garants seront associés dans la défense des intérêts de la Société et auront alors le droit de participer, à leurs frais, à toutes négociations, procédures ou audiences avec le Tiers concerné (…)

(iii) La Société ne pourra transiger dans le cadre d’une Demande d’un Tiers sans l’accord préalable des Garants et du Bénéficiaire (')

(vi) Le Bénéficiaire s’engage à ce que dès notification d’une Demande d’un Tiers, les Garants et leurs conseils bénéficient de l’accès aux documents sociaux et pièces comptables qu’ils pourront raisonnablement demander pour la défense de leurs intérêts.

[…]

(i) Dans l’hypothèse où le Bénéficiaire réclamerait l’indemnisation d’un Dommage ne résultant pas d’une Demande d’un Tiers (ci-après dénommée la « Demande Directe »), il devra en informer les Garants dans le délai de soixante (60) jours calendaires à compter de la découverte du Dommage en indiquant le montant de la Réduction de Prix Provisionnelle. (')

(ii) Les Garants disposeront d’un délai de trente jours (30) jours calendaires à compter de la réception de la notification de réclamation (ci(après dénommé le « Délai d’Examen ») pour examiner la Demande Directe ».

L’article 12 de la convention précise :

« Sauf stipulation contraire dans la Garantie d’Actif et de Passif, ni le défaut d’exercice, ni le retard dans l’exercice d’un droit au titre de la Garantie d’Actif et de Passif ne pourra être interprété comme une renonciation par la Partie concernée à l’exercice de ce droit. De même, sauf stipulation contraire dans la Garantie d’Actif et de Passif, l’exercice ponctuel ou partiel d’un droit n’interdira pas à la partie concernée de se prévaloir en tout ou partie de ce droit.

Une Partie ne peut être déchargée de ses obligations résultant de la violation d’une quelconque des stipulations de la Garantie d’Actif et de Passif ni ne peut y remédier qu’à condition d’avoir obtenu le consentement écrit et préalable des autres Parties. »

Aux termes des articles 1156 et 1161 anciens du code civil, d’une part, le juge doit, dans les conventions, rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes et, d’autre part, toutes les clauses des conventions s’interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l’acte entier.

En l’absence de clause expresse sanctionnant par la déchéance du droit à garantie le défaut de respect par le cessionnaire de la procédure d’indemnisation fixée par l’article 5-6 de la convention, la détermination de la sanction relève du pouvoir souverain d’appréciation du juge du fond de la commune intention des parties et de la portée des clauses litigieuses.

Si en l’espèce la convention de garantie d’actif et de passif précise les modalités de mise en oeuvre de la garantie, et notamment le délai de notification de la demande du cessionnaire, la cour ne peut que constater qu’elle ne prévoit pas de sanction au cas où ces modalités ne sont pas respectées.

Contrairement à ce que soutiennent les intimés les dispositions liminaires de l’article 5-3 de la convention de garantie sur la durée de la garantie : «'Les Garants ne seront tenus de payer un Dommage ouvrant droit à Réduction de Prix que si le Bénéficiaire leur a notifié ce Dommage conformément à l’article 5.6 ci-dessous, avant l’expiration des dates ou délais suivants : – trois mois suivant l’expiration des délais de reprise et de prescription de l’administration pour les Impôts, droits, taxes et cotisations '(') – trente-six (36) mois à compter de la date de transfert pour toutes les autres matières (…) » ne permettent pas d’en déduire que les dommages ne sont dus que s’ils ont été notifiés dans les délais fixés contractuellement à l’article 5-6. Le renvoi à cet article signifie seulement que la réclamation doit être faite sous la forme prévue par cet article et avant l’expiration de la durée de la garantie.

Il ressort même de l’article 12 de la convention que les droits des parties sont préservés même si elles les exercent tardivement, pendant la durée de la garantie, dès lors qu’elles n’ont pas renoncé expressément à les exercer, ce qui est le cas en l’espèce en ce qui concerne le droit à garantie ouvert à la société Exabel.

Les délais fixés par l’article 5-6 de la convention ne constituent pas, au regard des autres dispositions de la convention, une condition de mise en oeuvre de la garantie. Ils ont manifestement pour objet, doublés de l’obligation de joindre les pièces justificatives du dommage, les documents sociaux et pièces comptables utiles et de l’obligation ne pas transiger sans l’accord des cédants, de permettre à ceux-ci de défendre leurs intérêts en temps utile, notamment à l’encontre d’un tiers et d’être, s’ils le souhaitent associés à la défense des intérêts de la société Etel consulting.

Le fait de ne pas avoir respecté ces délais ne peut, dans ces conditions, que donner lieu à des dommages et intérêts réparant le préjudice subi par les cédants au titre du manquement à l’exécution de ses obligations par le cessionnaire.

Le jugement, qui a tout à la fois jugé irrecevables, dans ses motifs, et rejeté, dans son dispositif, en tout ou partie sept des neuf demandes de la société Exabel, au seul motif que l’article 5-6 n’est ni obscur, ni ambigu et que la société Exabel n’a pas respecté les délais de notification, sera donc infirmé.

2) Sur les demandes de garantie

Ces demandes seront examinées successivement, en tenant compte, le cas échéant, du préjudice subi par la société Midway, M. X, Mme Y et M. Z pour ne pas avoir reçu notification dans le délai de 60 jours défini par l’article 5-6 de la convention des demandes des tiers ou de la découverte du dommage en cas de demande directe.

L’article 5-1 de la convention de garantie définit ainsi le préjudice garanti :

«'5.1 Principes

(a) A compter de la Date de Transfert, chacun des Garants s’engage à indemniser le Bénéficiaire du montant de tout préjudice résultant :

(i) pour le Bénéficiaire et/ou la Société, du non-respect et/ou de toute omission ou inexactitude de l’une quelconque des déclarations et garanties figurant à l’article 7.1 du Protocole de Cession et à l’article 4 de la Garantie d’Actif et de Passif ; et/ou

(ii) de la violation ou du défaut d’exécution de tout engagement des Garants au titre du Protocole de Cession ou de la Garantie d’Actif et de Passif ; et/ou

(iii) de toute disparation ou diminution de la valeur d’un actif, de toute augmentation de passif ou survenance d’un passif nouveau, de quelque nature que ce soit, de la Société, trouvant son origine ou sa cause dans un évènement, un fait ou une opération antérieur à la Date de Transfert, connu ou non connu à cette date, et qui n’aurait fait l’objet d’aucune comptabilisation ou provision, ou aurait fait l’objet d’une comptabilisation ou provision insuffisante dans les Comptes Annuels.

Les préjudices visés aux paragraphes (i), (ii) et (iii) ci-dessous, ainsi que toutes dépenses (en ce compris tous dépens, les frais de justice et frais de défense et honoraires d’avocats – sous réserve d’accord préalable entre les Parties sur le montant desdits honoraires – et débours) ou perte direct(e), certain(e) et effectivement encouru(e) par le Bénéficiaire et/ou la Société étant ci-après un « Dommage » ou des « Dommages ».

* Sur le complément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) de l’année 2014'

Le 29 avril 2015 la société Etel consulting a payé au trésor public un complément de CVAE à hauteur de 17 170 euros au titre de l’année 2014, qui n’a pas été provisionné de façon suffisante dans les comptes clos au 31 décembre 2014.

La société Exabel sollicite la garantie des cédants à ce titre car ils ont déclaré faussement à l’article 4-20-b de la convention de garantie que la société Etel consulting était à jour du paiement de tout impôt et que les provisions pour impôts étaient suffisantes.

Ce n’est que le 29 décembre 2016 que la société Exabel a sollicité la garantie des cédants mais le défaut de respect du délai de 60 jours de notification de la demande de garantie n’a pas eu de

conséquence sur le montant du dommage.

Cependant, à juste titre les intimés font valoir les dispositions de l’article 5-1-b(vi) de la convention de garantie : « Le montant de tout Dommage ouvrant droit à Réduction de Prix sera réduit du montant de toute économie d’impôt ayant bénéficié au Bénéficiaire ou à la Société, et notamment toute réduction de la charge de l’impôt ou l’accroissement des déficits fiscalement reportables en résultant, sous réserve que cette réduction d’impôt résulte directement du dommage (…) », le fait que la CVAE est déductible de l’assiette de l’impôt sur les sociétés et que le préjudice subi par la société Exabel est limité, ce qu’elle ne conteste pas, à la somme de 11 446,60 euros (17 170 x 66,66 %) compte-tenu de l’économie sur l’impôt sur les sociétés.

Il ne sera donc fait droit, après infirmation du jugement, à la demande qu’à hauteur de 11 446,60 euros.

* Sur la facture CEGOS

La société Exabel sollicite une indemnisation de 2502 euros au titre d’une facture n°TPQI0028268 du 31 août 2014 de la société CEGOS, pour une prestation de formation réalisée en juin 2014, qui n’aurait été ni payée ni provisionnée, et dont elle a pris connaissance le 3 juin 2015, sur le fondement de l’article 4-4-c de la convention de garantie : «'Il n’existe aucun passif ou charge de la Société qui n’ait pas été intégralement et correctement comptabilisé ou provisionné dans les comptes. »

Elle invoque également l’article 4-10-b (i) : « La société n’est pas défaillante, ni en situation de violation ou de manquement quelconque, dans le cadre de l’exécution de ses obligations au titre des contrats auxquels elle est partie et il n’existe aucun fait ni aucune circonstance, qui constituerait une telle violation ou défaillance ou un tel manquement »

Les intimés soutiennent que la société Etel consulting n’a pas eu connaissance de cette facture à l’époque de son émission et que la société Exabel ne démontre pas que la société Etel consulting a payé cette facture ou en a provisionné le montant dans ses comptes.

Il ressort de l’article 5-1-a de la convention de garantie que la mise en 'uvre de celle-ci ne dépend pas de l’existence de décaissements effectués par le bénéficiaire ou la société Etel consulting. Le préjudice est en effet défini dans cet article comme toute diminution d’actif ou toute augmentation de passif ou survenance de passif nouveau, inscrit dans les comptes de la société Etel consulting.

En tout état de cause, en page 20 de leurs conclusions les intimés reconnaissent que cette facture a été payée en septembre 2017.

Si la demande de garantie a été formée après l’expiration du délai de 60 jours fixé contractuellement, qui courait à compter du 3 juin 2015, il n’en est résulté aucun préjudice pour les cédants.

En conséquence le jugement sera infirmé et les intimés seront condamnés à payer à la société Exabel la somme de 2502 euros au titre de la facture CEGOS.

* Sur les factures FEELEUROPE

La société Exabel sollicite une indemnisation de 17 450 euros au titre de 4 factures de la société FEELEUROPE, datées des 28 janvier et 11 février (2) 2013 et du 15 juillet 2014, dont le solde restant dû n’aurait été ni payé ni provisionné, et pour lesquelles elle justifie avoir reçu une mise en demeure de payer adressée par le créancier le 29 novembre 2016 faisant état d’une précédente demande du 4 novembre 2016.

Sa demande de garantie à ce titre a bien été faite dans le délai de 60 jours fixé contractuellement.

Elle justifie avoir payé ces factures le 7 septembre 2017 et d’un dommage au sens de l’article 5-1 de la convention de garantie, par augmentation du passif de la société Etel consulting.

Les intimés affirment qu’elle a été remboursée par la société Allianz, qui aurait bénéficié des formations, mais n’en rapportent pas la preuve.

Le jugement, qui a condamné les intimés à payer à la société Exabel la somme de 17 450 euros sera confirmé.

* Sur la facture FIRMALLIANCE

Cette facture de 7500 euros, datée du 10 février 2015, correspond aux honoraires de négociation de la cession des titres des cédants qui ont été mis à la charge de la société Etel consulting par les cédants, alors même que cela relève d’un abus de biens sociaux.

Les cédants ont déclaré, à l’article 4-21 de la convention de garantie, qu’ils ont géré la société Etel consulting «'en bon père de famille'», en contradiction avec le paiement de la facture FIRMALLIANCE par la société Etel consulting.

Dans son courrier du 14 janvier 2017 le représentant des cédants a reconnu que cette facture a été payée le 19 février 2015.

Si la demande de garantie a été formée après l’expiration du délai de 60 jours fixé contractuellement, qui courait à compter du 10 février 2015, il n’en est résulté aucun préjudice pour les cédants.

En conséquence, après infirmation du jugement, il sera fait droit à la demande de garantie de la société Exabel au titre de la facture FIRMALLIANCE pour le montant de 7500 euros.

* Sur le litige avec M. A

Dans l’article 4-13 de la convention de garantie, les cédants ont déclaré : «'Il n’existe aucun conflit social, grève, interruption de travail, ni aucun autre événement perturbant le climat social de la Société, en cours. Il n’existe aucun litige en cours ou potentiel avec des Salariés ou anciens salariés de la Société, ni de menace de litige expressément formulée oralement ou par écrit par un Salarié ou ancien salarié. Les provisions figurant dans les Comptes sont suffisantes pour couvrir toutes les obligations à cet égard ».

Au visa de cet article la société Exabel a notifié aux cédants le 19 décembre 2016 une demande d’indemnisation de 17 800 euros, soit 16 000 euros payés au salarié et 1800 euros payés au titre des honoraires d’avocat (facture du 12 juin 2015), correspondant à un défaut total de provision dans les comptes de la société Etel consulting pour le litige prud’homal qui a été introduit le 22 décembre 2014 par M. B.

Ce litige en cours est visé dans une annexe de la convention.

La société Exabel soutient que la transaction de la société Etel Consulting avec M. B qui a mis fin à ce litige le 3 juin 2015 n’était pas soumise à l’accord préalable des cédants, ainsi qu’ils le soutiennent, la procédure judiciaire ayant été engagée avant le 19 février 2015.

L’article 5-6-a (iii) de la convention de garantie interdit à la société Etel consulting de transiger dans le cadre d’une demande d’un tiers, sans l’accord préalable des garants. Ces dispositions ne concernent que les transactions conclues après qu’un tiers ait intenté une procédure judiciaire ou formé une réclamation à l’encontre de la société Etel consulting après le 19 février 2015.

Elles ne concernent donc pas le litige B, qui est né avant cette date, et les intimés ne peuvent opposer à l’appelante leur défaut d’accord sur la transaction.

S’agissant des honoraires d’avocat, les intimés opposent également à la société Exabel le dernier alinéa de l’article 5-1-a de la convention de garantie, qui porte entre autres sur le préjudice constitué par les honoraires d’avocat, et le fait qu’elle n’a pas obtenu son accord sur le montant des honoraires d’avocat dans le dossier B.

Ces dispositions, qui ne figurent pas dans le paragraphe consacré à la procédure d’indemnisation mais dans celui qui expose les principes généraux de la garantie, ne distinguent pas si la réclamation est faite à la suite de la demande d’un tiers ou par une demande directe et concernent tous les préjudices auxquels sont liés des frais de défense et d’honoraires d’avocat en cours.

Les honoraires d’avocat dans le cadre du litige B ne peuvent donc donner lieu à garantie, la société Exabel n’ayant pas sollicité ou obtenu l’accord préalable des cédants sur leur montant.

Si la demande de garantie au titre du principal a été formée après l’expiration du délai de 60 jours fixé contractuellement, qui courait à compter du 3 juin 2015, il n’en est résulté aucun préjudice pour les cédants.

En conséquence, il sera fait droit à la demande de garantie de la société Exabel, après infirmation du jugement, à hauteur de la somme de 16 000 euros, correspondant à l’absence de provision dans les comptes de la société Etel consulting au 31 décembre 2014, pour le litige B et au montant payé à celui-ci.

* Sur le litige avec Mme C

La société Exabel a notifié aux cédants, le 10 avril 2017, une demande d’indemnisation de 41 507,20 euros correspondant à un défaut total de provision dans les comptes pour le litige C, qui a donné lieu à un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 2 mars 2017 condamnant la société Etel consulting, avec exécution provisoire, à Mme C la somme de 41 507,20 euros.

Le litige C est mentionné dans une annexe à la convention de garantie. En effet la procédure à l’encontre de la société Etel consulting a été engagée le 5 septembre 2013.

La société Exabel n’avait pas l’obligation de procéder à une notification de la demande de Mme C puisque la procédure était déjà engagée au moment de la signature de la convention de garantie et que les cédants étaient informés de la procédure.

En outre, contrairement à ce que soutiennent les intimés, le renvoi de l’affaire par le conseil de prud’hommes de Paris, par jugement du 20 novembre 2014, devant le tribunal de grande instance de Paris, pour compétence, n’impliquait pas la délivrance d’une assignation et l’introduction d’une nouvelle procédure, dont ils auraient du être informés dans le délai de 60 jours, car la procédure s’est poursuivie, après transmission du dossier, devant le tribunal de grande instance.

Enfin aucune clause de la convention ne met à la charge du cessionnaire une obligation d’informer les cédants du cours des procédures engagées avant la signature de la convention.

En conséquence, après infirmation du jugement, il sera fait droit à la demande de la société Exabel à hauteur de la somme de 41 507,20 euros.

* Sur le litige D

La société Exabel a notifié aux cédants, le 19 juillet 2017, une demande d’indemnisation de 15 950 euros correspondant à un défaut total de provision dans les comptes pour le litige prud’homal D, dans le cadre duquel la cour d’appel de Paris a, par arrêt du 24 mai 2017, condamné la société Etel consulting à payer à M. D la somme totale de 15 950 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, majorée des congés payés afférents.

Comme les litiges cités ci-dessus, le litige D, engagé le 24 juillet 2009 devant le conseil de prud’hommes de Paris, est mentionné dans une annexe à la convention de garantie.

La société Exabel n’avait donc pas l’obligation de procéder à une notification de la demande de M. D puisque la procédure était déjà engagée au moment de la signature de la convention de garantie et que les cédants étaient informés de la procédure.

Enfin aucune clause de la convention ne met à la charge du cessionnaire une obligation d’informer les cédants du cours des procédures engagées avant la signature de la convention. Les intimés ne peuvent donc reprocher à la société Exabel de ne pas les avoir associés à la défense de la société Etel consulting.

En conséquence le jugement qui a fait droit à la demande de la société Exabel au titre du litige D sera confirmé.

* Sur les condamnations judiciaires et les frais d’avocats

Dans l’article 4-4-b de la convention de garantie d’actif et de passif les cédants ont déclarés : «'Les Comptes de la Société ont été préparés conformément aux Principes Comptables et sont complets, exacts, réguliers et sincères et donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de la Société à la date à laquelle ils ont été arrêtées et pour les périodes qu’ils couvrent ».

Au visa de cet article, la société Exabel a réclamé aux cédants, le 19 décembre 2016, le montant de condamnation (2134,88 euros ) et de frais d’avocat (2880 euros) (facture manifestement émise le 2 février 2015) résultant d’un litige ayant opposé la société Etel consulting, venant aux droits de la société TECHSOFT, à M. E et ayant donné lieu à un arrêt de la cour d’appel de Paris du 25 novembre 2014, qui n’ont pas été inscrits comme charges au passif de la société Etel consulting au 31 décembre 2014.

Devant le tribunal la société Exabel a également réclamé le montant des frais d’avocat (3000 euros) (facture du 2 février 2015) exposés dans le dossier D, qui n’ont pas non plus été inscrits dans les charges.

S’agissant du montant des frais d’avocat dans les deux procédures E et D, les intimés ne peuvent opposer à la société Exabel les dispositions de l’article 5-1-a de la convention de garantie, sur l’accord préalable des cédants en ce qui concerne les honoraires d’avocat, car les factures litigieuses ont été émises avant la signature de la convention de garantie et ont donc été nécessairement acceptées par les cédants.

Les intimés opposent à la société Exabel le fait qu’elle ne justifie pas du paiement effectif des sommes qu’elle réclame.

Mais il ressort de l’article 5-1-a de la convention de garantie que la mise en 'uvre de celle-ci ne dépend pas de l’existence de décaissements effectués par le bénéficiaire ou la société Etel consulting. Le préjudice est en effet défini dans cet article comme toute diminution d’actif ou toute augmentation de passif ou survenance de passif nouveau, inscrit dans les comptes de la société Etel consulting.

Les intimés opposent enfin à la société Exabel les dispositions de l’article 5-2-a de la convention de garantie intitulé «'Limitations – Seuil de déclenchement'» :

«'Aucune Réduction de Prix ne sera due en application du présent article 5 pour toute Réclamation dont le montant unitaire du Dommage (ou du montant total cumulé pour les Dommages ayant la même origine) est inférieur à cinq mille (5.000) euros hors taxes (le « Seuil »). Afin d’éviter tout doute, en cas de Réclamation portant sur Dommage d’un montant (unitaire ou cumulé) supérieur au Seuil, les Garants seront tenus de la Réduction de Prix dès le premier euro.'»

Cette limitation de garantie ne s’applique pas en l’espèce au dossier TECHSOFT-E car le montant cumulé des demandes, ayant pour origine le litige E, s’élève à 5014,88 euros (2134,88 + 2880 euros) et est supérieur au seuil de déclenchement de la garantie.

Elle ne s’applique pas non plus au dossier D car le montant cumulé des demandes, ayant pour origine le litige D, s’élève à 18 950 euros (15 950 + 3000 euros) et est supérieur au seuil de déclenchement de la garantie.

Enfin, si la société Exabel n’a pas formé ses réclamations au titre de ces deux dossiers dans le délai contractuel de 60 jours à compter de la découverte du dommage, les cédants ne font état d’aucun préjudice subi à ce titre.

En conséquence, après infirmation du jugement, il sera fait droit à la demande de la société Exabel à hauteur des sommes de 5014,88 euros et 3000 euros.

* Sur la facture de 45 000 euros du 31 décembre 2014

Outre leurs déclarations dans l’article 4-4-b sur la régularité et la sincérité des comptes sociaux de la convention de garantie d’actif et de passif, les cédants ont déclaré dans l’article 4-15-a de la convention de garantie d’actif et de passif : «'Les créances de la Société sur ses clients ont été générées dans le cadre d’une gestion normale des affaires. Cette gestion normale des affaires consiste en un processus normalisé de suivi et de recouvrement des créances. »

Le 29 décembre 2016 la société Exabel a fait une demande d’indemnisation au titre de factures à établir au 31 décembre 2014 pour un montant total de 45 000 euros figurant dans les comptes de la société Etel consulting, alors qu’elles ne correspondent à aucune prestation.

La société Etel consulting a extourné ces factures dans ses comptes le 1er janvier 2015.

En défense les intimés reprennent les motifs du jugement qui a rejeté la demande de garantie pour défaut de preuve : « Attendu que ni à la barre, ni dans ses écritures, EXABEL ne produit aucune justification de ces allégations, n’identifie pas les clients d’Etel Consulting qui auraient fait l’objet de cette facturation qu’elle qualifie de fictive.'»

Cependant dans son courrier du 14 janvier 2017 le représentant des cédants expose que la facturation de 45 000 euros du 31 décembre 2014 n’existait pas dans les prévisions de chiffre d’affaires fournis dans la data room, a été rajoutée à la demande de la société Exabel pour améliorer son dossier de demande de prêt bancaire, puis a été extournée au 1er janvier 2015.

Il reconnaît donc que la facturation de 45 000 euros ne reposait sur aucune facture. Aucun encaissement ne pouvait être réalisé et une extourne a été opérée, ce dont il résulte un dommage du même montant pour la société Exabel.

La société Exabel conteste avoir été à l’origine de cette manipulation des comptes et en tout état de cause oppose aux intimés les dispositions de l’article 5-1-b de la convention de garantie qui stipulent

que les garants ne peuvent s’exonérer de leur obligation de garantie en arguant du fait que le cessionnaire avait connaissance des événements à l’origine du dommage.

Enfin, si la société Exabel n’a pas formé ses réclamations au titre de cette facturation fictive dans le délai contractuel de 60 jours à compter de la découverte du dommage, les cédants ne font état d’aucun préjudice subi à ce titre.

En conséquence, après infirmation du jugement, il sera fait droit à la demande de la société Exabel à hauteur de la somme de 45 000 euros.

* Sur la majoration artificielle de l’actif de la société en 2013 et en 2014 du fait des congés payés non pris par les salariés en 2013 et 2014

La société Exabel a réclamé aux cédants le 29 décembre 2016 la somme totale de 124 499,50 euros au titre de la majoration artificielle de l’actif de la société Etel consulting en 2013 (74 368,50 euros) et en 2014 (50 131 euros) du fait des congés payés non pris par les salariés en 2013 et en 2014.

Les intimés répondent qu’il s’agit en réalité de la facturation des jours réellement travaillés par les salariés au tarif convenu avec les clients et qu’aucun dommage n’a été subi par la société Etel consulting, le travail des salariés entraînant en tout état de cause un accroissement du chiffre d’affaires.

La société Exabel produit seulement à l’appui de sa demande des tableaux, établis par elle-même, du nombre de jours travaillés en 2013 et en 2014 par les collaborateurs de l’entreprise au delà du forfait de 219 jours par an. Elle ne démontre pas que ces jours ne correspondent à aucun travail effectif des salariés, que les jours de congés non pris et payés aux salariés ne sont pas justifiés et qu’il existe une gestion anormale des affaires, au sens de l’article 4-15-a de la convention de garantie, ou une irrégularité ou non sincérité des comptes au sens de l’article 4-4-b, d’autant que dans le cadre de l’audit et avant d’acquérir l’entreprise elle a eu connaissance du nombre de jours travaillés et du mode de fonctionnement de l’entreprise.

Le jugement sera confirmé pour avoir rejeté la demande à ce titre.

* Sur les congés payés non soldés

La société Exabel a réclamé aux cédants le 29 décembre 2016 la somme de 108 379,50 euros pour la raison suivante : une majorité de salariés de la société Etel consulting ont travaillé plus de 219 jours en 2014 et n’ont pas pris les congés auxquels ils avaient droit, de telle sorte qu’ils ont pris ces congés en 2015 et que l’entreprise a subi un manque à gagner ou une perte de chiffre d’affaires de 108 379,50 euros.

Elle se fonde sur les dispositions de l’article 4-13-j et k de la convention de garantie : «'Toutes les sommes dues aux Dirigeants ou aux Salariés de la Société, y compris les sommes relevant de la participation, au titre de toute période expirant avant ou à la Date de Transfert ont été payées à bonne date ou ont été intégralement provisionnées ou selon les cas, inscrites en engagements hors bilan dans les Comptes.

La Société est à jour du paiement de toute somme due à ses Salariés en application de la Loi, de la convention collective en vigueur ou des contrats de travail, et aucun Salarié n’est à même de réclamer le versement d’une somme quelconque qui ne soit pas prévue par son contrat de travail ou un quelconque rappel de rémunération (…) »

Les seules pièces versées à la procédure par la société Exabel à l’appui de sa demande sont un tableau des collaborateurs et du nombre de congés qu’il leur reste à prendre, qu’elle a établi

elle-même. Ce tableau, ainsi que le relèvent les intimés, n’est pas cohérent avec les autres tableaux versés à la procédure sur le nombre de jours travaillés en 2014 et le livre de paye pour l’année 2015.

Par ailleurs, le représentant des cédants rappelle dans son courrier du 14 janvier 2017 que les congés payés non pris une année figuraient sur les bulletins de salaire et étaient provisionnés, que l’entreprise, comme les autres entreprises du secteur, acceptait que ses collaborateur reportent leurs congés sur l’année à venir et qu’il s’agissait d’un mode de fonctionnement habituel de l’entreprise, dont la société Exabel était informée.

Le préjudice, sous la forme d’un manque à gagner ou d’une perte du chiffre d’affaires dont la société Exabel fait état n’est pas établi, les jours de congés pris en 2015 correspondant à des jours travaillés en plus en 2014, qui ont généré du chiffre d’affaires.

En outre le préjudice invoqué se confond, pour partie, avec le préjudice invoqué au titre de la majoration artificielle de l’actif en 2014.

Le jugement , qui a retenu que le préjudice n’est pas démontré et qui a rejeté la demande, sera confirmé.

* Sur les factures VISIWARE

Le 29 décembre 2016 la société Exabel a réclamé aux cédants la somme de 14 500 euros correspondant à 2 factures, non provisionnées dans les comptes au 31 décembre 2014 libellées à l’ordre de la société VISIWARE (facture n° 1411067 d’un montant de 9500 euros HT et facture n° 1412070 d’un montant de 5000 euros HT) qui ont dû être dépréciées en totalité au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2015.

Elle se fonde sur les dispositions de l’article 4-15-b de la convention de garantie : « L’Annexe 4.15 contient la liste, à la date des présentes, des montants de chacune des Créances. En dehors de celles-ci, aucune des Créances n’a été cédée, nantie, titrisée, escomptée ni autrement transférée à titre de Garantie, ni ne fait l’objet d’aucun nantissement ou délégation de paiement. Chaque Créance est intégralement recouvrable dans des délais légaux, sans qu’il soit nécessaire d’initier un litige. Le montant des créances posant des difficultés de recouvrement a été dûment provisionné à partir de l’observation statistique en fonction du degré de non-recouvrement potentiel habituellement constatés. »

Elle se fonde également sur les dispositions de l’avant dernier alinéa de l’article 4-21 : « Il n’existe aucun évènement ou fait intervenu depuis le 1er janvier 2015 susceptible d’entraîner une aggravation du passif ou une insuffisance d’actif de la Société par rapport aux éléments d’actif et de passif figurant dans les Comptes. »

Dans un courrier du 20 janvier 2015 la société VISIWARE a informé la société Etel consulting qu’une procédure de sauvegarde a été ouverte à son égard le 17 décembre 2014 par le tribunal de commerce de Nanterre.

La société Exabel ne démontre pas qu’avant le 31 décembre 2014 la société Etel consulting connaissait les difficultés financières de sa cliente et qu’elle était tenue de provisionner le risque d’impayé. Du reste la somme de 14 500 euros a bien été provisionnée dans les comptes de la société Etel consulting le 30 janvier 2015 avant la signature de la convention de garantie.

Dans ces conditions la présentation des comptes arrêtés le 31 décembre 2014 de la société Etel consulting au regard des créances était sincère et la société Exabel ne peut se prévaloir d’aucun dommage imputable aux cédants.

Le jugement sera donc confirmé pour avoir rejeté la demande en paiement de la somme de 14 500 euros.

3) Sur la provision de 50 000 euros inscrite dans les comptes

Les intimés font valoir que la société Etel consulting avait provisionné la somme de 50 000 euros au titre des litiges salariaux OLLE et ZOGHLAMI, que le montant payé à ces deux salariés a été de 10 900 euros et que le solde de la provision doit être déduit du montant des dommages garantis.

La société Exabel oppose aux intimés les dispositions de l’article 5-1-b (viii) de la convention de garantie : «'Le montant de tout Dommage ouvrant droit à Réduction de Prix sera diminué du montant de la provision correspondant au poste comptable objet du Dommage enregistrée dans les Comptes et qui s’avérerait, en tout ou partie, sans objet ; étant précisé que dans l’hypothèse où une provision n’aurait pas été suffisamment provisionnée dans les Comptes, le Dommage indemnisé sera égal, à l’euro, à l’excédent non provisionné. »

Le poste comptable visé par ces dispositions est en l’espèce le poste comptable des indemnités transactionnelles, pris globalement. Il y a donc bien lieu de déduire du montant du dommage dus au titre des litiges salariaux le solde de la provision de 50 000 euros inscrite au 31 décembre 2014 dans les comptes, soit la somme de 39 100 euros, montant inférieur à la somme du au titre des litiges salariaux.

4) Sur le compte entre les parties

La société Exabel ne conteste pas qu’elle n’a pas réglé le solde du prix de cession à son échéance. Elle est donc débitrice de la somme de 200 000 euros.

L’article 3-2-3 du protocole de cession et d’acquisition des titres stipule : «'Les Vendeurs consentent à ce que le Crédit Vendeur soit affecté en garantie de la Garantie d’Actif et de Passif. En conséquence, les Vendeurs reconnaissent et acceptent que le montant du Crédit Vendeur à recevoir par eux à la date ci-dessus soit réduit du montant des indemnités dues à l’Acquéreur par les Vendeurs au titre de la Garantie d’Actif et de Passif. »

Les indemnités dues à la société Exabel au titre de la garantie d’actif et de passif, après déduction de la somme de 39 100 euros au titre de la reprise de provision, s’élèvent à la somme totale de 126 274,64 euros (- CVAE 11 446,60 euros ; – facture CEGOS 2502 euros ; – factures FEELEUROPE 17 450 euros ; – facture FIRMALLIANCE 7500 euros ; – litige B 16 000 euros ; – litige C 41 507,20 euros ; – litige D 15 950 euros ; – litige TECHSOFT-E 5018,84 euros ; – honoraires d’avocat litige D 3000 euros ; – facturation fictive 45 000 euros).

Après compensation de cette créance avec la créance des intimés au titre du solde du prix de cession, la société Exabel reste redevable de la somme de 73 725,36 euros (200 000 ' 126 274,64 euros) envers ceux-ci.

En conséquence la société Exabel sera condamnée à payer à la société Midway, M. X, Mme Y et M. Z la somme de 73 725,36 au titre du solde du paiement du prix de cession, avec intérêt de retard au taux légal à compter du 30 juin 2017.

Il n’y a pas lieu de faire droit à la demande d’astreinte, cette mesure n’étant pas opportune s’agissant d’une condamnation à payer une somme d’argent.

La somme mise à la charge de la société Exabel sera répartie entre les intimés proportionnellement au nombre d’actions qu’il ont cédées, soit à hauteur de 30,4795 % chacun pour la société Midway, M.

X et Mme Y et à hauteur de 8,5616 % pour M. Z.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré :

— en ce qu’il a dit que la société Midway, M. X, Mme Y et M. Z sont débiteurs envers la société Exabel de la somme de 17 450 euros au titre des factures FEELEUROPE et de celle de 15 950 euros au titre du litige D,

— en ce qu’il a débouté la société Exabel de sa demande d’indemnisation à hauteur de 108 379,50 euros au titre de congés payés non soldés, à hauteur de 124 499,50 euros au titre des facturations en excès de 2013 et 2014 et à hauteur de 14 500 euros au titre de la créance douteuse sur VISIWARE,

— en ce qu’il a dit qu’il y a lieu de déduire la somme de 39 100 euros des sommes dues au titre de la reprise de provision,

INFIRME le jugement quant à ses autres dispositions,

Statuant à nouveau,

DIT que la société Midway, M. X, Mme Y et M. Z sont débiteurs envers la société Exabel, au titre de la convention de garantie d’actif et de passif, des sommes suivantes :

—  11 446,60 euros au titre de la CVAE,

—  2502 euros au titre de la facture CEGOS ,

—  7500 euros au titre de la facture FIRMALLIANCE,

—  16 000 euros au titre du litige B,

—  41 507,20 euros au titre du litige C,

—  5018,84 euros au titre du litige TECHSOFT-E,

—  3000 euros au titre des honoraires d’avocat du litige D,

—  45 000 euros au titre de la facturation fictive,

DIT que la société Exabel doit à la société Midway, M. X, Mme Y et M. Z la somme de 200 000 euros au titre du solde du prix de cession des actions de la société Etel consulting,

CONDAMNE, après compensation des créances réciproques des parties, la société Exabel à payer la somme de 73 725,36 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2017, à répartir selon la proportion suivante : 30,4795 % chacun pour la société Midway, M. X et Mme Y et 8,5616 % pour M. Z,

DIT qu’il n’y a pas lieu de prononcer d’astreinte,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes réciproques au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT que la société Exabel, d’une part, et la société Midway, M. X, Mme Y et M. Z, d’autre part, conserveront à leur charge les frais qu’ils ont exposés en première instance et devant la cour d’appel.

La Greffière La Présidente

O P Q R

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 9 janvier 2020, n° 18/22848