Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 14 octobre 2020, n° 18/02704

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 10, 14 oct. 2020, n° 18/02704
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/02704
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Évry, 17 janvier 2018, N° F16/00839
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRET DU 14 OCTOBRE 2020

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/02704 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5DP5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Janvier 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage d’EVRY – RG n° F 16/00839

APPELANTS

Me X I-J – Commissaire à l’exécution du plan de SARL ACHAT LOCATION VENTE AUTOMOBILE 91

[…]

[…]

n’ayant pas constitué avocat ou défenseur syndical

SARL ACHAT LOCATION VENTE AUTOMOBILE 91

[…]

91170 VIRY-CHATILLON

N° SIRET : 444 215 263

Représentée par Me Paulette AULIBE-ISTIN, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 23

INTIMES

Me X I-J – Mandataire liquidateur de Société ECONNEXION

6 bis Boulevard Jean-Baptiste Oudry

[…]

n’ayant pas constitué avocat ou défenseur syndical

Monsieur B A

[…]

91170 VIRY-CHATILLON

Représenté par Me Garance MATHIAS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2332

Association AGS-CGEA ILE DE FRANCE EST es qualité d’intervenant volontaire dans le cadre du redressement judiciaire de la société ALVA 91

[…]

[…]

Représentée par Me Frédéric ENSLEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1350

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 1 et 8 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 , l’affaire a été retenue selon la procédure sans audience le 03 juin 2020, les avocats y ayant consenti expressément ou ne s’y étant pas opposés dans le délai de 15 jours de la proposition qui leur a été faite de recourir à cette procédure ;

La cour composée comme suit en a délibéré :

Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre

Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de Chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère

ARRET :

— Par défaut

— mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur B A a été engagé selon un contrat de travail à durée déterminée d’une durée de trois mois à compter du 1er février 2008 par la SARL ACHAT LOCATION VENTE AUTOMOBILE 91 (ci-après la société ALVA 91), qui exerce une activité auxiliaire de transports terrestres, par gestion de parcs et emplacement de stationnement, en qualité de voiturier conducteur. Les relations contractuelles se sont poursuivies pour une durée indéterminée.

Le contrat de travail a été transféré le 1er janvier 2009 à la SARL ECONNECTION, qui exerce une activité de transports de voyageurs, selon une modification du contrat de travail intervenue le 28 décembre 2008 avec l’accord du salarié.

Par jugement en date du 14 octobre 2013, le tribunal de commerce d’Evry a prononcé la liquidation judiciaire de la société ECONNECTION. Maître J X a été désigné en qualité de mandataire liquidateur.

Par jugement de même date, la société ALVA 91 a été placée en redressement judiciaire. Un plan de continuation a été entériné par jugement du 17 mai 2015 et a désigné Maître X commissaire à l’exécution du plan.

Maître X, en qualité de mandataire liquidateur de la société ECONNECTION, a licencié Monsieur B A pour motif économique par lettre du 24 octobre 2013, à effet du 25 octobre 2013.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, Monsieur B A a saisi le conseil de prud’hommes d’Evry le 18 décembre 2014 à l’encontre des deux sociétés, afin que soit reconnue la qualité de co-employeur de la société ALVA 91 et d’obtenir le paiement de divers dommages et intérêts.

Par un jugement rendu en formation de départage le 18 janvier 2018, le conseil de prud’hommes a reconnu la qualité de co-employeur de la société ALVA 91 au côté de la société ECONNECTION pour la période du 28 décembre 2008 au 24 octobre 2013, dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, rappelé que le salaire mensuel moyen brut de Monsieur B A était de 1.905,07 euros et condamné la société ALVA 91 à lui payer les sommes suivantes :

' 11.430,42 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud’hommes a également ordonné le remboursement aux organismes concernés des indemnités chômages versées à Monsieur B A du jour de son licenciement au prononcé du jugement dans la limite de six mois.

Enfin, il a débouté les parties du surplus de leurs demandes et mis les dépens à la charge de la société ALVA 91.

La société ALVA 91, ayant constitué avocat, a interjeté appel de cette décision par une déclaration d’appel transmise par le réseau privé virtuel des avocats à la cour d’appel de Paris le 9 février 2018.

Dans ses dernières conclusions, elle demande à la cour d’infirmer le jugement, de débouter Monsieur B A de l’intégralité de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses dernières conclusions, Monsieur B A a formé appel incident et conclut à titre principal à la confirmation du jugement.

Il sollicite de constater que le licenciement est intervenu au mépris de l’obligation de reclassement, de sorte qu’il est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et demande la condamnation de la société ALVA 91 au paiement des sommes de :

' 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, il demande à la cour si elle ne retenait pas le co-emploi, de juger que le licenciement est intervenu au mépris de l’obligation de reclassement, de sorte qu’il est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et sollicite la fixation au passif de la société ECONNECTION de ses créances aux montants de :

' 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur B A demande à rendre opposable la décision à l’AGS CGEA Ile de France.

Dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société ECONNECTION, l’AGS-CGEA demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il l’a mise hors de cause.

A titre subsidiaire, elle sollicite le rejet des demandes de Monsieur B A et demande de juger qu’elle n’est pas tenue de garantir les dommages et intérêts imputables à la société ALVA 91.

A titre plus subsidiaire, elle conclut sur les limites légales de sa garantie.

Dans le cadre de la procédure collective relative à la société ALVA 91, l’AGS demande à la cour de confirmer le jugement, de constater l’existence d’un plan de redressement de la société, de dire que sa garantie n’est que subsidiaire et qu’elle ne devra pas procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail.

Maître X, en qualité de mandataire liquidateur de la société ECONNECTION, et en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société ALVA 91, n’a pas comparu.

Les parties ne se sont pas opposées à la procédure sans audience de plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 8 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020, modifiée par l’ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020.

La clôture a été prononcée le 3 juin 2020.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties.

SUR CE,

L’arrêt sera rendu par défaut, Maître X, en qualité de mandataire liquidateur de la société ECONNECTION et en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société ALVA 91, n’ayant pas été cité à personne.

Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

La cour doit examiner, au vu des moyens d’appel, la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s’était déterminé.

Sur le coemploi ;

C’est par de justes motifs, que la cour adopte, que le conseil de prud’hommes a retenu que les critères du coemploi étaient, en l’espèce, réunis, étant ajouté, s’agissant de la confusion de direction, que Monsieur B A présente des courriers électroniques démontrant que Monsieur Y, appartenant à la société ECONNECTION, est intervenu dans une procédure disciplinaire à l’encontre d’un salarié de la société ALVA 91, qu’il s’adressait aux salariés

d’ALVA 91 par ordre de Monsieur Z et que des salariés de la société ALVA 91 s’en référaient à lui pour différentes questions, comme une prolongation de congés, et que les éléments du dossier permettent d’établir que les deux sociétés avaient un même cabinet comptable, lequel s’adressait à Monsieur Y pour des éléments concernant les paies et les congés payés des salariés des deux sociétés.

La cour relève, entre les deux sociétés, une réelle confusion des intérêts, des activités et de la direction.

Cette confusion se traduit dans les faits par une immixtion de la société ALVA 91 dans la gestion économique de la société ECONNECTION, notamment au regard de la communauté d’intérêts entre les deux sociétés poursuivant une activité commune et spécialement de la fourniture par la société ALVA 91 de matériel nécessaire à l’exploitation de l’activité de la société ECONNECTION.

Elle se traduit également par une immixtion dans la gestion sociale de la société ECONNECTION, eu égard à la gestion du personnel d’une société par l’autre.

Dès lors, il existe bien une situation de coemploi entre les sociétés ALVA 91 et ECONNECTION à l’égard de Monsieur B A.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le licenciement :

Selon l’article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié d’un élément essentiel de son contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

L’article L. 1233-4 du même code dispose que le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré.

L’article L. 1233-4 alinéa 2 dudit code précise que le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupait ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. À défaut, sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’opère sur un emploi de catégorie inférieure.

La lettre de licenciement du 24 octobre 2013, qui fixe les termes du litige, est ainsi rédigée :

« Monsieur,

Par jugement en date du 14 octobre 2013, le Tribunal de commerce d’Evry a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL ECONNECTION dont vous êtes salarié.

Ce jugement m’a désigné en qualité de liquidateur.

Dans ce cadre, une réunion d’information s’est tenue ce jour en mon étude avec M. B G, délégué du personnel.

Le jugement de liquidation judiciaire entraîne cessation totale de l’activité et donc la suppression de votre poste de travail.

Les recherches de reclassement initiées suite à la liquidation judiciaire n’ont pas abouti à ce jour.

Dans ces conditions, j’ai le regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour motif économique à effet du 25/10/2013. »

Monsieur B A considère que l’employeur n’a pas satisfait à l’obligation de reclassement lui incombant et ajoute que postérieurement à la liquidation judiciaire de la société BACKPACKERS F, la société ALVA 91 a repris l’activité de cette dernière de sorte qu’elle assure depuis le transport des voyageurs comme le faisait la société BACKPACKERS F sans avoir permis au personnel de bénéficier d’un transfert ou de la reprise de leur contrat de travail.

L’existence d’une situation de co-emploi ne permet pas à la société ALVA de conclure d’une part que Monsieur B A ne justifie ni de la qualité, ni d’un intérêt à agir contre elle, et d’autre part qu’elle n’a aucune obligation de reclassement à l’égard du salarié.

La société fait valoir qu’elle n’exerçait pas d’activité de transport et ne pouvait donc pas proposer de poste de reclassement à Monsieur B A et ajoute qu’elle se trouvait en redressement judiciaire lorsque le salarié a été licencié, de sorte qu’elle ne pouvait le réembaucher.

L’AGS-CGEA, intervenant au titre de la procédure de liquidation judiciaire de la société ECONNECTION, conclut que Maître X n’a aucune obligation en termes de reclassement lorsque la société en liquidation ne fait pas partie d’un groupe et qu’il indique clairement dans le corps de la lettre de licenciement que les recherches de reclassement se sont avérées infructueuses.

L’employeur ne peut procéder au licenciement économique du salarié concerné que si son reclassement s’avère impossible. Il doit établir qu’il a mis tout en 'uvre pour assurer le reclassement du salarié.

En situation de co-emploi, dès lors que l’obligation de reclassement n’a pas été respectée, le co-employeur doit indemniser le salarié licencié sans cause réelle et sérieuse par l’autre employeur, peu important que cette qualité de co-employeur ait été établie postérieurement à la date du licenciement.

En l’absence d’élément probant permettant d’apprécier la réalité et le sérieux de la recherche de reclassement, ou d’établir l’absence de poste disponible, tant de la part de la société ECONNECTION que de la société ALVA 91, il n’est pas possible de considérer que cette obligation a été respectée.

A défaut d’avoir respecté l’obligation de reclassement, le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse.

En conséquence, le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les conséquences du licenciement :

Au regard des éléments versés au débat, c’est par de justes motifs que la cour adopte que les premiers juges ont condamné la SARL ALVA 91 à payer à Monsieur B A la somme de 11.430,42 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l’application de l’article L. 1235-4 du code du travail

L’article L. 1235-4 du code du travail dispose « Dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. ».

Le licenciement de Monsieur B A ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu à l’application de l’article L. 1235-4 du code du travail ; en conséquence la cour confirme le jugement sur ce point.

Sur la garantie due par l’AGS

La cour déclare le présent arrêt opposable à l’AGS CGEA Ile de France qui devra sa garantie dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, étant rappelé que les indemnités allouées aux titres de l’article 700 du code de procédure civile ne rentrent pas dans le champ de cette garantie.

Sur les frais de procédure :

La société ALVA 91, succombant à l’instance, sera condamnée au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Evry le 18 janvier 2018,

Y ajoutant,

Déclare le présent arrêt opposable à l’AGS CGEA Ile de France Ouest qui devra sa garantie dans les termes des articles L3253-8 et suivants du code du travail, étant rappelé que les indemnités allouées aux titres de l’article 700 du code de procédure civile ne rentrent pas dans le champ de cette garantie,

Condamne la société ALVA 91 au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Monsieur A, ainsi qu’aux entiers dépens d’instance.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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