Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 20 octobre 2020, n° 18/07254

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 11, 20 oct. 2020, n° 18/07254
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/07254
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Créteil, 26 avril 2018, N° F16/03352
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le

 : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRET DU 20 OCTOBRE 2020

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/07254 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B52OD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Avril 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRETEIL – RG n° F 16/03352

APPELANT

Monsieur B X

[…]

[…]

Représenté par Me Emmanuel MAUGER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0706

INTIMÉE

SARL OZE ENERGIES

[…]

[…]

Représentée par Me Laurent MORET, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 427

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Septembre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sylvie HYLAIRE, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Sylvie HYLAIRE, présidente de chambre,

Anne HARTMANN, présidente de chambre,

Laurence DELARBRE, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Mathilde SARRON

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Sylvie HYLAIRE, Présidente et par Victoria RENARD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. B X a été engagé par contrat à durée indéterminée à temps partiel par la SARL Oze Energies à effet au 4 novembre 2013 en qualité de directeur commercial, statut cadre, position 2-1, coefficient 115 de la convention collective nationale applicable au personnel des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils.

Le contrat prévoyait un salaire fixe de 1.400 euros bruts et une rémunération variable calculée en fonction de la marge brute, le pourcentage applicable étant fixé pour l’année 2014 et les années 2015 à 2018.

Un avenant signé le 2 janvier 2014 a fixé à M. X un objectif de chiffre d’affaires de 2.000.000 d’euros pour l’année 2014.

M. X est passé à temps plein en mai 2015, son salaire fixe étant porté à 2.000 euros bruts.

Par lettre datée du 29 juin 2016 remise en mains propres à une date non justifiée, la société Oze Energies a notifié à M. X un avertissement pour négligences professionnelles et indiscipline, évoquant un manque de motivation au travail, un comportement inadapté en réunion, l’absence de précision et de fiabilité des documents et devis établis par lui.

M. X a contesté cet avertissement par lettre remise à son employeur le 29 août 2016.

Par lettre remise en main propre le 7 septembre 2016, M. X a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé au 15 septembre.

Il a ensuite été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre du 20 septembre 2016 ainsi rédigée :

« (…) force est de constater votre manque de résultats commerciaux, les objectifs contractuels n’ayant jamais été atteints depuis votre embauche, et surtout l’absence de tout nouveau client significatif depuis un an, voire la perte de clients importants comme COVEA (…);

J’en veux pour preuve la baisse de moitié, des affaires signées depuis le début de l’année pour un montant de 389 k€ contre 769 k€ sur la même période de l’année dernière, étant précisé qu’il s’agit essentiellement de renouvellements de contrats et non de nouveaux contrats.

Les objectifs qui vous étaient fixés étaient raisonnables et atteignables, et cette incapacité à trouver de nouveaux clients résulte d’une part de votre incapacité à occuper des parties essentielles de votre fonction, et d’autre part, de votre comportement consistant à refuser toute remarque à votre égard et tout changement proposé.

Les illustrations sont nombreuses. Même si vous avez, comme je vous l’ai dit, une bonne capacité à passer des coups de téléphone, obtenir des rendez-vous et nouer un bon relationnel avec certains clients, parmi vos attributions, vous devez aussi préparer des documents de présentation pour les rendez-vous commerciaux, puis, lors des réunions commerciales, présenter notre produit logiciel TECICE, ou encore rédiger des devis pour nos prospects ou des comptes rendus de réunion.

Régulièrement, ces documents sont mal rédigés, contiennent des erreurs.

En dépit du temps passé à essayer de vous expliquer comment corriger ces erreurs, elles n’ont pas varié, voire elles se sont amplifiées et elles m’obligent à reprendre de fond en comble ces présentations et documents afin de pouvoir présenter un rendu correctement corrigé et pertinent pour le client.

Je vous ai notifié un avertissement à ce sujet le 29 juin dernier, que vous avez contesté mais rien n’a changé à votre retour de vacances, comme le démontre à titre d’exemple le compte rendu COVEA.

Ainsi, le lundi 5 septembre 2016, nous avons eu un rendez-vous chez COVEA, à l’issu duquel vous vous êtes engagé à rédiger un compte rendu.

Puis, lors de notre réunion commerciale le lendemain, vous avez finalement refusé de le rédiger, et lorsque je vous en ai fait la remarque, vous m’avez répondu qu’il s’agissait d’une remarque à caractère d’acharnement managérial », dans la mesure où, selon vous, le compte rendu avait déjà été fait.

Vous ayant répondu qu’il s’agissait d’un document à destination interne, ne pouvant être adressé en l’état à COVEA, vous avez finalement accepté le lendemain, le 7 septembre, de le modifier.

Le 9 septembre, je vous ai expliqué en quoi votre document était incomplet, et pour toute réponse, vous m’avez écrit que vous contestiez la totalité de mes commentaires.

Le même cas d’insuffisance du compte rendu commercial client s’est reproduit avec le client AG2R et le prospect GENERALI au début du mois de septembre.

D’autre part, vous manquez d’implication dans la société, notamment lors de nos réunions du lundi, au cours desquelles vous paraissez absent et marquez même un certain désintérêt sur le volet commercial.

Vous adoptez une attitude désagréable avec les jeunes ingénieurs et moi-même.

Face à cette attitude et à la médiocre qualité de votre travail, vous m’obligez à pallier vos erreurs, et à tout vérifier et contrôler, et ce au détriment des autres tâches à valeur ajoutée qui m’incombent en ma qualité de dirigeant de OZE ENERGIES.

J’ai essayé avant les congés d’en discuter avec vous lors d’un déjeuner, et à la rentrée, j’ai tenté de mettre en place une nouvelle organisation tout en vous maintenant aux mêmes fonctions, et en vous rattachant au Directeur International.

Là encore, vous avez refusé catégoriquement, en parlant même de rétrogradation.

Lors du séminaire de rentrée du 22 août, vous avez passé votre journée à consulter votre téléphone portable, sans aucune contribution à la réflexion commune.

Votre attitude désagréable voire même agressive s’est accentuée depuis la rentrée.

Un exemple, lors de la remise en mains propres de la convocation à entretien préalable, je vous cite :

« Tu sais que tu vas avoir de gros problèmes avec tous tes clients et que la société va couler, ça va aller très loin ».

Récemment, j’ai dû vous demander par écrit de justifier d’absences injustifiées et votre tenue est devenue négligée. Pour dernier exemple, lors du dernier entretien vous avez commencer par déclarer « bien évidemment je conteste tout ».

Votre implication ne cesse de diminuer, vous niez en bloc toutes les remarques qui vous sont faites et refusez tout changement, ce qui explique votre incapacité à remplir les fonctions pour lesquelles vous avez été embauché. (…) ».

A la date du licenciement, M. X avait une ancienneté de deux et 10 mois et la société Oze Energies employait moins de 11 salariés.

Contestant son licenciement, M. X a saisi le 26 décembre 2016 le conseil de prud’hommes de Créteil qui, par jugement rendu le 27 avril 2018, l’a débouté de ses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail et a :

— condamné la société Oze Energies à verser à M. X la somme de 11.508,98 euros à titre de rappel de salaire outre celle de 1.150,89 euros au titre des congés payés afférents,

— dit justifiée la répétition de l’indu réclamée par la société Oze Energies à hauteur de la somme de 8.732,01 euros et ordonné la compensation entre les créances respectives des parties,

— mis les dépens à la charge de M. X.

Par déclaration du 05 juin 2018, M. X a relevé appel de la décision qui lui avait été notifiée par lettre adressée le 15 mai.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 5 septembre 2018, M. X demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Oze Energies à lui payer la somme de 11.508,98 euros à titre de rappel de salaire outre celle de 1.150,89 euros au titre des congés payés afférents, de l’infirmer pour le surplus et de :

— dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— condamner la société Oze Energies à lui payer les sommes suivantes :

* 20.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non fixation d’objectif et non respect des dispositions contractuelles relatives à la rémunération variable,

* 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouter la société Oze Energies de l’ensemble de ses demandes,

— la condamner aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 7 février 2020, la société OZE Energies sollicite la confirmation de la décision déférée, demandant à la cour de lui donner acte de ce qu’elle se reconnaît redevable du rappel de salaires et congés payés, tels que fixés par le conseil de prud’hommes et sollicitant la condamnation de M. X à lui payer la somme de 8.732,01 euros au titre d’un trop perçu sur avance sur note de frais, d’ordonner la

compensation entre les créances respectives des parties et de condamner M. X aux dépens ainsi qu’à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 février 2020.

L’audience initialement fixée au 24 avril 2020 n’a pu être tenue en raison de la crise sanitaire et en l’absence de réponse de l’appelant à la proposition de recours à la procédure sans audience, l’affaire a été fixée à nouveau à l’audience du 15 septembre 2020.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites ainsi qu’au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rappel de salaires présentée par M. X

La société Oze Energies reconnaissant être débitrice des sommes allouées à ce titre par le conseil de prud’hommes de Créteil et sollicitées par M. X en application des salaires minimaux prévus par l’avenant n°43 du 21 mai 2013 de la convention collective, le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de la société Oze Energies en répétition de l’indu

La société intimée fait exposer qu’elle avait consenti à régler à M. X une avance sur note de frais de 7.500 euros en mars 2016 mais qu’ainsi qu’en atteste le document comptable versé aux débats (Grand livre et tableau établi par l’expert-comptable – ses pièces 22), le solde dû par M. X est de 8.732,01 euros.

M. X conclut au rejet de cette demande, soutenant que la somme versée était en réalité le versement en une seule fois, fait à sa demande, de sa « prime de prospection » du second semestre 2016 et ne correspond pas à une avance sur note de frais, ainsi que le prétend l’employeur. Il ajoute que le document produit n’établit pas qu’il n’aurait pas engagé les frais correspondant à la prétendue avance.

***

La prime de prospection qu’évoque M. X dans ses écritures n’était pas prévue par les dispositions contractuelles et l’examen des bulletins de paie versés aux débats par l’appelant verse aux débats pour la période de décembre 2015 à novembre 2016 et par l’intimée, pour la période de janvier 2015 à novembre 2016 ne permet pas de retenir que cette prime reposait sur un engagement unilatéral de l’employeur dans la mesure où elle n’a été versée que durant les mois de septembre 2015 à mai 2016, sous des appellations diverses (prime de prospection sur périmètre 94, sur périmètre assurance, sur périmètre, sur assurances, sur mutuelle ou seulement prime de prospection ou prime bailleurs sociaux) et pour des montants variables (710 euros, 723 euros, 725 euros, 729 euros, 735 euros, 745 euros, 755 euros, 769 euros).

En outre, si M. X fait état dans ses écritures d’un échange de mails du 12 juillet avec M. Y, dirigeant de la société, qui démontrerait que la somme versée correspondrait au versement en une seule fois à sa demande de sa prime du second semestre, d’une part, dans cet échange de mails (pièce 2 salarié), M. Z répond à M. X, qu’il ne comprend pas à quelle prime celui-ci fait allusion et demande justement au salarié s’il ne confond pas avec des remboursements de notes de frais.

D’autre part, la somme a été versée avant cet échange de mails (le 4 mars 2016) et le montant du virement effectué sur le compte de M. X (7.500 euros) ne correspond pas à 6 mois de « primes » qu’il fixe lui-même à 710 euros soit un total de 4.260 euros pour un semestre.

En revanche, il ressort de l’examen du relevé de compte que le virement de 7.500 euros crédité le 4 mars 2016 sur le compte de M. X est intitulé « avance NDF », ce qui corrobore l’affirmation faite par la société selon laquelle il s’agissait d’une avance sur notes de frais.

Or, l’examen de l’extrait du grand livre comptable versé aux débats par la société démontre qu’à l’issue de la relation contractuelle, M. X était débiteur de la somme retenue par le jugement déféré qui sera donc confirmé de ce chef ainsi qu’en ce qu’il a ordonné la compensation des créances respectives de parties, étant seulement précisé que la créance de M. X à l’encontre de la société est exprimée en brut alors que celle de la société correspond à des sommes en net.

Sur la demande indemnitaire de M. X au titre du défaut de fixation d’objectifs et

non respect des dispositions contractuelles relatives à la rémunération variable

M. X sollicite la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non fixation d’objectifs et non application de la partie variable de sa rémunération.

Malgré les dénégations de la société Oze Energies, il était expressément prévu par le contrat de travail conclu entre les parties (article 8) que la rémunération variable donnerait lieu à une négociation annuelle pouvant aboutir à une évolution des bases des taux prévus par le contrat et fixés en pourcentage de la « marge retenue ».

Le contrat précisait que le salarié s’engageait à réaliser chaque année les objectifs fixés par la direction et que le plan de rémunération variable détaillerait, pour chaque objectif, sa nature, les éléments pris en compte pour le calculer et au moyen de quelles informations il serait chiffré. Il était en outre indiqué que le plan prévoirait également les modalités du suivi périodique des résultats du salarié par rapport à l’objectif prévu. Enfin, il était mentionné que les objectifs seraient fixés à un niveau atteignable par le salarié et négociés au préalable avec la direction.

Or, si l’avenant signé entre les parties le 2 janvier 2014 a effectivement fixé un objectif de 2.000.000 d’euros en 2014, la société Oze Energies ne verse aux débats aucune pièce démontrant la fixation d’objectifs pour les exercices suivants.

Le non-respect des dispositions contractuelles est donc établi.

Compte tenu des pièces et explications fournies, il sera alloué à M X la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à ce titre.

Sur le licenciement

En application des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement fait état de plusieurs manquements du salarié à ses obligations :

— une insuffisance de résultats se traduisant par :

* un manque de résultats commerciaux,

* la non-atteinte des objectifs,

* l’absence de rentrée de tout nouveau client depuis un an,

* la perte de clients importants comme COVEA,

— une insuffisance professionnelle se traduisant par une rédaction défectueuse des documents commerciaux et des devis, documents mal rédigés et comportant des erreurs,

— un manque d’implication dans la société et un comportement désagréable à l’égard des jeunes ingénieurs et du dirigeant,

— le refus de la nouvelle organisation mise en place à la rentrée,

— des absences injustifiées et une tenue négligée,

— l’attitude de contestation du salarié au cours de l’entretien préalable.

Sur l’insuffisance de résultats et l’insuffisance professionnelle

L’insuffisance de résultats ne constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement que si le fait de ne pas avoir atteint les objectifs résultent soit d’une faute du salarié soit d’une insuffisance professionnelle, qui se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié d’exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification.

Si l’appréciation des aptitudes professionnelles et de l’adaptation à l’emploi relève du pouvoir de l’employeur, l’insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de celui-ci.

En l’espèce, d’une part, ainsi qu’il l’a été relevé, la société Oze Energies, n’ayant pas fixé d’objectifs au salarié pour les années 2015 et 2016, ne peut valablement lui reprocher de ne pas les avoir atteints.

D’autre part, si le schéma produit en pièce 16 de l’entreprise fait apparaître une baisse du chiffre d’affaires, ce document n’est étayé par aucun document comptable probant et il ne permet pas de retenir que la diminution du chiffre d’affaires réalisé invoquée dans la lettre de licenciement, qui serait passé, sur les mois de janvier à août, de 769K € en 2015 à 389K € en 2016, est imputable au seul fait de carences du salarié.

S’agissant de l’absence de nouveaux clients ou de leur perte invoquées dans la lettre de licenciement, concernant le client COVEA, aucune pièce n’est versée aux débats permettant de considérer ce fait comme établi : la pièce 17 relative à ce client fait seulement état d’une réunion commerciale du 5 septembre ainsi que de la possibilité de « rattraper » ce client, M. X n’étant par ailleurs pas démenti quand il attribue les difficultés à un écart de prix et à un manque de réactivité technique.

Quant aux clients Perial et Yxime, l’affirmation faite au sujet du client Perial par le dirigeant de la société, M. Y, dans un mail du 17 janvier 2017 adressé à son conseil (pièce 14), est en contradiction avec la pièce 13 qui tend à démontrer que ce client a pris contact avec la société le 7 novembre 2016, l’affirmation de M. Y sur l’imputabilité du retard pris à M. X n’étant pas établie et étant au demeurant contredite par l’échange de mails à ce sujet du 9 novembre 2016 (pièce 15 salarié). Pour le client Yxime (pièce 15 société), il n’est pas possible non plus au vu de la seule pièce produite d’attribuer le refus de l’offre faite par la société à une insuffisance

professionnelle de M. X.

En tout état de cause, il s’agit de faits révélés après le licenciement.

Il est également déploré l’absence d’apport de nouveaux clients en 2016.

Si, ainsi que le soutient la société, les prestations facturées en 2016 à la société AG2R La Mondiale et à la société Swisslife correspondaient à des conventions conclues pour la première en 2014 et pour la seconde en 2015 (pièces 11 et 12 société), M. X justifie de l’obtention d’un contrat de fourniture et pose pour un chantier d’un montant de plus de 172.000 euros concernant un immeuble non visé dans la convention conclue en 2014 (pièce 9 salarié). Il justifie encore de la signature en 2016 de plusieurs commandes par la société Savills France et la société Telmma (pièces 18, 35 et 36) et non seulement, comme le soutient la société Oze Energies pour un audit énergétique ou pour des travaux de maintenance.

Il ne peut donc être soutenu que M. X n’a obtenu aucun nouveau client au cours de l’année 2016.

Enfin, la rédaction prétendument défectueuse et erronée de divers documents repose principalement sur l’affirmation qui en est faite par la société qui produit seulement un échange de mails entre M. Y et M. X (pièces 17 et 18). Ne sont versés aux débats ni le compte-rendu ni le mail qu’aurait établis M. X en sorte qu’il n’est pas possible d’apprécier la pertinence des critiques émises par l’employeur ou la réalité des erreurs prétendument commises.

Sur le manque d’implication dans la société et le comportement désagréable à l’égard des jeunes ingénieurs et du dirigeant

Ce grief n’est étayé par aucune pièce et ne repose que sur les allégations de la société.

Sur le refus d’accepter la nouvelle organisation

M. X soutient que lors d’une réunion de la fin du mois d’août 2016, il lui aurait été annoncé que ses fonctions allaient être reprises par M. A, ce que conteste la société en produisant le contrat de travail de celui-ci, engagé en qualité de directeur international.

Elle ne produit cependant aucune explication sur « la nouvelle organisation » ni sur le refus de celle-ci opposé par M. X alors même que la lettre de licenciement précise expressément le rattachement du salarié à M. A.

Sur les absences injustifiées et la tenue négligée

Aucun élément n’est produit quant « à la tenue négligée ».

Les absences – arrivée le 8 septembre à 13 heures et le 9 septembre 2016 à 11h30 -, outre qu’elles avaient fait l’objet d’une « remontrance » de l’employeur le 9 septembre, ont été expliquées par M. X dès la demande faite par M. Y, le salarié justifiant avoir été à l’hôpital le jeudi et être resté à son domicile le vendredi matin étant fatigué.

Si M. X aurait effectivement dû informer son employeur, ce seul fait ne peut caractériser le comportement « inacceptable » évoqué par la société, en l’absence de tout incident antérieur de la part d’un salarié qui relevait du statut de cadre.

Sur l’attitude de contestation du salarié au cours de l’entretien préalable

Le fait que le salarié ne soit pas d’accord avec les griefs invoqués par l’employeur et exprime ce désaccord au cours de l’entretien préalable ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

***

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il sera considéré que le licenciement de M. X est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement déféré étant infirmé de ce chef.

M. X justifie qu’il n’a pas retrouvé d’emploi suite à son licenciement et qu’il a été indemnisé par Pôle Emploi à hauteur d’environ 1.200 euros bruts par mois. Il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite en avril 2019.

Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. X, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 17.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les autres demandes

La société Oze Energies, partie perdante à l’instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu’à payer à M. X la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :

— condamné la société Oze Energies à verser à M. B X la somme de 11.508,98 euros à titre de rappel de salaire outre celle de 1.150,89 euros au titre des congés payés afférents,

— dit justifiée la répétition de l’indu réclamée par la société Oze Energies à hauteur de la somme de 8.732,01 euros et ordonné la compensation entre les créances respectives des parties, sauf à préciser que la créance de M. X à l’encontre de la société est exprimée en brut alors que celle de la société correspond à des sommes en net,

INFIRME le jugement déféré pour le surplus,

DIT que le licenciement de M. B X est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la SARL Oze Energies à payer à M. B X les sommes suivantes :

—  2.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du défaut de fixation d’objectifs et du non respect des dispositions contractuelles relatives à la rémunération variable,

—  17.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions,

CONDAMNE la SARL Oze Energies aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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