Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 1er octobre 2020, n° 19/12014

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 2, 1er oct. 2020, n° 19/12014
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/12014
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 12 novembre 2019, N° 19/0051
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRET DU 1er OCTOBRE 2020

(n° , 4 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/12014 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBCK2

Décision déférée à la Cour : Ordonnance rendue le 13 Novembre 2019 du Conseil de Prud’hommes de PARIS – RG n° 19/0051

APPELANTE

EPIC RATP

[…]

[…]

représentée par Me Sophie MALTET, avocat au barreau de PARIS, toque : R062

INTIME

Monsieur Z X

né le […] à Saint-Denis (93)

[…]

[…]

Représenté par Me A BASINO, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

COMPOSITION DE LA COUR :

En application :

— de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ;

— de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1er et 8 ;

— de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période ;

L’affaire a été retenue selon la procédure sans audience le 19 juin 2020, les avocats y ayant consenti

expressément ou ne s’y étant pas opposés dans le délai de 15 jours de la proposition qui leur a été faite de recourir à cette procédure;

La cour composée comme suit en a délibéré :

Madame Mariella LUXARDO, Présidente

Madame Brigitte CHOKRON, Présidente

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Mariella LUXARDO, Présidente et par Monsieur A POIX, greffier.

**********

Statuant sur l’appel interjeté le 3 décembre 2019 par l’établissement public industriel et commercial Régie autonome des transports parisiens (ci-après la RATP) d’une ordonnance de référé rendue le 13 novembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Paris en sa formation de départage qui, dans le cadre du litige l’opposant à M. Z X, a :

— ordonné à la RATP de remettre à Maître A BASINO en qualité de conseil de M. Z X dans les quinze jours du prononcé de l’ordonnance l’intégralité des documents de l’enquête dont les conclusions ont été notifiées au salarié par courrier du 23 novembre 2017,

— condamné la RATP à payer à M. Z X une indemnité de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens,

— débouté M. Z X de ses autres demandes et la RATP de ses demandes,

Vu les dernières conclusions transmises le 29 mai 2020 par la RATP, appelante, qui demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL :

— infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes le 13 novembre 2019,

en conséquence,

— prononcer l’incompétence de la formation des référés,

A TITRE SUBSIDIAIRE :

— prononcer l’absence de motif légitime de M. X relatif à sa demande de communication,

en conséquence,

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :

— prononcer l’absence de harcèlement moral à l’égard de M. X,

en conséquence,

— débouter M. X de l’intégralité de ses demandes,

— le condamner à lui payer la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— le condamner aux entiers dépens,

Vu les dernières conclusions transmises le 3 juin 2020 par M. Z X, intimé, qui demande à la cour de :

1. confirmer l’ordonnance de référée prononcée par le juge départiteur de la formation de référé le 13 novembre 2019,

2. débouter la RATP de toutes ses prétentions,

3. condamner la RATP à payer la somme de 3 500 € en réparation du dommage causé par son appel dilatoire,

4. condamner la RATP à lui payer une somme de 2 025 € T.T.C. sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

La cour faisant expressément référence aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties,

Vu l’ordonnance de clôture en date 5 juin 2020,

Vu l’accord des parties sur le recours à la procédure sans audience en application de l’article 8 de l’ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020,

SUR CE,

EXPOSE DU LITIGE

M. Z X a été engagé le 9 novembre 1999 par la RATP en qualité d’agent des gares.

Au dernier état de la relation contractuelle, il occupe le poste d’opérateur de contrôle et de développement (OCD) au pôle contrôle de Massy.

M. Z X s’est plaint en 2015 de subir des agissements susceptibles de caractériser un harcèlement moral de la part du nouvel encadrement constitué de Mme D E, cadre de site, et de M. Y, agent de maîtrise.

Par l’intermédiaire de son avocat, il a transmis à son employeur par courrier adressé le 23 mars 2017 sous pli recommandé avec avis de réception la requête qu’il envisageait de déposer à ce titre au greffe de la juridiction prud’homale, dans le but de trouver une issue médiatisée au différend.

Par lettre adressée sous la même forme le 2 mai 2017, l’employeur a informé l’avocat du salarié de l’ouverture d’une enquête en interne.

L’enquête concluant à l’absence de caractérisation du harcèlement moral allégué a fait l’objet d’une restitution orale au salarié puis d’un courrier du 23 novembre 2017 à son intention faisant état des

principaux points retenus dans les conclusions d’enquête.

Le 8 avril 2019, M. Z X a saisi en référé le conseil de prud’hommes de Paris de la procédure qui a donné lieu à l’ordonnance entreprise.

MOTIFS

Les demandes sont à juste titre fondées sur les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, en vertu desquelles s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Leur mise en 'uvre n’est donc pas soumise à une condition d’urgence, ni à l’absence de contestation sérieuse, ni à l’existence justifiée ou supposée d’un trouble manifestement illicite.

Il doit être également rappelé que le mécanisme répartissant la charge de la preuve en matière de harcèlement moral, prévu par l’article L 1154-1 du code du travail, est applicable devant la juridiction saisie au principal mais non devant le juge des référés saisi sur le fondement de l’article 145, dans la mesure où la procédure prévue par ce dernier texte n’est pas limitée à la conservation des preuves et peut aussi tendre à leur établissement, notamment par le recueil d’éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Pour la même raison, c’est encore en vain que la RATP se réfère à l’article 146 du code de procédure civile qui prévoit en son alinéa 2 qu’en aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve, ces dispositions étant inapplicables dans le cadre de mesures d’instruction demandées à un juge non saisi du fond du litige.

Il suffit donc que la demande de communication de pièces en référé soit formée avant la saisine du juge du fond, qu’elle soit sous-tendue par un motif légitime et qu’elle porte sur la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.

Au cas présent, M. Z X produit en particulier :

— plusieurs attestations d’agents relatant les agissements de l’encadrement notamment à son égard,

— une pétition signée le 26 février 2015 par quinze agents du service jour de Massy Palaiseau qui mettent en cause le management de Mme D E, cadre du site, et de M. Y, agent de maîtrise, en faisant état des propos vexatoires tenus, des provocations subies et des pressions constantes exercées,

— une alerte des délégués du personnel notifiée à l’employeur le 4 novembre 2015 concernant les salariés du site de Massy du service contrôle clients,

— des documents médicaux établis en 2015, 2016 et 2017 relatifs aux conséquences de ces agissements sur son état de santé.

Il s’ensuit que le salarié justifie d’un motif légitime sous-tendant sa demande et que celle-ci est formée en vue d’une action au fond qui en cet état de référé n’est pas manifestement vouée à l’échec.

Est inopérant l’argument de la RATP selon lequel M. Z X aurait ainsi en sa possession suffisamment d’éléments à soumettre à l’appréciation du juge du fond au regard des dispositions de l’article L 1154-1 du code du travail, alors qu’elle considère en réalité que l’offre de preuve du salarié est insuffisante à cet égard ainsi qu’elle le soutient à titre infiniment subsidiaire pages 9 in fine à 15 de ses conclusions.

Par ailleurs, dès lors que l’enquête initiée par l’employeur porte sur des faits le concernant personnellement, M. Z X est en droit d’obtenir communication du rapport d’enquête et de ses annexes, peu important que la note unilatérale « GIS N° 2016-47 » établie le 19 octobre 2016 par l’employeur n’envisage qu’une restitution des conclusions du rapport d’enquête auprès de la présumée victime et du présumé auteur du harcèlement.

L’ordonnance entreprise sera donc confirmée en toutes ses dispositions.

S’agissant de la demande en dommages-intérêts pour appel abusif présentée par M. Z X, il doit être rappelé que le droit de se défendre en justice ne dégénère en faute qu’en cas d’abus caractérisé ou d’intention de nuire, dont l’existence n’est pas démontrée en l’espèce.

M. Z X sera donc débouté de sa demande à ce titre.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, il est équitable d’allouer à l’intimé la somme de 2 025 € au titre des frais irrépétibles qu’il a été contraint d’engager devant la cour.

La RATP qui succombe n’obtiendra aucune indemnité sur ce fondement et supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Déboute M. Z X de sa demande en dommages-intérêts pour appel abusif ;

Condamne la RATP à payer à M. Z X la somme de 2 025 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles qu’il a été contraint d’engager devant la cour ;

Condamne la RATP aux entiers dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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