Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 12 octobre 2021, n° 19/07941

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 11, 12 oct. 2021, n° 19/07941
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/07941
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 23 mai 2019, N° 16/07207
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le

 : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRET DU 12 OCTOBRE 2021

(n° ,6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/07941 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAK5F

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mai 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 16/07207

APPELANTE

Madame Z X

[…]

78100 SAINT GERMAIN-EN-LAYE

Représentée par Me Octave LEMIALE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1050

INTIMEE

SAS CGI FRANCE

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Bertrand MERVILLE de la SCP LA GARANDERIE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0487

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Juin 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. B C, Magistrat honoraire, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Anne HARTMANN, Présidente de chambre

B C, Magistrat honoraire,

Laurence DELARBRE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Mathilde SARRON

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Anne HARTMANN, Présidente de chambre et par Mathilde SARRON, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signatair.

EXPOSE DU LITIGE

Mme Z D, épouse X, née en 1978, a été engagée par la Société CGI France, après y avoir réalisé un stage pour son diplôme, par contrat de travail à durée déterminée, à compter du 1er octobre 2007 jusqu’au 16 novembre 2007, prolongé jusqu’au 31 décembre 2007, en qualité d’Ingénieur en technologies de l’information, coefficient 100, position 1.2.

Un second contrat de travail à durée déterminée a été conclu le 20 décembre 2007 pour la période du 7 au 28 janvier 2008, prolongé jusqu’au 6 avril 2008.

Le 14 février 2008, le contrat de travail de Mme X a été transformé en un contrat de travail à durée indéterminée, avec reprise d’ancienneté au 1er octobre 2007.

Les relations contractuelles sont soumises à la convention collective nationale des cabinets d’études dite « SYNTEC».

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme X s’élevait à la somme de 2.020,65 euros.

Mme X a été en congé maternité de mai à septembre 2013 puis en congé parental suivi d’un second congé de maternité entre novembre 2013 et septembre 2014.

Le 6 juillet 2015, le médecin du travail a émis un avis d’inaptitude de Mme X à son poste.

Mme X a été licenciée pour inaptitude par lettre datée du 14 août 2015.

À la date du licenciement, Mme X avait une ancienneté de sept ans et dix mois et la SAS CGI France occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, y compris pour harcèlement moral, Mme X a saisi, le 21 juin 2016, le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement rendu le 24 mai 2019 :

— l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée aux entiers dépens ;

— a débouté la Société CGI France de ses demandes reconventionnelles.

Par déclaration du 15 juillet 2019, Mme X a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 octobre 2019, Mme X demande à la cour de :

— infirmer le jugement prud’homal du 24 mai 2019 en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,

— constater que la société CGI France a manqué à son obligation de sécurité ;

En conséquence,

— condamner ladite société au paiement de la somme de 35.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi ;

— dire que l’absence de mission proposée à Mme X est illégale ;

En conséquence,

— condamner la Société CGI France au paiement de la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de fourniture du travail ;

— dire Mme X a été victime d’une inégalité de traitement au sein de la Société CGI France ;

en conséquence,

— condamner la Société CGI France au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour inégalité de traitement salariale ;

— dire que le licenciement notifié le 14 août 2015 est discriminatoire et par conséquent nul de plein droit ;

En conséquence,

— condamner la Société CGI France au paiement de la somme de 32 .603,52 euros (12 mois de salaire) à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi ;

En conséquence,

— condamner la Société CGI France au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour inégalité de traitement salariale ;

En tout état de cause,

— condamner la société au paiement de la somme de 3.600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 janvier 2020, la Société CGI France demande à la cour de :

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a débouté Mme X de l’ensemble de ses demandes ;

— dire et juger que la société CGI France a respecté son obligation de sécurité de résultat à l’égard de Mme X ;

— dire et juger que la société CGI France n’a commis aucun acte discriminatoire ou de harcèlement moral à l’égard de Mme X ;

— dire et juger que l’inaptitude de Mme X n’a pas d’origine professionnelle ;

— dire et juger que la société CGI France a respecté son obligation de reclassement ;

— dire et juger que Mme X ne démontre pas l’inégalité salariale dont elle prétend avoir été victime ;

En conséquence :

— dire et juger que le licenciement de Mme X est bien-fondé ;

— débouter Mme X de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

— débouter Mme X de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat ;

— débouter Mme X de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de fourniture de travail ;

En tout état de cause :

— débouter Mme X de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouter Mme X de sa demande d’exécution provisoire.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 avril 2021 et l’affaire fixée à l’audience le 18 juin 2021.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites ainsi qu’au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le harcèlement moral

Selon les dispositions de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Enfin, l’article L. 1154-1 prévoit, qu’en cas de litige, si le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat, doit assurer la protection de la santé des travailleurs dans l’entreprise et notamment prévenir les faits de harcèlement moral.

Dès lors que de tels faits sont avérés, la responsabilité de l’employeur est engagée, ce dernier devant répondre des agissements des personnes qui exercent de fait ou de droit une autorité sur les salariés.

Mme X soutient avoir subi à compter de septembre 2009 et jusqu’en février 2015 des méthodes

de management difficiles moralement de la part de M. Y puis de Mme E-F ses supérieurs hiérarchiques, constituées par:

— l’obligation de signature d’un registre quotidiennement ;

— une surveillance de manière permanente par son supérieur ;

— des pressions relatives à sa période d’intermission ;

— le refus initial qui lui a été opposé de bénéficier de la nouvelle charte d’engagement durant les périodes d’intercontrat lui permettant de rester à son domicile, obtenue qu’après l’intervention des délégués du personnel ;

— des instructions contradictoires de ses managers ;

— l’entretien du 30 septembre 2014 au cours duquel Mme E-F sera particulièrement vexante à son égard, lui refusant une évolution de son coefficient, la mise au placard subie à compter du mois de septembre 2014 caractérisée par les refus de lui rechercher un emploi correspondant à ses compétences ou son expérience professionnelle l’employeur persistant à ne pas vouloir la positionner dans l’unité SAP ;

— la dégradation de son état de santé aboutissant à son inaptitude définitive au poste, le médecin du travail précisant le 6 juillet 2015, que son état de santé ne permet pas un reclassement dans l’entreprise

— l’absence d’entretien annuel de retour de mission, ou de retour de congé maternité, de bilan de compétence et d’action de formation.

— le malaise dont elle a été victime le 24 février 2015 à sa sortie de son entretien avec la responsable des relations humaines l’ayant informée du refus de sa demande de rupture conventionnelle et lui ayant proposé un projet de reconversion ne lui convenant pas.

A l’appui de ses affirmation elle produit :

— les entretiens semestriels limités aux années 2008 à 2010 ;

— ses nombreuses demandes à être affectée au service SAP ;

— les périodes d’inter contrat particulièrement longues ;

— l’avis du médecin du travail du décembre 2011, préconisant en raison de l’état de santé de Mme X, un temps de trajet limité à deux heures quotidiennes ;

— les éléments médicaux suivants : le fait qu’elle ait été victime, à sa sortie d’un rendez-vous avec la DRH le 25 février 2015, d’un malaise avec perte de conscience entraînant un arrêt de travail pour dépression et son absence de reprise du travail jusqu’à son licenciement.

— l’avis du le médecin du travail lors de la visite de pré reprise du 8 juin 2015 jugeant sa reprise comme « difficile ».

— sa déclaration d’inaptitude à son poste de travail en raison de son état de santé, par le médecin du travail le 6 juillet 2015.

Ces faits pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, il incombe à

la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ces décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement

La Société conteste tout harcèlement moral à l’encontre de Mme X et affirme qu’elle a bénéficié d’un suivi médical régulier et adapté sans que les avis d’aptitude ne mentionnent de difficulté ayant un impact sur son état de santé. Elle réplique s’agissant de la gestion de sa carrière que les demandes de la salariée ont toujours été traitées et qu’elles n’ont pu aboutir pour des raisons objectives. Elle produit aux débats la synthèse d’enquête établie suite au droit d’alerte exercé par un délégué du personnel en raison des accusations de mesures discriminatoires ayant eu des impacts sur son état de santé formulées par la salariée (pièce 28) qui a conclu au fait qu’ « aucun harcèlement moral n’est avéré, il s’agit d’un ressenti de la part de M. Z, probablement du à certaines incompréhensions ». Enfin, elle conteste tout lien entre les conditions de travail et l’état de santé de la salariée et qu’il ne peut être tiré aucune conséquence du malaise subi par Mme X survenu à l’issue de son entretien avec la DRH qui s’est déroulé dans un climat normal et serein.

La cour observe que si les périodes dites d’inter-contrat ou d’intermission sont inhérentes à l’activité des sociétés de prestation de services, en particulier dans le domaine de l’informatique il ressort de l’historique de la vie professionnelle de la salariée au sein de la société CGI qu’ à compter de septembre 2014, au retour de son deuxième congé de maternité au sein de l’entreprise la salariée n’a pas bénéficié d’un entretien professionnel à sa reprise et qu’elle a été en période d’inter contrats jusqu’en février 2015, l’entreprise CGI ne justifiant pas comme elle le prétend, des propositions qui auraient été faites à la salariée qu’elle aurait refusées ni que différentes tâches lui auraient été proposées durant cette période. Il ressort par ailleurs du dossier que ce n’est que le 19 février 2015 que la DRH lui a proposé un plan de montée en compétences avec plusieurs formations et mises en situation, qu’elle refusés au motif qu’elle ne souhaitait pas changer de métier.

La cour relève néanmoins qu’il ressort du dossier, que la salariée a persisté à vouloir intégrer l’équipe SAP-BI et qu’il n’a pas été accédé à ses demandes pour des raisons objectives qui lui ont été à chaque fois explicitées, soit un déficit de formation, soit un manque d’expérience ou pour finir une demande en décroissance concernant ce domaine.

Il est par ailleurs justifié que dès le 15 septembre 2014, certes après l’intervention d’un délégué du personnel mais rapidement après sa reprise du travail, Mme X a été autorisée à effectuer ses périodes d’intercontrat à son domicile sous réserve d’être très vite mobilisable. En revanche,il n’est produit aucun élément concernant les pressions dont elle aurait été victime ou les instructions contradictoires des managers qu’elle invoque. A cet égard, la cour retient que la cellule d’enquête mise en place dans le cadre du droit d’alerte exercé par un délégué du personnel sur la situation de Mme Z a expressément conclu au fait qu’aucun harcèlement moral n’était établi, faisant état d’un ressenti de la salariée probablement dû à certaines incompréhensions.

S’il n’est pas contesté que l’état de santé de Mme X s’est dégradé, justifiant un arrêt de maladie puis son inaptitude, cela ne peut être mis en lien avec le malaise qu’elle a connu à la sortie du bureau de la DRH, 35 minutes après cet entretien, même si elle en est sortie contrariée, selon l’attestation qu’elle produit.

La cour en déduit qu’il est établi que les décisions prises à l’égard de Mme X sont étrangères à tout fait de harcèlement moral, lequel n’est pas établi et qu’elle a été à juste titre déboutée de sa demande indemnitaire de ce chef y compris de sa demande pour manquement à l’obligation de sécurité et à celle de fournir un travail.

Sur l’inégalité de traitement entre les salariés

Il résulte du principe ' à travail égal, salaire égal ', dont s’inspirent les articles L.1242-14, L.1242-15, L. 2261-22.9°, L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d’assurer,

pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l’article L.3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

En application de l’article 1315 du code civil devenu l’article 1353, s’il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal’ de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Au constat que Mme X se borne à affirmer qu’elle a subi un retard dans l’évolution de sa carrière, et plus précisément qu’elle n’a pas évolué comme ses collègues ayant étant embauchés en même temps qu’elle sans soumettre aux débats des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et notamment de comparaison avec d’autres salariés placés dans la même situation qu’elle, c’est à juste titre qu’elle a été déboutée de sa demande de ce chef.

Sur la nullité du licenciement

La cour n’ayant retenu ni l’existence d’un harcèlement moral ni celle d’une inégalité de traitement aucune nullité du licenciement n’est encourue, c’est à juste titre que Mme X a été déboutée de sa demande de ce chef.

Sur les autres dispositions

Partie perdante, Mme X est condamnée aux dépens d’instance et d’appel, le jugement déféré étant confirmé sur ce point. L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement déféré.

DEBOUTE Mme Z X de l’intégralité de ses demandes.

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE Mme Z X aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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