Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 12, 16 septembre 2021, n° 20/09349

  • Terrorisme·
  • Préjudice·
  • Victime·
  • Professionnel·
  • Souffrances endurées·
  • Acte·
  • Déficit fonctionnel permanent·
  • Titre·
  • Poste·
  • Attentat

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 - ch. 12, 16 sept. 2021, n° 20/09349
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/09349
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Paris, 10 juin 2020, N° 18/07337
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 12 (anciennement pôle 2 – chambre 4)

ARRET DU 16 SEPTEMBRE 2021

(n° , 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/09349 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCBGZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Juin 2020 du Tribunal Judiciaire de PARIS – RG n° 18/07337

APPELANT

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS

[…]

[…]

représenté par Me Hélène FABRE de la SELARL FABRE-SAVARY-FABBRO, Société d’avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0124 substituée par Me Patricia FABBRO, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Madame D E épouse X

Agissant tant à titre personnel qu’ès qualités de représentante légale de sa fille mineure Y X

Elisant domicile au cabinet de Me Isabelle TESTE

[…]

née le […] à […]

représentée par Me K L, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998 ayant pour avocat plaidant Me Isabelle TESTE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1400

Monsieur M N X

agissant tant à titre personnel qu’ès qualités de représentant légal de sa fille mineure Y X

Elisant domicile au cabinet de Maître Isabelle TESTE

[…]

né le […] à […]

représenté par Me K L, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998 ayant pour avocat plaidant Me Isabelle TESTE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1400

Mademoiselle Z X

Elisant domicile au cabinet de Me Isablle TESTE

[…]

née le […] à BAGNOLET

représentée par Me K L, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998 ayant pour avocat plaidant Me Isabelle TESTE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1400

Madame F X

ayant domicile élu chez Me Isabelle TESTE […]

[…]

née le […] à BAGNOLET

représentée par Me K L, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998 ayant pour avocat plaidant Me Isabelle TESTE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1400

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE

1/9 AVENUE DU GENERAL DE GAULLE

[…]

non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Mai 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Catherine COSSON, Conseillère fonction de présidente, chargée du rapport et Mme Sylvie LEROY, Conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine COSSON, Conseillère faisant fonction de présidente

Mme Sylvie LEROY, Conseillère

Mme D BARDIAU, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Eva ROSE-HANO

ARRÊT :

— réputé contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Catherine COSSON, Conseillère faisant fonction de présidente et par Eva ROSE-HANO, Greffier présente lors du prononcé.

Mme D X, âgée de 44 ans, a été victime de l’attentat commis le 9 janvier 2015 à l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes à Paris ; alors qu’elle faisait ses courses, elle a été prise en otage par Amedy Coulibaly.

Par jugement en date du 11 juin 2020, la juridiction de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme, la JIVAT, du tribunal judiciaire de Paris, a :

— dit que Mme D X a été victime d’un acte de terrorisme le 9 janvier 2015 et que son droit à indemnisation est entier en application des articles L 126-1 et L 422-1 et suivants du code des assurances,

— dit que le préjudice situationnel spécifique d’angoisse de la victime directe d’un acte de terrorisme ne constitue pas un préjudice autonome mais est englobé dans le poste de préjudice des souffrances endurées,

— condamné le Fonds de Garantie des victimes des actes de Terrorisme et d’autres Infractions, le FGTI, à payer à Mme D X en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement :

— dépenses de santé 3.872 '

— préjudice matériel 40 '

— perte de gains professionnels actuels 19.190,26 '

— déficit fonctionnel temporaire 4.117,50 '

— souffrances 50.000 '

— perte de gains professionnels futurs arrêté au 30.06.2093.996,44 '

— déficit fonctionnel permanent 16.700 '

— préjudice moral exceptionnel permanent 40.000 '

— réservé le poste perte de gains professionnels futurs à compter du mois de juillet 2020,

— condamné le FGTI à payer à M. M N X, la somme de 10.000 ' au titre des souffrances endurées, du préjudice moral et du préjudice sexuel avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

— condamné le FGTI à payer à Mme D X et à M. M N X ès qualités de représentants légaux de leur enfant mineure, Y X, la somme de 8.000 ' au titre des souffrances endurées avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

— condamné le FGTI à payer à Mme Z X et à Mme F X la somme de

8.000 ' à chacune au titre des souffrances endurées avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

— condamné le FGTI à payer à Mme D X et M. M N X la somme de 1.000 ' au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— déclaré le jugement commun à la CPAM de la Haute Saône (sic),

— condamné le FGTI aux dépens,

— accordé aux avocats en ayant fait la demande le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire à hauteur des deux tiers du montant des indemnisations allouées et de la totalité des dépens,

— rejeté le surplus des demandes, plus amples ou contraires.

Par déclaration du 13 juillet 2020, le FGTI a relevé appel de la décision en ce qui concerne les dispositions du jugement ayant alloué à Mme D X des sommes au titre des pertes de gains professionnels actuels, des souffrances, des pertes de gains professionnels futurs arrêtés au 30 juin 2020, du préjudice moral exceptionnel permanent, ayant réservé le poste perte de gains professionnels futurs à compter du mois de juillet 2020, ayant alloué à M. M N X, à Y X, à Mme Z X et à Mme F X des sommes, pour le premier au titre des souffrances, du préjudice moral et du préjudice sexuel et pour les trois autres des sommes au titre des souffrances endurées.

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 3 mars 2021, le FGTI demande à la cour :

— de dire son appel recevable et bien fondé,

— de réformer le jugement entrepris sur les dispositions dont appel,

Statuant à nouveau,

— d’allouer à Mme D X les sommes de 15.550,26 ' au titre de la perte de gains professionnels actuels et 20.000 ' au titre du préjudice de souffrances de 4/7 incluant le préjudice d’angoisse,

— de fixer l’indemnité réparant le préjudice exceptionnel spécifique des victimes d’actes de terrorisme, le PESVT, à la somme de 30.000 ',

— de débouter Mme D X de sa demande de réparation des pertes de gains professionnels futurs comme étant non fondée,

— de débouter Mme D X du surplus de ses prétentions plus amples ou contraires,

Y ajoutant,

— de la juger mal fondée en son appel incident et de l’en débouter,

— de juger que M. M N X, Y X, Mlle Z X et Mlle F X ne remplissent pas les conditions limitatives prévues pour permettre l’intervention du FGTI strictement délimitée par l’article L 422-2 alinéa 1 du code des assurances qui prévoit les

personnes éligibles à une indemnisation,

— de juger mal fondées toutes leurs prétentions en réparation de leurs préjudices, sauf à titre exceptionnel, de confirmer au profit de M. M N X et de Mlle Z X et pour chacun d’eux, l’indemnité de 5.000 ' dont à déduire pour chacun d’eux, la provision versée de 2.000 ' et de maintenir au profit de Y et F X et pour chacune d’elles, l’indemnité de 2.000 ',

— de les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires,

Y ajoutant,

— de les juger mal fondés en leur appel incident et de les en débouter,

— de dire que les dépens seront laissés à la charge du Trésor Public.

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 19 avril 2021, Mme D X et M. M N X agissant tant en leur nom personnel qu’ès qualités de représentants légaux de leur fille mineure Y X, Mlle Z X et Mlle F X sollicitent de la cour :

— qu’elle dise Mme D X, M. M N X, son époux, Y X, sa fille mineure, Mlle Z X et Mlle F X, ses filles majeures, recevables et bien fondés en leur appel incident ainsi qu’en toutes leurs demandes, fins et conclusions,

— qu’elle dise que leur droit à réparation respectif résultant de l’acte de terrorisme du 9 janvier 2015 perpétré à Paris au sein du magasin Hyper Cacher de la Porte de Vincennes, est incontestable et intégral,

— qu’elle déboute le FGTI de l’ensemble de ses demandes,

En conséquence,

1) concernant Mme D X personnellement à titre principal :

— qu’elle confirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné le FGTI à lui payer la somme

de 40.000 ' au titre du Préjudice Exceptionnel Spécifique des Victimes d’Actes de

Terrorisme,

— qu’elle infirme le jugement entrepris concernant les postes de préjudice d’angoisse, souffrances endurées, pertes de gains professionnels actuels, déficit fonctionnel

permanent, pertes de gains professionnels futurs, préjudice d’agrément et préjudice sexuel, Statuant à nouveau :

— qu’elle dise que le Préjudice Situationnel Spécifique d’Angoisse de la Victime Directe d’un Acte de Terrorisme constitue un poste de préjudice autonome distinct des souffrances endurées, en lien direct et certain avec l’acte de terrorisme dont elle a été victime le 9 janvier 2015, qu’elle le fixe à la somme de 150.000 ' et qu’elle condamne le FGTI à lui payer cette somme,

— qu’elle dise que les souffrances endurées constituent un préjudice autonome distinct du préjudice

situationnel spécifique d’angoisse de la victime directe d’un acte de terrorisme, qu’elle le fixe à la somme de 40.000 ', et qu’elle condamne le FGTI à lui payer cette somme,

— qu’elle dise que les pertes de gains professionnels actuels sont imputables à 100 % à l’acte de terrorisme du 9 janvier 2015, qu’elle les fixe à la somme de 19.190,26 ' et qu’elle condamne le FGTI à lui payer cette somme,

— qu’elle fixe le déficit fonctionnel permanent (10 % en psychiatrie) à la somme de 105.000 ' et qu’elle condamne le FGTI lui payer cette somme,

— qu’elle dise que les pertes de gains professionnels futurs sont imputables à 100 % à l’acte de terrorisme du 9 janvier 2015, qu’elle les fixe à la somme de 204.880,44 ' et qu’elle condamne le FGTI à lui payer la somme 244.880,44 ' (sic),

— qu’elle réserve les pertes de gains professionnels futurs à compter du 16 août 2021,

— qu’elle dise qu’elle subit un préjudice d’agrément en lien direct et certain avec l’acte de terrorisme en date du 9 janvier 2015, qu’elle le fixe à la somme de 15.000 ', et qu’elle condamne le FGTI à lui payer la somme de 15.000 ' à ce titre,

— qu’elle dise qu’elle subit un préjudice sexuel en lien direct et certain avec l’acte de terrorisme en date du 9 janvier 2015, qu’elle le fixe à la somme de 30.000 ', et qu’elle condamne le FGTI à lui payer cette somme,

2) concernant Mme D X personnellement à titre subsidiaire :

— qu’elle confirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné le FGTI à lui payer la somme

de 40.000 ' au titre du Préjudice Exceptionnel Spécifique des Victimes d’Actes de

Terrorisme,

— qu’elle infirme le jugement entrepris concernant les postes de préjudice d’angoisse et les

souffrances endurées, pertes de gains professionnels actuels, déficit fonctionnel permanent, pertes de gains professionnels futurs, préjudice d’agrément et préjudice sexuel,

Statuant à nouveau :

— si la cour devait considérer que le préjudice situationnel d’angoisse de la victime directe d’un acte de terrorisme et les souffrances endurées constituent un seul poste de préjudice, qu’elle fixe l’évaluation totale de ce poste de préjudice à la somme de 140.000 ', et condamne le FGTI à la payer,

— qu’elle dise que les pertes de gains professionnels actuels sont imputables à 100 % à l’acte de terrorisme du 9 janvier 2015, qu’elle les fixe à la somme de 19.190,26 ' et qu’elle condamne le FGTI à la payer,

— qu’elle fixe le déficit fonctionnel permanent (10 % en psychiatrie) à la somme de 175.000 ' et qu’elle condamne le FGTI à la payer,

— qu’elle dise que les pertes de gains professionnels futurs sont imputables à 100 % à l’acte de terrorisme du 9 janvier 2015, qu’elle les fixe à la somme de 204.880,44 ' et qu’elle condamne le FGTI à la payer,

— qu’elle réserve les pertes de gains professionnels futurs à compter du 16 août 2021,

— qu’elle dise qu’elle subit un préjudice d’agrément en lien direct et certain avec l’acte de terrorisme en date du 9 janvier 2015, le fixe à la somme de 15.000 ', et condamne le FGTI à la payer,

— qu’elle dise qu’elle subit un préjudice sexuel en lien direct et certain avec l’acte de terrorisme en date du 9 janvier 2015, le fixe à la somme de 30.000 ', et condamne le FGTI à la payer,

3) concernant M. M N X :

— qu’elle le déclare recevable et bien fondé en son appel incident,

— qu’elle confirme le jugement entrepris en ce qu’il lui a alloué la somme de 10.000 ' au

titre des souffrances endurées,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

— qu’elle retienne l’existence d’un préjudice d’attente et d’inquiétude ainsi que des souffrances morales et un préjudice d’affection et en fixe le montant à la somme de 30.000 ',

— qu’elle retienne l’existence d’un préjudice sexuel et lui alloue à ce titre la somme de 30.000 ',

— qu’elle lui alloue donc la somme globale de 70.000 ', soit 68.000 ' après déduction de la provision de 2.000 ' versée par le FGTI, et condamne ce dernier à la lui payer, au titre de l’ensemble de ses préjudices, composé du préjudice d’attente et d’inquiétude, du préjudice

d’affection, des souffrances endurées et des souffrances morales endurées, et de son préjudice sexuel, résultant de l’acte de terrorisme dont son épouse a été victime le 9 janvier 2015,

4) concernant les enfants X :

— qu’elle déclare M. M N X et Mme D X agissant es-qualité de représentants légaux de leur fille mineure Y X, recevables et bien fondés en leur appel incident,

— qu’elle réforme le jugement entrepris en ce qu’il a fixé l’ensemble des préjudices subis par

elle à la somme de 8.000 ',

Statuant à nouveau,

— qu’elle lui alloue la somme totale de 28.000 ', après déduction de la provision de 2.000 ' versée par le FGTI et qu’elle condamne ce dernier à la payer,

— qu’elle déclare Mlles Z et F X recevables et bien fondées en leur appel incident,

— qu’elle réforme le jugement entrepris en ce qu’il a fixé l’ensemble des préjudices subis par

elles, à la somme de 8.000 ' à chacune,

Statuant à nouveau,

— qu’elle leur alloue à chacune la somme totale de 28.000 ', après déduction de la provision de 2.000 '

versée par le FGTI et qu’elle le condamne à leur payer à chacune cette somme,

— qu’elle confirme la condamnation du FGTI à payer aux consorts X la somme

allouée par le tribunal au titre de l’article 700 du code de procédure civile (1.000 ') ainsi que la condamnation du FGTI à prendre en charge les dépens exposés en 1re instance,

— qu’elle déclare les consorts X recevables et bien fondés à solliciter la somme

de 4.000 ' à la charge du FGTI, au titre de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour d’appel, ainsi que la prise en charge des dépens devant la cour d’appel par le FGTI

dont recouvrement au profit de Me K L dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,

— qu’elle déclare l’arrêt à intervenir commun à la CPAM du Val de Marne.

La CPAM du Val de Marne à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 23 septembre 2020 à personne morale, n’a pas constitué avocat. Elle a fait connaître le relevé de sa créance définitive d’un montant de 198,04 ' constitué de frais médicaux et pharmaceutiques.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 mai 2021.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

Sur le préjudice corporel de Mme D X

Mme D X a fait l’objet d’un examen médical amiable effectué le 5 avril 2016 par le docteur B (psychiatre), en présence du docteur C (psychiatre), son médecin conseil.

Il ressort de la description faite par Mme D X de la prise d’otage qui a duré plusieurs heures, un sentiment d’irréalité, de culpabilité, de peur et d’insécurité.

L’évaluation du préjudice est la suivante :

— déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % du 9 janvier au 15 septembre 2015, à 25 % du 16 septembre au 18 décembre 2015 puis à 15 % jusqu’à la consolidation,

— arrêts de travail à temps plein justifiés pendant le congé longue durée du 9 janvier 2015 au 8 janvier 2016,

— dépenses de santé imputables : séances d’EMDR et psychothérapie,

— consolidation le 5 avril 2016

— déficit fonctionnel permanent : 10 %

— séquelles : état de stress post traumatique avec réveils en sursaut, agoraphobie, vigilance, manifestations paroxystiques d’angoisse dans certaines circonstances,

— souffrances : 4/7

— absence d’incidence professionnelle : Mme D X conserve toutes les capacités psychiques à exercer une activité professionnelle ; toutefois, il convient de préciser que les conduites

d’évitement en lien avec son état de stress post traumatique ont motivé son départ du pays,

— absence de préjudice sexuel et de préjudice d’établissement,

— absence de préjudice d’agrément documenté au jour de l’accédit, sous réserve que soient fournis des justificatifs d’activités de loisirs qui seraient rendues impossibles du fait de l’état de stress post traumatique.

Au vu de ces éléments et de l’ensemble des pièces versées aux débats, le préjudice corporel de Mme D X qui était âgée de 44 ans lors des faits, et de 47 ans à la date de la consolidation de son état, pour être née le 8 mars 1969, est indemnisé comme suit :

Préjudices patrimoniaux

* temporaires, avant consolidation

— dépenses de santé actuelles

Le jugement est confirmé en ce qu’il a alloué à Mme D X la somme de 3.872 '.

— frais divers

Le jugement est confirmé en ce qu’il a alloué à Mme D X la somme de 40 '.

— perte de gains professionnels actuels

Au moment des faits, Mme D X était fonctionnaire territoriale à la ville de Paris et plus précisément attachée principale d’administrations parisiennes à la direction du logement et de l’habitat. Elle a été placée en congé de longue maladie à plein traitement du 9 janvier 2015 au 8 janvier 2016 puis a été placée en disponibilité pour suivre son conjoint aux Etats-Unis du 21 mars 2016 au 20 mars 2019 inclus et du 21 mars 2019 au 20 mars 2022.

La JIVAT a retenu une perte de gains professionnels actuels totale jusqu’au 8 janvier 2016, puis une perte de gains imputable à hauteur de 50 % du 9 janvier au 29 février 2016.

Tant le FGTI que Mme D X critiquent cette disposition du jugement. Le FGTI soutient qu’il n’a pas à prendre en charge des pertes de gains qui ne sont pas en relation avec une incapacité de travail et offre la somme totale de 15.550,26 '.

Mme D X prétend que sans l’attentat, elle aurait poursuivi son activité professionnelle normalement et qu’il y a donc lieu de retenir une imputabilité totale et entière de ses pertes de gains jusqu’à la date de consolidation. Elle réclame au total la somme de 19.190,26 '.

Sur ce,

Mme D X a expliqué que le jour de l’attentat, venant de son travail et rentrant chez elle en voiture, elle s’était arrêtée pour faire une course à l’Hyper Cacher. Lorsqu’elle était entrée dans le magasin, elle avait vu Yohann E qui était sur le coté, s’était demandée si on était en train de tourner un film puis avait vu Amedy Coulibaly qui lui avait dit 'toi tu rentres’ et avait fermé le rideau derrière elle. Elle a précisé ne plus pouvoir retourner au travail pour ne pas être à nouveau confrontée au trajet qu’elle avait effectué ce jour là.

Il ressort des pièces du dossier que très rapidement après l’attentat, Mme D X a fait part aux différents intervenants médicaux qu’elle a consultés, du profond sentiment d’insécurité qu’elle ressentait depuis l’attentat et de son désir de partir vivre à l’étranger avec sa famille. Ainsi, Mme G H, psychologue clinicienne ayant reçu à plusieurs reprises cette victime entre le 10 janvier et le 26 mars 2015, a indiqué : ' Mme X relate avoir à présent un sentiment profond d’insécurité en restant vivre en France. Elle explique se renseigner pour partir vivre à l’étranger avec sa famille et que face à la difficulté des démarches et au fait que ce projet ne pourrait se réaliser rapidement ou même ne pourrait se faire, cela augmente sa peur qu’à tout moment elle ou les membres de sa famille pourraient subir une agression. Elle relate donc vivre avec un sentiment d’insécurité qui provoque une peur permanente pour elle et sa famille en devant rester vivre là et ne voit pas de 'porte de sortie'.'

Le mari de Mme D X, M. M N X, était alors directeur des ressources humaines EDEA pour les activités industrielles et logistiques de l’entreprise Schneider – Electric en France. Des attestations produites et notamment de celle de M. I J, directeur des ressources humaines, il ressort qu’il a entamé dès le début de l’année 2015, un processus d’évolution professionnelle en raison du traumatisme familial causé par la séquestration de son épouse et du fait que la famille ne se sentait plus en sécurité en France, avec pour objectif une installation définitive aux Etats-Unis. Son employeur ayant accédé à sa demande en considération de ce cas exceptionnel, M. M N X a été affecté en décembre 2015 à Boston en tant que directeur des ressources humaines de l’entité 'Field Services'.

C’est dans ces conditions que Mme D X a obtenu une mise en disponibilité pour suivre son mari à l’étranger, disponibilité renouvelée comme dit ci-dessus. La cour considère qu’il ne peut être tiré de conséquences du motif retenu pour accéder à sa demande de disponibilité. En effet, Mme D X aurait pu solliciter une mise en disponibilité pour convenance personnelle mais la cour observe que celle-ci n’est alors pas de droit et, en outre, est moins favorable au fonctionnaire, le renouvellement de la mesure faisant l’objet de conditions restrictives (cf articles 21 et 24 du décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, hors cadres, de disponibilité, de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l’intégration produit en pièce 41 de l’intimée).

S’il est exact que postérieurement au 8 janvier 2016, Mme D X a été en capacité de travailler, il n’en reste pas moins que le médecin conseil du FGTI a retenu que son départ de France était la conséquence de ses conduites d’évitement en lien avec son état de stress post traumatique. En quittant son pays, Mme D X a été contrainte d’abandonner son emploi et le FGTI est dès lors mal fondé à soutenir qu’il s’agit d’un choix personnel non imputable à l’attentat et à ses conséquences.

Il y a lieu dès lors de retenir la totalité des pertes de gains subies par cette victime et de lui allouer, le FGTI ne critiquant pas le calcul effectué à titre subsidiaire, la somme de 19.190,26 '. Cette somme ayant été allouée par le premier juge, il n’y a pas lieu à infirmation de cette disposition du jugement.

* permanents, après consolidation

— perte de gains professionnels futurs

A la suite d’une erreur purement matérielle, dans le dispositif de ses conclusions, Mme D X demande à la cour de fixer les pertes de gains professionnels futurs arrêtées au 14 août 2021 à la somme de 204.880,44 '. Cependant, toujours dans le dispositif, elle sollicite à ce titre la condamnation du FGTI à lui payer la somme de 244.880,44 '. La cour considère en conséquence que la somme de 244.880,44 ' constitue sa demande.

Pour les raisons exposées au titre de la perte de gains professionnels actuels, la cour retient que la perte de gains professionnels futurs subie par Mme D X entre avril 2016 et le 14 août 2021 est imputable aux séquelles qu’elle présente.

Cette victime a retrouvé un emploi à durée déterminée le 29 août 2016 en tant que professeur de français dans un établissement scolaire ; son contrat a été renouvelé le 21 août 2019.

Il ressort du bulletin de salaire de décembre 2014 que Mme D X percevait en France un salaire net mensuel de 4.343,08 '. D’avril 2016 au 14 août 2021, soit pendant 64 mois et demi (et non pendant 65 mois et demi comme réclamé), elle aurait dû recevoir une somme totale de 279.950,66 '. De cette somme il y a lieu de déduire les salaires versés aux Etats Unis, soit au total, après conversion des dollars en euros, 39.591,30 '. Il lui revient en conséquence la somme de 240.359,36 ' et le jugement est infirmé de ce chef.

A compter du 16 août 2021, comme demandé, ce poste de préjudice est réservé.

Préjudices extra patrimoniaux

* temporaires, avant consolidation

— déficit fonctionnel temporaire

Le jugement qui a alloué la somme de 4.117,50 ' est confirmé.

— préjudice situationnel d’angoisse

Mme D X reproche à tort au premier juge d’avoir dit que le préjudice situationnel d’angoisse n’est pas un préjudice autonome et doit être pris en considération dans l’évaluation globale des souffrances dont l’indemnisation doit être majorée.

En effet, le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées regroupe toutes les souffrances de la victime, qu’elles soient physiques ou psychiques, et les troubles qui y sont associés, subies à compter de la survenance de l’événement à l’origine de ces souffrances et ce quel que soit l’acte y ayant conduit.

Le préjudice d’angoisse de mort imminente, composante du préjudice de souffrances, s’apprécie in concreto en fonction d’une part de la démonstration de la réalité de la conscience de la victime du péril auquel elle est exposée et de ses conséquences, d’autre part des circonstances objectives dans lesquelles elle a été confrontée à la situation.

Partant, le préjudice lié à la conscience, par la victime de sa mort prochaine, n’est pas constitutif d’un préjudice autonome et est examiné au titre du préjudice de souffrances.

— souffrances

En l’espèce, le préjudice de souffrances est constitué par le traumatisme subi par Mme D X à compter de son entrée dans l’Hyper Cacher et pendant les heures qui ont suivies. Restée sous la menace du terroriste, elle a ressenti une peur intense face à la mort : la sienne tant pendant sa séquestration alors qu’elle se répétait que ce 'n’était pas son tour’ que lors de l’assaut donné par les forces de l’ordre et celle des victimes qui ont succombé, tout particulièrement Yohann E qui a agonisé pendant presqu’une heure et dont elle a dû enjamber le corps lorsqu’elle a été contrainte par Amedy Coulibaly d’aller chercher des personnes réfugiées au sous sol.

Il s’y est ajouté un sentiment de culpabilité lorsque n’ayant pas pu ouvrir la première chambre froide, elle a fait remonter un homme et son enfant de 3 ans découverts dans la seconde.

Après sa libération, elle a souffert de raideurs musculaires en particulier cervicales traitées par un ostéopathe. Elle a bénéficié d’entretiens de psychothérapie, de séances d’EMDR et d’un traitement

médicamenteux.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, le préjudice de souffrances, en ce compris le préjudice d’angoisse de mort imminente, est réparé par la somme de 80.000 '.

* permanents, après consolidation

— déficit fonctionnel permanent

Pour allouer à Mme D X la somme de 16.700 ', la JIVAT a retenu un taux de déficit fonctionnel permanent de 10 % à l’âge de 47 ans.

Mme D X demande à la cour de considérer que les séquelles qu’elle conserve, c’est à dire une névrose traumatique constituée de manifestations anxieuses phobiques spécifiques avec conduite d’évitement et syndrome de répétition, génèrent un taux de déficit fonctionnel permanent de 30 %. Elle soutient que le barème du Concours Médical 2001 utilisé par le médecin conseil, est obsolète, que le barème le plus approprié pour assurer la réparation intégrale des victimes des actes de terrorisme est le Guide – Barème des Invalidités applicable au titre du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre qui se révèle plus conforme à la réalité des préjudices subis.

En réponse, le FGTI fait valoir que s’il est donné aux victimes d’actes de terrorisme le statut de victimes civiles de guerre, ces victimes ne font pas partie du personnel militaire en exercice de sorte que l’indemnisation de leurs préjudices ne peut relever que du droit commun ce qui justifie de faire application du barème du Concours Médical lequel de plus participe à l’égalité de traitement de toutes les victimes.

Sur ce,

Le préjudice de Mme D X est réparé en droit commun. Il n’est en l’occurrence pas démontré, le raisonnement tenu étant théorique, que les séquelles présentées par cette victime qui depuis qu’elle vit aux Etats-Unis n’a plus besoin de traitement psychotrope, s’est dite 'sécurisée’ et 'a repris son indépendance', justifient un taux de déficit fonctionnel permanent supérieur à 10 %. La disposition du jugement qui a alloué la somme de 16.700 ' et qui n’est pas autrement discutée, est confirmée.

— préjudice d’agrément

Mme D X ne produit pas plus devant la cour qu’elle ne l’avait fait devant la JIVAT d’éléments établissant qu’elle a dû renoncer en raison de ses séquelles à la pratique d’une activité spécifique sportive ou de loisir ou a dû limiter cette pratique. Etant rappelé que la perte de la qualité de la vie et les troubles dans les conditions d’existence sont réparés au titre du déficit fonctionnel permanent, la décision qui a rejeté la demande ne peut qu’être confirmée.

— préjudice sexuel

Le docteur B a indiqué dans son rapport d’examen amiable que Mme D X n’avait pas allégué de troubles de la libido. Ni son médecin conseil ni son avocate n’ont fait d’observations sur ce point.

Devant la cour, la victime se contente d’une affirmation et ne produit aucun élément permettant une appréciation différente. La disposition du jugement qui a rejeté la demande, ne peut qu’être confirmée.

— préjudice exceptionnel spécifique des victimes d’actes de terrorisme

Pour allouer à Mme D X la somme de 40.000 ' au titre du préjudice exceptionnel spécifique des victimes d’actes de terrorisme, le PESVT, la JIVAT a retenu que :

'Ces faits à la dimension nationale et même internationale causent à Mme X de manière permanente un préjudice moral exceptionnel lié au caractère collectif de l’acte subi, aux motivations de ses auteurs, à la médiatisation des faits et ont eu une résonnance particulière pour elle du fait de sa présence sur les lieux de l’attentat.'

Le FGTI fait appel de cette disposition. Il fait valoir que le PESVT est un préjudice extra-patrimonial atypique issu d’une décision de son conseil d’administration qui a pris en compte, après une étude épidémiologique réalisée en 1987, une prévalence du syndrome de stress post-traumatique chez les victimes d’actes de terrorisme. En 2014, constatant que le préjudice des victimes d’actes de terrorisme était appréhendé notamment par des expertises psychiatriques, son conseil d’administration a décidé de déconnecter ce préjudice spécifique de l’état séquellaire des victimes pour en faire une majoration forfaitaire et symbolique, accordée aux victimes directes et aux proches des victimes décédées en complément de la réparation intégrale prévue par la loi. Il considère que ce poste de préjudice échappe en conséquence au contrôle du juge.

Il reproche au premier juge de n’avoir ni justifié, ni caractérisé l’existence d’un poste de préjudice permanent exceptionnel distinct de ceux d’ores et déjà indemnisés, préjudice qui ne saurait seulement résulter de l’événement en cause. Il ajoute que les souffrances morales ont été indemnisées, que la médiatisation de l’événement n’est pas la conséquence directe, certaine et exclusive de l’acte de terrorisme mais celle de l’exercice de la liberté de la presse et que Mme D X ne justifie pas qu’en raison de cette médiatisation, ses séquelles ont pris une résonnance particulière générant un préjudice extrapatrimonial qui n’aurait pas déjà été réparé par un autre poste de préjudice. Il sollicite en conséquence l’infirmation de la décision et qu’il soit constaté que la somme forfaitaire de 30.000 ' qu’il offre, majorant les indemnités déjà allouées, répare intégralement le préjudice subi.

Mme D X en réponse soutient que le PESVT est un poste de préjudice à part entière portant en sa dénomination même les notions de particularités, de spécificité et de permanence, que le tribunal en a caractérisé les éléments constitutifs, qu’il appartient au juge de l’apprécier et de l’évaluer, le montant forfaitaire proposé par le FGTI se heurtant au principe de l’individualisation du préjudice des victimes d’un dommage corporel. Elle précise que ses craintes sont permanentes et que l’impact de l’événement est durable.

Elle conclut que si le PESVT revêt un caractère obscur et brouillon, ce poste de préjudice est individualisé par le FGTI lui-même et que c’est par conséquent un poste de préjudice autonome, n’empiétant sur aucun poste de préjudice et ne faisant pas double indemnisation avec un autre poste. Elle réclame la confirmation du jugement entrepris.

Sur ce,

Aux termes des dispositions des articles L 126-1 et L 422-1 du code des assurances, le FGTI est tenu d’assurer à la victime directe d’un acte de terrorisme la réparation intégrale de son dommage. Au regard du principe d’individualisation qui gouverne l’indemnisation du préjudice corporel, le FGTI n’est pas fondé à soutenir que le PESVT qu’il offre d’indemniser, échappe au contrôle du juge. Il y a lieu en conséquence de rechercher quel est le dommage réparé à ce titre qui n’a pas déjà été indemnisé.

En l’espèce, les souffrances de Mme D X, en ce comprises les souffrances psychiques, ont été indemnisées. L’état de stress post traumatique présenté par cette victime a été évalué par le médecin conseil du FGTI et indemnisé au titre du déficit fonctionnel permanent. Au demeurant, l’appelant ne soutient plus que le PESVT le prend en compte.

Le poste des préjudices permanents exceptionnels indemnise des préjudices extra-patrimoniaux atypiques, directement liés au handicap permanent qui prend une résonnance particulière pour certaines victimes en raison soit de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable, notamment de son caractère collectif pouvant exister lors de catastrophes naturelles ou industrielles ou d’attentats.

Pour pouvoir ouvrir droit à réparation au titre du préjudice permanent exceptionnel, il appartient à la victime de justifier qu’en raison de ces éléments, ses séquelles ont pris une résonnance particulière générant un préjudice extra patrimonial qui n’a pas déjà été réparé par un autre poste de préjudice.

En l’occurrence, Mme D X ne caractérise pas un tel préjudice extra patrimonial autre que ceux déjà mentionnés, qui serait généré par la résonnance particulière que prendrait son handicap. Le fait que ses craintes perdurent et que l’événement conserve un impact a été pris en compte au titre du déficit fonctionnel permanent. En outre et contrairement à ce qu’elle soutient, le FGTI n’individualise pas un préjudice corporel au titre du PESVT puisqu’il ressort de ses explications qu’il a fait le choix d’indemniser le fait générateur.

Il s’ensuit qu’elle n’établit pas avoir subi un dommage non réparé à un autre titre. Le FGTI maintenant son offre au titre du PESVT, la somme de 30.000 ' est allouée à Mme D X et le jugement entrepris infirmé de ce chef.

Sur les demandes des victimes par ricochet

Le FGTI soutient qu’en application des articles L 126-1 et L 422-2 alinéa 1er du code des assurances, les personnes éligibles à une indemnisation sont les victimes directes et les ayants droit d’une victime décédée. Il prétend en conséquence que M. M N X, époux de la victime directe, Mlle Z X, Mlle F X et Y X, ses filles, ne sont pas fondés en leurs demandes. Il conclut à l’infirmation de la décision entreprise tout en admettant à titre exceptionnel qu’il revient aux deux premiers, avant déduction des provisions versées, 5.000 ' et aux deux dernières, 2.000 '.

En réponse, les consorts X font valoir qu’en leur versant à chacun une provision, le FGTI a reconnu expressément leur qualité de victimes par ricochet. Ils considèrent qu’il résulte de l’article L 422-2 du code des assurances que l’obligation à indemnisation du FGTI ne comporte pas de restriction à l’égard des victimes par ricochet et que cet organisme lui-même dans son Guide pour l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme, visible sur son site, n’exclut pas par principe une telle indemnisation en cas de survie de la victime directe 'en situation de handicap'. Ils ajoutent que la nomenclature Dintilhac adoptée par les tribunaux judiciaires, prévoit l’indemnisation des victimes indirectes en cas de survie de la victime directe.

Sur ce,

L’alinéa 1er de l’article L 126-1 du code des assurances, dans sa rédaction applicable au litige, dispose :

'Les victimes d’actes de terrorisme commis sur le territoire national, les personnes de nationalité française victimes à l’étranger de ces mêmes actes ainsi que leurs ayants droit, quelle que soit leur nationalité sont indemnisés dans les conditions définies aux articles L 422-1 à L 422-3.'

L’alinéa 1er de l’article L 422-1 du même code prévoit que :

'Pour l’application de l’article L 126-1, la réparation intégrale des dommages résultant d’une atteinte à la personne est assurée par l’intermédiaire du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions.'

L’article L 422-2 dans sa rédaction applicable au litige, ajoute :

'Le fonds de garantie est tenu, dans un délai d’un mois à compter de la demande qui lui est faite, de verser une ou plusieurs provisions à la victime qui a subi une atteinte à sa personne ou, en cas de décès de la victime, à ses ayants droit, sans préjudice du droit pour ces victimes de saisir le juge des référés.

Le fonds de garantie est tenu de présenter à toute victime une offre d’indemnisation dans un délai de trois mois à compter du jour où il reçoit de celle-ci la justification de ses préjudices. Cette disposition est également applicable en cas d’aggravation du dommage. […].'

Le moyen soulevé par le FGTI est en conséquence un moyen d’irrecevabilité et non de fond.

Les consorts X sont fondés à soutenir qu’ils sont des victimes par ricochet. Il leur appartient cependant d’établir que les victimes par ricochet d’une victime directe non décédée sont recevables à solliciter une indemnisation au titre de la solidarité nationale au regard des textes précités.

Le fait (regrettable car générant la confusion et une différence de traitement entre les victimes par ricochet selon les dossiers) que le FGTI ait indiqué à leur conseil par courrier du 14 novembre 2017 qu’il acceptait à titre exceptionnel (ce qu’il maintient devant la cour), de verser à M. M N X et à Mlle Z X une somme de 5.000 ' à chacun, et à Mlle F X et Y X celle de 2.000 ' à chacune, ne lui interdit pas de contester ultérieurement la recevabilité de l’action de ces victimes.

En l’occurence, les personnes recevables à réclamer l’indemnisation de leurs préjudices sont, aux termes de l’article L 126-1 précité, d’une part les victimes directes de l’acte de terrorisme, d’autre part leurs ayants droit. Les articles L 422-1, L 422-2 et L 422-3 déterminent les conditions dans lesquelles l’indemnisation intervient. Il s’ensuit que les préjudices subis par les proches de la victime directe non décédée ne sont pas indemnisés par le FGTI, leur qualité d’ayant droit faisant défaut.

Les demandes présentées par les consorts X sont en conséquence irrecevables et le jugement entrepris infirmé. Cependant, sont allouées les sommes toujours offertes à titre exceptionnel à M. M N X, Mlle Z X, Mlle F X et Y X.

Sur les autres demandes

Tant devant la JIVAT que devant la cour, le FGTI est une partie à l’instance. Il n’est pas fondé à soutenir qu’aucune somme ne peut être mise à sa charge en application de l’article 700 du code de procédure civile. La disposition du jugement ayant alloué à Mme D X et à M. M N X la somme de 1.000 ' en application de ce texte est confirmée en ce qui concerne Mme D X seule.

En cause d’appel, il est alloué à Mme D X la somme de 3.000 '. Le surplus de la demande est rejeté.

Les dépens qui ne figurent pas au rang des charges assumées par le FGTI, sont laissés à la charge de l’État tant en ce qui concerne les dépens de première instance qu’en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme partiellement le jugement rendu le 11 juin 2020 par la juridiction de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme du tribunal judiciaire de Paris,

Statuant à nouveau,

Alloue à Mme D X, en deniers ou quittances, provisions et somme versée en vertu de l’exécution provisoire non déduites :

—  240.359,36 euros (deux cent quarante mille trois cent cinquante neuf euros trente six centimes) au titre de la perte de gains professionnels futurs subie jusqu’au 14 août 2021,

—  80.000 (quatre vingt mille) euros au titre du préjudice de souffrances,

—  30.000 (trente mille) euros au titre du préjudice exceptionnel spécifique des victimes d’actes de terrorisme,

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus,

Réserve le poste de préjudice de la perte de gains professionnels futurs à compter du 16 août 2021,

Dit M. M N X, Mlle Z X, Mlle F X et Y X représentée par Mme D X et M. M N X, irrecevables en leurs demandes,

Déboute M. M N X de sa demande présentée en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Laisse les dépens de première instance à la charge de l’État,

Confirme le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

Donne acte au Fonds de Garantie des victimes des actes de Terrorisme et d’autres Infractions de ce qu’il offre à titre exceptionnel à M. M N X et à Mlle Z X une indemnité de 5.000 (cinq mille) euros à chacun avant déduction de la provision de 2.000 euros déjà versée à chacun, et à Y X représentée par Mme D X et M. M N X et à F X une indemnité de 2.000 (deux mille) euros à chacune et leur alloue ces sommes,

Dit le présent arrêt commun à la CPAM du Val de Marne,

Alloue en cause d’appel à Mme D X la somme de 3.000 (trois mille) euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes présentées en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Laisse les dépens d’appel à la charge de l’État,

Accorde à Maître K L le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code des assurances
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 12, 16 septembre 2021, n° 20/09349