Cour d'appel de Paris , Pôle 5, 2e ch.

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 2, 10 déc. 2021, n° 20/04255
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/04255
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Paris, 9 janvier 2020, N° 18/14720
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal judiciaire de Paris, 10 janvier 2020, 2018/14720
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Référence INPI : D20210070
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRÊT DU 10 DECEMBRE 2021

Pôle 5 – Chambre 2 (n°182, 11 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 20/04255 –  n° Portalis 35L7-V-B7E-CBSP6

Décision déférée à la Cour : jugement du 10 janvier 2020 -Tribunal judiciaire de PARIS – 3ème chambre 2ème section- RG n°18/14720

APPELANTE S.A.S. PMJC, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé 5, passage Piver 75011 PARIS Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 534 375 209

Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque L 0044 Assistée de Me Guénola COUSIN plaidant pour le Cabinet OLLYNS, avocate au barreau de PARIS, toque T 14

INTIME M. J D C […]

Représenté par Me Maryline LUGOSI de la SELARLMOREAU – GERVAIS – GUILLOU – VERNADE – SIMON – LUGOSI, avocate au barreau de PARIS, toque P 0073 Assisté de Me Edouard FORTUNET plaidant pour la partnerships JONES DAY, avocat au barreau de PARIS, toque J 001

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 octobre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mme Brigitte CHOKRON a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Brigitte CHOKRON, Présidente Mme Laurence LEHMANN, Conseillère Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Greffière lors des débats : Mme C T

ARRET : Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, et par Mme C T , Greffière , présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 10 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Paris qui a : - déclaré irrecevables les demandes au titre du droit d’auteur concernant les 'œuvres Espoir, Log’eau et Wom’Azing,

— fait interdiction à la société PMJC de poursuivre la présentation sur son site internet, ses pages Facebook et Instagram et tout autre support des tee-shirts, sweat-shirts et sacs en coton reproduisant les oeuvres My Radiant Bird, Secret, Ange Bubble-Gum, Ange Birdy, Roi des Étoiles de M. C, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par infraction constatée passé un délai de 6 semaines suivant la signification du jugement et pendant une durée de 4 mois,

— dit n’y avoir lieu d’ordonner des mesures de publication,

— condamné la société PMJC à payer à M. C les sommes de :

*15.000 euros (avant déduction de la provision de 8.000 euros déjà ordonnée par le juge des référés le 17 juillet 2018) s’agissant de la réparation du préjudice moral subi par M. C du fait des actes de contrefaçon de son droit moral sur les 'œuvres My Radiant Bird, Secret et Roi des Etoiles,

*10.000 euros en réparation du préjudice moral subi par M. C du fait des actes de contrefaçon de son droit moral sur les 'œuvres Ange Bubble-Gum et Ange Birdy,

— condamné la société PMJC à payer à M. C une somme de 10.000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale par parasitisme et par risque de confusion sur le fondement de l’article 1240 du code civil,

— dit que le tribunal sera compétent pour connaître de la liquidation de l’astreinte prononcée,

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

— condamné la société PMJC à payer à M. C la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Vu l’appel de ce jugement interjeté le 25 février 2020 par la société PMJC (SAS).

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 16 juin 2021 par la société PMJC, appelante, qui demande à la cour, par infirmation du jugement entrepris, de :

Sur la contrefaçon,

— dire et juger que M. C ne rapporte pas la preuve de sa qualité d’auteur sur les dessins qu’il revendique,

— dire et juger que M. C ne rapporte pas la preuve de la titularité de ses droits patrimoniaux sur les dessins qu’il revendique,

— le déclarer irrecevable en ses prétentions,

A titre subsidiaire,

— dire et juger que M. C ne rapporte pas la preuve d’une atteinte à ses droits patrimoniaux ni d’une atteinte à ses droits moraux,

— le débouter de l’ensemble de ses demandes,

Sur la concurrence déloyale,

— dire et juger que M. C ne rapporte pas la preuve d’actes distincts de concurrence déloyale et de parasitisme,

— le débouter de l’ensemble de ses demandes,

En tout état de cause,

— condamner M. C au paiement de la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 9 juillet 2021 par M. C, intimé, qui demande à la cour de confirmer intégralement le jugement déféré et, y ajoutant, de :

— condamner la société PMJC à payer à M. C la somme supplémentaire de 44.400 euros en raison de la commercialisation des articles litigieux reproduisant les 'œuvres My Radiant Bird, Secret, Ange Bubble-Gum, Ange Birdy, Roi des Étoiles entre le 31 janvier 2020 et le 26 juin 2020, en violation des termes du jugement, Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI


- condamner la société PMJC à payer à M. C la somme supplémentaire de 15.000 euros en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société PMJC aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction dans les termes de l’art. 699 du code de procédure civile.

Vu l’ordonnance de clôture du 9 septembre 2021.

SUR CE, LA COUR : Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, au jugement déféré et aux écritures précédemment visées des parties.

M. C se présente comme un créateur français reconnu dans le domaine de la mode, du design et des arts picturaux. Il expose avoir créé un univers artistique à part entière et, en particulier, des dessins reconnaissables par un tracé au feutre noir selon le procédé dit de ligne claire associé à un style calligraphique très personnel.

Il a fondé en 1978, et dirigé jusqu’en 2004, la société Jean-Charles de Castelbajac SA destinée à l’exploitation de ses œuvres. Cette société a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire ouverte par un jugement du tribunal de commerce de Paris du 3 mai 2011. La société PMJC, spécialisée dans la conception, la distribution et la diffusion d’articles de prêt-à-porter et accessoires de mode a présenté une offre de reprise de ses actifs.

Le plan de cession de l’intégralité des actifs, corporels et incorporels, de la société Jean-Charles de Castelbajac à la société PMJC a été arrêté par un jugement du 13 septembre 2011. L’acte de cession a été signé le 3 février 2012.

Une convention de services a été conclue le 21 juillet 2011, par laquelle la société PMJC confiait à M. C la mission de Direction Artistique Globale des Activités et des Articles, les parties ayant précédemment souligné la nécessaire adéquation entre l’image des Marques et des articles commercialisés avec l’image de M. J C (…) et le style de M. J C.

Cette convention, arrivée à son terme le 31 décembre 2015, n’a pas été renouvelée.

En avril 2018, la société PMJC a lancé une collection dite 'Capsule’ de sacs et de tee-shirts revêtus de dessins constituant selon M. C, qui a fait établir des procès-verbaux de constat les 10 et 11 mai 2018, des adaptations de ses œuvres intitulées Espoir, Log’eau et Wom’Azing : Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Une seconde collection 'Capsule’ a été lancée en mai 2018 reproduisant selon M. C , qui a fait dresser un procès-verbal de constat le 22 mai 2018, ses dessins My Radiant Bird , Secret et Roi des Etoiles :

Le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, saisi par M. C pour atteinte à son droit moral d’auteur à raison de la dénaturation par la société PMJC de ses dessins My Radiant Bird et Secret, constitutive d’un trouble manifestement illicite, a statué par une ordonnance du 17 juillet 2018 et a, entre autres dispositions, prononcé une condamnation provisionnelle de 8.000 euros de dommages- intérêts. Cette ordonnance a été en tous points confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 1er mars 2019.

Enfin, en juin 2018, M. C, découvrant l’utilisation par la société PMJC de ses dessins Ange Bubble Gum et Ange Birdy sur des sacs de plage et des tee-shirts a fait dresser des constats par huissier de justice les 14, 19, 20 et 21 juin 2018 :

Dans ce contexte, M. C, suivant acte d’huissier de justice du 17 décembre 2018, a fait assigner la société PMJC devant le tribunal de grande instance de Paris pour répondre des griefs de violation de son droit moral d’auteur et de concurrence déloyale et parasitaire. Le tribunal, par le jugement déféré, l’a déclaré irrecevable à agir, faute de rapporter la preuve de sa qualité d’auteur, au titre des oeuvres Espoir, Log’eau et Wom’Azing. En cause d’appel le jugement n’est pas critiqué sur ce chef de disposition qui est, dès lors, irrévocable. Le tribunal a, en revanche, pour le surplus, accueilli les demandes de M. C. Le jugement est contesté de ces chefs par la société PMJC qui demande à la cour de déclarer M. C irrecevable, en toute hypothèse, mal fondé en ses prétentions tant au titre du droit moral d’auteur qu’au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.

Sur les atteintes au droit moral d’auteur, Il est rappelé que M. C revendique la qualité d’auteur des dessins My Radiant Bird, Secret, Roi des Etoiles, Ange Bubble Gum et Ange Birdy et invoque à l’encontre de la société PMJC des atteintes à son droit moral d’auteur sur les dessins revendiqués.

La société PMJC, qui maintient les moyens de défense opposés en première instance, fait valoir que M. C lui a cédé ses droits d’auteur sur toutes ses créations antérieures à la cessation de leur collaboration intervenue le 31 décembre 2015, et ce, par l’effet, d’abord, de l’acte de cession conclu le 3 février 2012, en exécution du plan de cession arrêté par le jugement du tribunal de commerce de Paris du 13 septembre 2011, par lequel la société PMJC a acquis l’ensemble des droits de propriété industriel e et intel ectuel e (droits d’auteur, dessins et modèles, marques (…) sans que cette liste soit Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

exhaustive de la société Jean-Charles de Castelbajac, ensuite, de la convention de prestation de services conclue le 21 juillet 2011 aux termes de laquelle la société PMJC détient la propriété, au sens des dispositions du code de la propriété intel ectuel e, des prérogatives patrimoniales du droit d’auteur, portant sur les dessins et modèles créés dans le cadre de l’exécution du Contrat par M. J C et dans le cadre de ses activités. L’appelante relève à cet égard que les dessins revendiqués par M. C ne sont pas datés, de sorte qu’il n’est pas permis de les écarter du périmètre des cessions qui lui ont été consenties et en vertu desquelles les créations de l’auteur antérieures au 31 décembre 2015 appartiennent à la société PMJC. Elle souligne enfin que les dessins My Radiant Bird, Secret, Roi des Etoiles, revendiqués, ont été présentés sur une robe et une pochette de sa collection 'Poesic’ Printemps-Eté 2014 exposée au public à l’occasion des défilés de la 'Fashion week’ d’octobre 2013 et commercialisée sous la marque JC DE CASTELBAJAC dont elle est titulaire, ajoutant que cette collection, qu’elle a financée, a été conçue et réalisée à son initiative et sous sa supervision par l’équipe de stylistes et graphistes qu’elle emploie. Elle conclut de l’ensemble de ces éléments que 'les pièces de cette collection répondent donc manifestement à la définition d’oeuvre collective au sens de l’article L.113-2 du code de la propriété intellectuelle sur lesquelles la société PMJC est titulaire, dès l’origine, des droits d’auteur’ (page 21 de ses conclusions).

M. C qui poursuit la confirmation du jugement en toutes ses dispositions indique expressément dans ses écritures approuver et faire siens les motifs retenus par les premiers juges.

Ceci posé il doit être rappelé que selon les dispositions de l’article L.121-1 du code de la propriété intellectuelle ' l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible'.

Il en résulte que la société PMJC est mal fondée à opposer à M. C, qui agit exclusivement au titre du droit moral conféré à l’auteur par les dispositions précitées, une fin de non-recevoir pour défaut de qualité à agir à raison des cessions intervenues à son profit en vertu de l’acte de cession du 3 février 2012 et de la convention de prestation de services du 21 juillet 2011 et qui n’ont pu porter que sur les droits patrimoniaux d’auteur, les droits moraux d’auteur étant inaliénables. La convention de prestation de services du 21 juillet 2011 stipule en ce sens, clairement, en son article 3, que la société PMJC 'a la propriété, au sens des dispositions du code de la propriété intellectuelle, des prérogatives patrimoniales du droit d’auteur, portant sur les dessins et modèles créés dans le cadre de l’exécution du Contrat par M. J C et dans le cadre de ses activités'.

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Il demeure que l’auteur doit justifier de sa qualité à agir qui est, en la cause, contestée, et, à cet effet, rapporter la preuve de la création, à une date certaine, d’une oeuvre parfaitement identifiée.

En l’espèce, M. C revendique les dessins My Radiant Bird, Secret, Roi des Etoiles qui sont, tels que ci-dessus représentés, parfaitement identifiés. Il ressort des propres écritures de la société PMJC que ces dessins ont été divulgués lors de la présentation au public, en octobre 2013, de sa collection de vêtements et accessoires 'Poesic’ Printemps-Eté 2014 et, force est de constater que le catalogue de cette collection ( pièce n°3-35 de l’intimé), intitulé préparation de la commercialisation de la col ection 'Poesic’ artworks et pricelist, expose une robe ornée sur sa face avant du dessin My Radiant Bird et assortie de la mention 'peinte à la main par JC C’ ainsi qu’une pochette affichant le dessin Secret dont il est indiqué 'dessin de JC C'. Ce catalogue présente en outre, parmi une série de dessins, le dessin Roi des Etoiles avec à ses côtés la mention 'dessin de JC C'. La société PMJC qui a fait porter sur un document qu’elle a fait éditer et publier des mentions dénuées de toute ambiguïté créditant M. C de la qualité d’auteur des dessins My Radiant Bird, Secret, Roi des Etoiles ne saurait lui dénier désormais cette qualité, en particulier en affirmant qu’il s’agirait d’œuvres collectives, dont elle ne montre pas qu’elles auraient été créées sous sa direction, ne justifiant à cet égard de la moindre instruction donnée à ses salariés ou à ses collaborateurs, ni qu’elles auraient été divulguées sous son nom.

Le jugement déféré est en conséquence confirmé en ce qu’il a reconnu à M. C la qualité d’auteur des dessins My Radiant Bird, Secret, Roi des Etoiles.

Les dessins Ange Bubble Gum et Ange Birdy sont également revendiqués par M. C tels qu’ils sont ci-dessus représentés et sont donc parfaitement identifiables. Ainsi qu’il a été exactement constaté par les premiers juges, les deux dessins représentent une même tête d’ange avec, perché sur la pointe du nez ou sur la pointe des lèvres, un cœur ou un oiseau.

Contrairement à ce que soutient la société PMJC, M. C ne se borne pas à produire, pour seule preuve de sa qualité d’auteur de ces dessins, sa propre attestation, mais un ensemble de dessins, extraits d’un ouvrage paru sous le titre C – Des anges dans la ville, dans lequel l’auteur explique, à la date du 12 janvier 2012, sa démarche consistant à dessiner sur les murs des villes des têtes d’ange et les photographier ensuite pour conserver la trace de ces œuvres éphémères. Les photographies exposées dans l’ouvrage montrent à de multiples reprises, des dessins représentant, sous les mêmes traits, la tête d’ange figurant sur les dessins revendiqués. Les dessins présentés en photographie indiquent une date de l’année 2011 et portent parfois la signature de l’auteur mais ils sont toujours assortis d’un court texte de Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

commentaire dans lequel M. C relate les circonstances, de temps et de lieu, dans lesquelles il a été amené à réaliser le dessin.

Il résulte de ces observations que la création à date certaine par M. C des dessins Ange Bubble Gum et Ange Birdy est établie.

Le jugement entrepris doit être en conséquence confirmé en ce qu’il a reconnu à M. C la qualité d’auteur sur les dessins revendiqués Ange Bubble Gum et Ange Birdy.

Il est observé que si la société PMJC, après avoir contesté la qualité d’auteur de M. C, réfute toute atteinte à son droit moral d’auteur sur les dessins My Radiant Bird, Secret, Roi des Etoiles, Ange Bubble Gum et Ange Birdy , elle ne discute pas l’originalité de ces œuvres et leur éligibilité à la protection par le droit d’auteur.

Ceci posé, il importe de rappeler, préalablement à l’examen des atteintes invoquées par M. C à son droit moral d’auteur, que, selon la convention de prestation de services conclue entre les parties le 21 juillet 2011 et expirée le 31 décembre 2015, M. C s’est vu confier à titre exclusif une mission de 'direction artistique globale’ pour les activités de création de lignes de vêtements : première ligne (haute couture) et deuxième ligne (prêt-à-porter), d’accessoires de mode (maroquinerie, chaussures, bijouterie, horlogerie), d’ameublement et décoration de la maison, de produits de soins cosmétiques et parfums. Il est stipulé à l’article 1er de la convention que M. C dispose d’un 'droit de contrôle global sur tous les articles de la société conçus, dessinés, réalisés puis développés en conséquence de l’exercice des activités'. Il est encore précisé à l’article 3, en ce qui concerne les créations réalisées par M. C dans le cadre de l’exécution de sa mission définie au contrat, que 'la société aura le droit de procéder à toute adaptation d’ordre technique, les adaptations d’ordre esthétique étant soumises à la validation de M. C'.

M. C soutient que les œuvres My Radiant Bird, Secret et Roi des Etoiles ont été conçues pour une collection particulière, la collection 'Poesic’ et pour faire partie intégrante des supports sur lesquels elles ont été apposées dans le cadre de cette collection. Il a expliqué devant le juge des référés, ainsi qu’il est rapporté dans les motifs de l’ordonnance du 17 juillet 2018, que le dessin My Radiant Bird est indissociable de la robe en lin d’où il ressort tel un tableau peint sur une toile, de même que le dessin Secret est indissociable de la pochette où il est placé de telle sorte que les yeux, sur le rabat, se lèvent au ciel quand la pochette s’ouvre, ajoutant que le positionnement de l’élément du dessin en forme de croix sur le fermoir central de la pochette constitue un choix propre qui participe de l’originalité de l’oeuvre. Il ajoute que ces dessins n’avaient pas vocation à être transposés sur d’autres supports, de surcroît de qualité médiocre, et que le remplacement de la croix centrale du dessin Secret par un nez stylisé dénature son œuvre. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

La société PMJC fait valoir pour sa part qu’elle est cessionnaire des droits sur les créations en cause qui ont été réalisées par M. C en exécution de la convention de prestation de services du 21 juillet 2011 et qu’elle dispose, à ce titre, du droit d’exploiter librement ces créations et de les reproduire sur tout support de son choix, ajoutant qu’elle n’a pas procédé à une modification d’ordre esthétique nécessitant de recourir à une autorisation de l’auteur. Elle ajoute avoir usé de son droit d’exploitation conformément à ce qui a été convenu entre les parties dès lors que les dessins de M. C ont été reproduits sur des produits relevant de la même catégorie que ceux visés dans la convention de prestation de services à savoir des vêtements et des accessoires de mode et observe que M. C a toujours accepté, au temps de leur collaboration, la reproduction de ses œuvres sur différents supports de moyenne gamme tels des paréos et des sacs de plage.

Or, ainsi qu’il a été précédemment rappelé, M. J C, en sa qualité d’auteur, jouit sur ses œuvres d’un droit moral qui est inaliénable et qui comprend le droit au respect de son œuvre.

Il est en l’espèce établi par les procès-verbaux de constat versés aux débats, et il n’est pas discuté, que les dessins revendiqués ont été reproduits par la société PMJC sur des tee-shirts et des sacs de coton de médiocre qualité et de bas prix.

De tels articles relèvent de la catégorie du prêt-à-porter d’entrée de gamme voire de 'goodies’ ou de produits publicitaires et non pas des vêtements première ligne (haute couture) et deuxième ligne (prêt-à- porter) et des accessoires de mode (maroquinerie, chaussures, bijouterie, horlogerie), pour lesquels, selon la convention de prestation de services du 21 juillet 2011, M. C s’est vu confier sa mission de 'direction artistique globale'. Il est en outre observé que les dessins en cause, exploités par la société PMJC dans des conditions de distribution massive, ont été créés par M. C pour être associés à des articles de haute couture ou de prêt-à-porter de haute gamme qui ont été présentés lors des défilés des collections de mode de la 'Fashion week’ d’octobre 2013. La transposition de ces dessins sur des produits autres que ceux auxquels les destinait leur créateur, de catégorie inférieure et vendus à des prix sans comparaison avec ceux des collections approuvées par le créateur est de nature à les banaliser et à en modifier de façon significative la perception et constitue en conséquence, au sens de la convention des parties, non pas une adaptation d’ordre technique relevant des prérogatives de la société PMJC mais une adaptation d’ordre esthétique qui aurait dû être soumise à l’autorisation de l’artiste.

Ces éléments suffisent à caractériser une atteinte au droit moral de l’auteur au respect de son œuvre.

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

M. C n’est pas fondé à invoquer, par surplus, une déformation du dessin Secret dont la croix centrale aurait été remplacée par un nez stylisé lors de sa reproduction par la société PMJC sur un tee-shirt. Force est en effet de constater que le dessin Secret tel que revendiqué par M. C, se présente ainsi qu’il est ci-dessus exposé et donne à voir non pas la croix centrale invoquée mais le nez stylisé qu’il est reproché à la société PMJC de lui avoir substitué. Il s’ensuit que le dessin n’a pas été atteint dans son intégrité et que le grief invoqué de ce chef n’est pas encouru.

S’agissant des dessins Ange Bubble Gum et Ange Birdy la société PMJC se prévaut des reproductions précédemment consenties par l’auteur sur des supports variés tels que des montres, assiettes de vaisselle, sacs de plage, paréos, couvertures de cahiers, canapés, étant cependant observé que pour ces deux derniers produits, M. C dément avoir été consulté préalablement à leur commercialisation. Ainsi qu’il a été pertinemment observé par les premiers juges, les produits cités en exemple par la société PMJC ne peuvent être assimilés aux vêtements d’entrée de gamme de type tee-shirts ou sweet-shirts ou aux sacs en toile de qualité ordinaire sur lesquels ont été reproduits, les faits ne sont pas contestés, les dessins Ange Bubble Gum et Ange Birdy. Ces tee-shirts, sweet-shirts et sacs de toile, appelés à faire l’objet d’une fabrication et d’une distribution massives, ne sont pas susceptibles d’entrer dans le cadre de la convention de services conclue entre les parties par laquelle M. C a consenti à une exploitation de ces œuvres, ainsi qu’il a été précédemment relevé, pour des lignes de vêtements de haute couture et de prêt-à-porter de haute gamme et accessoires de mode (maroquinerie, chaussures, bijouterie, horlogerie), d’ameublement et de décoration, de produits de soins cosmétiques et de parfums.

Le jugement déféré est en conséquence confirmé en ce qu’il a retenu, concernant ces deux dessins, des atteintes au droit moral de l’auteur au respect de son œuvre.

Sur la concurrence déloyale et parasitaire, M. C fait siens, sur ce chef, les motifs du jugement, dont il demande la confirmation. Selon les motifs du tribunal, s’il ne saurait être reproché à l’appelante d’exploiter les actifs incorporels dont elle est devenue propriétaire et qui inévitablement, rattachent son activité au nom de Jean-Charles de Castelbajac qui constitue une marque dont elle est titulaire, ces droits régulièrement acquis ne peuvent cependant justifier des agissements consistant à puiser dans le patrimoine cédé durant l’exécution du contrat la liant à son ancien directeur artistique pour composer de nouveaux motifs en reprenant des éléments identifiables d’ œuvres existantes ou en combinant tous les éléments constitutifs de l’univers reconnaissable de l’auteur, de telle manière que le public peut être conduit, par confusion, à attribuer à ce dernier les nouveaux motifs ainsi composés. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Le tribunal a relevé, au nombre des éléments reconnaissables du style de l’auteur, la gamme chromatique à base des trois couleurs primaires rouge, bleu, jaune, les visages très stylisés mais expressifs, une manière de dessiner inspirée de l’enfance et des éléments narratifs calligraphiés intégrés au dessin qu’ils complètent.

La cour constate cependant que le tribunal indique illustrer ses motifs par les dessins Wom’Azing et Espoir ci-dessus représentés qui sont très différents l’un de l’autre et ne présentent aucune proximité stylistique, l’un étant composé d’un entrelacs de motifs en forme d’arabesque l’autre représentant le contour d’un visage complètement épuré et dénué de toute expressivité, ni ne paraissent emprunter les éléments qui seraient propres à identifier l’auteur à savoir une manière de dessiner enfantine, l’utilisation d’une gamme de trois couleurs primaires, l’insertion d’un texte dans le dessin, tous éléments que l’auteur, en toute hypothèse, ne saurait prétendre s’approprier.

Il est en outre retenu par le tribunal, au vu de la pièce 3.33 produite au débats par M. C, que dans le cadre de sa communication commerciale sur les réseaux sociaux, la société PMJC a présenté les nouveaux motifs qu’elle commercialise comme étant de la main de l’artiste et laissé ainsi supposer que celui-ci exerçait toujours la fonction de directeur artistique de cette société.

La cour relève cependant que la pièce 3.33 produite aux débats par M. C est constituée d’une capture d’écran d’où apparaît la réponse apportée le 30 mai 2018 par la société PMJC au commentaire suivant d’un internaute : 'J’aurais aimé voter pour les dessins originaux réalisés par C'. La société PMJC lui a répondu que 'Les dessins sont bien de C en sa qualité de directeur artistique de sa marque’ sans qu’il soit permis d’affirmer que cette réponse serait fausse et de nature à induire en erreur le public dès lors que les dessins visés dans cet échange ne sont pas montrés et qu’il n’est pas établi qu’il ne s’agirait pas de dessins ayant été réalisés par M. C dans l’exécution de la convention de prestation de services du 21 juillet 2011 et sur lesquels la société PMJC bénéficie d’un droit d’exploitation.

En l’état de ces observations le grief de concurrence déloyale et parasitaire n’est pas suffisamment caractérisé et ne peut être retenu.

Sur les mesures réparatrices, M. C demande la confirmation des dispositions du jugement tandis que la société PMJC ne développe aucune critique des motifs des premiers juges sur ce point. Les dispositions du jugement concernant les mesures réparatrices sont en conséquence purement et simplement confirmées sauf à infirmer la condamnation prononcée à l’encontre de la société PMJC au titre du grief de concurrence déloyale et parasitaire qui n’est pas retenu par la cour. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Sur les autres demandes, M. C demande la condamnation de la société PMJC à lui verser la somme de 44.400 euros de dommages-intérêts complémentaires en raison de la commercialisation des articles litigieux reproduisant les 'uvres My Radiant Bird, Secret, Ange Bubble-Gum, Ange Birdy, Roi des Étoiles entre le 31 janvier 2020 et le 26 juin 2020, en violation des termes du jugement.

Les faits allégués ne sont pas contestés par la société PMJC et sont, en toute hypothèse, établis au vu du procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 14 mai 2020 qui montre l’offre en vente sur le site internet de la société PMJC les tee-shirts, sweat-shirts et sacs de toile revêtus des dessins My Radiant Bird, Secret, Ange Bubble-Gum, Ange Birdy, Roi des Étoiles.

La poursuite par la société PMJC, postérieurement à la décision des premiers juges, de ses actes illicites constitutifs d’atteintes au droit moral d’auteur de M. C sur les dessins précités justifie sa condamnation au paiement d’une indemnité complémentaire, celle arrêtée à la date du jugement n’étant pas suffisante à réparer l’entier préjudice subi par l’artiste à raison de ces actes au jour du présent arrêt.

Au regard des circonstances de la cause et des éléments d’appréciation produits aux débats, l’indemnité complémentaire sera fixée à la somme de 10.000 euros.

Le sens de l’arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement statuant sur les frais irrépétibles et dépens de première instance.

L’équité commande de condamner la société PMJC à payer à M. C une indemnité de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel et de la débouter de sa demande formée à ce même titre.

Succombant à la procédure la société PMJC en supportera les dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS : Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il condamne la société PMJC à payer à M. C une somme de 10.000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale par parasitisme et par risque de confusion sur le fondement de l’article 1240 du code civil,

Statuant à nouveau sur ce chef,

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Déboute M. C de sa demande en réparation des actes de concurrence déloyale par parasitisme et par risque de confusion sur le fondement de l’article 1240 du code civil,

Ajoutant,

Condamne la société PMJC à payer à M. C la somme de 10.000 euros de dommages-intérêts complémentaires au titre de la réparation de son préjudice à raison de la poursuite, après le jugement, des atteintes à son droit moral d’auteur sur les œuvres My Radiant Bird, Secret et Roi des Etoiles, Ange Bubble-Gum et Ange Birdy,

Condamne la société PMJC à payer à M. C une indemnité de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel et la déboute de sa demande formée à ce même titre,

Condamne la société PMJC aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

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