Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 4, 2 novembre 2021, n° 19/00617

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 - ch. 4, 2 nov. 2021, n° 19/00617
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/00617
Décision précédente : Tribunal d'instance de Paris, 10 décembre 2018, N° 11-18-160371
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 4

ARRÊT DU 02 NOVEMBRE 2021

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/00617 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7B66

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Décembre 2018 -Tribunal d’Instance de PARIS – RG n° 11-18-160371

APPELANTE

Madame Y Z X

Née le […] à […]

[…]

[…]

représentée et ayant pour avocat plaidant Me Jacques TREMOLET DE VILLERS de la SCP TREMOLET DE VILLERS SCHMITZ LE MAIGNAN, avocat au barreau de PARIS, toque: P0163 substitué par Me Grégoire BELMONT, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

ASSOCIATION ASSISTANCE PUBLIQUE DES HÔPITAUX DE PARIS (APHP)

[…]

[…]

représentée et ayant pour avocat plaidant Me Yves CLAISSE de la SELARL CENTAURE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0500 substitué par Me Morgane BLOTIN, avocat du même cabinet

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 octobre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant M. Michel CHALACHIN, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Michel CHALACHIN, président de chambre

Mme Marie MONGIN, conseillère

Mme Alexandra PÉLIER-TÉTREAU, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Cynthia GESTY

ARRÊT : contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par M. Michel CHALACHIN, Président de chambre et par Mme Cynthia GESTY, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 4 novembre 2004, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a donné à bail à Mme Y Z X un logement situé […], précision étant faite que ce bail lui était consenti en raison de ses fonctions d’infirmière de l’AP-HP ; le bail précisait qu’il prendrait fin à la cessation des fonctions du preneur, notamment à son départ à la retraite.

Mme X ayant pris sa retraite le 30 juin 2011, la bailleresse l’a mise en demeure de quitter les lieux dans un délai de quatre mois par lettre recommandée du 29 novembre 2013.

Une mise en demeure de régler la somme de 24 316,03 euros au titre des loyers dus et de quitter les lieux a été adressée à Mme X le 6 mars 2014.

Le 2 février 2018, l’AP-HP a notifié à Mme X une opposition à tiers détenteur sur un contrat d’assurance-vie pour une dette de 40 859,67 euros.

Par acte d’huissier du 27 mars 2018, Mme X a fait assigner l’AP-HP devant le tribunal d’instance de Paris afin de voir annuler l’état exécutoire ayant servi de fondement à l’opposition à tiers détenteur et obtenir la désignation d’un expert suite à un dégât des eaux ayant affecté son logement.

Par jugement du 11 décembre 2018, le tribunal a :

— débouté Mme X de toutes ses demandes,

— constaté qu’elle était occupante sans droit ni titre du logement,

— ordonné l’expulsion des occupants du logement,

— dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte,

— condamné Mme X au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle de 1 200 euros à compter du 30 juin 2011 et jusqu’à la libération complète des lieux,

— débouté les parties du surplus de leurs demandes,

— ordonné l’exécution provisoire du jugement,

— condamné Mme X aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 8 janvier 2019, Mme X a interjeté appel de cette décision.

Elle a été expulsée du logement en octobre 2019.

Par dernières conclusions notifiées le 22 octobre 2020, l’appelante demande à la cour de :

— infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

— faire droit à l’opposition à l’état exécutoire transmis le 2 février 2018 dans le cadre de l’avis à tiers détenteur sur son contrat détenu par Prépar-Vie, et en tout cas juger infondée la créance invoquée par l’AP-HP sur les loyers ayant donné lieu à quittance,

— réduire le loyer dû par elle depuis le 27 mars 2013 d’un tiers en réparation de l’insalubrité de son logement et, en conséquence, le fixer à 486,51 euros,

— juger que son expulsion était illégale,

— condamner l’AP-HP à réparer le préjudice causé par cette expulsion illégale à hauteur de la somme de 40 000 euros au titre du préjudice moral et celle de 54 000 euros au titre du préjudice matériel, outre 400 euros par mois depuis décembre 2019 jusqu’au jour de son relogement, pour frais de garde-meubles,

— ordonner la compensation entre les sommes dues par les parties,

— lui accorder un délai de grâce de deux ans pour acquitter toute somme dont elle resterait débitrice en dépit de la compensation,

— condamner l’AP-HP au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 6 septembre 2021, l’AP-HP demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et débouter Mme X de ses demandes,

— dire que la demande d’expertise est injustifiée et débouter l’appelante de cette demande,

— débouter l’appelante de sa demande tendant à voir réduire le loyer d’un tiers à compter du 27 mars 2013,

— constater qu’il y a eu mainlevée totale sur l’opposition à tiers détenteur et en conséquence dire la demande d’opposition sur l’état exécutoire sans objet, dire que la créance de loyers impayés est fondée, en conséquence, débouter Mme X de son opposition sur l’état exécutoire,

— rejeter les demandes de dommages-intérêts formulées par l’appelante,

— dire que l’appelante occupe le logement sans droit ni titre depuis le 30 juin 2011, date de son départ à la retraite, en conséquence rejeter toute demande de délais, ordonner son expulsion dans les 48 heures suivant la signification de l’arrêt sous astreinte comminatoire de 150 euros par jour de retard, éventuellement ordonner la séquestration des meubles se trouvant dans les lieux,

— condamner l’appelante au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale à 1 200 euros, outre les charges, à compter du 30 juin 2011, ou, à défaut et à titre subsidiaire, une indemnité mensuelle égale à 1 767 euros outre les charges à compter du 26 décembre 2012 et jusqu’à complète libération des lieux, avec revalorisation de droit telle que prévue au contrat,

— la condamner au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

— rejeter toute demande de délais.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d’autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 septembre 2021.

MOTIFS

Sur l’état du logement

Mme X expose avoir subi un dégât des eaux provenant de l’appartement situé au-dessus du sien le 1er juin 2005 et n’avoir obtenu aucune réponse de l’AP-HP à ses nombreuses demandes de remise en état ; elle indique avoir saisi son assureur et avoir fait constater les désordres par huissier le 23 mai 2012 ; elle reconnaît que sa demande d’expertise ne peut plus aboutir du fait de son expulsion, mais demande, en réparation de son trouble de jouissance, une réduction d’un tiers du montant du loyer à compter du 27 mars 2013, son assignation datant du 27 mars 2018.

Mais, alors que l’appelante avait obtenu la désignation d’un expert judiciaire suite à ce dégât des eaux par ordonnance de référé du 5 octobre 2007, cette procédure n’avait pas été poursuivie car Mme X n’avait pas consigné la provision mise à sa charge par le juge.

L’AP-HP justifie avoir fait réaliser une recherche de fuite en mars 2011 pour mettre fin aux désordres, la voisine du dessus n’étant pas assurée ; elle a mandaté une entreprise le 25 mai 2011 afin de refaire les peintures du logement de l’appelante, a obtenu un devis d’un montant de 5 107 euros, mais, par courriel du 12 juillet 2011, l’entreprise Eliez a indiqué que Mme X s’était opposée à la réalisation de ces travaux ; la fuite a été réparée en avril et juillet 2012 comme l’atteste la facture de la société La Louisiane en date du 20 juillet 2012.

Dans la mesure où l’appelante a refusé la réalisation des travaux de remise en état de son appartement suite au dégât des eaux, elle ne peut se plaindre d’avoir vécu plusieurs années dans un appartement en mauvais état.

Sa demande de réduction du montant du loyer est donc mal fondée et doit être rejetée.

Sur la créance revendiquée par l’AP-HP

Mme X conteste la validité de l’état exécutoire de 48 204,41 euros dont elle a eu connaissance lors de la notification de l’opposition à tiers détenteur du 2 février 2018 aux motifs que la bailleresse ne lui avait jamais notifié de titres exécutoires, lui avait adressé des quittances de loyer jusqu’en 2018, et ne démontre pas l’absence de paiement de loyers.

Sur le premier point, aucun texte n’impose au bailleur, personne morale de droit public, d’établir un titre exécutoire pour chaque terme de loyer impayé ; l’état exécutoire global établi le 2 février 2018, qui prenait en compte plusieurs mois d’impayés de loyer, était parfaitement valable dès lors qu’il détaillait les termes restant dus ; en outre, Mme X avait nécessairement connaissance des loyers demeurés impayés, dès lors qu’elle avait accès à ses comptes bancaires faisant apparaître le rejet des prélèvements mensuels et qu’elle recevait, selon ses propres déclarations figurant en page 6 de ses conclusions, ' chaque mois un avis d’huissier la menaçant du recouvrement de son loyer'.

Concernant la délivrance de quittances de loyer, l’intimée produit un courriel de la Direction spécialisée des finances publiques en date du 26 juillet 2018 expliquant que le système informatique éditait systématiquement des quittances en cas de mise en place de prélèvements bancaires automatiques, et ce que le prélèvement ait été accepté ou rejeté par la banque ; ces quittances délivrées de manière systématique ne constituent donc pas des preuves de paiement ni de remises de dette dès lors qu’elles étaient éditées même en cas de rejet d’un prélèvement.

Concernant la preuve des impayés, le tableau établi par la Direction spécialisée des finances publiques le 18 juillet 2018 expose très clairement quels prélèvements ont été rejetés, faisant ainsi apparaître une dette locative de 43 825,85 euros au 21 juin 2018 ; Mme X ne produit aucune pièce permettant de contredire la liste des prélèvements rejetés par sa banque telle qu’elle figure sur le document communiqué par l’intimée.

Enfin, l’opposition à tiers détenteur opérée le 2 février 2018 sur le contrat d’assurance-vie de Mme X ayant fait l’objet d’une mainlevée totale, son opposition à l’état exécutoire est désormais sans objet.

La cour constate que, dans ses dernières écritures, l’AP-HP n’actualise pas sa créance et ne formule pas de demande en paiement autre que celle portant sur l’indemnité d’occupation réclamée à l’appelante.

Sur l’expulsion de Mme X

L’appelante soutient que, suite à son départ à la retraite le 30 juin 2011, son bail, qui était arrivé à expiration, s’est trouvé tacitement reconduit en application des articles 1738 et 1759 du code civil pour une durée indéterminée, l’AP-HP ayant accepté de la laisser jouir de son appartement pendant deux ans avant de lui adresser une lettre de mise en demeure, le 29 novembre 2013.

Mais le simple fait que la bailleresse ait tardé à adresser à l’appelante une mise en demeure de libérer les lieux ne peut s’analyser en une volonté de reconduire tacitement le bail, dès lors que l’AP-HP n’a pas renoncé de manière non équivoque à se prévaloir de l’arrivée du terme du contrat.

Celui-ci prévoyait, en son article 2, que le bail prendrait fin à la cessation des fonctions du preneur au sein de l’AP-HP pour quelque cause que ce soit, notamment à son départ à la retraite ; son article 3 précisait que 'de toutes façons, la tacite reconduction ou le renouvellement prendra fin avec la cessation par le preneur de ses fonctions au sein de l’AP-HP ; le terme du contrat était donc nécessairement fixé à la cessation des fonctions de la locataire et le bail ne pouvait en aucun cas être reconduit ou renouvelé si celle-ci n’était plus en fonction ; ces clauses s’expliquent pas la souci de l’AP-HP de fournir un logement à son personnel en activité, afin de répondre au mieux à sa mission de service public ; l’intimée n’avait donc aucun intérêt à poursuivre sa relation contractuelle avec une ancienne employée à la retraite.

Le bail a donc pris fin à la date du départ à la retraite de la locataire, de plein droit, et sans qu’il fût nécessaire pour la bailleresse de lui délivrer congé, ainsi que le prévoit l’article 1737 du code civil.

Dès lors, c’est à bon droit que le tribunal a constaté que Mme X occupait les lieux sans droit ni titre depuis le 30 juin 2011 et a ordonné son expulsion.

Par conséquent, l’expulsion de l’appelante opérée en octobre 2019 était justifiée et ne saurait donner lieu à indemnisation.

Le prononcé d’une astreinte est inutile dès lors que l’expulsion a été réalisée.

Sur l’indemnité d’occupation

Mme X reproche au tribunal d’avoir fixé le montant de l’indemnité d’occupation à la somme de 1 200 euros alors que son loyer n’était que de 730 euros ; le préjudice causé à l’AP-HP par l’occupation sans droit ni titre du logement et l’immobilisation de celui-ci sera justement indemnisé par l’octroi d’une indemnité d’occupation mensuelle de 800 euros, charges en sus ; le jugement sera donc infirmé quant au montant de l’indemnité.

Par ailleurs, le tribunal, en prenant comme point de départ de l’indemnité le 1er juillet 2011, date d’expiration du bail, n’a pas tenu compte de la prescription quinquennale applicable en l’espèce ; l’indemnité due par Mme X ne peut être calculée qu’à compter du 26 décembre 2012, le premier avis d’opposition à tiers détenteur (acte interruptif de prescription) produit par l’intimée datant du 26 décembre 2017.

Mme X sollicite un délai de deux ans pour régler sa dette, sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil ; mais elle ne produit aucune pièce attestant de ses difficultés économiques ni de sa situation financière actuelle, et ne démontre donc pas être en mesure de s’acquitter des sommes dues dans ce délai ; sa demande doit dès lors être rejetée.

Sur les demandes accessoires

L’appelante, qui succombe en ses demandes, doit être condamnée aux dépens de la procédure d’appel et déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande d’allouer à l’intimée la somme de 1 000 euros sur le fondement de ce texte.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le montant et le point de départ de l’indemnité d’occupation due par Mme X,

Statuant à nouveau sur ces points :

Condamne Mme X à payer à l’AP-HP la somme mensuelle de 800 euros, charges en sus, à titre d’indemnité d’occupation à compter du 26 décembre 2012 jusqu’à la date de son expulsion,

Y ajoutant :

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires formées devant la cour,

Condamne Mme X à payer à l’AP-HP la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme X aux dépens d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffe, Le président,

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Textes cités dans la décision

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