Cour d'appel de Paris , Pôle 5, 1re ch.

  • Brevetabilité de l'invention ou validité du brevet·
  • Connaissances professionnelles normales·
  • Exécution par l'homme du métier·
  • Problème à résoudre identique·
  • Référence à la procédure oeb·
  • Domaine technique identique·
  • Combinaison de moyens·
  • État de la technique·
  • Activité inventive·
  • Validité du brevet

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Afin d’apprécier le caractère inventif d’une invention, il faut déterminer si, eu égard à l’état de la technique, l’homme du métier, au vu du problème que celle-ci prétend résoudre, aurait obtenu la solution technique revendiquée par le brevet en utilisant ses connaissances professionnelles et en effectuant de simples opérations d’exécution. L’état de la technique le plus proche doit être pertinent, c’est-à-dire qu’il doit correspondre à une utilisation semblable et appeler le moins de modifications structurelles et fonctionnelles pour parvenir à l’invention revendiquée. Il doit donc viser à atteindre le même objectif ou à obtenir le même effet que l’invention ou au moins appartenir au même domaine technique ou à un domaine étroitement lié. L’article 56 de la CBE n’exige pas pour déterminer si un brevet procède ou non d’une activité inventive, de procéder par une approche problème-solution supposant de définir au préalable un état de la technique le plus proche du brevet attaqué. Cette approche est propre à la chambre de recours de l’OEB et ne s’impose pas aux juridictions françaises. En espèce, l’invention couverte par le brevet contesté concerne un système d’aération d’un bâtiment d’élevage porcin qui combine des cheminées et des moyens de régulation des flux de l’air, afin de permettre une aération harmonieuse de l’ensemble du bâtiment. L’homme du métier était capable, par la combinaison directe des enseignements des brevets antérieurs cités – ayant trait au même domaine de l’aération d’une stabulation -, de résoudre le problème auquel se propose de répondre l’invention. En effet, à partir d’un premier brevet suisse, qui constitue l’état de la technique le plus proche, l’homme du métier, par de simples manipulations techniques et au vu de ses connaissances générales, pouvait y associer les enseignements de deux autres brevets européens antérieurs cités. L’activité inventive découle directement des enseignements de ces deux derniers brevets. Ainsi, la revendication 1 du brevet litigieux constitue une juxtaposition de ces inventions et moyens connus et non une combinaison aboutissant à une fonction nouvelle essentielle. La revendication 2 dépendante est enseignée par le premier brevet européen cité et les caractéristiques décrites par les revendications 3 et 4 sont des techniques courantes, issues des connaissances générales de l’homme du métier. Les revendications 1 à 4 sont donc nulles pour défaut d’activité inventive.

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 1, 19 janv. 2021, n° 18/28089
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/28089
Publication : PIBD 2021, 1158, IIIB-3
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 8 novembre 2018, N° 16/17382
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 9 novembre 2018, 2016/17382
Domaine propriété intellectuelle : BREVET
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : EP0899518 ; FR9710980
Titre du brevet : Système d'aération d'un bâtiment d'élevage ; Système d'aération d'un bâtiment d'élevage comportant au moins une rangée de cases
Classification internationale des brevets : F24F
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Référence INPI : B20210005
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Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRÊT DU 19 janvier 2021

Pôle 5 – Chambre 1 Numéro d’inscription au répertoire général : 18/28089 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B65I2 Décision déférée à la Cour : Jugement du 9 novembre 2018 -Tribunal de Grande Instance de Paris – RG n° 16/17382

APPELANTE SASU I-TEK Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de SAINT MALO sous le numéro 384 22 50 41 Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège […] Représentée par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090

INTIMÉE EARL HEUGHEBAERT DANIELE ET PHILIPPE Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d’EVREUX sous le numéro 410 .771.422 Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège […] Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477 Assistée de Me Stéphane CAMPANARO de la SELARL CAMPANARO OHANIAN, avocat au barreau d’EURE

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 novembre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et Mme Déborah BOHEE, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Isabelle DOUILLET, présidente, Mme Françoise BARUTEL, conseillère, Mme Déborah BOHEE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Karine A. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

ARRÊT : - Contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine A, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE La société I-TEK, immatriculée le 30 janvier 1992 au registre du commerce et des sociétés de Saint-Malo, a pour activité la conception, la fabrication, la vente et l’installation d’équipements pour l’élevage porcin.

Elle est titulaire du brevet européen EP 0 899 518 déposé le 28 août 1998, ayant pour titre « Système d’aération d’un bâtiment d’élevage » et publié le 12 novembre 2003, sous priorité du brevet FR 97 10 980 du 29 août 1997.

La Division d’Opposition de l’Office Européen des Brevets a, par décision du 12 septembre 2006, maintenu le brevet tel que délivré et rejeté l’opposition formée par une société tierce SOCOBATI.

La société I-TEK, estimant que l’EARL HEUGHEBAERT DANIELE ET PHILIPPE (ci-après EARL HEUGHEBAERT) avait installé dans l’un de ses bâtiments des équipements pour l’élevage porcin reprenant, selon elle, les caractéristiques du brevet EP 0 899 518, a adressé à celle-ci une mise en demeure le 29 février 2016 et a fait procéder à une saisie-contrefaçon le 7 novembre 2016 au siège de l’EARL HEUGHEBAERT où est situé le bâtiment abritant l’équipement litigieux.

Par acte du 16 novembre 2016, la société I-TEK a fait assigner l’EARL HEUGHEBAERT devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon des revendications 1 à 4 du brevet européen EP 0 899 518 déposé le 28 août 1998.

En défense, l’EARL HEUGHEBAERT a formé une demande reconventionnelle en nullité du brevet EP 0 899 518.

Dans son jugement du 9 novembre 2018 dont appel, le tribunal de grande instance de Paris a statué en ces termes :
- Déclare nulles pour défaut d’activité inventive, les revendications 1 à 4 du brevet européen EP 0 899 518, dont est titulaire la société I-TEK SA,

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

— Dit que le jugement devenu définitif sera transmis à l’INPI pour être transcrit auprès du Registre National des Brevets et ce sur réquisition du greffier en chef du tribunal, à l’initiative de la partie la plus diligente,

— Déboute la société I-TEK de ses prétentions au titre de la contrefaçon et de ses prétentions qui y sont accessoires,

— Condamne la société I-TEK aux dépens,

— Condamne la société I-TEK à payer à l’EARL Heughebaert Danielle et Philippe, la somme de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

La société I-TEK a interjeté appel de cette décision par acte du 14 décembre 2018.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 1er juillet 2019 par la SAS I-TEK, appelante, qui demande à la cour de :

— DECLARER recevable et fondée la société I-TEK en son appel,

Y FAISANT DROIT

— INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du 9 novembre 2018,

— DIRE ET JUGER qu’il résulte du procès-verbal de saisie-contrefaçon en date du 7 novembre 2016 que l’EARL HEUGHEBAERT DANIELE ET PHILIPPE a contrefait les revendications 1, 2, 3 et 4 du brevet EP 0 899 518 B1 déposé le 28 août 1998 (priorité 29 août 1997, FR 97 10980), propriété de la société I-TEK ayant pour titre « Système d’aération d’un bâtiment d’élevage »,

— DIRE ET JUGER que le brevet EP 0 889 518 B1 est nouveau et que son activité inventive n’est pas contestable compte tenu notamment de la décision de rejet de l’opposition du 12 septembre 2006 de l’OEB,

— CONDAMNER en conséquence l’EARL HEUGHEBAERT DANIELE ET PHILIPPE à payer à la société I-TEK la somme de 116.909 € au titre de la contrefaçon,

— CONDAMNER en conséquence l’EARL HEUGHEBAERT DANIELE ET PHILIPPE à payer à la société I-TEK la somme de 100.000 € au titre du préjudice commercial,

— ORDONNER, à titre du supplément de dommages et intérêts, la publication de la décision à intervenir dans cinq journaux aux frais de Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

l’EARL HEUGHEBAERT DANIELE ET PHILIPPE et DIRE ET JUGER que le coût de chacune de ces publications ne saurait être inférieur à la somme de 7.500 € H.T.

— CONDAMNER l’EARL HEUGHEBAERT DANIELE ET PHILIPPE à payer à la société I-TEK la somme de 40.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens, dont distraction au profit de Me Pascale FLAURAUD, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 24 juin 2020 par l’EARL HEUGHEBAERT, intimée, qui demande à la cour de :

À titre principal :

— confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

À titre subsidiaire :

— débouter la société I-TEK de toutes ses demandes indemnitaires et de publication de la décision,

En tout état de cause :

— condamner la société I-TEK à payer à L’EARL HEUGHEBAERT DANIELE ET PHILIPPE, la somme de 8.000 au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile en cause d’appel, ainsi qu’en tous les dépens de l’instance, dont distraction au profit de Me Matthieu BOCCON GIBOD.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 octobre 2020.

MOTIFS DE L’ARRÊT En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

- Sur la validité du brevet EP 0 899 518 :
- Présentation du brevet :
Le domaine technique de l’invention:

La SAS I-TEK est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur le brevet européen EP 0 899 518 B1 intitulé « Système d’aération d’un bâtiment d’élevage » déposé le 28 août 1998.

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Le domaine technique dans lequel se situe l’invention concerne les systèmes d’aération d’un bâtiment comportant au moins une rangée de cases destinées à être occupées par au moins un animal. L’invention s’applique notamment à l’aération d’une porcherie.

La partie descriptive du brevet rappelle que les systèmes d’aération connus pour une porcherie comportent :

— des cheminées montées entre deux cases contiguës prévues pour aspirer vers le haut de l’air pur circulant sous ces cases, à l’aide de moyens mécaniques couplés à une sortie d’air pour créer une dépression à l’intérieur de la porcherie, de sorte à permettre l’aspiration par lesdites cheminées de l’air admis via l’entrée. Ces cheminées visent à éviter une forte concentration de gaz toxiques azotés à l’intérieur de la porcherie. Il est mentionné que l’inconvénient de ce système réside dans le fait qu’une fraction importante du courant d’air quittant chaque cheminée est aspirée par les moyens d’extraction, de sorte qu’il peut en résulter une ventilation insuffisante de la porcherie au niveau des cases occupées par les animaux.

— une enceinte d’élevage dont le plancher incorpore des tubes branchés à une conduite d’air raccordée à un ventilateur extérieur à l’enceinte et destinée à diffuser de l’air au travers de la litière.

La solution préconisée par l’invention :

Le brevet indique y remédier en proposant (paragraphe [0006]) un système d’aération d’un bâtiment comportant au moins une rangée de cases destinées à être occupées par au moins un animal, cette installation comportant au moins une entrée d’air communiquant avec les entrées inférieures respectives de cheminées en dessous de ces cases, au moins une sortie d’air dudit bâtiment couplée à des moyens d’aspiration de l’air dans chaque cheminée, étant prévue au-dessus desdites cases, la sortie supérieure de chaque cheminée sous un plafond dudit bâtiment.

La revendication indépendante n° 1 du brevet s’énonce comme suit :

1 « Système d’aération (9) d’un bâtiment comportant au moins une rangée (1) de cases (2, 3) destinées à être occupées par au moins un animal, ledit système (9) comportant au moins une entrée d’air communiquant en dessous desdites cases (2 et 3) avec des orifices d’entrée inférieurs (13) respectifs de cheminées (11), au moins une sortie d’air dudit bâtiment couplée à des moyens d’aspiration de l’air prévus pour créer une dépression d’air à l’intérieur du bâtiment, de sorte à permettre l’aspiration par lesdites cheminées (11) de l’air admis par ladite ou chaque entrée, ladite ou chaque sortie d’air étant prévue au-dessus desdites cases (2 et 3), un orifice de sortie (14) de chaque cheminée (11) étant prévu sous un plafond (4) dudit bâtiment, et chaque cheminée (11) étant pourvue de moyens de régulation (15, 21) Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

de la vitesse de l’air aspiré à son orifice de sortie (14) à une valeur de consigne, de telle sorte que ladite valeur permette l’aération dudit plafond (4) en contre-haut de chaque cheminée (11), le système est caractérisé en ce que l’orifice de sortie (14) de chaque cheminée (11) est situé sensiblement au-dessus du plancher (5) ».

Cette revendication est complétée par les revendications dépendantes 2 à 5 :

2. Système d’aération (9) selon la revendication 1, caractérisé en ce que lesdits moyens de régulation (15, 21) comportent une unité (21) prévue pour commander des moyens (15) prévus pour faire varier la section de passage pour l’air aspiré dans chaque cheminée (11) entre ladite entrée (13) et ladite sortie (14) de cheminée (11) en fonction d’au moins une caractéristique de l’air ambiant dans ledit bâtiment, de telle sorte que ladite vitesse d’aspiration de l’air en sortie de chaque cheminée (11) soit maintenue à ladite valeur de consigne.

3. Système d’aération (9) selon la revendication 2, caractérisé en ce que lesdits moyens (15) pour faire varier la section de passage dans chaque cheminée (11) sont constitués d’un volet (15) qui est relié à un bras (17) formant levier pour celui-ci, ledit volet (15) et ledit bras (17) étant montés solidaires d’un axe (16) fixe par rapport à chaque cheminée (11), ledit bras (17) traversant ladite entrée (13) de la cheminée (11) correspondante et étant relié à la sortie (20) de ladite unité de commande (21) par l’intermédiaire de moyens d’actionnement (19), ladite unité de commande (21) étant prévue pour commander lesdits moyens d’actionnement (19) en fonction d’au moins une valeur fournie en entrée (22, 23) de ladite unité, de sorte à faire pivoter chaque volet (15) via ledit bras (17) correspondant.

4. Système d’aération (9) selon la revendication 3, caractérisé en ce que lesdits moyens d’actionnement (19) sont constitués d’une tringle prévue pour actionner ledit ou chaque bras (17) en rotation sur ledit axe de pivotement (16).

5. Système d’aération (9) selon une des revendications précédentes, caractérisé en ce qu’il comporte en dessous de ladite ou chaque rangée (1) de cases (2 et 3) une gaine étanche (9a) qui est reliée bord à bord, via au moins un embranchement (9b), à chaque entrée (13) de cheminée (11).

Seul l’emplacement de l’orifice de sortie (14) de chaque cheminée (11) caractérise l’invention en sa revendication principale.

Ainsi, le brevet consiste à améliorer l’air se trouvant dans une stabulation, en associant un système d’aération comportant des cheminées, à des moyens de régulation de vitesse de l’air selon une valeur consigne, par la variation de la section de passage de l’air. En fonction des valeurs fournies par les sondes, une unité de commande Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

agit sur une tringle pour faire pivoter les volets de manière à ce que la circulation de l’air entre la cheminée et l’orifice de sortie soit constante dans le temps, et suffisante pour que l’air parvienne jusqu’au plafond.

- Sur la définition de l’homme du métier :

L’homme du métier est celui qui possède les connaissances normales de la technique dont relève l’invention, et est capable, à l’aide de ses seules connaissances professionnelles, de concevoir la solution du problème que propose de résoudre l’invention.

Compte tenu du domaine technique de l’invention, il sera retenu que l’homme du métier est un ingénieur spécialisé dans les questions d’aération des bâtiments industriels d’élevage.

- Sur le défaut d’activité inventive : L’article 56 de la CBE dispose que « Une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas de manière évidente de l’état de la technique (…) ». En application de l’article 138 a) de la même convention, un brevet doit être annulé « si l’objet du brevet européen n’est pas brevetable aux termes des articles 52 à 57 »;

Afin d’apprécier le caractère inventif, il faut déterminer si, eu égard à l’état de la technique, l’homme du métier, au vu du problème que l’invention prétend résoudre, aurait obtenu la solution technique revendiquée par le brevet en utilisant ses connaissances professionnelles et en effectuant de simples opérations. L’activité inventive se définit au regard du problème spécifique auquel est confronté l’homme de métier.

L’état de la technique le plus proche à sélectionner doit être pertinent, c’est-à-dire qu’il doit correspondre à une utilisation semblable et appeler le moins de modifications structurelles et fonctionnelles pour parvenir à l’invention revendiquée. Cet état de la technique le plus proche doit donc viser à atteindre le même objectif ou à obtenir le même effet que l’invention ou au moins appartenir au même domaine technique que l’invention revendiquée ou à un domaine qui lui est étroitement lié.

L’article 56 de la CBE n’exige pas pour déterminer si un brevet procède ou non d’une activité inventive de procéder par une approche problème-solution supposant de définir au préalable un état de la technique le plus proche du brevet attaqué, qui est propre à la chambre de recours de l’OEB et ne s’impose pas aux juridictions françaises.

La société I-TEK souligne que les deux brevets invoqués par l’intimée (G et D) et retenus par le tribunal comme l’état le plus proche de la Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

technique, étaient déjà connus de l’examinateur de l’OEB, qui a pourtant délivré le brevet. Elle rappelle que dans sa décision du 12 septembre 2006, l’OEB a indiqué que la caractéristique distinctive mentionnée dans la revendication 1 avait pour effet une amélioration de la ventilation des cases : « ceci est par conséquent le problème objectif à résoudre. La solution du problème ainsi posée n’était pas évidente pour l’homme de métier et impliquait une activité inventive car aucun des documents cités ne décrit ni ne suggère de moyens de régulation de la vitesse de l’air aspiré à l’orifice de sortie de chaque cheminée à une valeur de consigne, de telle sorte que ladite valeur permette l’aération du plafond en contre haut de chaque cheminée. L’invention telle que revendiquée implique donc une activité inventive du fait qu’elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique ».

La société I-TEK reproche au tribunal un raisonnement trop succinct et de n’avoir pas appliqué correctement l’approche problème-solution consistant à analyser l’état de la technique le plus proche pour voir s’il existait une inventivité dans la réalisation de l’invention protégée par le brevet, se contentant de relever les ressemblances entre les brevets D et G, et son brevet litigieux pour en déduire l’absence d’activité inventive.

Pour la société I-TEK, le problème à résoudre répond à la question : « comment assurer la régulation de vitesse du flux d’air à travers les cheminées » et n’est pas résolu par le brevet D qui assure uniquement une régulation de l’air par le biais de volets mobiles montés à travers une ouverture réalisée dans le mur.

L’EARL HEUGHEBAERT, s’appuyant sur une étude réalisée par un conseil en propriété industrielle, reprend le raisonnement du tribunal, en soulignant que le brevet ne présente pas d’activité inventive puisque reprenant les enseignements de deux brevets antérieurs (G et D) qui portaient respectivement sur un système de ventilation par le biais de cheminée, et sur les moyens de régulation de la vitesse de l’air, par pivotement de trappes placées en regard des bouches d’entrées d’air. Elle invoque en outre, d’autres brevets à l’appui de son raisonnement (le brevet européen EP 05 95 098 de la société HOELSCHER & LEUSCHNER, cité dans le brevet EP 518 et le brevet européen EP 01 73 374 S).

En l’espèce, le problème à résoudre est celui de l’amélioration de la qualité de l’air dans une stabulation, en associant un système d’aération comportant des cheminées, à des moyens de régulation de la vitesse de l’air selon une valeur consigne.

Le document G (demande de brevet suisse n° CH 551 740 publiée le 31 juillet 1974 au nom d’Ernst G) intitulé « dispositif de ventilation pour étable », porte sur un système de ventilation d’un bâtiment d’élevage d’animaux, comprenant un canal d’arrivée d’air sous l’allée centrale et Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

des cheminées en communication débouchant à mi-hauteur au niveau des parois de séparation des stalles ainsi que des circuits d’évacuation de l’air et un conduit d’extraction. Ce document a été examiné par l’OEB, qui l’a considéré comme l’art antérieur le plus proche, comme décrivant un système d’aération ayant toutes les caractéristiques de la revendication 1 du brevet EP 518 à l’exception du fait que chaque cheminée est pourvue de moyens de régulation de la vitesse de l’air aspiré à son orifice de sortie à une valeur de consigne, de telle sorte que ladite valeur permette l’aération dudit plafond en contre haut de chaque cheminée.

Le document D (demande de brevet européen n° EP 0 312 478 A1 déposé le 12 octobre 1988 et publiée le 19 avril 1989 au nom des Ateliers de Constructions L Danno) intitulé « Procédé et dispositif pour réaliser la ventilation d’un bâtiment ventilé par dépression, notamment d’un élevage avicole » concerne un procédé de ventilation par dépression d’un bâtiment d’élevage au moyen de bouches de soufflage d’entrée d’air latérale munies de moyens d’obturation commandés permettant de modifier le débit d’air entrant en fonction des mesures faites par un détecteur, afin de maintenir à une vitesse constante la vitesse d’entrée d’air dans le local.

Le document S (demande de brevet européen n° EP 0 173 374 A1 déposé le 23 juillet 1985 et publiée le 5 mars 1986 au nom de S) intitulé « cheminée de ventilation pour étable » porte sur un procédé permettant une ventilation dans une stabulation pour porcs contenant un volet axial, pouvant être commandé, et dans lequel chaque cheminée est pourvue sur au moins une de ses extrémités d’un dispositif avec lequel l’intensité du courant d’air au travers de la cheminée peut varier du fait que ce dispositif présente une ouverture pouvant être modulée et contrôlée grâce à un moteur électrique et à un dispositif actionné par un bras articulé par des tringles.

Comme l’a justement retenu le tribunal, les deux premiers documents rappellent que la bonne ventilation de l’élevage est primordiale et est conditionnée par la vitesse d’entrée de l’air dans le bâtiment abritant les animaux.

Le premier document enseigne un système de ventilation par le biais de cheminée, connue sous le nom de « poteaux suisses », permettant notamment une aération vers le plafond, tandis que le second enseigne les moyens de régulation de la vitesse de l’air par le biais de trappes pivotantes situées au niveau des bouches d’entrée d’air en fonction de mesures faites par un détecteur relié à un circuit de régulation.

Le troisième applique le système régulation à l’entrée d’une cheminée de ventilation.

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Ainsi, l’homme du métier, par la combinaison directe des enseignements de ces brevets antérieurs ayant trait au même domaine de l’aération d’une stabulation, était capable de résoudre le problème auquel se propose de répondre l’invention à savoir un système de ventilation combinant des cheminées et des moyens de régulation des flux de l’air y entrant, afin de permettre une aération harmonieuse de l’ensemble du bâtiment.

En effet, à partir du brevet G, qui constitue l’état de la technique le plus proche de la technique du brevet EP 518, par de simples manipulations techniques et au vu de ses connaissances générales, l’homme du métier pouvait y associer les enseignements des brevets D, assurant une régulation via des volets associés à des moyens de commande guidés par un détecteur créant une ventilation par dépression, et S, introduisant le système de régulation à l’intérieur même de la cheminée.

L’activité inventive mise en avant par la société I-TEK et retenue par l’OEB, à savoir le fait que chaque cheminée est pourvue de moyens de régulation de vitesse de l’air aspiré à son orifice de sortie à une valeur de consigne, de telle sorte que ladite valeur permette l’aération du plafond en contre-haut de la cheminée, découle ainsi directement des enseignements de ces deux derniers brevets.

Et, contrairement à ce que soutient la société I-TEK, l’homme de métier ne peut écarter le document D qui est dans le même domaine technique, pose la même exigence de vitesse suffisante d’entrée et de sortie d’air et renseigne quant à la solution à apporter en régulant la vitesse par une action sur une trappe qui modifie la section de sortie, sans que la question relative au flux d’air horizontal ou vertical ne soit dirimante, l’enseignement pris en compte étant la manière de maintenir une vitesse constante et mesurée du flux d’air circulant dans le bâtiment.

Il doit par ailleurs être relevé que, dans le cadre de la procédure d’opposition examinée par l’OEB, seuls deux documents ont été cités par l’opposante soit le brevet G et le brevet EP A 0 595 098 HOELSCHER & LEUSCHNER et non le brevet D, comme le soutient à tort la société I-TEK, de sorte que l’examen auquel il a été amené à procéder diffère des éléments en débat dans le présent litige.

Ainsi, la revendication 1 du brevet, en ce qu’elle constitue une juxtaposition de ces inventions et moyens connus et non une combinaison aboutissant à une fonction nouvelle essentielle, n’implique aucune activité inventive.

La revendication 2 dépendante, qui porte sur une unité de commande pour faire varier la section de passage de l’air dans chaque cheminée en fonction de l’état de l’air ambiant afin de maintenir la vitesse d’aspiration de l’air en sortie de chaque cheminée, à une valeur de Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

consigne, est, comme l’a justement retenu le tribunal, enseignée par le brevet D qui dévoile des moyens de régulation au travers d’une unité de commande pour faire varier la section d’ouverture des bouches d’aération, en fonction de la mesure faite par le détecteur.

Par ailleurs, à supposer même que la présence de ce système de volets mobiles placés au niveau d’une ouverture latérale située dans un mur de la stabulation ne puisse répondre automatiquement à la problématique en cause, la simple lecture des enseignements du brevet S permet à l’homme du métier d’intégrer ce système de régulation à une cheminée.

La revendication 2 est donc dépourvue d’activité inventive.

La revendication 3 décrit les moyens mécaniques utilisés pour faire varier l’ouverture des moyens d’aération au travers d’un volet situé dans la cheminée, muni d’un bras formant levier et relié à une unité de commande. Le document D enseigne que les moyens pour faire varier la section de passage de l’air sont constitués d’un volet monté sur un axe fixe relié à une unité de commande par l’intermédiaire d’un treuil. Si ce brevet ne décrit pas que le volet est relié à un bras formant levier situé à l’intérieur de la cheminée, ces adaptations à la configuration particulière du volet inséré dans une cheminée, outre qu’elles se trouvent en partie dans le document S, sont des techniques courantes, issues des connaissances générales de l’homme du métier, notamment dans le domaine de la ventilation, permettant d’adapter l’utilisation d’une trappe ou d’un volet dans un espace contraint, comme le conduit d’une cheminée.

La revendication 3 est donc dépourvue d’activité inventive.

La revendication 4 décrit le mécanisme d’actionnement du pivotement du volet inséré dans la cheminée, au moyen d’une tringle. Cette caractéristique fait partie des connaissances générales de l’homme du métier, de sorte que la revendication 4 est également dépourvue d’activité inventive.

Les revendications 1 à 4 opposées par la société I-TEK à l’EARL HEUGHEBAERT étant nulles pour défaut d’activité inventive, le jugement doit être confirmé, sauf à préciser que la société I-TEK doit être déclarée irrecevable, et non pas mal fondée, en ses demandes en contrefaçon.

- Sur les autres demandes : La société I-TEK, succombant sera condamnée aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Me Matthieu BOCCON GIBOD, et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

L’équité et la situation des parties commandent de condamner par ailleurs la société I-TEK à verser à l’EARL HEUGHEBAERT, au titre des frais non compris dans les dépens exposés par l’intimée, la somme de 8.000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à préciser que les revendications 1 à 4 opposées de son brevet étant nulles pour défaut d’activité inventive, la société I-TEK est irrecevable en ses demandes en contrefaçon,

Y ajoutant, Condamne la société I-TEK aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Me Matthieu BOCCON GIBOD, et au paiement à l’EARL HEUGHEBAERT DANIELE ET PHILIPPE de la somme de 8 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Paris , Pôle 5, 1re ch.