Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 19 novembre 2021, n° 21/00864

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 2, 19 nov. 2021, n° 21/00864
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/00864
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Paris, 17 décembre 2020, N° 20/05792
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2021

(n°164, 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 21/00864 – n° Portalis 35L7-V-B7F-CC5M7

Décision déférée à la Cour : ordonnance du juge de la mise en état du 18 décembre 2020 – Tribunal judiciaire de PARIS – 3e chambre 2e section – RG n°20/05792

APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE

S.A.S.U. L’ETUDIANT, agissant en la personne de sa présidente, Mme C D-E, domiciliée en cette qualité au siège social situé

77, rue Y Dassault

92100 BOULOGNE-BILLANCOURT

Immatriculée au rcs de Nanterre sous le numéro 814 839 783

Représentée par Me Antoine BENECH de la SELARL SYGNA PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, toque P 540

Assistée de Me Célia TELLAD plaidant pour la SELARL SYGNA PARTNERS et substituant Me Antoine BENECH, avocate au barreau de PARIS, toque P 540

INTIME AU PRINCIPAL et APPELANT INCIDENT

M. Y X

Né le […] à […]

Exerçant la profession d’illustrateur

[…]

Représenté par Me Pierre TRUSSON de la SELARL J. -P. KARSENTY, avocat au barreau de PARIS, toque R 156

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 9 septembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme A B, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mme A B a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme A B, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme A B, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu l’ordonnance contradictoire rendue le 18 décembre 2020 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris qui a :

— rejeté le moyen tiré de la prescription concernant les demandes se rapportant à la reddition

de comptes,

— déclaré prescrites les demandes formées au titre des rémunérations se rapportant aux contrats de 2010 et de 2011,

— dit n’y avoir lieu d’appliquer les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit que l’affaire sera rappelée à l’audience de mise en état dématérialisée du 11 février 2021 à 10 heures pour conclusions en défense au fond attendues avant le 10 février 2021, les parties étant invitées à faire connaître leur position sur l’opportunité du prononcé d’une mesure de médiation avant le 29 janvier 2021.

Vu l’appel de cette ordonnance interjeté le 8 janvier 2021 par la société L’étudiant (SASU).

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 22 juillet 2021 par la société L’étudiant, appelante, qui demande à la cour, au fondement de l’article 2224 du code civil, de :

— réformer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a rejeté le moyen tiré de la prescription concernant les demandes se rapportant à la reddition des comptes,

— déclarer irrecevables car prescrites les demandes de M. X visant la condamnation de la société L’étudiant à lui verser la somme de 20.000 euros en réparation de la non-exécution des obligations de reddition stipulées aux contrats de 2010,2011, 2012 et 2013,

— confirmer l’ordonnance en ce qu’elle déclare prescrites les demandes formées au titre des rémunérations se rapportant aux contrats de 2010 et 2011,

— condamner M. X à verser 1.500 euros à la société L’étudiant au titre de l’article 700 du code

de procédure civile.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 25 août 2021 par M. Y X, intimé et incidemment appelant, qui demande à la cour, au fondement des articles L 132-13 et suivants du code de la propriété intellectuelle, 2224 et 2233 du code civil, de :

— infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle déclare prescrites les demandes formées au titre des rémunérations se rapportant aux contrats de 2010 et 2011,

— déclarer recevable à agir M. X en ses demandes formées au titre des rémunérations se rapportant aux contrats de 2010 et 2011,

— confirmer l’ordonnance pour le surplus et notamment en ce qu’elle a rejeté le moyen de la société L’étudiant tiré de la prescription concernant les demandes se rapportant à la reddition de comptes,

Y ajoutant,

— condamner la société L’étudiant à verser à M. X la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Vu l’ordonnance de clôture du 1er septembre 2021.

SUR CE, LA COUR :

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il suffit de rappeler que la société L’étudiant, ayant notamment pour activité l’édition d’un agenda scolaire, a conclu avec M. X neuf contrats successifs entre mai 2010 et mars 2018 pour la réalisation, en contrepartie d’une rémunération proportionnelle, de dessins et illustrations destinés aux agendas des années scolaires 2011 /2012 à 2019 /2020.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 janvier 2019, la société L’étudiant a fait savoir à M. X qu’elle n’entendait pas renouveler leur collaboration pour le prochain agenda et qu’elle lui adresserait le solde de ses rémunérations pour les périodes 2017/2018 et 2018/2019.

Par courrier de son avocat du 29 avril 2019, M. X a fait observer qu’il n’était pas en mesure de vérifier l’exactitude des rémunérations qui lui ont été versées faute pour l’éditeur d’avoir effectué la moindre reddition des comptes. Il mettait en demeure l’éditeur de se conformer à ses obligations contractuelles et, à cet effet, de lui rendre les comptes et de lui communiquer le produit des ventes réalisées sur les périodes 2010/2011 à 2018/2019.

Estimant insuffisants les éléments qui lui ont été communiqués le 20 mai 2019, M. X a fait assigner le 5 juin 2020 la société L’étudiant devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir constater que l’éditeur n’a pas respecté son obligation de reddition des comptes et ne s’est pas acquitté de la commission stipulée aux contrats, en conséquence, le condamner à lui verser 45.000 euros en réparation du préjudice subi du fait du non respect de la reddition des comptes et 4.018,52 euros pour les sommes dues au titre des contrats de mai 2010 et mai 2011.

Par conclusions d’incident du 3 décembre 2020, la société L’étudiant a saisi le juge de la mise en état aux fins de voir déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de M. X fondées sur l’inexécution par l’éditeur de l’obligation de reddition des comptes stipulée aux contrats de 2010, 2011, 2012 et 2013 ainsi que celles relatives à sa rémunération au titre des contrats de 2010 et 2011.

L’incident ayant été partiellement accueilli, l’ordonnance dont appel est critiquée tant par l’appelante que par l’intimé, chacun poursuivant sa réformation en ses dispositions lui faisant grief.

La société L’étudiant maintient que les demandes de M. X au titre de sa rémunération afférente aux contrats de 2010 et 2011 sont prescrites. Elle précise avoir réglé à M. X sa rémunération en 2012 et 2013 après la distribution des agendas 2011/2012 et 2012/2013 et observe que l’illustrateur n’a soulevé aucune contestation avant qu’il ne prétende, en 2019, que le taux appliqué, ainsi que l’assiette de base, n’étaient pas conformes. Quant à la reddition des comptes afférente aux contrats de 2010, 2011, 2012 et 2013, la société L’étudiant relève que M. X forme non pas une demande en rémunération mais une demande en réparation du préjudice causé à raison de l’inexécution des obligations de l’éditeur et consistant à l’avoir privé d’un contrôle du calcul de sa rémunération, qu’un tel préjudice lui était nécessairement connu dès la date d’exigibilité de la reddition des comptes et qu’à défaut d’avoir initié sa demande en réparation dans les cinq années suivantes, cette demande est également prescrite.

M. X conteste la prescription et conclut à la recevabilité de toutes ses demandes. Il rappelle que les contrats de 2010 et 2011, à la différence des suivants, prévoient à l’article 6 une rémunération à son bénéfice de 7,5% des droits perçus par l’Editeur sur les ventes des agendas scolaires avec un minimum garanti de 20.000 euros nets, l’assiette de base étant donc constituée des droits perçus par la société L’étudiant qui percevait un pourcentage sur les ventes de l’agenda alors réalisées par son partenaire commercial la société Lucas. Les contrats de 2012 à 2018 prévoient pour l’illustrateur une rémunération de 0,75% du chiffre d’affaires de l’Agenda avec un minimum garanti de 20.000 euros nets pour les contrats de 2012 à 2015 et de 22.050 euros bruts pour les contrats signés en 2017 et 2018. Il soutient qu’en l’absence de reddition des comptes par l’éditeur, c’est en mai 2019 qu’il a découvert, en l’état des informations parcellaires qui lui ont été alors communiquées, que sa rémunération afférente aux deux premiers contrats avait été fixée suivant un mode de calcul non conforme aux stipulations contractuelles propres à ces contrats. C’est encore en mai 2019 qu’il a constaté que la société L’étudiant ne lui transmettait pas les justificatifs indispensables à l’évaluation de sa rémunération pour les contrats de 2012 à 2018 et à l’appréciation de la régularité des comptes. La prescription ne peut donc selon lui courir tant qu’il n’a pas été mis en mesure, faute de reddition des comptes, de déterminer le montant de sa créance envers l’éditeur.

Ceci posé, la cour relève que selon le contrat conclu entre les parties le 12 février 2014, l’Editeur s’engage à communiquer à l’auteur les chiffres de vente de l’Agenda à la fin de l’année suivant la publication . Par le présent contrat , l’Editeur s’engage également à communiquer à l’auteur les chiffres de vente des agendas 2010/2011, 2011/2012, 2012/2013, 2013/2014, dont il a été l’illustrateur. Les contrats suivants prévoient également que l’Editeur s’engage à communiquer à l’auteur les chiffres de vente de l’Agenda à la fin de l’année suivant la publication.

Il n’est pas démenti par l’éditeur qu’il n’a pas été procédé aux redditions de comptes annuelles dans les conditions stipulées aux contrats. Il est établi que des éléments justificatifs ont été livrés le 20 mai 2019 à M. X dont le conseil écrivait le 19 juin 2019 qu’ils étaient insuffisants notamment en ce qu’ils ne communiquaient aucun chiffre sur les ventes de l’agenda entre 2011 et 2013 outre qu’ils lui permettaient cependant de constater que la rémunération au titre des contrats de 2010 et 2011 avait été calculée en application d’une assiette et d’un taux non conformes à ceux prévus aux contrats.

Les demandes de M. X se rapportent à une créance de rémunération dont il n’a pu, en l’absence d’exécution par l’éditeur de son obligation de reddition des comptes, déterminer le montant exact ni vérifier que les règlements qu’il a perçu à ce titre ont été conformes aux stipulations contractuelles.

Il est disposé à l’article 2224 du code civil que Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer et à l’article 2233 du même code que La prescription ne court pas : 1° A l’égard d’une créance qui dépend d’une condition, jusqu’à ce que la condition arrive (…)

Il suit de ces dispositions que la prescription quinquennale ne court pas lorsque la créance, même périodique, dépend d’éléments qui ne sont pas connus du créancier et doivent résulter de déclarations que le débiteur est tenu de faire.

Il n’est pas montré par la société L’étudiant que les règlements effectués à M. X en 2012 et 2013 au titre de sa rémunération afférente aux contrats de 2010 et 2011 ont été accompagnés d’une reddition des comptes justifiant au créancier de l’application du mode de calcul (assiette et taux) convenu entre les parties aux termes des stipulations contractuelles. La demande de M. X en paiement d’un surplus de rémunération de 4.018,52 euros au titre des contrats de 2010 et 2011 n’est pas prescrite, celui-ci n’ayant découvert qu’en mai 2019 que le mode de calcul appliqué pour fixer cette rémunération et déterminer le montant des règlements qui lui ont été versés en 2012 et 2013 pour paiement de cette rémunération était erroné.

L’ordonnance du juge de la mise en état est ainsi infirmée en ce qu’elle a déclaré prescrite la demande de M. X de ce chef.

La demande se rapportant aux contrats de 2012 et 2013 n’est pas davantage prescrite dès lors que la reddition des comptes afférente à ces contrats n’a pas été effectuée et qu’il n’est pas contesté que la société L’étudiant, ainsi qu’il est relevé dans le courrier qui lui a été adressé le 19 juin 2019, n’a pas communiqué, ainsi qu’elle s’y était engagée par les contrats, le chiffre d’affaires des ventes de l’agenda entre 2011 et 2013, ne mettant pas en mesure M. X de vérifier que les sommes qui lui ont été versées au titre de sa rémunération sont conformes au montant qui lui est dû selon les stipulations contractuelles.

L’ordonnance du juge de la mise en état est ainsi confirmée en ce qu’elle a rejeté le moyen tiré de la prescription, opposé à cette demande.

L’équité commande de condamner la société L’étudiant à verser à M. X la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel et de la débouter de sa demande à ce même titre.

Succombant à l’appel, la société L’étudiant en supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS :

Infirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle déclare prescrites les demandes formées au titre des rémunérations se rapportant aux contrats de 2010 et de 2011,

Statuant à nouveau,

Rejette le moyen tiré de la prescription de la demande en paiement de la somme de 4.018,52 euros au titre des contrats de 2010 et 2011,

Confirme pour le surplus,

Ajoutant,

Condamne la société L’étudiant à verser à M. X la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel et la déboute de sa demande à ce même titre,

Condamne la société L’étudiant aux dépens d’appel.

La Greffière La Présidente

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