Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 29 janvier 2021, n° 19/10162

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Chronologie de l’affaire

Commentaires3

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CMS · 17 février 2023

La Cour de cassation confirme que l'inclusion de la valeur des transferts de stocks intracommunautaires dans l'assiette de la C3S ne répond pas aux exigences du droit de l'Union européenne. Dans ses arrêts du 16 février 2023, la Cour de cassation a rejeté les pourvois formés par l'URSSAF-PACA à l'encontre des arrêts rendus par la Cour d'appel de Paris qui, dans des affaires défendues par notre cabinet, avait jugé que l'inclusion de la valeur des transferts de stocks intracommunautaires dans l'assiette de la C3S porte une entrave fiscale au principe de libre circulation des marchandises au …

 

www.arsene-taxand.com · 4 février 2021

L'assiette de la C3S mise à plat : exclusion des transferts intracommunautaires confirmée ! Par deux arrêts en date du 29 janvier 2021[1], la Cour d'appel de Paris, tirant les conséquences de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après, CJUE), a estimé que les transferts de stocks intracommunautaires doivent être exclus de l'assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés (ci-après, C3S). Pour mémoire, l'assiette de la C3S est composée du chiffre d'affaires déclaré à l'administration fiscale l'année précédant celle du paiement de la …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 13, 29 janv. 2021, n° 19/10162
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/10162
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon, 29 juin 2014, N° 20120040
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 29 Janvier 2021

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 19/10162 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAYE3

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Juin 2014 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON RG n° 20120040

APPELANTE

SAS RENAULT TRUCKS

[…]

[…]

représentée par Me William HAMON, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 1701

INTIMEE

URSSAF PROVENCE ALPES COTE D’AZUR RECOUVREMENT C3S venant aux droits et obligations de la CAISSE NATIONELE DELEGUEE POUR LA SECURITE SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS

[…]

06913 SOPHIA-ANTIPOLIS

représentée par Me Lionel ASSOUS-LEGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : G0759

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 Octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Frantz RONOT, lors des débats

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévu au 11 décembre 2020, est prorogé au 29 janvier 2021, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et Madame Mathilde LESEINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

A la suite d’une vérification d’assiette portant sur la contribution sociale de solidarité des sociétés et la contribution additionnelle dues par la SAS Renault Trucks ( la société ) pour l’année 2008, la caisse nationale du régime social des indépendants, après avoir notifié un redressement à cette dernière selon lettre d’observations du 29 octobre 2009, l’a mise en demeure, le 8 décembre 2011, de lui payer une somme de 59 600 euros, comprenant les contributions dues à hauteur de la somme de 42 572 euros et les majorations de retard à hauteur de la somme de 17 028 euros.

Contestant ce redressement au motif qu’il incluait, dans l’assiette des contributions, la valeur des pièces de rechange transférées de son entrepôt de Lyon vers des entrepôts implantés dans divers pays de l’Union européenne, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon, lequel par jugement du 30 juin 2014, l’a déboutée de sa demande d’annulation du redressement et de la mise en demeure, a validé le redressement, a déclaré fondée la mise en demeure et a dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 16 juillet 2014, la société a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt de la cour d’appel de Lyon du 12 mai 2015, le jugement a été confirmé en toutes ses dispositions.

Pour rejeter le recours, l’arrêt retient que les opérations réalisées dans le cadre de transferts intra-communautaires de pièces de rechange ont été réintégrées dans l’assiette de la contribution litigieuse qui est une contribution de la société productrice et non une imposition attachée au produit, de sorte que la notion de chiffre d’affaires déclaré de l’article L.651-5 du code de la sécurité sociale ne dépend pas de considérations comptables, fiscales ou commerciales et ne contrevient donc pas au principe de libre circulation des marchandises, comme ne constituant pas précisément une charge pécuniaire ( droit de douane ou taxe à effet équivalent) frappant les marchandises.

Par arrêt du 19 janvier 2017, la Cour de cassation a sursis à statuer en l’attente de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne répondant à la question préjudicielle qui lui a été posée par arrêt rendu le même jour par la deuxième chambre civile ( pourvoi n°15-26.723).

Par arrêt du 14 juin 2018 la cour de justice de l’Union européenne a dit que :

'Les articles 28 et 30 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un Etat membre prévoyant que l’assiette de contributions perçues sur le chiffre d’affaires annuel des sociétés, pour autant que ce dernier atteint ou dépasse un certain montant, soit calculée en tenant compte de la valeur représentative des biens transférés par un assujetti ou pour son compte, pour les besoins de son entreprise, de cet Etat membre vers un autre Etat membre de l’Union européenne, cette valeur étant prise en compte dès le dit transfert, alors que, lorsque les mêmes biens sont transférés par l’assujetti ou pour son

compte, pour les besoins de son entreprise, sur le territoire de l’Etat membre concerné, leur valeur n’est prise en compte dans ladite assiette que lors de leur vente ultérieure, à la condition :

— premièrement que la valeur de ces biens ne soit pas, une nouvelle fois, prise en compte dans ladite assiette lors de leur vente ultérieure dans cet Etat membre ;

— deuxièmement, que leur valeur soit déduite de ladite assiette lorsque ces biens ne sont pas destinés à être vendus dans l’autre Etat membre ou ont été réacheminés dans l’Etat membre d’origine sans avoir été vendus, et

— troisièmement, que les avantages résultant de l’affectation desdites contributions ne compensent pas intégralement la charge supportée par le produit national commercialisé sur le marché national lors de sa mise sur le marché, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.'

Par arrêt du 20 décembre 2018, la Cour de cassation retenant qu’en se déterminant comme elle l’a fait, la cour d’appel qui n’a pas procédé à la recherche précitée, a privé sa décision de base légale, a cassé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 12 mai 2015 par la cour d’appel de Lyon, a remis en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel de Paris.

Le 4 octobre 2019 la SAS Renault Trucks a saisi la présente cour désignée comme juridiction de renvoi.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l’audience par son conseil, la société demande à la cour, par voie d’infirmation du jugement déféré, de :

— dire qu’elle n’est pas redevable des sommes réclamées ;

— annuler la mise en demeure de la caisse nationale du RSI du 8 décembre 2011 ;

— ordonner la restitution de la somme de 59 600 euros indûment payée assortie des majorations de retard au taux légal ;

— condamner l’URSSAF PACA à lui verser la somme de 5 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner l’URSSAF PACA aux dépens.

La société fait valoir en substance que :

— les transferts de biens sont des opérations purement internes à l’entreprise en l’absence de vente à un tiers qui ne sont pas constitutives de 'chiffre d’affaires’ ; des dispositions spécifiques sont prévues dans la directive TVA pour assimiler ces transferts à des livraisons de biens effectuées à titre onéreux et les faire ainsi entrer dans le champ d’application de la TVA ainsi que le prévoit l’article 17 de la directive TVA transposé à l’article 256 III du CGI ; les transferts de stocks à destination d’un autre Etat membre, qui traduisent des opérations internes à l’entreprise, ' pour les besoins de l’entreprise', doivent être mentionnés par les assujettis sur leurs déclarations de TVA depuis le 1er janvier 1993, pour une valeur correspondant au prix d’achat ou au prix de revient des biens, ainsi que le prévoit l’article 289, B-II-4° du CGI ( ligne 06 de la déclaration CA3); le jugement aurait dû dire que les transferts intracommunautaires, en ce qu’ils ne constituent pas du ' chiffre d’affaires’ ( absence de vente à un tiers) pour l’opérateur qui les réalise, n’entrent pas dans l’assiette de la

C3S définie à l’alinéa 1 de l’article L.651-5 du code de la sécurité sociale ; la circonstance suivant laquelle l’opérateur déclare ces opérations purement internes à son entreprise en reportant le prix d’achat ou le prix de revient des biens transférés en ligne 06 de ses déclarations de TVA, est, sur ce point, sans incidence, puisque cette déclaration est opérée dans le seul but de permettre aux Etats membres de l’Union européenne de suivre les flux de biens au sein de l’Union aux fins de s’assurer que la TVA est bien perçue par l’Etat membre de consommation des biens;

— l’inclusion du montant des transferts de stocks intracommunautaires dans l’assiette de la C3S viole les dispositions des articles 23 et 25 du Traité instituant la Communauté européenne, devenus respectivement les articles 28 et 30 du Traité portant sur le fonctionnement de l’Union européenne, en ce qu’elle porte une entrave fiscale au principe de libre circulation des marchandises au sein de l’Union européenne ;

— dans son arrêt du 14 juin 2018, la Cour de Luxembourg a jugé que l’inclusion du montant des transferts intercommunautaires dans l’assiette de la C3S était assortie de conditions précises, à défaut du respect desquelles la C3S constitue une taxe d’effet équivalent prohibée ;

— pour être conforme la réglementation française doit prévoir de ne pas prendre une nouvelle fois en compte dans l’assiette de la C3S la valeur des biens transférés lorsqu’ils sont vendus au départ de l’Etat membre de destination, or les dispositions de l’article L.651-5 du code de la sécurité sociale ne prévoient pas d’exclure de l’assiette de la C3S la valeur des biens transférés dans un autre Etat membre lors de leur vente ultérieure dans cet Etat membre ; en application du texte fixant l’assiette de la contribution et de la jurisprudence de la Cour de cassation, la valeur des biens transférés se trouve soumise deux fois à la C3S : une première fois au moment du transfert vers un autre Etat membre ( ligne 06 de la déclaration CA3), une nouvelle fois au moment de la vente des biens dans cet autre Etat membre ( ligne 05 de la déclaration CA3) ;

— pour être conforme, la réglementation française doit prévoir la déduction de la valeur des transferts intracommunautaires de biens de l’assiette de la C3S lorsque ces biens ne sont pas destinés à être vendus dans l’autre Etat membre ou ont été réacheminés dans l’Etat membre d’origine sans avoir été vendus, or ni la directive TVA, ni la législation fiscale française ne prévoient de mécanisme de régularisation de l’assiette fiscale des transferts intracommunautaires et les dispositions de l’article L.651-5 ne prévoient pas non plus de mécanisme de déduction de la valeur des biens qui ont été transférés dans un autre Etat membre en l’absence de vente dans cet autre Etat membre ; la demande de remboursement a posteriori prévue à l’article L.243-6 du code de la sécurité sociale, ne satisfait pas au critère imposé par la Cour de Luxembourg qui impose un mécanisme de déduction de l’assiette; les critères applicables à ce mécanisme de demande de remboursement sont inopérants à défaut de réglementation fixant les cas dans lesquels peut être demandé le remboursement de la valeur des transferts intracommunautaires de bien déclarés ;

— il appartient à la cour de vérifier si l’URSSAF est en mesure de démontrer que la troisième condition fixée par la Cour de Luxembourg est remplie ;

— il n’y a pas lieu d’apprécier in concreto, sauf à consacrer l’application d’un mécanisme de régularisation a posteriori de l’assiette de la C3S en méconnaissance de la portée de l’arrêt du 14 juin 2018 qui exige la mise en place d’un mécanisme de déduction, par définition a priori de l’assiette de la C3S ; la cour ne peut aller au delà du constat qu’en l’état de la législation, les deux premières conditions ne sont pas satisfaites et il appartiendra au législateur de tirer les conséquences de ce constat ; la cour devra annuler le redressement opéré au motif qu’en l’état de la réglementation française, l’inclusion du montant des transferts de stocks

intracommunautaires dans l’assiette de la C3S porte une entrave fiscale au principe de libre circulation des marchandises au sein de l’Union ;

— le principe de l’estoppel fait obstacle à ce que l’URSSAF défende la thèse selon laquelle les transferts de stocks intracommunautaires constituent du ' chiffre d’affaires’ alors qu’à défaut de ' sommes, valeurs ou produits reçus par l’opérateur en contrepartie de la réalisation de ces opérations', ils ne répondent pas à la notion de 'chiffre d’affaires’ qu’elle a elle-même définie dans la notice explicative relative à la C3S 2008 ;

— l’inclusion dans l’assiette des contributions de la valeur des transferts intracommunautaires de stocks qui sont des opérations purement internes à l’assujetti a ' pour effet d’assujettir un contribuable à une imposition dont l’assiette inclut des revenus dont il ne dispose pas’ et les dispositions de l’article L.651-5 alinéa 1 du code de la sécurité sociale portent donc atteinte au principe constitutionnel de l’égalité devant les charges publiques et ne peuvent donc recevoir application.

Par ses conclusions écrites n°2 soutenues oralement et déposées à l’audience par son conseil, l’URSSAF Provence-Alpes-Côte d’Azur, recouvrement C3S (l’URSSAF), venant aux droits et obligations de la caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, département C3S, demande à la cour de :

— juger mal fondé l’appel de la société ;

— confirmer la mise en demeure du 8 décembre 2011 ;

— condamner la société à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’URSSAF réplique en substance que :

— aux termes des dispositions de l’article 256 et de l’article 262 ter §1 du code général des impôts, les transferts de stocks sont assimilés à des livraisons intracommunautaires, dès lors qu’ils sont opérés pour les besoins de l’entreprise, autres que ceux visés aux a) à d) du § III de l’article 256 et qu’ils entrent ainsi pleinement dans le champ d’application territorial de la TVA française, tout en bénéficiant d’une exonération en France ; le transfert qu’opère la société de marchandises destinées à la vente de France vers un autre pays de l’Union ne relève pas des exceptions visées et la société doit donc déclarer les opérations en cause ' dans le champ’ de ses déclarations de TVA ( ligne 06 des CA3) ; le législateur a défini l’assiette de la C3S par référence au chiffre d’affaires annuel global réalisé par l’entreprise, tel que déclaré à l’administration fiscale en matière de TVA, mais l’article L.651-5 du code de la sécurité sociale ne renvoie aucunement aux définitions ni du droit commercial, ni du droit comptable de la notion de chiffre d’affaires, évoquées à tort par la société ; la Cour de cassation et la CJUE ont exposé que les transferts de stocks entrent dans l’assiette de la C3S qui est constituée par le chiffre d’affaires déclaré à l’administration fiscale, qu’il soit imposable à la TVA ou qu’il en soit exonéré ;

— la CJUE a tranché le débat de la violation par la réglementation française des dispositions des articles 28 et 30 du TFUE : en droit français, la réglementation au titre de la C3S ne contrevient pas aux articles précités ; la CJUE a simplement renvoyé le soin à chaque juridiction de s’assurer du respect de trois conditions posées dans l’arrêt rendu le 14 juin 2018 ; les trois conditions doivent faire l’objet d’un examen in concreto ;

— la société qui a déjà déclaré les transferts de stocks à la TVA n’aura pas à déclarer une nouvelle fois à la TVA et donc à la C3S la revente ultérieure du bien puisque ce chiffre

d’affaires ne sera pas réalisé en France et ne figurera pas dans le montant du chiffre d’affaires global déclaré ; la société ne paiera par principe qu’une seule fois la C3S au moment du transfert vers un autre Etat membre mais pas lors de la vente des biens à partir de cet autre Etat membre ; la société n’apporte aucune pièce justificative permettant de chiffrer et ou de démontrer que la valeur des biens ait été comprise une nouvelle fois dans l’assiette lors de leur vente ultérieure dans l’Etat membre et ne démontre pas que cette hypothèse s’applique dans le cas d’espèce qui la concerne ; il n’existe donc aucun risque de double imposition ;

— dans le cas exceptionnel où un bien ne serait finalement pas vendu dans l’autre Etat membre ou réacheminé dans l’Etat membre d’origine sans avoir été vendu, il suffira pour la société de solliciter un remboursement sur le fondement de l’article L.243-6 du code de la sécurité sociale ; en matière de TVA sont également prévues des modalités de régularisations ( cases 3C et 7B de la déclaration de TVA) ; cette régularisation en matière de TVA n’entraîne aucune contrariété avec le droit communautaire ; une solution analogue doit être retenue en matière de C3S puisqu’elle a comme assiette le chiffre d’affaires déclaré à la TVA ; dès lors qu’est évoquée l’absence ultérieure de vente, le régime de déduction ne peut être envisagé qu’a posteriori et non a priori ; il appartient à la société de répondre à l’organisme de contrôle en justifiant in concreto du fait que sa demande de déduction et ou de remboursement n’aurait pas abouti or elle n’amène aucun élément probant et ou pièces justificatives et se limite à énoncer des principes généraux;

— la C3S est une contribution à laquelle sont assujettis les sociétés et organismes établis en France visés à l’article L.651-1 du code de la sécurité sociale et a pour objet d’alimenter les budgets des organismes constitués au profit des travailleurs salariés ou indépendants des assujettis à ces contributions ; le bénéfice des prestations fournies par ces organismes n’est pas différent selon que les assujettis à ces contributions réalisent des transferts de biens à destination d’un autre Etat membre de l’Union, pour les besoins de leur entreprise, ou des opérations domestiques équivalentes ;

— la C3S ne doit donc pas être considérée comme une taxe d’effet équivalent aux droits de douane à l’exportation et par conséquent n’est pas contraire aux articles 28 et 30 du TFUE ;

— contrairement aux affirmations de la société, la notice de 2008 de l’organisme prévoit expressément que les livraisons intracommunautaires sont des opérations à déclarer pour déterminer l’assiette des contributions dues ; aucune violation du principe de l’estoppel ne saurait être retenue ;

— en vertu des articles 126-1 et suivants du code de procédure civile il n’appartient pas à la cour d’apprécier la conformité de la loi à la Constitution ou à des principes constitutionnels et le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que dans l’un et l’autre cas la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; c’est en vain que la société prétend que l’inclusion des transferts de stocks dans le chiffre d’affaires déclaré à la TVA est contraire aux droits fondamentaux et que l’inclusion des transferts de stocks dans le champ d’application de la C3S est susceptible de contrevenir aux principes du droit de l’Union européenne.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions déposées, visées à l’audience du 22 octobre 2020 et soutenues oralement.

SUR CE :

La société est soumise à la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et à la contribution additionnelle à cette taxe. La C3S, qui fait l’objet des articles L. 651-1 et

suivants et D. 651-1 et suivants du code de la sécurité sociale, a été instituée par la loi n° 70-13 du 3 janvier 1970 au profit du régime d’assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles et des régimes d’assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales, et libérales . Au cours de l’année 2008, son produit était essentiellement affecté à la caisse du Régime social des indépendants (RSI), qui en assurait le recouvrement, et son assiette est constituée du chiffre d’affaires global hors taxes déclaré à l’administration fiscale dont elle représentait, au cas général, 0,13 %, mais elle n’était pas perçue si celui-ci était inférieur à la somme de 760 000 euros, ainsi qu’il résulte plus précisément des articles L. 651-1, L. 651-3 et L. 651-5 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable à la date d’exigibilité des contributions litigieuses.

La loi n° 2004-810 du 13 août 2004 a institué une contribution additionnelle à la C3S, qui fait l’objet de l’article L. 245-13 du code de la sécurité sociale, dont le produit était essentiellement affecté, au cours de l’année 2008, à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, puis au Fonds de solidarité vieillesse; l’assiette de cette contribution, dont le recouvrement était également assuré par le RSI, est identique à celle de la C3S et son taux était de 0,03 % .

La C3S et la contribution additionnelle revêtent, au sens de l’article 34 de la Constitution, le caractère d’impositions de toutes natures.

Conformément à la directive TVA 2006/112/CE du Conseil relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) du 28 novembre 2006, et sous réserve de certaines exceptions, l’article 256, III du code général des impôts assimile à une livraison de biens, soumise à la TVA, le transfert d’un bien de son entreprise réalisé par un assujetti ou pour son compte, pour les besoins de son entreprise, à destination d’un autre Etat membre de l’Union européenne.

Un tel transfert, qui doit être mentionné sur la déclaration devant être souscrite par le redevable auprès de l’administration fiscale, est toutefois exonéré du paiement de la TVA en application de l’article 262 ter du même code.

Par arrêt du 19 janvier 2017, ( 2e Civ n° 15-26723) la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l’Union européenne de la question préjudicielle suivante : Les articles 28 et 30 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne s’opposent-ils à ce que la valeur des biens transférés de France à destination d’un autre Etat membre de l’Union européenne, par un assujetti à la contribution sociale de solidarité des sociétés et à la contribution additionnelle à celle-ci ou pour son compte, pour les besoins de son entreprise, soit prise en compte pour déterminer le chiffre d’affaires global qui constitue l’assiette de ces contribution '

La question posée par la Cour de cassation portait sur la conformité du dispositif de la C3S et de la contribution additionnelle s’agissant des biens transférés, au regard des articles 28 et 30 du TFUE qui, dans le cadre de la liberté de circulation des marchandises, posent un principe de prohibition des taxes d’effet équivalent entre les Etat membres.

La Cour de Justice de l’Union européenne (arrêt du 14 juin 2018, C-39/17, ECLI:EU:C:2018:438) a dit pour droit que les articles 28 et 30 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre prévoyant que l’assiette de contributions perçues sur le chiffre d’affaires annuel des sociétés, pour autant que ce dernier atteint ou dépasse un certain montant, soit calculée en tenant compte de la valeur représentative des biens transférés par un assujetti ou pour son compte, pour les besoins de son entreprise, de cet État membre vers un autre État membre de l’Union européenne, cette valeur étant prise en compte

dès ledit transfert, alors que, lorsque les mêmes biens sont transférés par l’assujetti ou pour son compte, pour les besoins de son entreprise, sur le territoire de l’État membre concerné, leur valeur n’est prise en compte dans ladite assiette que lors de leur vente ultérieure, à la condition, premièrement, que la valeur de ces biens ne soit pas, une nouvelle fois, prise en compte dans ladite assiette lors de leur vente ultérieure dans cet État membre ; deuxièmement, que leur valeur soit déduite de ladite assiette lorsque ces biens ne sont pas destinés à être vendus dans l’autre État membre ou ont été réacheminés dans l’État membre d’origine sans avoir été vendus, et troisièmement, que les avantages résultant de l’affectation desdites contributions ne compensent pas intégralement la charge supportée par le produit national commercialisé sur le marché national lors de sa mise sur le marché, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

La CJUE a retenu que les contributions litigieuses apparaissent comme des impositions intérieures, sous 'réserve de ce qui est indiqué aux points 43 à 47" de l’arrêt, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Il convient ainsi de vérifier si la réglementation de la C3S et de la contribution additionnelle qui prévoit que l’assiette des contributions est constituée du chiffre d’affaires global hors taxes déclaré à l’administration fiscale et qui implique ainsi que le soutient l’URSSAF au titre du redressement, que cette assiette soit calculée en tenant compte de la valeur représentative des biens transférés par un assujetti ou pour son compte, pour les besoins de son entreprise, de cet Etat membre vers un autre Etat membre de l’Union européenne, cette valeur étant prise en compte dès ledit transfert, remplit la condition posée par la CJUE, sous forme de trois éléments cumulatifs.

Notamment, il convient de vérifier que la valeur des biens transférés soit déduite de ladite assiette lorsque ces biens ne sont pas destinés à être vendus dans l’autre Etat membre ou ont été réacheminés dans l’Etat membre d’origine sans avoir été vendus.

La CJUE a retenu que la charge pécuniaire résultant des contributions litigieuses s’applique au même stade de la commercialisation dans la mesure où elle vise essentiellement le produit vendu sur le marché national et le produit transféré vers un autre Etat membre en vue d’y être vendu, mais qu’il en irait autrement si le transfert des produits en cause au principal vers un autre Etat membre était pris en compte dans le calcul de l’assiette des contributions litigieuses alors même qu’un tel transfert ne débouche pas sur une vente subséquente desdits produits dans cet autre Etat membre ; qu’en effet, un tel transfert ne relèverait pas du même stade de commercialisation que la vente sur le marché national. La CJUE ajoute que la charge pécuniaire résultant des contributions litigieuses devrait être considérée comme frappant ces produits à des stades de commercialisation différents si la valeur des produits transférés dans un autre Etat membre ne pouvait pas être déduite de l’assiette des contributions litigieuses lorsque ceux-ci ne sont pas destinés à être vendus ou ont été réacheminés en France sans avoir été vendus dans l’autre Etat membre ; que dans une telle hypothèse, les contributions litigieuses, dans la mesure où elles seraient calculées en tenant compte de la valeur représentative de tels produits, devraient être considérées comme des taxes d’effet équivalent.

L’URSSAF invoque que dans le cas où un bien ne serait pas vendu dans l’autre Etat membre ou réacheminé dans l’Etat membre d’origine sans avoir été vendu, il suffira à la société de solliciter un remboursement sur le fondement de l’article L.243-6 du code de la sécurité sociale.

Cependant, le remboursement des contributions sur le fondement de l’article L.243-6 du code de la sécurité sociale ne s’apparente pas à la déduction de la valeur des biens de l’assiette des contributions lorsque les biens ne sont pas destinés à être vendus dans l’autre Etat membre ou ont été réacheminés dans l’Etat membre d’origine sans avoir été vendus.

Par ailleurs, L’URSSAF se prévaut de ce qu’en matière de TVA, sont prévues des modalités de régularisations, non contraires au droit communautaire et qu’une solution analogue doit être retenue en matière de C3S, puisque la C3S a comme assiette le chiffre d’affaires déclaré à la TVA.

Toutefois, il convient de constater que les régularisations en matière de TVA : case 3C et 7B de la déclaration CA3 concernent en 3C ' les correctifs qui ont affecté le montant du chiffre d’affaires, notamment : les rabais, les factures d’avoir consentis à des clients’ et en 7B ' les correctifs qui ont affecté des opérations non imposables, notamment les rabais, les factures d’avoir consentis à des clients', et il y a lieu de retenir que ces correctifs ne s’appliquent pas aux biens transférés qui ont été réacheminés dans l’Etat membre d’origine sans avoir été vendus.

Par suite, faute pour la réglementation dont se prévaut l’URSSAF pour justifier son redressement de remplir la condition visée par la CJUE, il convient par infirmation du jugement déféré, d’annuler le redressement opéré et par suite la mise en demeure du 8 décembre 2011. Conformément à la demande de la société, il sera ordonné la restitution par l’URSSAF de la somme de 59 600 euros, comprenant les contributions et les majorations de retard.

Aucune circonstance particulière ne justifie de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

STATUANT à nouveau ;

ANNULE la mise en demeure de la Caisse nationale du RSI du 8 décembre 2011;

ORDONNE la restitution par l’URSSAF Provence-Alpes-Côte d’Azur, recouvrement C3S, à la SAS Renault Trucks de la somme de 59 600 euros;

DÉBOUTE les parties de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l’URSSAF Provence-Alpes-Côte d’Azur, recouvrement C3S, aux dépens d’appel.

La greffière, La présidente,

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 29 janvier 2021, n° 19/10162