Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 1er avril 2021, n° 20/13779

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 2, 1er avr. 2021, n° 20/13779
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/13779
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 24 septembre 2020, N° J2020000283
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRET DU 01 AVRIL 2021

(n° 134 , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/13779 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCM6O

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Septembre 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° J2020000283

APPELANTS

M. D Y

[…]

[…]

Représenté par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Assisté par Me Yann COLIN, avocat au barreau de PARIS,

M. F X

[…]

[…]

Représenté par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Assisté par Me Yann COLIN, avocat au barreau de PARIS,

INTIMES

M. P-Q B ès qualités de Président de la société SOLENDRO

[…]

[…]

Représenté et assisté par Me Q-Louis ROUYER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1508

M. H Z

[…]

[…]

Représenté et assisté par Me Q-Louis ROUYER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1508

M. J A

[…]

[…]

Représenté et assisté par Me Q-Louis ROUYER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1508

M. L M

[…]

[…]

Défaillant – assigné le 9 novembre 2020 à personne physique

SAS PH3

[…]

[…]

Défaillante – assignée le 12 novembre 2020 à personne physique

S.A.S. SOLENDRO

[…]

[…]

Représentée et assisté par Me Q-Louis ROUYER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1508

S.A.S. BREEGA CAPITAL VENTURE ONE

[…]

[…]

Représentée et assistée par Me Q-Louis ROUYER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1508

Société C prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée et assistée par Me Q-Louis ROUYER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1508

SAS CM CONSULTANT

[…]

[…]

Défaillante – assignée le 9 novembre 2020 à personne physique

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 04 Mars 2021, en audience publique, rapport ayant été fait par Thomas RONDEAU, Conseiller conformément aux articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Hélène GUILLOU, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Lauranne VOLPI

ARRÊT :

— DEFAUT

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Hélène GUILLOU, Présidente de chambre et par Lauranne VOLPI, Greffier présent lors de la mise à disposition,

Exposé du litige

La société SAS Solendro a pour activité la vente à distance de sous-vêtements masculins.

M. X et M. Y en sont les associés fondateurs. A eux deux, ils détiennent 41, 62 % du capital social.

Le reste du capital est détenu par des fonds d’investissements et des investisseurs privés.

La société Breega Capital Venture One, la société C, M. Z et M. A détiennent à eux quatre 51, 59 % du capital social ; sont également associés la société PH3 à hauteur de 5,46 %, M. L M à hauteur de 0,99 %, la société CM Consultant à hauteur de 0,36 %.

Le 16 mai 2017, les fondateurs et certains investisseurs ont conclu un pacte d’associés.

Depuis 2020, des conflits sont apparus entre les fondateurs et quatre investisseurs, la société Breega Capital Venture One, la société C, M. Z et M. A, occasionnant plusieurs difficultés dans le fonctionnement opérationnel de la société.

Ainsi, M. B aurait été nommé comme nouveau président en lieu et place de M. X. En outre, M. Y aurait été révoqué de ses fonctions de directeur général.

Les fondateurs de la société estiment eux que les révocations et la nomination ne sont pas légitimes car ne seraient pas conformes aux statuts et au pacte d’associés. Ils demandent la désignation d’un administrateur provisoire.

A l’inverse, les quatre investisseurs financiers suscités et M. B soutiennent que c’est l’obstruction des fondateurs qui empêche M. B d’exercer ses fonctions, suite à sa nomination qui serait parfaitement conforme.

Plusieurs procédures judiciaires se sont succédées, dont certaines sont encore en cours.

Par une première ordonnance rendue sur requête en date du 4 août 2020, le président du tribunal de commerce de Paris a désigné un mandataire ad hoc, à la demande de M. X et de M. Y, avec mission de vérifier le respect de l’application des statuts et du pacte par les associés et dirigeants, de participer aux assemblées et au conseil d’administration et d’aider la société à résoudre ses difficultés institutionnelles.

Les quatre investisseurs ont sollicité la rétractation de cette ordonnance devant le juge des requêtes. Par une ordonnance du 23 octobre 2020, il a été fait droit à leur demande.

M. X et M. Y ont donc interjeté appel de la décision du juge des requêtes. L’affaire est pendante devant le pôle des référés de la cour d’appel de Paris (RG n°20/15986).

En outre, une deuxième procédure, au fond, est en cours. Le 10 août 2020, M. X et M. Y ont assigné les sociétés Breega et C, M. Z et M. A, devant le tribunal de commerce. L’objet de la demande vise à ce qu’il soit statué au fond sur la validité des décisions sociales qui ont révoqué les fondateurs de leurs fonctions, nommé M. B comme président, et imposé la mise en 'uvre d’une clause imposant aux fondateurs révoqués de céder leurs actions. Le 29 janvier 2021, le tribunal de commerce n’a pas fait droit aux demandeurs qui ont donc interjeté appel du jugement. L’affaire est pendante devant la cour d’appel de Paris (RG n°21/02463).

Dans le cadre de la présente procédure, par acte du 12 août 2020, les sociétés Breega Capital Venture One et C, M. Z et M. A ont assigné M. X et M. Y devant le président du tribunal de commerce de Paris pour qu’il constate la révocation de M. X, lui ordonne de quitter les locaux de la société, et enjoigne à M. Y d’assurer la prise de fonctions de M. B.

Parallèlement, par acte du 9 septembre 2020, M. Y et M. X ont fait assigner les sociétés Breega Capital Venture One et C, M. Z et M. A et les autres associés, devant le président du tribunal de commerce de Paris, aux fins notamment de voir désigner un administrateur provisoire avec des pouvoirs de gestions étendus, pour veiller au strict respect des statuts et du pacte et pour conserver les registres de mouvements de titres afin de préserver les droits des fondateurs.

Par ordonnance de référé rendue le 25 septembre 2020, le président du tribunal de commerce de Paris a :

— joint les instances RG n°2020031102 et RG n°2020036246 sous le numéro J2020000283 ;

— dit M. B recevable ;

— rejeté la demande de désignation d’un administrateur provisoire ;

— ordonné à M. X et M. Y de quitter les locaux de la société Solendro, située au […] à Paris 2e, et de ne plus s’y rendre (hormis au cas où ils seraient convoqués par celle-ci),

sous astreinte de la somme de 2.000 euros pour chacun d’eux par jour de retard à compter du surlendemain de la signification de la présente ordonnance et ce pendant une durée de soixante jours, et leur interdisons, sous une astreinte identique, de se présenter et d’agir comme président et directeur général de la société Solendro ;

— ordonné à M. X et M. Y de remettre à la société le matériel, les accès et les documents lui appartenant ou la concernant qu’ils détiendraient, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard pour chacun d’eux à compter du surlendemain de la signification de la présente ordonnance et ce pendant une durée de soixante jours ;

— condamné in solidum M. X et M. Y à verser aux sociétés Breega Capital Venture One et C, à M. Z et à M. A ensemble la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties ;

— condamné M. X et M. Y in solidum aux dépens de l’instance dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 222,87 euros TTC dont 36, 93 euros de TVA.

Le premier juge a fondé cette décision notamment sur les motifs suivants :

— qu’il existe une contradiction majeure au sein des statuts de la société ; que le juge des référés n’a pas le pouvoir de les interpréter ;

— qu’il existe une décision incontestable par laquelle M. B a été désigné comme président à la majorité des associés suite à une assemblée régulière ; qu’ainsi sa désignation s’impose à tous tant que sa nullité n’a pas été prononcée ;

— que la société étant dotée d’un président, aucun blocage ne pouvant avoir lieu en assemblée générale en raison de la répartition du capital, il n’y a pas lieu de nommer un administrateur provisoire ;

— que toutefois il existe une paralysie de fait dans le fonctionnement opérationnel de la société, de sorte qu’il sera fait droit aux demandes d’interdiction des investisseurs financiers ; qu’il ne peut cependant pas être interdit aux fondateurs d’avoir des contacts avec les salariés, fournisseurs et prestataires.

Par déclaration en date du 1er octobre 2020, M. X et M. Y ont interjeté appel de cette ordonnance, dans sa totalité, sauf en ce qu’elle a joint les instances RG n°2020031102 et RG n°2020036246 sous le numéro J2020000283.

Au terme de leurs conclusions remises le 15 février 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, M. X et M. Y demandent à la cour, sur le fondement des articles 378 et suivants, 872 et 873 alinéa 1er du code de procédure civile, de :

in limine litis,

— ordonner un sursis à statuer dans l’attente d’une décision définitive rendue dans la procédure actuellement pendante devant la cour d’appel de Paris sous le numéro RG n°21/02463 (pôle 5 – Chambre 9) ;

à titre principal,

— infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce de Paris le 25 septembre 2020 ;

statuant à nouveau,

— désigner tel administrateur qu’il lui plaira, sur la liste nationale des administrateurs judiciaires ;

— dire et juger que celui-ci aura pour mission de (i) gérer et administrer la société Solendro (RCS Paris 538 919 937), avec les pouvoirs les plus étendus, conformément aux statuts, lois, décrets et usages du commerce, de (ii) surveiller la stricte application des statuts et du pacte d’associés du 16 mai 2017, jusqu’à l’issue des procédures au fond en cours dans le cadre de ce conflit, de (iii) participer à toutes les assemblées d’associés ou aux conseils d’administrations qui pourraient être convoqués, de (iv) convoquer tout conseil d’administration ou assemblée en cas de difficulté concernant notamment la gouvernance de la société et la prise de certaines décisions concernant plus particulièrement les fondateurs et de (v) conserver le registre des mouvements de titres de la société et empêcher l’enregistrement de tout mouvement, jusqu’à l’issue des procédures au fond en cours dans le cadre de ce conflit ;

— fixer la durée de la mission de l’administrateur jusqu’à l’issue des procédures au fond en cours ayant pour objet l’application des statuts et du pacte d’associés ;

— fixer la rémunération de l’administrateur ainsi désigné et dire que cette rémunération sera supportée par la société Breega Capital Venture One, la société C, M. Z et M. A ;

— débouter la société Breega Capital Venture One, la société C, la société Solendro, M. Z et M. A de leur demande formée à titre d’appel incident ;

— condamner in solidum la société Breega Capital Venture One, la société C, M. Z et M. A à payer à chacun des appelants la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner in solidum la société Breega Capital Venture One, la société C, M. Z et M. A aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Marie Catherine Vignes, SCP GRV Avocats, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

M. X et M. Y font valoir en substance les éléments suivants :

— que, s’agissant de la révocation de M. X en qualité de président par assemblée du 20 juillet 2020 et de la nomination subséquente de M. B, le pacte d’associés prévoit que la révocation et la nomination des mandataires sociaux doit se faire à la majorité qualifiée du conseil d’administration (article 11.3.1.b) ; que les statuts prévoient que toute décision des associés visant à la nomination ou à la révocation du président de la société doit être soumise à l’approbation préalable du conseil d’administration, or, il n’y a pas eu de conseil d’administration préalable ;

— que, s’agissant de la révocation de M. Y en qualité de directeur général par assemblée du 14 août 2020, et de la ratification a posteriori de sa révocation et de celle de M. X et de la nomination de M. B par conseil d’administration du même jour, là encore les accords sociaux ont été violés, M. B n’ayant même pas le pouvoir de convoquer un conseil d’administration ;

— que, concernant la mise en 'uvre de la clause de bad leaver contre M. X par conseil d’administration du 14 août 2020 et contre M. Y par conseil d’administration du 11 septembre 2020, là encore il n’était pas possible de leur imposer de vendre leurs actions alors que leurs révocations ont été passées en violation des statuts et pacte ;

— qu’au regard de toutes ces décisions sociales, une procédure au fond est pendante devant la cour d’appel de Paris (RG n°21/02463) ; que la cour d’appel ne peut pas statuer sur la demande de désignation d’un administrateur provisoire tant qu’il n’a pas été statué sur la validité des décisions sociales qui ont abouti à la révocation de M. X et M. Y, à la nomination de M. B et au rachat des actions par le jeu de la clause de bad leaver ;

— qu’en effet, s’il est décidé au fond que les décisions sociales ne sont pas valables, il aura été prouvé que des circonstances rendent impossible le fonctionnement régulier de la société ; qu’en outre, les investisseurs, toujours majoritaires en capital, ne cesseraient pas pour autant de lutter contre la gestion opérée par les fondateurs ; qu’un administrateur provisoire serait nécessaire pour assurer la poursuite normale des activités ;

— qu’en application de l’article 873 alinéa 1er du code de procédure civile et de la jurisprudence, il est admis que l’existence d’un péril imminent et l’impossibilité pour une société de fonctionner normalement justifie la nomination d’un administrateur provisoire afin de ramener de la sérénité dans la société ; qu’en l’espèce, la mésentente est particulièrement grave entre les associés ; que les investisseurs ont commis plusieurs voies de faits pour tenter d’évincer M. X et M. Y de leurs fonctions de dirigeants et faire prévaloir des intérêts personnels ; que la gestion de la société se trouve paralysée et les salariés placés dans un état de confusion ;

— qu’en application de l’article 872 du code de procédure civile, l’urgence est caractérisée car le fonctionnement opérationnel courant de la société est bloqué ;

— que les pouvoirs de l’administrateur provisoire doivent lui permettre d’assurer un retour à un fonctionnement normal de la société ; que la jurisprudence admet qu’il puisse se voir confier des pouvoirs généraux d’administration et de représentation de la société, notamment en matière de gouvernance, en faisant application des statuts et du pacte d’associés ;

— que, sur les autres demandes, il ne peut pas être enjoint aux fondateurs de quitter les locaux de la société et de cesser d’agir comme des dirigeants alors que leurs révocations respectives ne sont pas fondées ; que pour la même raison, la demande de nomination d’un administrateur provisoire n’est pas abusive.

Les sociétés SAS Breega Capital Venture One et C, M. Z, M. A et la société Solendro, par conclusions remises le 19 février 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, demandent à la cour, au visa des articles 378 et suivants des articles 872, 873 et 559 du code de procédure civile, de :

in limine litis,

— rejeter la demande de sursis à statuer formulée ;

à titre principal,

— rejeter l’ensemble des demandes formulées par M. X et M. Y,

en conséquence,

— confirmer l’ordonnance du 25 septembre 2020 en toutes ses dispositions ;

— condamner chacun des appelants à verser à chacun des intimés la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts titre pour le préjudice subi résultant du caractère abusif de la présente procédure ;

— condamner les appelants à verser à chacun des intimés la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner les appelants aux entiers dépens.

Les sociétés Breega Capital Venture One et C, M. Z, M. A et la société Solendro exposent en résumé ce qui suit :

— qu’avant même la révocation de M. X et M. Y, ceux-ci n’ont pas hésité à convoquer des assemblées en violation des statuts et du pacte d’associés pour désigner des administrateurs avec lesquels ils ont des rapports de proximité et à ne pas respecter l’ordre du jour pendant la tenue des assemblées ;

— que, s’agissant de la révocation de M. X, elle a eu lieu lors d’une assemblée du 20 juillet 2020 qui avait pour objectif d’obtenir des explications des fondateurs sur la violation répétée des statuts et pacte ; qu’un incident de séance a donné lieu à l’inscription à l’ordre du jour d’une résolution relative à la révocation de M. X et à la nomination de M. B et que le vote a été fait à la majorité simple conformément à l’article 18 des statuts ; que malgré sa révocation, M. X a refusé de quitter les locaux de la société ;

— que, s’agissant de la révocation de M. Y, elle a eu lieu lors d’une assemblée du 14 août 2020, suite à un vote fait à la majorité simple conformément à l’article 18 des statuts ; qu’ici aussi, M. Y a refusé de quitter les locaux ;

— que, par leur refus, M. X et M. Y ont entravé la bonne exécution du mandat social par M. B valablement nommé ;

— que M. X et M. Y poursuivent une politique de dénigrement à l’encontre de certains investisseurs de la société Solendro, en n’hésitant pas à se rapprocher de la presse pour faire part des difficultés internes rencontrées et en tenant des propos diffamatoires ; que, dans son jugement du 29 janvier 2021, le tribunal de commerce avait lui-même retenu que l’attitude de M. X et M. Y, refusant de quitter les lieux et orchestrant une campagne de presse, a porté atteinte à l’intérêt social de la société Solendro ;

— qu’en dehors des cas prévus par la loi, le juge apprécie discrétionnairement l’opportunité de surseoir à statuer quand cela est nécessaire à la bonne administration de la justice ; que c’est notamment le cas lorsque le prononcé de la décision à venir à une incidence sur l’instance en cours ; qu’en l’espèce et d’une part, les appelants n’auraient plus aucun intérêt à solliciter la désignation d’un administrateur provisoire si la décision du 29 janvier 2021 venait à être infirmée ; que d’autre part la désignation d’un administrateur provisoire n’a que pour seul but de protéger l’intérêt social ; qu’enfin, la demande de sursis à statuer révèle simplement que les conditions de la désignation d’un administrateur provisoire ne sont pas réunies et que les appelants ne souhaitent que retarder la procédure ;

— que les articles 13 et 18 des statuts posent un principe de libre révocation du président et du directeur général ; que toutefois l’article 15 des statuts exige une convocation préalable du conseil d’administration pour obtenir son approbation préalable à la révocation ; que la difficulté est que les statuts indiquent que seul le président peut convoquer un conseil d’administration ; qu’en conséquence l’application de l’article 15 est impossible, le président n’allant pas enclencher la procédure pour sa propre révocation ;

— que la nullité d’une décision d’assemblée n’est encourue que si la clause des statuts qui est violée constitue le prolongement d’une disposition légale impérative ; qu’aucune disposition légale n’existe pour la révocation des dirigeants de SAS ; que selon la jurisprudence, la décision de révocation relève de la compétence de la collectivité des associés malgré l’existence de la clause sur

l’approbation préalable ;

— qu’en outre, selon l’article L. 235-4 du code de commerce, l’action en nullité d’une assemblée générale n’est plus recevable quand le vice a été réparé ; que selon la jurisprudence, le fait que le conseil d’administration ait régularisé l’approbation a posteriori couvre toute nullité ;

— que la jurisprudence n’admet la nomination d’un administrateur provisoire que lorsqu’il existe une entrave empêchant le fonctionnement régulier de la société et compromet gravement les intérêts sociaux, le mandataire suppléant les dirigeants ; que la nomination d’un mandataire ad hoc n’entraîne en revanche pas le dessaisissement des dirigeants ; que leurs deux missions sont différentes ; que pourtant, M. X et M. Y ont maintenu la demande de nomination d’un mandataire ad hoc en interjetant appel de l’ordonnance du 23 octobre 2020, tout en demandant toujours la nomination d’un administrateur provisoire en interjetant appel de l’ordonnance du 25 septembre 2020 ; que les fondateurs visent donc à paralyser le fonctionnement des organes de la société ;

— qu’en outre, la demande de désignation d’un administrateur provisoire est infondée pour plusieurs raisons ;

— qu’il n’existe aucun dommage imminent ; que, selon la jurisprudence, une simple contestation de régularité d’une assemblée générale ne suffit pas à faire désigner un administrateur provisoire ; qu’il faut prouver un fonctionnement anormal de la société et que le conflit bloque son fonctionnement ; que la collectivité des associés est toujours en mesure de prendre des décisions selon la règle de la majorité et qu’il n’y a pas de carence à la direction car la société a un président, M. B ;

— qu’il n’existe aucun péril imminent ; que la direction, les assemblées et le conseil d’administration peuvent fonctionner normalement ; qu’il n’existe pas de difficultés financières de la société ;

— qu’il n’y a pas d’urgence ; que les organes sociaux peuvent fonctionner normalement ; qu’il est soulignées que toutes les procédures engagées pour remettre en cause la révocation des fondateurs se sont soldées par un échec ;

— que l’article 10 du pacte d’associés opérant la vente des titres de M. X et de M. Y notamment en cas de cessation de leurs fonctions a été mis en 'uvre ; qu’ils ne sont plus associés de la société Solendro ; qu’ils sont encore moins fondés à demander la nomination d’un administrateur provisoire ;

— qu’au jour où le juge des référés de première instance a statué, M. X et M. Y O toujours d’admettre leurs révocations ; qu’ils ont refusé de quitter les locaux ; que M. B n’avait accès à aucun document pour exercer ses nouvelles missions ; qu’en cela la société a été paralysée ; que pourtant les décisions de révocations ont bien été prises à la majorité simple comme exigé par les statuts et le juge des référés n’avait pas à trancher les contestations relatives à la validité d’une assemblée générale ; qu’il a pu en tirer les conséquences en exigeant aux fondateurs de quitter les locaux ;

— que la majorité simple des associés a décidé de révoquer M. X et M. Y, en application des statuts ; que les PV d’assemblées prenant ces décisions ont été valablement signés et enregistrés ; qu’ils se sont maintenus dans la société alors que M. B aurait dû prendre ses fonctions dès le 20 juillet 2020 conformément à l’article 13.2 des statuts, ce qui n’a pas été le cas en raison du comportement des anciens dirigeants.

La société CM Consultant, M. L M et la société PH3 n’ont pas constitué avocat.

SUR CE LA COUR

En application de l’article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

L’article 873 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite visé s’entend de toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

La désignation judiciaire d’un administrateur provisoire, dès lors qu’elle porte atteinte aux droits fondamentaux des sociétés, est une mesure exceptionnelle qui suppose que soit rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d’un péril imminent.

En l’espèce, la cour est d’abord saisie d’une demande de sursis à statuer des appelants, ce dans l’attente de la décision de la chambre 5-9 de la présente cour qui doit statuer, au fond, sur la validité des décisions sociales intervenues.

Force est toutefois de remarquer que la cour, statuant ici comme juge des référés, est le juge du provisoire et de l’évidence, de sorte qu’il apparaît très inopportun de surseoir à statuer jusqu’à la décision des juges du fond, les missions confiées au magistrat des référés visant justement à prendre les mesures non sérieusement contestables, conservatoires ou de remise en état qui s’imposent à titre provisionnel, éventuellement dans l’attente qu’il soit statué sur le fond du litige.

Les intimés observent d’ailleurs à juste titre qu’en cas de décision du juge du fond réintégrant les appelants dans leurs fonctions de direction, la désignation d’un administrateur provisoire deviendrait pour MM. Y et X sans objet ni intérêt.

Le juge des référés ne peut en outre anticiper, dans cette hypothèse, les décisions qui seraient alors prises par associés majoritaires.

La demande de sursis à statuer sera rejetée.

Sur le fond du référé, il convient de souligner :

— qu’il n’appartient pas à la cour statuant en référé de se prononcer sur la régularité des décisions sociales prises au cours des assemblées générales des 20 juillet 2020 et 14 août 2020, mais seulement d’apprécier si les conditions d’intervention du juge des référés sont réunies, aux fins de prendre les mesures provisoires sollicitées ; qu’importent donc peu les développements des parties sur la validité desdites décisions ;

— que la seule mésentente entre associés, voire l’existence d’un grave conflit ou les allégations de voies de fait soulevées par les appelants (notamment au regard de leurs pièces 6, 19 et 20, 29 à 32), ou encore les contestations élevées quant à la régularité d’une assemblée générale, ne peuvent suffire à justifier la désignation d’un administrateur provisoire, une telle désignation supposant un

fonctionnement de la société devenu impossible et un péril imminent pour celle-ci, la charge de la preuve reposant sur les appelants, demandeurs à la mesure ;

— que, nonobstant les arguments des intimés relatifs aux demandes simultanées en désignation d’un administrateur provisoire et, dans le cadre d’une procédure distincte, d’un mandataire ad hoc, c’est à juste titre qu’il est d’abord observé par eux que la collectivité des associés apparaît à ce jour en mesure de prendre les décisions utiles, étant rappelé que la société Breega Capital Venture One, la société C, M. Z et M. A détiennent à eux quatre 51, 59 % du capital social, sans même évoquer la question des conséquences de l’application de la clause dite 'bad leaver’ ;

— que la désignation comme président de M. B, même contestée, ne permet pas de considérer qu’il y aurait une paralysie des organes de direction ;

— qu’il est précisé d’ailleurs à cet égard par les intimés que, depuis le 29 septembre 2020, et à raison des autres mesures sollicitées par eux dans l’ordonnance de référé dont appel, M. B a pu effectivement exercer les fonctions de président ;

— que, si diverses procédures opposent les parties, il résulte en outre du Kbis actualisé au 16 décembre 2020 (pièce 31 intimés) que le greffe du tribunal de commerce a acté la désignation de M. B comme président ;

— que le péril imminent mettant en danger la SAS Solendro n’est pas non plus établi, aucun élément ne venant caractériser notamment une situation juridique ou financière telle que la survie de l’entreprise serait en jeu ;

— qu’ainsi, les conditions pour désigner en référé un administrateur provisoire ne sont pas remplies, les circonstances de l’espèce ne traduisant ni l’urgence, ni un trouble manifestement illicite, ni un dommage imminent, au sens des articles 872 et 873 du code de procédure civile, la société Solendro apparaissant, malgré les difficultés liées au contentieux en cours, en état de fonctionner sans que sa survie ne soit en jeu ou qu’un péril imminent soit caractérisé, M. B étant investi des pouvoirs de direction, en droit et en fait, dans l’attente d’une éventuelle décision du juge du fond ;

— que, concernant les mesures ordonnées par le premier juge à la demande des intimés, ordonnant sous astreinte à MM. X et Y de ne pas se rendre dans les locaux de la société Solendro, de ne pas se présenter et de ne pas agir comme président et directeur général, de remettre à la société le matériel, les accès et les documents, celles-ci ont été prononcées, aux termes de la motivation de l’ordonnance entreprise, pour mettre fin à la paralysie de fait de la société et permettre la continuation de l’activité ;

— que, pour rappel, M. B a été désigné président aux termes d’une assemblée générale, certes contestée, en date du 20 juillet 2020, M. Y étant, selon une assemblée générale du 14 août 2020 également contestée, révoquée de ses fonctions de directeur général ;

— que, s’il n’appartient pas au juge des référés de se prononcer sur la validité de ces deux décisions, la nécessité d’assurer, dans l’attente d’une décision du juge du fond, le fonctionnement de l’entreprise peut être de nature à justifier des mesures provisoires en application des articles 872 et 873 du code de procédure civile ;

— que les appelants estimant que les injonctions seraient mal fondées à raison de révocations intervenues en violation des statuts et du pacte d’associés ; qu’il n’en demeure pas moins aussi que MM. X et Y ont entendu continuer à se prévaloir de leurs qualités respectives de président et directeur général de la société Solendro, ne permettant pas aux organes de direction nouvellement désignés d’exercer leurs fonctions ; que le fonctionnement de la société Solendro a été ainsi obéré du fait de la coexistence de plusieurs organes dirigeants, ce alors même que la nullité des assemblées

générales litigieuses n’a pas, jusqu’à présent, été constatée par décision de justice ;

— qu’il résulte notamment d’un procès-verbal d’huissier du 30 juillet 2020 (pièce 7 intimés) que M. B a été empêché d’entrer dans les locaux de la société par M. Y, M. B relevant aussi, sans être contesté sur ce point, qu’il ne disposait d’aucun accès aux documents ni aux équipements informatiques de la société Solendro ;

— qu’ainsi, les mesures conservatoires précitées étaient justifiées aux fins d’empêcher toute interruption dans les prises de décisions et pour mettre fin au trouble manifestement illicite au sens de l’article 873 du code de procédure civile, le blocage opéré par les appelants, alors que les décisions des assemblées générales n’ont pas ce jour été déclarées nulles, étant de nature à nuire au bon fonctionnement de la société Solendro ;

— qu’il sera précisé que le juge des référés ne se prononce pas, pour autant, sur ce qui sera décidé au fond dans le cadre des procédures judiciaires à venir, l’existence de contestations sérieuses n’empêchant pas l’application de l’article 873 précité.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, le sort des dépens et des frais irrépétibles de première instance ayant été exactement réglé par le premier juge.

Il ne sera pas fait droit à la demande de la société SAS Breega Capital Venture One, de la société C, de M. H Z, de M. J A et de la société SAS Solendro en dommages et intérêts pour procédure abusive, les appelants ayant pu se méprendre sur la portée de leurs droits, le caractère téméraire ou vexatoire du comportement procédural de M. X et de M. Y n’étant pas établi, compte tenu du fort contentieux préexistant entre les parties.

A hauteur d’appel, M. F X et M. D Y devront indemniser les intimés constitués des frais non répétibles exposés, dans les conditions indiquées au dispositif, et seront également condamnés in solidum aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS,

Rejette la demande de sursis à statuer ;

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Rejette la demande de la société SAS Breega Capital Venture One, de la société C, de M. H Z, de M. J A et de la société SAS Solendro en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne in solidum M. F X et M. D Y à verser à la société SAS Breega Capital Venture One, à la société C, à M. H Z, à M. J A et à la société SAS Solendro, à chacun d’entre eux, la somme de 1.000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais non répétibles à hauteur d’appel ;

Condamne in solidum M. F X et M. D Y aux dépens d’appel ;

La Greffière, La Présidente,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 1er avril 2021, n° 20/13779