Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 16 avril 2021, n° 18/24048

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Chronologie de l’affaire

Commentaires2

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Gérard Haas · Haas avocats · 7 mars 2022

Par Gérard Haas, Charlotte Paillet et Margaux Laurent De nombreuses applications mobiles et sites internet se sont développés ces dernières années en se proposant d'être une alternative au constat d'huissier de justice. Ayant pour objectif une meilleure accessibilité du droit et à la justice pour tous, ils promettent de fournir une preuve fiable et sûre, de manière rapide. Comment fonctionne l'application SnapActe ? C'est ainsi que se présente l'application SnapActe proposée par la société IDRA dédiée à la collecte de preuve en facilitant l'accès à des huissiers de justice. Elle …

 

Village Justice · 13 janvier 2022

Selon une étude commandée par la Caisse d'Épargne et divulguée en octobre dernier, près de 20 % des 8 - 18 ans ont déjà été exposés au harcèlement en ligne, des comportements qui toucheraient en majorité les jeunes filles. I. Harcèlement : de quoi parle-t-on ? A. Le harcèlement sexuel et le harcèlement moral. Le Code pénal envisage deux sortes de harcèlement individuel : le harcèlement sexuel et le harcèlement moral. Le harcèlement sexuel consiste à « imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte à …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 11, 16 avr. 2021, n° 18/24048
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/24048
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 17 septembre 2018, N° 2016004905
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 16 AVRIL 2021

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/24048 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6XBF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Septembre 2018 -Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2016004905

APPELANTE

SASU CONSEIL NR

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Caen sous le numéro 799 530 936

représentée par Me I J, avocat au barreau de PARIS, toque : E1654, Me Christophe PUECH, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Entreprise E F

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

United States of America

représentée par Me Arthur VERCKEN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1966

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Février 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée

de :

M. Denis ARDISSON, Président de la chambre

Mme Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par M. Denis ARDISSON, Président de la chambre, et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

Monsieur A B propose des services d’acquisition de « follower » en ligne depuis 2012, d’abord en son nom personnel puis au travers de la société Conseil NR constituée sous la forme d’une société par actions simplifiée unipersonnelle, qu’il a créée à cet effet et dont il est le président. La société Conseil NR exploite deux sites : www.buyfollowers.fr et www.buyfollowersbysms.fr.

Suspectant M. C D qui exploite le site www.E.fr, dont les services sont identiques à ceux qu’elle propose mais dont les prix seraient systématiquement plus bas, de lui faire une concurrence déloyale du fait qu’il ne s’acquitte pas du paiement de la TVA et a commis des actes de parasitisme, la société Conseil NR l’a assigné par acte d’huissier du 2 avril 2015 devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de le voir interdit d’exploiter sous astreinte ce site jusqu’à la régularisation par celui-ci de sa situation fiscale et sociale, et en paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts ; par acte d’huissier du 7 janvier 2016, la société Conseil NR a assigné en intervention forcée, la société E, société de droit américain créée par M. C D aux fins d’exploiter ce site.

Après deux jugements par lequel ce tribunal a mis hors de cause M. C D, s’est déclaré compétent pour connaître du litige, a débouté la société Conseil NR de sa demande de communication de pièces, ce tribunal par jugement du 18 septembre 2018 a débouté la société Conseil NR de ses demandes au titre d’actes de concurrence déloyale, d’actes de parasitisme, débouté la société E de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et statué sur les dépens, les mettant à la charge de la société Conseil NR.

Procédure d’appel.

Vu l’appel relevé le 13 novembre 2018 par la société Conseil NR à l’encontre du jugement rendu le 18 septembre 2018 ;

Vu les dernières conclusions remises le 13 février 2019 par la société Conseil NR par lesquelles au visa des articles 256 et 259 D du code général des impôts, des directives 2006/111/CE du 28 novembre 2006 et 2008/8/CE du 12 février 2008, des articles 1382 anciens (désormais 1240) et suivants du code civil, elle demande à la cour de :

— Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 18 septembre 2018 en toutes ses dispositions ;

Statuant a’ nouveau :

— Débouter E F de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

— Interdire a’ E F d’exploiter le site internet www.E.com sous astreinte de 1.000 € par jour de retard a’ compter du prononcé de l’arrêt à intervenir, sous réserve de régulariser sa situation au regard de son obligation de facturer et de s’acquitter de la TVA lorsqu’elle fournit des prestations à des consommateurs franc’ais ;

— Condamner E F a’ verser a’ Conseil NR, avec inte’re’t au taux le’gal et capitalisation :

*409.622 € de dommages et intérêts en réparation au titre de la concurrence de’loyale ;

*15.000 € de dommages et intérêts en réparation des actes de parasitisme ;

*20.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

*les entiers dépens qui pourront être recouvrés par Me E’tienne Deshoulie’res, dans les conditions de l’article 699 du code de proce’dure civile ;

— Ordonner la publication de l’arre’t a’ intervenir :

*sur la page d’accueil du site internet www.E.com pendant une dure’e de 2 mois ;

*dans 5 revues ou journaux, franc’ais ou e’trangers, au choix de la société Conseil NR et aux frais de Followerspaschers F, a’ concurrence de 2.000 € HT par insertion, et ce, au besoin, a’ titre de dommages-inte’re’ts complémentaires ;

Vu les dernières conclusions remises le 12 juillet 2019 par la société E par lesquelles au visa des articles 1240 du code civil et 6 de la loi du 27 décembre 1923, elle demande à la cour de :

— Confirmer le jugement sauf en ce qu’il l’a de’boute’e de sa demande de condamnation de la société Conseil NR a’ lui verser la somme de 10 000 € pour proce’dure abusive,

En conse’quence,

— Débouter la société Conseil NR de l’inte’gralite’ de ses demandes,

— Condamner la société Conseil NR à lui verser la somme de 10 000€ pour proce’dure abusive

— Condamner la société Conseil NR a’ lui verser la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de proce’dure civile et aux entiers de’pens en sus de la somme de 1500 € a’ laquelle CONSEIL NR a e’te’ condamne’e en premie’re instance.

SUR CE :

La société Conseil NR outre un procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 23 janvier 2019 produit trois autres documents que son bordereau désigne « constat sur internet du 19 octobre 2017 » (pièce 2b), « constat sur internet 15 novembre 2015 » (pièce 3b), « constat sur internet du 25 février 2015 » (pièce 4b). La pièce 2b est un rapport créé le 19 octobre 2017 par la plate-forme de constatation en ligne https : //. www.easyconstat.com, étant précisé qu’il s’appuie sur la norme AFNOR NF Z67-147 du 11 septembre 2010. Il avait pour objet de recueillir des informations sur le site followerpascher.com.

La société E concentre ses critiques sur les pièces 3b et 4b qui portent comme intitulé « procès-verbal de constatation sur internet », leur reprochant d’être des plagiats de constat d’huissier de justice ; leur rédacteur G Z se présente comme un expert informatique, faisant partie d’un « Bureau d’expertises informatiques » alors qu’une recherche sur internet montre que ce dernier exerce en individuel.

Ces pièces ne s’entourent à l’évidence pas des garanties d’un acte dressé par un huissier de justice qui outre avoir sa qualité d’officier public, est soumis à des conditions de diplôme et d’expérience professionnelle ; néanmoins, il est relevé que le nom de leur auteur est clairement identifié ainsi que son adresse, son numéro Siren ; par ailleurs, ces pièces indiquent avec minutie la méthodologie qu’il a suivie pour aboutir aux indications qu’elles contiennent et sont illustrées par de nombreuses captures d’écran. Au regard de la liberté de la preuve en matière commerciale, ces pièces qui sont soumises au débat contradictoire, ont valeur de simples renseignements et peuvent être contrariées par tous autres éléments de preuve.

Sur les demandes de la société Conseil NR reposant sur les actes de concurrence déloyale qu’elle impute à la société E.

Pour s’entendre confirmer le jugement qui a débouté la société Conseil NR de ses demandes fondées sur les actes de concurrence déloyale, la société E en premier lieu conteste l’existence d’un rapport de concurrence entre le site qu’elle exploite et celui exploité par l’appelante, adoptant les motifs retenus par les premiers juges pour considérer que cette dernière ne justifie pas que l’achat de followers sur internet à destination d’internautes français relevait d’un marché oligopolistique, soutenant qu’à la différence de la société Conseil NR, elle travaille sur un marché international, dénonçant la proximité qu’entretient cette dernière avec son propre site en faisant précéder sur Google son site internet de la mention « acheter des followers pas cher » et qui explique que celle-ci a pu être rendue destinataire de mails de ses propres clients.

En second lieu, elle fait valoir que la société Conseil NR ne rapporte pas la preuve de son accusation selon laquelle elle ne respecterait pas la législation fiscale sur la TVA, s’appropriant la motivation des premiers juges selon laquelle, elle est une société de droit américain, établie sur le sol américain, n’emploie aucun salarié en France, n’a aucune structure en France ; que le critère de la nationalité du consommateur qu’il soit français ou d’une autre nationalité est inopérant en matière de TVA et que la question de son assujettissement à la TVA intéresse uniquement l’administration fiscale tandis que les éléments de preuve produits par la société Conseil NR sont dénués de force probante. Elle conclut qu’il n’est pas démontré que ce prétendu défaut de paiement de TVA lui permettrait de pratiquer des prix inférieurs à ceux de Conseil NR.

Au demeurant, les premiers juges ne pouvaient pas valablement retenir que la société Conseil NR et la société E n’étaient pas positionnées sur un marché oligopolistique au seul motif que des sociétés de plus en plus nombreuses y opèrent alors que la période couverte par l’action intentée par la société Conseil NR ne se limite par à celle existant à la date de la clôture des débats.

Il n’est pas contesté que le site E.fr a été créé par M. C D qui au vu du chapeau du jugement du 7 février 2017 demeurait à Marseille, ville où se situe l’adresse figurant sur les conditions générales d’utilisation du site, lesquelles font référence à des articles du code de la consommation, du code de la propriété intellectuelle, à la CNIL autorité administrative de la République Française, contiennent une clause attributive de compétence au profit des tribunaux de Marseille et prévoient l’application du droit française. Ces éléments convainquent que ce site est destiné essentiellement à des personnes résidant sur le territoire français.

Il n’est pas davantage contesté que la société de droit américain E a été créée par M. C D pour exploiter le site E.fr dont l’extension a été abandonnée au profit de celle « .com ».

Le rapport issu de l’outil d’analyse de recherches en ligne ahrefs produit par l’appelante (pièce 6b) montre que la France représente près de 94% du trafic généré sur le site E.com. Si la société E exprime ses réserves quant à la fiabilité de cet outil, au motif que le seul moyen de connaître la provenance des visiteurs de ce site serait d’avoir accès à son serveur ou bien aux outils d’analyses de visites sur le site, comme celui de Google Analytics, elle n’étaye ses réserves sur l’outil d’analyses ahrefs par aucune pièce, et ne fournit pas d’éléments venant contrarier les résultats fournis par cet outil. Par ailleurs, si elle justifie que son site est édité en cinq langues, il est relevé que ce site se proclame uniquement à l’exception de Yahoo, d’annonceurs français (Télérama, Canal +, Capital). Au vu de ce qui précède, il est retenu que le site E s’adresse essentiellement à des internautes demeurant en France.

La spécificité du marché d’achat de followers par internet et qui était encore naissant à tout le moins au début de la période couverte par l’action en justice intentée par la société Conseil NR, crée un lien étroit de concurrence entre cette dernière et la société E qui suffit à rendre leurs services substituables comme le montrent notamment les erreurs d’internautes qui après avoir commandé sur le site E.com se sont adressés à la société Conseil NR pour le suivi de leur commande sans qu’il n’y ait lieu de se prononcer plus avant sur l’origine de ces erreurs.

Dans le cadre de cette concurrence rapprochée, la société Conseil NR fait grief à la société E de lui porter une concurrence déloyale au motif que cette dernière omet de soumettre ses clients français à TVA alors que dès lors qu’une société étrangère fournit un service électronique à un consommateur français, elle doit s’acquitter du paiement de la TVA via le « mini-guichet unique » mis en place par la réglementation Européenne.

Au demeurant, sans empiéter sur les attributions de l’administration fiscale, celui qui pâtit d’un agissement contraire à la loi ou à la réglementation susceptible de créer une distorsion de concurrence, est fondé à en obtenir réparation.

L’article 256 du code général des impôts pose le principe que « sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, les livraisons de biens et de prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel.». L’article 256 A précise que sont assujetties à la TVA les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention ». Le cinquième alinéa de cet article alinéa vise expressément les prestations de services. Il résulte de cet article que le lieu d’établissement du prestataire, que ce soit dans un Etat membre de l’Union Européenne ou un Etat non membre, est indifférent à l’assujettissement à la TVA de la prestation de services.

L’article 259 énonce que le lieu de prestation de service est situé en France lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu’il a en France le siège de son activité.

Il résulte de la combinaison des articles 259B 12° et 259 D que les prestations informatiques sont également réputées situées en France lorsqu’elle sont fournies à des personnes non assujetties qui sont établies, ont leur domicile ou leur résidence en France.

Il s’évince de ces différents articles, que sont soumises à la TVA les prestations de services fournies par la société E d’une part à des personnes assujettis et d’autre part à des personnes non assujetties établies, ayant leur domicile ou résidence habituelle en France. Si la nationalité du preneur est indifférente pour l’assujettissement à la TVA des prestations de service pour lesquelles seul le critère de leur lieu de situation est déterminant, la référence inappropriée que fait la société Conseil NR au « consommateur français » ne fait pas pas pour autant disparaître le grief qu’elle fait à la société E d’éluder le paiement de cet impôt.

Il s’en suit que la société Conseil NR établit de façon suffisante l’obligation de la société

E de soumettre à la TVA les prestations de services qu’elle fournit et qui sont situées en France de sorte que les premiers juges ne pouvaient pas retenir sans se prononcer sur la pertinence des règles fiscales invoquées par la société Conseil NR que cette dernière échouait dans la charge de cette preuve aux motifs qu’elle est une société de droit américain, n’ayant ni bureau, ni personnel en France.

Outre que la société E ne nie pas ne pas soumettre à la TVA les prestations de services situées en France qu’elle fournit, le constat sur internet dressé le 23 janvier 2019 par maître X, huissier de justice qui selon une méthodologie rigoureuse, a procédé à un achat de followers sur internet, établit qu’elle élude cette taxe, la facture d’achat annexée au constat à la rubrique « tax » mentionne « 0,00 € » ; la société Conseil NR produit également d’autres factures d’achat qui font aussi mention de zéro taxe ; l’envoi de ces factures à une adresse mail ayant comme extension « .fr » est un indice sérieux qu’elles concernent des internautes établie ou ayant leur domicile ou leur résidence en France et dont que la prestation fournie est située en France, sans qu’il n’y ait lieu de se pencher plus avant sur la force probante des attestations mises aux débats par l’appelante.

***

La société Conseil NR soutient que le défaut d’acquittement par la société Conseil NR de la TVA lui permet de proposer systématiquement des produits identiques aux siens mais à des prix très légèrement inférieurs et lui procure ainsi un avantage concurrentiel illicite; du fait de leur situation de concurrence oligopolistique en 2014, elle estime que 75% des internautes ayant acquis des followers sur le site de la société E, ont été détournés de son propre site. Elle chiffre le montant de son préjudice en fonction du nombre de clients ainsi détournés estimé à 33.130, du taux de transformation résultant du rapport entre le nombre de connexions qu’elle établit à 14,17% et le nombre de commande et du montant du panier moyen, soit 23,80 €. Elle chiffre ainsi le montant de sa perte annuelle à 81.700 € pour les année 2014 à 2018 et à 61.275 € pour les neuf premiers mois de l’année 2019, soit la somme totale de 531.050 €.

En premier lieu, c’est seulement sur l’achat de likes et d’abonnés sur le réseau Instagram que la société Conseil NR fournit des éléments de comparaison.

Ainsi, il résulte de l’extrait du site exploité par la société Conseil NR (pièce 1c) au 20 avril 2015 que celle-ci proposait l’achat de 200 likes pour 4,50 € tandis que la société E l’achat de 100 likes pour 1,49 € ; par ailleurs, sur le site de la société Conseil NR, 500 abonnés actifs sont au prix de 108 € tandis que le constat d’huissier du 23 janvier 2019 (pièce 3c) produit par l’appelante montre que le société E propose 100 abonnés Intagram pour 2,99 € (pièce 3c) ; il est par ailleurs justifié (pièce 3ai) d’une commande sur le site E.com de 1000 followers premium Instagram pour 76,99 € et de l’achat de 25.000 abonnés Instagram pour 113,97 €.

D’une part, contrairement à ce qu’indique la société Conseil NR, ces indications ne permettent pas de savoir si les prestations sont identiques ou s’il existe une différence de qualité, par exemple entre la prestation portant sur des abonnés actif proposée par cette dernière et celle relative au follower premium que propose la société E. D’autre part, même à considérer qu’il s’agit de prestations identiques, la différence de prix des prestations proposées par la société E ne résulte pas du seul fait pour cette dernière d’éluder le paiement de la TVA.

Au vu de ces considérations et en fonction des éléments chiffrés précités dont la société Conseil NR justifie sans qu’ils soient contrariés et du chiffre d’affaires réalisé par celle-ci en 2014 à hauteur de 108.922,85 € ainsi qu’en atteste M. Y, son expert-comptable du cabinet KMPG, le préjudice subi par la société Conseil NR au titre de l’année 2014 est justement apprécié à hauteur de 20.000 € ; s’agissant des années suivantes, du fait de l’arrivée progressive de concurrents, il doit être retranché chaque année 10%, de sorte qu’en 2015, € préjudice subi par la société Conseil NR est de 18.000 € , en 2016 de 16.200, en 2017 de 14.580 €, en 2018 de 13.122 € et pour les neuf premiers mois de

l’année 2019, de 8.857,35 €, soit la somme totale de 90.759,35 €. Partant, réformant le jugement entrepris, la société E est condamnée au paiement de cette somme

En revanche, du fait de l’arrivée sur le marché de concurrents de plus en plus nombreux, la société Conseil NR n’est pas en mesure d’établir que l’avantage concurrentiel qu’a procuré à la société E le fait d’éluder le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée l’a empêchée de conquérir de nouveaux marchés. La société Conseil NR se voit donc déboutée de sa demande en paiement de la somme de 50.000 € au titre du gain manqué.

La société Conseil NR se voit pareillement déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral qu’elle fait reposer sur la dégradation de sa réputation et de son image auprès de ses clients résultant de la confusion entre son site et celui de la société E alors qu’elle est à l’origine du lien de proximité avec le site exploité par la société E en ayant introduit comme mot clé « pas cher » dans le cadre du référencement de son site sur internet.

L’interdiction que réclame la société Conseil NR, à la société E d’exploiter le site internet www.followerspaschers.com sous astreinte alors qu’à ce jour ce marché s’est largement ouvert à la concurrence et que la société Conseil NR ne fournit pas de données récentes sur son activité, entrainerait une atteinte disproportionnée au principe de liberté du commerce et de l’industrie. Elle se voit donc déboutée de ce chef de demande ainsi que de sa demande de publication sur le site internet de la société E et dans cinq revues ou journaux français ou étrangers pour les même motifs.

Sur les demandes de la société Conseil NR reposant sur les actes de parasitisme qu’elle impute à la société E.

La société E s’oppose aux réclamations de la société Conseil NR au titre des actes de parasitisme que cette dernière lui impute aux motifs que celle-ci n’établit pas l’antériorité de ses conditions générales par rapport aux siennes ou au contraire que la société Conseil NR produit des factures de mises à jours de ses conditions générales postérieures à celles qu’elle impute de constituer un plagiat ; que certaines factures sont libellées à l’ordre de M. A B ; que d’autres concernent un site buyfollowersbysms.com distinct du site buyfollowers.fr ; que d’autres portent sur des mises à jour postérieures ; que les factures d’huissier sont relatives au dépôt d’un règlement d’un jeu concours mais ne porte pas sur la rédaction de ce règlement.

D’une part, si la société Conseil NR produit un extrait de son site internet www.buyfollowers.fr sur lequel figure ses conditions générales d’utilisation qu’elle a éditées le 20 avril 2015, il est indiqué qu’elles sont applicables depuis le 29 décembre 2014, soit une date antérieure à celle recueillies par M. Z le 25 février 2015 sur le site internet de la société E, étant indiqué en tête de ces conditions générales qu’il s’agit de « la version des conditions d’utilisation la plus récente, datant du 16 février 2015 ».

La comparaison entre les conditions générales d’utilisation de la société Conseil NR applicables à compter du 29 décembre 2014 et celles de la société E du 16 février 2015 montre que ces dernières en sont pour l’essentiel une reproduction à l’identique, allant jusqu’à reprendre les mêmes « coquilles », étant relevé que si la société Conseil NR justifie par des factures des frais engagés pour la rédaction de ses conditions générales ou leurs mises à jour, la société E ne fournit aucune explication sur l’origine des conditions générales du site followerpascher.fr qui par leur précision et leur technicité nécessitaient un investissement intellectuel et/ou financier.

L’organisation par la société E d’un jeu concours exactement à la même date que celui organisé par la société Conseil NR et dont le règlement présente de grandes similitudes avec le règlement du jeu concours de cette dernière n’est pas le fruit du hasard mais relève d’un acte de

parasitisme.

La réclamation en réparation d’actes de parasitisme n’étant pas une action en paiement de factures, dès lors que la société Conseil NR justifie de l’investissement intellectuel et financier que représentent les conditions générales d’utilisation afférentes au site qu’elle exploite et le jeu concours qu’elle a organisé, la discussion de la société E sur les factures produites par la société Conseil NR n’est pas déterminante.

Il s’en suit qu’au vu de ces investissement que s’est appropriée la société E sans bourse délier et sans avoir fourni le travail intellectuel correspondant, il y a lieu en réformant le jugement entrepris d’allouer à la société Conseil NR la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes accessoires.

La solution apportée au litige conduit à débouter la société E de sa demande dommages et intérêts pour procédure abusive et à mettre les dépens de première instance et d’appel à la charge de la société E et d’allouer une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la société Conseil NR ainsi qu’il suit.

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement rendu le 18 septembre 2018 par le tribunal de commerce de Paris en l’ensemble de ses dispositions, à l’exception de ses chefs ayant débouté la société E de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Statuant à nouveau,

Dit que la société de droit américain E F a exercé une concurrence déloyale à l’encontre de la société Conseil NR ;

Condamne la société de droit américain E F à payer à la société Conseil NR la somme de 90.759,35 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à cette dernière par la concurrence déloyale exercée à son encontre ;

Déboute la société Conseil NR du surplus de ses demandes au titre de la concurrence déloyale ;

Condamne la société de droit américain E F à payer à la société Conseil NR la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par les actes de parasitisme commis à son encontre ;

Condamne la société de droit américain E F à payer à la société Conseil NR la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société de droit américain E F aux dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés par maître I J, avocat dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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