Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 10 février 2021, n° 20/17353

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 3, 10 févr. 2021, n° 20/17353
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/17353
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 16 novembre 2020, N° 2020027093
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 10 FEVRIER 2021

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/17353 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCXLE

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Novembre 2020 -Président du TC de PARIS – RG n° 2020027093

APPELANTE

S.A.S. LE NOUVEAU MONDE prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliès en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP SCP REGNIER – BEQUET – MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Assistée par Maître Bruno CAVALIÉ, avocat au barreau de PARIS, toque L301

INTIMEE

S.A.S. BERLYS MEDIA prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

Assistée par Maître Gérard COHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : L38

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 11 Janvier 2021, en audience publique, rapport ayant été fait par M. Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre

Carole CHEGARAY, Conseillère

Edmée BONGRAND, Conseillère

Greffier, lors des débats : Olivier POIX

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre et par Olivier POIX, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

********

En octobre 2010, Messieurs Z A, B C et D E ont créé la société Le Monde Libre (LML) qui a acquis 75,6 % du capital social de la Société Editrice du Monde, laquelle détient les titres de presse du Groupe Le Monde.

Le capital social de la société LML a été réparti entre la société Berlys Media – contrôlée alors par M. Z A, puis, après son décès, par M. F Y – la société Le Nouveau Monde – contrôlée par M. D E – et la société X Presse – contrôlée par M. B C – et la société de droit espagnol Prisa Noticias.

M. Z A a apporté la somme de 24.414.624,83 euros en compte courant dans Berlys Media, somme que Berlys Media a elle-même apportée en compte courant à LML.

Le 5 décembre 2016, M. Z A et ses co-actionnaires ont conclu un pacte d’associés au sein de Berlys Media aux termes duquel :

— LNM et X acquéraient chacune, auprès de M. Z A, 5 % du capital de Berlys ;

— X et LNM apporteraient chacune pour moitié, en compte-courant d’associé dans Berlys Media, les sommes permettant de rembourser progressivement le 'compte courant Z A ' G', à savoir la somme de 24.414.624,83 euros que Z A avait apportée en compte courant dans Berlys Media, selon un échéancier des paiements qui devaient intervenir le 1er décembre de chacune des années 2016 à 2020 ;

— LNM et X se faisaient consentir dans Berlys Media des pouvoirs en matière de gouvernance ;

— M. Z A consentait deux promesses de vente au profit de X Presse et LNM.

M. Z A est décédé le […] en faisant de M. F Y son légataire universel, lequel, acceptant la succession, est devenu partie au pacte d’associés.

LNM n’a pas honoré le paiement de son apport de 2.500.000 euros du 1er décembre 2019, malgré une mise en demeure de payer du 2 mars 2020 et deux reports d’échéance.

Par acte en date du 17 juillet 2020, la société Berlys Media a assigné la société Le Nouveau Monde devant le juge des référés du tribunal de commercede Paris aux fins de la voir condamner, à titre provisionnel, à lui payer la somme de 2,5 millions d’euros.

Par ordonnance de référé rendue le 17 novembre 2020, le président du tribunal de commercede Paris a condamné la société LNM à payer à la société Berlys Media une provision de 2,5 millions d’euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2020, et la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

La société LNM a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 1er décembre 2020.

Par assignation à jour fixe délivrée le 14 décembre 2020, elle demande à la cour, au visa des articles 917 et suivants du code de procédure civile, de :

— infirmer l’ordonnance de référé rendue le 17 novembre 2020 par le président du tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions ;

— débouter purement et simplement la société Berlys Media de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la société Le Nouveau Monde ;

— condamner la société Berlys Media à payer à la société Le Nouveau Monde la somme de 20.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Elle fait valoir qu’alors que, depuis le 10 décembre 2016, LNM a apporté en compte courant d’associée de Berlys la somme de 7.500.000 euros et que, dans le même temps, X a apporté quant à elle, en compte courant, la somme de 10.000.000 euros – MM. Z A et F Y ayant ainsi perçu la somme de 17.500.000 euros – il y a tout lieu de craindre que les autres dispositions du pacte, dont LNM est cette fois créancière, soient contestées. Elle indique qu’il existe une contestation sérieuse sur l’exigibilité de la créance en cause, en raison :

— de l’interdépendance existant entre la promesse de vente et la créance invoquée par Berlys;

— du refus de M. F Y, qui vient aux droits de M. Z A, d’exécuter ses propres obligations contractuelles, M. Y ayant indiqué, le 1er décembre 2020, qu’il n’entendait pas exécuter la promesse de vente au motif qu’elle serait affectée de caducité.

La société Berlys Media, par conclusions remises le 6 janvier 2021, demande à la cour, au visa des article 699, 700 et 873 du code de procédure civile et du pacte d’associés conclu le 6 décembre 2016, de :

— dire la société Berlys Media recevable et bien fondée en ses demandes ;

— confirmer en intégralité l’ordonnance du 17 novembre 2020 du président du tribunal de commerce de Paris ;

— débouter la société Le Nouveau Monde de l’intégralité de ses demandes ;

y ajoutant :

— condamner la société Le Nouveau Monde au paiement de la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens sur le fondement de l’article 699 du même code.

Elle expose que les stipulations du pacte d’associés sont claires, de sorte que la créance de Berlys Media sur LNM d’un montant de 2.500.000 euros au titre de l’ 'avance en Compte Courant BM’ est certaine, liquide et exigible, LNM ayant d’ailleurs reconnu être redevable de la somme de 2.500.000 euros dès le 27 décembre 2019, sans faire état d’aucune contrepartie.

Elle indique que c’est à tort que LNM invoque, au soutien de son refus de payer à Berlys Media l’échéance de son compte courant de 2019, l’exception d’inexécution au motif que M. F Y refuserait de lui transférer ses titres sous promesse de vente et que le juge du fond est saisi par M. Y de la caducité des promesses, alors que :

— les obligations ne sont pas réciproques, ne concernant pas les mêmes personnes juridiques;

— la saisine du juge du fond ne constitue pas un obstacle au pouvoir du juge des référés, une telle saisine ne suffisant pas à rendre sérieuse une contestation.

Elle en infère qu’en l’absence de contestation sérieuse, LNM demeure tenue à l’exécution du remboursement du compte courant.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

MOTIFS

L’article 873, alinéa 2, du code de procédure civile dispose que 'Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.'

L’article 5 'Remboursement des comptes courants du Z A’ du pacte d’associés du 6 décembre 2016 stipule, en son article 5.1.1 :

'X Presse et LNM s’engagent expressément à apporter, en compte-courant d’associés de la Société [Berlys Média], un montant permettant de rembourser le Compte Courant Z A-G (les 'Avances en compte courant BM'), conformément à l’échéancier suivant :

Date Montants dus Part de X et LNM

10/12/2016 5.000.000 € 2.500.000 €

01/12/2017 5.000.000 € 2.500.000 €

01/12/2018 5.000.000 € 2.500.000 €

01/12/2019 5.000.000 € 2.500.000 €

01/12/2020 Solde Solde/2

Par ailleurs, l’article 13 'Promesses de vente (options d’achat) au profit de X Presse et LNM’ du même pacte prévoit :

— en son article 13.1 : 'En cas d’exercice de l’une quelconque des promesses de vente visées au présent article 13 par LNM et /ou X Presse (…), M. Z A devra céder à chacun des bénéficiaires de promesse de vente la moitié des titres qu’il détiendra à la date dudit exercice.' ;

— en son article 13.2 : 'Chaque bénéficiaire des promesses de vente pourra exercer en une seule fois la promesse de vente qui lui est ainsi consentie par M. Z A, à hauteur de 50 % des titres détenus par ce dernier. En conséquence, M. Z A s’engage expressément et irrévocablement à céder à chaque bénéficiaire des promesses de vente, dans les conditions ci-après définies, 50 % des titres de la société.' ;

— en son article 13.3 : 'Chaque bénéficiaire de promesse de vente accepte la promesse de vente qui lui est consentie en tant que promesse, étant entendu qu’il ne prend pas l’engagement de la lever.'

La société LNM oppose, comme constitutive d’une contestation sérieuse, l’exception d’inexécution en ce que M. F Y, venant aux droits de M. Z A, refuse indument, alors que LNM a levé la promesse de vente des parts sous promesse prévue par l’article 13 du pacte, d’exécuter sa propre obligation contractuelle de cession de ses parts.

L’exception d’inexécution ne peut être invoquée qu’entre deux obligations réciproques contractées entre les mêmes parties et doit être inhérente à l’obligation à laquelle est tenu l’excipiens.

Tel ne peut être le cas en l’espèce, dès lors que :

— d’une part, les obligations en cause n’ont pas été contractées par les mêmes parties et ne revêtent donc pas le caractère d’obligations réciproques, LNM devant payer à Berlys Media l’échéance de remboursement de compte courant, conformément à l’article 5 du pacte d’associés, alors que c’est à M. F Y que LNM demande de transférer les titres de Berlys Media sous promesse de vente en application de l’article 13 de ce pacte ;

— d’autre part, il n’est pas établi, avec l’évidence requise en référé, que l’obligation de cession des parts de Berlys Média sous promesse de vente par M. Y, tiers à la relation de droit entre LNM et Berlys Media, constitue la contre-prestation, attendue par LNM, au remboursement de compte courant, d’autant qu’aux termes de l’article 13.3 du pacte, les bénéficiaires de la promesse de vente ne sont pas tenus de lever la promesse.

La société LNM, non fondée, dans ces conditions, à invoquer l’exception d’inexécution, ne fait état d’aucun élément propre à accréditer que son obligation de paiement de l’échéance du 1er décembre 2019 se heurte à une contestation sérieuse, cette obligation étant, au surplus, d’autant moins sérieusement contestable que LNM a reconnu, dès le 27 décembre 2019, être redevable de la somme de 2.500.000 euros sans faire état d’aucune contrepartie (pièce Berlys Media n°5).

C’est, en conséquence, à raison que le premier juge a dit que l’obligation de la société LNM de paiement de l’échéance de décembre 2019 n’était pas sérieusement contestable et l’a condamnée à payer à la société Berlys Media une provision de 2,5 millions d’euros. L’ordonnance entreprise sera, dès lors, confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance entreprise ;

Condamne la société Le Nouveau Monde aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

La condamne à payer à la SAS Berlys Media la somme de 6.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

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