Cour d'appel de Paris, 16 juin 2021, n° 21/00765

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 16 juin 2021, n° 21/00765
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/00765

Sur les parties

Texte intégral

Dossier n°21/00765

Arrêt n°So Pièce à conviction : Extrait des minutes du Secrétariat Groffe Consignation P.C. : de la Cour d’Appel de Paris

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Ch. 2

(21 pages)

Prononcé publiquement le mercredi 16 juin 2021, par le Pôle 2 – Ch. 2 des appels correctionnels,

Sur appel d’un jugement du Tribunal Judiciaire de Bobigny – Chambre 13ème – du 2 février 2021, (B19072000011).

PARTIES EN CAUSE:

Prévenu

N’D E

Né le […] à […]

Fils de N’D R S et de SOW Fatoumata délivrée le […]

à Me A B, divorcé Détenu à la maison d’arrêt de fleury-merogis, écrou […], demeurant 3, […]

duDétenu (Mandat de dépôt du 26/06/2019, Détention provisoire 26/06/2019, Ordonnance de prolongation de la détention provisoire du 23/10/2019, Ordonnance de prolongation de la détention provisoire du 13/02/2020, Ordonnance de prolongation de la détention provisoire du 22/06/2020, Ordonnance de maintien en détention provisoire du 09/09/2020, Ordonnance de maintien en détention provisoire du 26/10/2020, Ordonnance de maintien en détention provisoire du 15/12/2020, Maintien en détention du 02/02/2021 – MA DE FLEURY-MEROGIS – N° 451990) Prévenu, appelant Comparant extrait, assisté de Maître CHABANNE Jean-Yves substituant Maître A Sandrine, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A679

Ministère public appelant incident

Composition de la cour lors des débats et du délibéré :

Président : Isabelle SCHOONWATER,

Conseillers O MACE Charles-Andor FOGARASSY,

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Greffier :

Z C aux débats et au prononcé,

Ministère public : représenté aux débats par Nadine PERRIN et Stéphane CHASSARD, et au prononcé de l’arrêt par Manon BRIGNOL, avocats généraux

LA PROCÉDURE:

La saisine du tribunal et la prévention

N’D E a été renvoyé devant le tribunal correctionnel par ordonnance de Madame F G, juge d’instruction, rendue le 7 septembre

2020.

Il est prévenu :

d’avoir à Saint-Denis, dans le département de la Seine-Saint-Denis et à Paris, du 12 mars 2019 au 24 juin 2019, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, transporté sans autorisation administrative une substance ou plante classée comme stupéfiant, en l’espèce du crack et de la cocaïne, et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 13 décembre 2013 par le tribunal correctionnel de Paris pour des faits similaires ou assimilés, infraction prévue par les articles 222-37 AL.1, 222-41 du Code pénal, les articles L.5132-7, L.5132-8 AL.1, R.5132-74, R.5132-77 du Code de la santé publique, l’article 1 de l’Arrêté ministériel DU 22/02/1990, Art. 132-10 et 132-11 du Code Pénal et réprimée par les articles 222-37 AL.1, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49, 222-50, 222-51 du Code pénal, Art. 132-8 à 132-19 du Code

Pénal;

d’avoir à Saint-Denis, dans le département de la Seine-Saint-Denis et à Paris, du 12 mars 2019 au 24 juin 2019, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, détenu sans autorisation administrative une substance ou plante classée comme stupéfiant, en l’espèce du crack et de la cocaïne, et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 13 décembre 2013 par le tribunal correctionnel de Paris pour des faits similaires ou assimilés, infraction prévue par les articles 222-37 AL.1, 222-41 du Code pénal, les articles L.5132-7, L.5132-8 AL.1, R.5132-74, R.5132-77 du Code de la santé publique, l’article 1 de l’Arrêté ministériel DU 22/02/1990, Art. 132-10 et 132-11 du Code Pénal et réprimée par les articles 222-37 AL.1, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49, 222-50, 222-51 du Code pénal, Art. 132-8 à 132-19 du Code

Pénal;

d’avoir à Saint-Denis, dans le département de la Seine-Saint-Denis et à Paris, du 12 mars 2019 au 24 juin 2019, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, offert ou cédé sans autorisation administrative une substance ou plante classée comme stupéfiant, en l’espèce du crack et de la cocaïne, et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 13 décembre 2013 par le tribunal correctionnel de Paris pour des faits similaires ou assimilés, infraction prévue par les articles 222-37 AL.1, 222-41 du Code pénal, les articles L.5132-7, L.5132-8 AL.1, R.5132-74, R.5132-77 du Code de la santé publique, l’article 1 de l’Arrêté ministériel DU 22/02/1990, Art. 132-10 et 132-11 du Code Pénal et réprimée par les articles 222-37 AL.1, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49, 222-50, 222-51 du Code pénal, Art.

132-8 à 132-19 du Code Pénal;

d’avoir à Saint-Denis, dans le département de la Seine-Saint-Denis et à Paris, du 12 mars 2019 au 24 juin 2019, en tout cas sur le territoire national et depuis temps

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non prescrit, acquis sans autorisation administrative une substance ou plante classée comme stupéfiant, en l’espèce du crack et de la cocaïne, et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 13 décembre 2013 par le tribunal correctionnel de Paris pour des faits similaires ou assimilés, infraction prévue par les articles 222-37 AL.1, 222-41 du Code pénal, les articles L.5132-7, L.5132-8 AL. 1, R.5132-74, R.5132-77 du Code de la santé publique, l’article 1 de l’Arrêté ministériel DU 22/02/1990, Art. 132-10 et 132-11 du Code Pénal et réprimée par les articles 222-37 AL.1, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49, 222-50, 222-51 du Code pénal, Art. 132-8 à 132-19 du Code Pénal;

d’avoir à Saint-Denis, dans le département de la Seine-Saint-Denis et à Paris, du 12 mars 2019 au 24 juin 2019, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, participé à un groupement ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou plusieurs délits punis de 10 ans d’emprisonnement, en l’espèce les délits de détention, transport, acquisition et offre ou cession de stupéfiants en l’espèce en se concertant pour la revente de stupéfiants, en utilisant des lignes téléphoniques dédiées et un langage codé et ce, en état de récidive légale pour avoir été condamné le 13 décembre 2013 par le tribunal correctionnel de Paris pour des faits identiques ou assimilés, infraction prévue par l’article 450-1 AL.1, AL.2 du Code pénal, Art. 132-10 et 132-11 du Code Pénal et réprimée par les articles 450-1 AL.2, 450-3, 450-5 du Code pénal, Art. 132-8 à 132-19 du Code Pénal.

Le jugement

Le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY – CHAMBRE 13EME – par jugement contradictoire, en date du 2 février 2021, a :

déclaré N’D E coupable des faits qui lui sont reprochés ;

condamné N’D E à un emprisonnement délictuel de sept ans;

ordonné le maintien en détention de N’D E;

condamné N’D E au paiement d’une amende de soixante mille euros (60000 euros);

prononcé à l’encontre de N’D E l’interdiction de séjour pour une durée de cinq ans dans les départements de Paris (75), Seine Saint Denis (93), Hauts de Seine (92) et Val de Marne (94);

ordonné à l’encontre de N’D E la confiscation des scellés suivants :

Pz 1, […], […], […], […], […], […], […], […], […], […], […], […], […], […], […];

restitué le scellé portant le numéro PZ 13, comportant une copie de certificat de nationalité française au nom de H E, né le […] à Moudery au Sénégal établi le 29 décembre 1995 par le Tribunal d’iIstance à Paris 13, une copie d’attestation de droits à ce même nom n°170059934111275, une copie de la page d’identité d’un passeport sénégalais nᵒ A01864021.

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Les appels

Appel a été interjeté par :

Monsieur N’D E, le 4 février 2021, son appel portant tant sur les dispositions pénales que civiles ;

M. le procureur de la République, le 5 février 2021 contre Monsieur N’D E.

DÉROULEMENT DES DÉBATS:

À l’audience publique du 24 mars 2021, le président a ordonné le renvoi de l’affaire à l’audience du 12 mai 2021.

À l’audience publique du 12 mai 2021, le président a constaté l’identité du prévenu assisté de son conseil. Il devra être statué contradictoirement à son encontre.

Le président a informé le prévenu de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.

L’appelant a sommairement indiqué les motifs de son appel,

Ont été entendus :

Charles-Andor FOGARASSY, Conseiller, en son rapport ; 1

Le prévenu E N’D a été interrogé et entendu en ses moyens de défense;

Le ministère public en ses réquisitions ; I

Maître CHABANNE substituant Maître A, avocat du prévenu E

-

N’D, en sa plaidoirie ;

- Le prévenu E N’D qui a eu la parole en dernier.

Puis la cour a mis l’affaire en délibéré et le président a déclaré que l’arrêt serait rendu à l’audience publique du 16 juin 2021.

Et ce jour, en application des articles 485, 486 et 512 du code de procédure pénale, et en présence du ministère public et du greffier, Isabelle SCHOONWATER, président ayant assisté aux débats et au délibéré, a donné lecture de l’arrêt.

DÉCISION:

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Au fond

Exposé des faits

Le 12 mars 2019, le deuxième district de police judiciaire de Paris était destinataire d’un renseignement anonyme selon lequel un individu de type africain surnommé « X », âgé d’environ 45 ans, de corpulence athlétique avec les cheveux courts, mesurant 1,85 m et présentant une cicatrice de plusieurs centimètres sur la joue gauche fournissait du crack de cocaïne à des revendeurs opérant dans le métro parisien ainsi qu’au lieu-dit « la colline » à proximité de la porte de la Chapelle dans le XVIIIème

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arrondissement de Paris. L’individu résidait en outre en Seine-Saint-Denis (93) et utiliserait la ligne téléphonique n°07.53.68.64.45. (D11)

[…]

1.1. Les investigations téléphoniques et l’identification de < X '>

Ces investigations téléphoniques ainsi que l’interception de la ligne attribuée au mis en cause confirmaient que « X » se rendait à de nombreux rendez-vous à Paris – Porte d’Aubervilliers, Porte de la Villette, Place de la Bataille de Stalingrad. Ses conversations étaient explicites. Ainsi, par exemple, le 15 mars 2019, un individu contactait < X » et lui demandait « un disque », ce à quoi «< X » lui demandait s’il avait les < 300 », somme que le client confirmait détenir. Ce même jour, peu avant un rendez-vous avec l’un de ses clients et ami « Bouba », ce dernier lui disait être avec un

< copain blanc»> et lui demandait s’il avait « des petits morceaux à lui vendre ». « X

-> répondait par l’affirmative. Toujours le 15 mars 2019, dans une communication avec

< Bouba »>, < X » lui expliquait que «lepetit frère » « lui en avait pris 3 », évoquant ensuite des sommes d’argent de 300 et 600 euros. Le 19 mars 2019, un individu se plaignait de la qualité de ce qui lui avait été vendu, moindre que celle d’un produit vendu antérieurement : « ce que tu m’as donné l’autre jour, c’est pas truc hein ! […] L’affaire c’est plat. J’arrive pas à la couper; ça se casse. C’est petit. Ce n’est pas comme celui que tu m’avais donné quoi ».

Lors de certaines communications, les enquêteurs pouvaient entendre des bruits évocateurs de la transformation de la cocaïne en crack.

Lors d’une conversation le 23 mai 2019, « X » disait à son interlocuteur « Là mon pote, mon tour est arrivé. J’ai déjà commencé à dominer le marché »>.

Entre le 15 mars 2019 et le 22 juin 2019, « X » utilisait successivement six lignes téléphoniques afin de gérer le trafic de stupéfiants. Lors de chacun des changements de ligne de < X », le numéro de « Bouba » faisait partie des numéros prioritairement contactés avec la nouvelle ligne. Lors d’une conversation interceptée, «X » indiquait d’ailleurs à son interlocuteur changer de ligne « chaque mois »>.

Les investigations permettaient également de placer sur écoute la ligne personnelle de

< X », à savoir le 06.05.74.56.56. Lors d’une communication, l’utilisateur de la ligne indiquait se nommer E N’D. Les vérifications opérées dans les fichiers de police ainsi que les surveillances réalisées confirmaient cette identité.

Par ailleurs, des conversations avec un individu non identifié, utilisateur de la ligne 07.53.13.26.43 étaient significatives, et il apparaissait que cet individu était susceptible d’être le fournisseur de stupéfiants de « X ». L’utilisateur de cette ligne semblait résider sur la commune de Drancy. Cet individu ne pouvait toutefois pas être identifié.

< X » entretenait des relations nombreuses avec des individus en lien avec le trafic de crack. Par exemple, un certain « Paco », qui ne pouvait être identifié, revendait manifestement du produit pour son compte, de même que notamment « Aliou »>, < Babs

», ou encore différents individus pour lesquels aucun surnom ne se dégageait des écoutes. Les recherches effectuées sur certains de ces clients de «< X » démontraient systématiquement qu’ils se déplaçaient quotidiennement à la « colline » ou près de la place de la Bataille de Stalingrad, à Paris, lieux connus pour l’achat et la revente de crack.

Parmi les nombreux clients, plusieurs échanges avec un individu surnommé «< Mor »>, utilisateur de la ligne téléphonique 06.05.51.96.60 étaient également constatés. Le 15 mars 2019, une communication entre les deux interlocuteurs permettait de caractériser

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un rendez-vous en début d’après midi pour que « X » remette < 10 » à « Mor ». Il ressortait des interceptions que «< X » et « Mor » se retrouvaient souvent, «Mor » remettant soit de l’argent soit des invendus à « X » et « X » lui fournissant du produit à vendre.

Un conflit autour d’une dette de « Mor » envers « X » éclatait à la fin du mois de mars

2019 et les relations cessaient ensuite entre eux. «< X » utilisait souvent < Bouba » comme intermédiaire dans ses relations avec «< Mor ». Au début du mois d’avril 2019, les écoutes permettaient de comprendre que « X » cherchait à « s’occuper de Mor »>, soit lui-même soit en recrutant des individus chargés d’aller le trouver à « la colline »>. Le 19 mai 2019, il racontait d’ailleurs le passage à tabac par lui-même et «des petits'> de « Mor », à «< la colline ».

Par ailleurs, un certain « Sidy » était également en relations très suivies avec «< X '> et les interceptions de leurs conversations permettaient d’établir que « Sidy » faisait parti des vendeurs privilégiés de «< X ». Toutefois, leurs relations cessaient subitement et sans explication le 27 mai 2020 et les investigations ne permettaient pas d'identifier la personne de «< Sidy ».

1.2. Les investigations téléphoniques et l’identification de < Bouba »

L’un des interlocuteurs privilégié de «< X », surnommé « Bouba » et utilisateur de la ligne 07.58.73.70.91, échangeait quotidiennement avec « X » et semblait effectuer le lien entre ce dernier et des clients de stupéfiants. Ainsi, par exemple, dans une communication interceptée le 3 avril 2019 à 22 heures 20, < X » lui demandait de s’occuper » d’une personne qui venait d’arriver chez lui, de le suivre de près et de garder chez lui tout ce qu’il lui remettrait »>, et « qu’il passera chez lui quand il aura le temps »>.

Quelques minutes après cette conversation, «< X » demandait à « Bouba » de préciser

à ce client qu’il « notait tout ce qu’il lui remettait dans un carnet », « qu’il savait combien il restai ».

Grâce aux interceptions ainsi qu’à des recherches dans les fichiers de police et des surveillances, l’utilisateur de la ligne 07.58.73.70.91, surnommé « BOUBA » au cours des conversations, était identifié en la personne de K N’Q né le […] à Dakar.

Les interceptions de la ligne téléphonique de « Bouba » confirmaient son rôle d’intermédiaire en < X » et des clients, et qu’il revendait du crack à des clients, tandis que, à « la colline », il pouvait garder de l’argent pour certains trafiquants ou des stocks de stupéfiants, particulièrement en cas de contrôle de la police. Il lui arrivait également de prévenir en cas de suspicion d’arriver de la police à « la colline ».

1.3. Les investigations téléphoniques et l’identification < d’Ibra »

A partir du 20 mai 2019, un certain « Ibra » était régulièrement en contact avec «< X

-> et semblait devenir son vendeur principal. Ainsi, le 22 mai 2019, alors que < X '> disait à « Ibra » qu’il allait venir, l’on entendait en fond de la conversation un bruit particulier évocateur de la transformation de la cocaïne en crack. Ce même jour, < Ibra

»> devait être accompagné d’un jeune qui « voulait prendre un truc » à « X ». Le 24 mai 2019, < X » demandait à « Ibra » de collecter l’argent. Il achetait à crédit auprès de < X » et allait revendre le produit à « la colline ». « Ibra » parlait régulièrement à

< X '> de ses < petits » à « la colline », et demandait à plusieurs reprises à < X » s’il avait quelque chose pour l’un ou l’autre de ses « petits ». « X » disait d’ailleurs de celui-ci qu’il connaissait beaucoup de « petits » à « la colline » et qu’il les avait < tous récupérés », depuis sa libération.

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< X » semblait d’ailleurs l’associer étroitement à son trafic (par exemple : « là où nous en sommes, nous ne pouvons pas supporter des pertes »), bien qu’il soit manifeste dans les conversations que « X » demeurait le donneur d’ordres. < Ibra » trouvait aussi des clients sur place, qu’il ne connaissait pas forcément avant, mais qui étaient prêts à payer immédiatement. Il appelait < X » pour qu’il lui apporte la quantité adéquate de crack à vendre.

Les investigations téléphoniques démontraient que « Ibra » fréquentait beaucoup le secteur de la Porte de la Chapelle, où se trouvait le lieu surnommé « la colline », tous les jours entre la fin de l’après-midi et 01h00 du matin. Il se rendait régulièrement à la Porte de Paris, à Saint-Denis, lieu de rendez-vous avec « X », comme par exemple les 21 mai et les 1er et 5 juin 2019.

Contrôlé le 18 juin 2019 dans le cadre d’une affaire distincte de recel, il déclarait se nommer I J né le […] à Libreville au Gabon. Une filature à l’issue de sa garde à vue permettait de localiser son domicile.

1.4. Les surveillances

1.4.1. La surveillance du 8 avril 2019

L’interception le 8 avril 2019 à 09h37 d’une communication entre la ligne X 3 et le surnommé «< Bouba » dans laquelle X indiquait qu’il allait se rendre à la « colline » située porte de la Chapelle afin d’y récupérer de l’argent auprès du surnommé «< Mor » conduisait les enquêteurs à mettre en place une surveillance qui permettait l’identification formelle à 10h20 d’E N’D alors qu’il quittait la < colline » et se dirigeait à pieds en direction de Paris. Il empruntait ensuite un tramway puis le bus jusqu’à un immeuble sis […], adresse correspondant à la cellule activée par sa ligne téléphonique n°07.58.27.74.37.

1.4.2. La surveillance du 15 avril 2019

Le 15 avril 2019 à 13h30, les enquêteurs constataient qu’E N’D quittait à 15h50 son domicile d’Aubervilliers et empruntait le bus n°35 pour se rendre porte de Clignancourt. Il se rendait ensuite à l’arrêt du tram et se faisait aborder par un individu de type africain âgé d’une trentaine d’années portant un sac à dos de marque Puma. La discussion était énergique entre les deux hommes et un échange semblait intervenir sans que les fonctionnaires ne puissent en préciser l’objet.

L’individu de type africain reprenait ensuite le tram en compagnie de deux autres individus et se rendait à la « colline » le long du boulevard périphérique au niveau de la porte de la Chapelle où il prenait contact avec de nombreux toxicomanes.

X, pour sa part, se rendait en bus n°255 jusqu’à la porte de Paris à Saint-Denis (93), se dirigeait ensuite à l’arrêt du tram où il prenait contact avec un individu de type africain portant à une veste de survêtement du Paris-Saint-Germain et une casquette Gucci qui lui semblait remettre une liasse de billets.

X prenait enfin le tram en direction du parc de la Légion d’Honneur à Saint-Denis.

1.4.3. La surveillance du 5 juin 2019

Le 5 juin 2019, l’interception d’une communication entre « X » et « Ibra » à 13h40 faisant état d’un prochain rendez-vous conduisait les enquêteurs à mettre en place une surveillance au domicile de «< X » sis […].

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La géolocalisation de la ligne téléphonique de « X »permettait de le localiser à 14h35 dans le restaurant < Buff Hallal » situé 3, bis rue Gabriel Péri à Saint-Denis (93). Il était rejoint à 14h45 par un individu de type africain portant un sweat à capuche de couleur kaki et un bas de survêtement gris. Les deux individus finissaient par quitter les lieux à 15h10 et, tandis que X prenait le métro, « Ibra »montait dans le bus n°153 pour en descendre porte de la Chapelle. Il se dirigeait ensuite vers la « colline » et prenaient contact avec des individus, certains susceptibles d’être des toxicomanes et d’autres plus vraisemblablement des vendeurs. Il s’approchait enfin d’une cabane à côté de laquelle se tenait également le dénommé « Bouba » aperçu lors de la surveillance du 3 juin 2019, sans qu’il soit possible pour les enquêteurs de déterminer l’existence d’une prise de contact entre ces derniers.

1.4.4. La surveillance du 17 juin 2019

L’interception d’une communication entre la ligne téléphonique de « X » («< X 5 ») et celle d'«< Ibra » le 17 juin 2019 à 14h55 au cours de laquelle le premier indiquait être

< arrivé au restaurant et qu’il l’attendait devant » conduisait les enquêteurs à mettre en place une surveillance à proximité du restaurant « Buff Hallal » situé 3, bis rue Gabriel Péri à Saint-Denis (93). Ils constataient alors un nouveau rendez-vous entre les deux protagonistes à 15h50 qui s’attablaient alors dans le fast food. Ils en sortaient à 15h20 et les enquêteurs prenaient alors «< Ibra » en filature. Il empruntait une nouvelle fois la ligne de bus n°153 et descendait à l’arrêt « Proudhon » sur l’avenue du Président

Wilson. Se montrant particulièrement méfiant, « Ibra »remontait l’avenue du Président Wilson en direction de la porte de la Chapelle, prenait l’impasse Marteau puis grimpait

-en ne cessant de se retourner-sur une petite bute donnant accès au périphérique qu’il longeait alors pour rejoindre une fois encore la < colline ».

1.4.5. La surveillance du 19 juin 2019

A l’issue de sa garde à vue pour des faits de recel le 19 juin 2020 à 12h05, I J se dirigeait vers la porte de la Chapelle puis vers la « colline » qu’il atteignait vers 13h00. Il quittait les lieux vers 14h10 et prenait le bus n°153 jusqu’à la porte de Paris à Saint Denis. Il s’engageait ensuite dans la rue Gabriel Péri puis rentrait dans un immeuble sis au […].

1.5. Les interpellations, perquisitions et interrogatoires

1.5.1. E N’D

Le 24 juin 2019 à 06h45, les enquêteurs pénétraient dans l’appartement d’E H sis […]. Leur entrée était retardée par la nécessité d’utiliser un bélier pour enfoncer la porte du domicile du prévenu après l’utilisation d’une presse hydraulique et ils entendaient distinctement un bruit d’écoulement d’eau évocateur d’une chasse d’eau. Ils pénétraient finalement dans l’appartement et interpellaient E H qui tentait de les empêcher d’entrer dans les toilettes.

La perquisition de son domicile permettait la découverte :

d’un morceau de cellophane dans la cuvette des toilettes contenant une substance blanchâtre pour un poids total de deux grammes réagissant positivement au test identa cocaïne ;

- dans la cuisine : un sac contenant trois cents grammes de poudre pouvant être du produit de coupe, une boîte de bicarbonate, une balance électronique marquée Yingjie, une balance électronique marquée Tristar, un lot de sacs plastique servant de conditionnement, un rouleau de film cellophane semblant correspondre à l’emballage

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de la cocaïne découverte dans les toilettes, un réchaud électrique sans marque, trois tasses contenant des résidus de matière blanchâtre réagissant positivement au test identa cocaïne, une marmite de couleur noire marquée Tefal contenant des résidus de matières blanchâtre réagissant positivement au test cocaïne, un récipient type tupperware contenant des résidus de matières blanchâtres réagissant positivement au test cocaïne; dans la chambre : un téléphone de marque Samsung de couleur blanc, un téléphone de marque Kechadda de couleur gris, un téléphone de marque Konrow, un carnet bleu de marque spiral mémo supportant des comptes, une sacoche noire marquée Puma contenant une copie de certificat de nationalité française au nom de H E né le […] à Moudery au Sénégal établi le 29 décembre 1995 par le tribunal d’instance de Paris, une copie de la page d’identité d’un passeport sénégalais n°A01864021, un carnet de compte, dans une sacoche de marque Armani deux téléphones Samsung de couleur noire et un téléphone Samsung de couleur blanc ;

- dans l’armoire de la chambre : la somme de 1350 euros composée de quatre billets de 5 euros, quatre-vingt-un billets de 10 euros, vingt-et-un billets de 20 euros et un billet de 100 euros;

- dans une valise fermée par un cadenas dans l’armoire de la chambre : la somme de 7025 euros composée de soixante dix-neuf billets de 5 euros, deux cent quarante quatre billets de 10 euros, quatre-vingt sept billets de 20 euros, quarante trois billets de 50 euros et trois billets de 100 euros, ainsi qu’une pochette de marque Tommy Hilfiger, une montre marquée Skyline de couleur orange, une montre de marque Tissot et une montre de marque Skyline.

Son test toxico-urinaire était positif au cannabis mais négatif à la cocaïne.

Lors de son premier interrogatoire sur les faits, E N’D admettait utiliser le surnom < X» ainsi que la ligne téléphonique n°06.05.74.56.56 mise sous. interception. Il contestait toute implication dans un trafic de stupéfiants. Sur le plan professionnel, il expliquait qu’il achetait des vêtements, des ordinateurs et des portables à des chinois en France qu’il expédiait ensuite au Sénégal. Les transactions se faisaient en espèces et il n’avait aucun justificatif.

Malgré son test toxico-urinaire négatif à la cocaïne, il maintenait consommer du cannabis, de la cocaïne et du crack de cocaïne à raison d’une à deux fois par mois. Il précisait s’approvisionner à la porte de la Chapelle. Il contestait formellement avoir tenté de se débarrasser de produits stupéfiants dans les toilettes de son domicile lors de l’intervention des forces de l’ordre, précisant qu’il s’était levé pour aller aux toilettes. Interrogé sur les deux grammes de crack de cocaïne découverts dans la cuvette des toilettes, il indiquait qu’il les avait à la main car il s’apprêtait à les fumer et qu’ils étaient tombés après qu’il ait tiré la chasse d’eau.

Entendu sur les scellés, il déclarait que :

les 300 grammes de poudre pouvant être du produit de coupe correspondait à de

-

l’engrais;

- les boîtes de bicarbonate étaient destinés à traiter ses problèmes d’estomac ;

- il utilisait les balances électroniques pour faire la cuisine;

- il avait emballé le crack découvert dans les toilettes avec du cellophane ;

- le réchaud électrique était destiné à remplacer sa cuisinière qui ne fonctionnait plus ;

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- les trois tasses contenaient des résidus de cocaïne car il avait relavé les deux grammes de crack de cocaïne en les plongeant dans une tasse d’eau chaude puis deux tasses d’eau froide;

les résidus de cocaïne découverts dans la marmite ainsi que dans un tupperware correspondaient à l’eau de rinçage de ses deux grammes de cocaïne.

Il contestait avoir fabriqué du crack de cocaïne, même s’il reconnaissait que les différents ustensiles découverts à son domicile permettaient d’y procéder.

Il affirmait enfin que les sommes d’argent découvertes à son domicile étaient des gains commerciaux évalués à 2000 ou 3000 euros mensuels.

L’analyse des différents téléphones saisis lors de la perquisition permettaient de constater que l’IMEI n°352581/10/184963/9 du téléphone Samsung blanc, dont E N’D reconnaissait la propriété, correspondait à un boîtier utilisé avec trois autres lignes lui appartenant.

Lors de son second interrogatoire, E N’D déclarait que les différents téléphones portables découverts à son domicile étaient destinés à être revendus. S’il reconnaissait l’utilisation de sa ligne « privée » n°06.05.74.56.56, il prétendait en revanche ne pas savoir s’il avait utilisé toutes les lignes téléphoniques qui lui avaient été attribuées. Il prétendait par ailleurs ne pas avoir le souvenir d’avoir introduit plusieurs puces différentes dans le téléphone Samsung blanc découvert à son domicile.

Il était interrogé sur les différentes conversations interceptées :

communication du 15 mars 2019 à 18h49 interceptée sur la ligne X 1, au cours de laquelle un individu lui commande « un disque », ce à quoi il répondait positivement. Il demandait ensuite à son interlocuteur si « c’était complet », s’il avait « les 300 »: il expliquait que le disque faisait référence au frein d’un vélo qui lui avait été volé et non pas à un disque de crack de cocaïne ;

communication du 20 mars 2019 à 18h34 interceptée sur la ligne X 1 avec un individu surnommé « Paco » qui lui demandait alors « de lui faire du bon ». Il l’interrompait alors immédiatement en lui disant « Ne parle pas de ça au téléphone » : il ne savait pas de quoi il s’agissait ;

communication du 22 mars 2019 à 17h04 sur la ligne X 1 avec un individu surnommé « Mor » au cours de laquelle E H commençait par lui demander « d’apporter ce qu’il lui restait » s’il « n’était pas prêt ». Il lui expliquait que « tout le monde était prêt » et Mor l’informait alors qu’il allait lui « apporter l’argent » mais que « ce ne sera pas complet » car il « en avait remis à un gars pour vendre ». X informait « Mor » qu’il lui avait remis « 10 », Mor lui indiquant alors qu’il lui restait « un et demi » pour travailler. Il demandait enfin à Mor de lui donner les « 2000 » pour « travailler » pour que l’autre puisse lui apporter « les bagages »: E H reconnaissait qu’il était bien l’interlocuteur de l’individu surnommé « Mor », dont il prétendait ne pas connaître l’identité, et refusait d’indiquer quel était l’objet de la conversation.

Les conversations avec « Bouba » :

communication du 15 mars 2019 à 16h35 au cours de laquelle Bouba l’informait être avec un copain blanc et lui demandait s’il avait « des petits morceaux à vendre », ce à quoi il répondait par l’affirmative: il contestait à vendu quelque chose à Bouba qui était comme « un grand frère » ;

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- communication du 15 mars 2019 à 20h45 où il informait Bouba qu’il avait remis < 3

-> à un tiers contre la somme de «< 600 » et qu’il lui devait encore «< 300 » : s’il contestait toute remise à Bouba, il finissait par déclarer qu’il pouvait s’agir d’un vélo à disque ;

- communication du 3 avril 2019 à 22h20 avec la ligne X 3 au cours de laquelle il indiquait à Bouba qu’il « possédait un carnet dans lequel il notait tout et qu’il savait combien il restait » : il s’agissait de ses rendez-vous ;

- dans cette même communication, Bouba l’informait qu’un individu venait d’arriver et il lui demandait alors « de s’en occuper »>. Interrogé par Bouba sur le point de savoir s’il allait < venir prendre ceux qui étaient avec lui », E H lui répondait négativement et lui demandait de les « garder chez lui y compris ce que Xh allait lui remettre » : il prétendait ne pas savoir de quoi il s’agissait;

- communication du 5 avril 2019 à 23h20 entre la ligne X 3 et Sidy au cours de laquelle ce dernier lui déclarait que « deux jeunes avaient besoin de quelque chose », ce à quoi X lui ordonnait « d’arrêter de parler de ça au téléphone » : il s’agissait de téléphones ou d’ordinateurs.

Interrogé sur les raisons pour lesquelles il changeait de ligne le 26 avril 2019 après que Sidy lui eut indiqué avoir « cassé sa ligne téléphonique » en raison de l’interpellation

< d’un jeune au teint clair », il expliquait qu’il avait du perdre son téléphone portable.

- Les conversations avec I J alias M N

Il précisait qu’M alias Ibra était un de ses amis. Interrogé sur les raisons pour lesquelles ils se voyaient quotidiennement depuis le 20 mai 2019, il expliquait que c’était un ami et refusait de préciser l’objet de leurs conversations.

communication du 22 mai 2019 à 22h21 entre la ligne X 5 ct Ibra au cours de

-

laquelle ce dernier lui demandait s’il avait « avait quelque chose pour un de ses petits

» et que ce petit « pouvait lui en prendre aujourd’hui et régler demain '> : il ignorait l’objet de la conversation et contestait vendre du crack à crédit;

- communication du 23 mai 2019 à 00h01 entre la ligne X 4 et un certain < Babs '> au cours de laquelle il l’informait être passé « à la colline » et avoir rencontré < Ibra ». Il précisait à son interlocuteur qu’Ibra avait été libéré à la suite de son interpellation, qu’il « connaissait beaucoup de petits là-bas et qu’il les avait tous récupérés » : les petits '> correspondaient à la famille d’Ibra et non à des revendeurs de crack de cocaïne ;

- dans cette même communication, il informait < Babs » qu’Ibra avait < vendu toutce qu’il lui avait apporté et qu’il avait commencé à dominer le marché »: il s’agissait de la vente d’ordinateurs portables et de téléphones.

Interrogé sur ses nombreux rendez-vous avec des individus dans les XVIIIème et XIXème arrondissement de Paris, en particulier dans un restaurant à proximité de la porte de Paris, qui se rendaient ensuite sur la « colline » porte de la Chapelle, il expliquait qu’il s’agissait d’amis.

E H n’était pas en mesure d’expliquer pour quelle raison Ibra se rendait à l’issue de chacune de leur rencontre sur la « colline » porte de la Chapelle et contestait toute implication dans un trafic de crack de cocaïne.

Il ne reconnaissait en définitive que les seuls faits de détention non autorisée de produits stupéfiants.

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1.5.2. M N alias I J

Le 24 juin 2019 à 13h15, les policiers procédaient à l’interpellation d’I J devant son domicile sis 3, rue Franklin à Saint-Denis. Il était trouvé en possession d’un téléphone à clavier de marque SAMSUNG et un smartphone blanc de marque Wiko.

La perquisition du domicile du prévenu situé au deuxième étage permettait de découvrir :

- un papier absorbant contenant un disque blanc d’un poids total de 5,5 grammes et cinq petits morceaux blancs d’un poids total, quant à eux, de 0,6 grammes, le tout réagissant positivement au test identa cocaïne ;

- la somme de mille euros composée de quatre billets de 100€, quatre billets de 50€ et vingt billets de 20€ ;

- dans la poche d’une veste noire la somme de neuf cents euros composée de douze billets de 50€ et quinze billets de 20€ ;

- un billet de sortie de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis au nom d’I J.

A l’issue de la perquisition, et alors que les enquêteurs rassemblaient quelques effets personnels pour I J, ce dernier les bousculait et parvenait à sauter par la fenêtre dans la cour intérieure de l’immeuble. Présentant de multiples fractures aux jambes, il était rapidement pris en charge par les pompiers et acheminé aux urgences de l’hôpital Beaujon.

Il se voyait attribuer une incapacité totale de travail de 90 jours.

Interrogé à l’hôpital Bichat le 9 juillet 2019, il expliquait qu’il se nommait en réalité M N né le […] à […]. Il reconnaissait immédiatement sa participation à un trafic de crack de cocaïne avec le dénommé « X

»>. Il précisait qu’il avait été incarcéré jusqu’au 16 mai 2019 pour des faits de trafic de crack et qu’il avait repris attache le 20 mai 2019 avec « X » qu’il désignait comme étant son < patron qui le faisait travailler ».

Il expliquait qu’il s’approvisionnait en crack de cocaïne auprès de «< X », qui lui faisait l’avance du produit, et qu’il le revendait à des vendeurs travaillant sur la «< colline » appelés les « Modous ». Récupéran l’argent à l’issue, il le remettait à X qui achetait

alors de la cocaïne pour la transformer en crack. Il avait, disait-il, rencontré des difficultés financières à sa sortie de prison et X lui avait proposé de travailler pour lui. Il précisait que X lui vendait à crédit les disques ou les galettes de crack à 280 euros et il les revendait 300 euros pour obtenir une bénéfice de 20 euros par unité revendue. Interrogé sur les différentes surveillances au cours desquelles il avait rencontré X, il expliquait que celui-ci lui remettait les stupéfiants et qu’il partait ensuite les vendre sur la « colline ».

Il s’expliquait sur les conversations avec < X '> : siplinon we will sur la communication du 20 mai 2019 à 23h34 entre sa ligne 07.43.56.60.77 et celle de X où il lui demande s’il « pouvait lui donner quelque chose pour son petit »>, X lui déclarant ne pas vouloir en parler au téléphone : il confirmait qu’il tentait d’obtenir du crack pour l’un de ses revendeurs ;

- sur la communication du 24 mai 2019 à 19h32 où il indiquait à X que quelqu’un avait besoin de quelque chose, ce à quoi ce dernier répondait par l’affirmative en expliquant qu’il avait besoin cependant d’autre chose et que cela bloquait. Il ajoutait que

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si l’argent arrivait de son côté, il passerait un appel et il aurait ce qu’il demande : il prétendait que la conversation concernait un revendeur qui n’avait pas d’argent et pour lequel X proposait à Ibra d’avancer l’argent pour lui remettre le crack;

- sur la communication du 24 mai 2019 à 23h28 dans laquelle X lui indiquait qu’il était en pleine forme et qu’il allait tous les deux pouvoir faire de bonnes affaires : il affirmait que X évoquait la vente de crack.

S’agissant du disque de crack découvert à son domicile, il expliquait qu’il lui avait été fourni par X. Il précisait que chaque disque de crack pesait entre 5 et 6 grammes.

Interrogé enfin sur les raisons pour lesquelles il avait sauté par la fenêtre pour s’évader, il expliquait qu’il était désemparé et qu’il avait des enfants et une famille qui comptait sur lui au Sénégal.

A l’issue de son audition, il lui était remis une convocation afin qu’il se présente devant juge d’instruction le 30 septembre 2019, convocation qu’il n’honorait pas.

***

2. L’INFORMATION JUDICIAIRE

Une information judiciaire était ouverte le 26 juin 2019 contre E H et tous autres des chefs de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit puni de dix ans d’emprisonnement, transport, détention, offre ou cession et acquisition non autorisés de stupéfiants en récidive, en l’espèce du crack et de la cocaïne, commis à Saint Denis (93) et à Paris (75) entre le 12 mars 2019 et le 24 juin 2019.

2.1.L’arrestation, la perquisition et l’interrogatoire de K L

K L, né le […] à […], était interpellé le 16 septembre 2019 sur commission rogatoire alors qu’il s’apprêtait à rentrer dans sa chambre d’hôtel sise […] dans le […]. (D1067 à D1094)

La perquisition de sa chambre permettait de saisir trois pipes à crack et la somme de 3850 euros composée de soixante quatre billets de 50 euros, douze billets de 20 euros, quatre billets de 100 euros et un billet de 10 euros.

Lors de sa garde à vue K L déclarait qu’il consommait une à deux galettes de crack de cocaïne par jour depuis près de 30 ans. Il expliquait que < X '> fournissait les revendeurs de crack de cocaïne de la « colline » porte de la Chapelle et qu’il lui arrivait de collecter l’argent des ventes auprès des « modous » pour le remettre 1 à < X ». Il ajoutait qu’il mettait également en contact avec «< X » les nouveaux modous » et autres consommateurs. En échange de ses services, X lui fournissait gratuitement sa consommation de crack.

Il ajoutait que l’individu surnommé «< Mor » était bien un « modou de la colline » mais refusait d’en dire davantage. Il précisait qu’il avait plus présenté de toxicomanes que de

< modous » à X.

Les 3850 euros découverts dans sa chambre d’hôtel provenaient d’une tontine. Il refusait de préciser aux enquêteurs quels étaient les membres de la tontine.

Lors de son second interrogatoire, il expliquait qu'« Ibra » était l’homme de main de

< X » et qu’il était chargé de gérer les « modous » de X qui travaillaient à la «

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colline ». Il leur apportait la drogue puis se faisait remettre le produit des ventes à l’intention de «< X ». Il ajoutait que celui-ci avait également des « modous » à Stalingrad et dans le parc de la rue d’Aubervilliers.

Lors de son interrogatoire de première comparution le 17 septembre 2021, il maintenait qu’E H était « le pilier » de ce trafic et qu’il « détenait tout »>. S’agissant de sa propre implication, il revenait en partie sur ses déclarations de garde vue en indiquant qu’il s’était contenté de mettre en relation de simples toxicomanes avec

< X ». S’il reconnaissait avoir remis du crack à certains revendeurs de X, il contestait en revanche avoir collecté de l’argent pour le compte de ce dernier.

Interrogé au fond le 29 janvier 2020 par le juge d’instruction, il revenait sur l’ensemble des accusations formulées à l’encontre d’E N’D tant en garde à vue que lors de sa première comparution, affirmant que les enquêteurs avaient écrit < n’importe quoi

» et qu’ils voulaient « l’enfoncer ». Il confirmait être un simple consommateur de crack. Il indiquait qu’il n’avait jamais vu E H transformer la cocaïne en crack mais estimait que « logiquement c’est lui qui devait le faire ». Il reconnaissait seulement avoir reçu un appel d’E H lui demandant d’aller récupérer de l’argent, précisant qu’il n’avait plus eu de nouvelles de la part de ce dernier par la suite. Il Î’identifiait enfin sur présentation d’un tapissage photographique.

2.2. L’interrogatoire d’M N

Il identifiait formellement E H comme l’individu prénommé X et pensait qu’il < vendait du crack ». Il reconnaissait avoir remis du crack à des revendeurs

à la demande de X, ceci afin de pouvoir envoyer un peu d’argent à sa famille. Il lui arrivait également de récupérer l’argent des revendeurs pour le remettre à E H. Il ignorait si ce dernier transformait la cocaïne en crack et contestait les déclarations de K L le désignant comme le «< bras droit de X ». Il expliquait qu’il avait progressivement cessé de contacter E H à compter de la fin du mois de mai 2019 car il ne voulait plus avoir affaire à lui.

2.3. Les interrogatoires au fond d’E N’D

Entendu par le juge d’instruction le 31 janvier 2020, E N’D reconnaissait se faire surnommer < X » ainsi que les faits de détention de produits stupéfiants eu égard aux différents éléments découverts lors de la perquisition à son domicile. Il contestait en revanche la vente de crack de cocaïne aux revendeurs de la « colline » de la porte de la Chapelle.

Interrogé sur ses ressources, il expliquait qu’il se « débrouillait » en achetant des marchandises des vêtements, des ordinateurs et des téléphones portables – à des 1

chinois qu’il expédiait ensuite au Sénégal par l’intermédiaire des personnels des compagnies aériennes. Il affirmait que l’ensemble de ses justificatifs avaient été volés après la perquisition à son domicile.

Sur la géolocalisation de ses téléphones portables dans les XVIIIème et XIXème arrondissements de Paris au cours de la période de prévention des faits, il expliquait y avoir < passé toute sa vie après avoir fui la ville de Rouen »>.

Il contestait formellement avoir empêché les policiers d’entrer dans les toilettes de son appartement, précisant qu’il avait été surpris alors qu’il était en train de faire ses prières. Il expliquait la présence des deux grammes de crack de cocaïne emballés dans du papier cellophane dans la cuvette des toilettes par le fait qu’ils avaient dû tomber par mégarde.

Il maintenait que la présence de résidus de cocaïne dans trois tasses ainsi que dans une marmite découvertes à son domicile s’expliquait par le fait qu’il avait préalablement

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nettoyer ses stupéfiants. Il affirmait à nouveau que la poudre s’apparentant à du produit de coupe était de l’engrais et que le bicarbonate de soude était destiné à traiter des maux d’estomac. Le réchaud était en outre destiné à remplacer sa cuisinière qui ne fonctionnait plus.

Il soutenait enfin que les sommes d’argent correspondaient à ses économies.

Sur les surveillances, il n’éta pas en mesure d’expliquer pour quelles raison M N se rendait à la « colline » à l’issue de leur rencontre dans le fast food « Buff Hallal

»>. Il contestait formellement s’être fait remettre des billets lors de la surveillance du 15 avril 2019.

Sur les interceptions téléphoniques et les raisons l’ayant conduit à changer si régulièrement de ligne téléphonique, il expliquait que les gens l’appelaient pour de la drogue et qu’il cassait alors la puce pour ne pas retomber dans le trafic de stupéfiants.

Il maintenait en outre que les différentes communications n’avaient aucun lien avec le trafic de stupéfiants.

- communication du 18 avril 2019 à 18h48 entre sa ligne personnelle 06.05.74.56.56 et K L au cours de laquelle ce dernier lui indiquait qu’il « avait besoin de trucs qu’on sniffe et les bagages pour mes gars » : il expliquait que K L buvait beaucoup d’alcool et qu’il ne pouvait pas contrôler ses délires ;

- communications entre le 5 et le 9 avril 2019 interceptées sur la ligne X 3 dans lesquelles il demande à ses interlocuteurs, en particulier « Bouba », d’aller trouver

< Mor » sur la « colline » et de lui « régler son compte » :il affirmait ne pas en avoir le souvenir;

- communications sur X 6 en cote D543 ct suivantes dans lesquelles il évoquait des relations de travail et d’argent avec «< Ibra » ainsi que des dettes à récupérer: il évoquait la vente le 23 mai 2019 d’un ordinateur par « Ibra » mais n’expliquait pas les raisons pour lesquelles il en parlait lors d’une communication du 21 juin suivant; interrogé sur l’utilisation du mot « modou » désignant les revendeurs de crack gabonais – il

expliquait que ce terme désignait les sénégalais.

Sur les déclarations des autres mis en examen et les accusations portées à son encontre par K L le désignant explicitement comme un fournisseur de crack aux revendeurs de la « colline » et indiquant en outre que les différentes conversations interceptées étaient en relation avec du trafic de stupéfiants, E N’D contestait formellement toute implication dans les faits de la procédure. Il contestait également les déclarations de K L désignant « Ibra » comme étant son homme de main.

Il n’était pas en mesure d’expliquer non plus les accusations portées à son encontre par M N le désignant comme un trafiquant de crack de cocaïne et l’appelant patron » (communication en D1037).

2.4. La confrontation

Au cours de la confrontation organisée le 29 mai 2020 entre les trois mis en examen :

- K L revenait une nouvelle fois sur les accusations portées en garde à vue à l’encontre d’E N’D, en indiquant que « c’était les flics qui l’avaient dit

»;

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E N’D contestait les accusations portées à son encontre par K L et par M N, mettant K L hors de cause dans les faits de la présente procédure.

***

3. L’AUDIENCE

A l’audience devant le tribunal correctionnel de Bobigny du 2 février 2021, le prévenu maintenait sa version des faits. Il reconnaissait avoir acheté de la cocaïne à l’individu surnommé «< Mor » qu’il désignait comme un indicateur de la police. S’agissant des bruits de cliquetis entendus sur les écoutes et susceptibles de correspondre au bruit de la transformation de la cocaïne en crack, il expliquait utiliser son réchaud pour des inhalations prescrites sur ordonnance, ordonnances dont il n’était pas retrouvé trace.

***

Personnalité et situation matérielle, familiale et sociale du prévenu

E N’D est né le […] à Moudery au Sénégal.

Il est de nationalité française.

Il a quitté le Sénégal à l’âge de 18 ans pour venir s’installer à Rouen dans la famille de son père. Il s’est ensuite rendu à Paris pour y retrouver son grand frère. Il a dormi dans la rue et a vécu dans des squats. Il a travaillé dans le textile, dans une poissonnerie. Il a commencé à consommer des produits stupéfiants à la suite du suicide de sa meilleure amie.

Il a un niveau d’étude secondaire sans plus de précision.

Il est divorcé de Madame O P et a un fils prénommé Y âgé de 8 ans au moment de son interpellation.

Il serait B pour un salaire mensuel moyen compris entre 2000 et 3000 euros.

Il est consommateur de cannabis et de crack de cocaïne.

Son casier judiciaire porte trace de dix-huit condamnations définitives et antérieures aux faits suivantes :

- interdiction de séjour pendant 3 ans sur le territoire national prononcée le 27 mai 1993 par le tribunal correctionnel de Paris pour recel de vol et entrée ou séjour irrégulier d’un étranger en France commis le 26 mai 1993;

- 6 mois d’emprisonnement avec sursis assorti d’une mise à l’épreuve pendant 2 ans prononcés le 26 mars 1997 par le tribunal correctionnel de Paris pour violences aggravées par deux circonstances n’ayant pas entraîné d’incapacité totale de travail supérieure à 8 jours et usage illicite de stupéfiants commis le 29 janvier 1997;

- 4 mois d’emprisonnement prononcés le 4 juin 1998 par le tribunal correctionnel de Paris pour cession ou offre de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle commis le 2 juin 1998;

- 1 an d’emprisonnement prononcé le 9 novembre 1998 par le tribunal correctionnel de Paris pour cession ou offre de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle et usage illicite de stupéfiants commis le 7 novembre 1998;

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15 mois d’emprisonnement dont 7 mois assortis d’un sursis avec mise à l’épreuve pendant 3 ans prononcés le 12 juillet 2000 par le tribunal correctionnel de Paris pour cession ou offre de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle commis le 10 juillet 2000;

- 8 mois d’emprisonnement prononcés le 12 avril 2002 par le tribunal correctionnel de Paris pour violence avec usage ou menace d’une arme sans incapacité commis le 4 avril

2002;

- 1 an d’emprisonnement prononcé le 26 septembre 2002 par le tribunal correctionnel de Paris pour violence avec usage ou menace d’une arme suivie d’une incapacité supérieure à 8 jours commis le 6 septembre 2001 ;

- 4 mois d’emprisonnement prononcés le 4 novembre 2002 par le tribunal correctionnel de Paris pour violence sur personne dépositaire de l’autorité publique suivie d’incapacité n’excédant pas huit jours commis le 23 juin 2002;

- 3 mois d’emprisonnement prononcés le 7 janvier 2005 par le tribunal correctionnel de Paris pour recel de bien provenant d’un vol commis le 14 novembre 2004;

- 6 mois d’emprisonnement prononcés le 17 janvier 2005 par le tribunal correctionnel de Paris pour entrée ou séjour irrégulier d’un étranger en France, violence avec usage ou menace d’une arme sans incapacité et rébellion commis le 26 décembre 2004;

- 3 mois d’emprisonnement prononcés le 30 mai 2005 par le tribunal correctionnel de Paris pour recel de bien provenant d’un vol commis le 9 juillet 2004;

- 4 mois d’emprisonnement prononcés le 17 mars 2006 par le tribunal correctionnel de Paris pour provocation à l’usage de substance présentée comme dotée d’effet stupéfiant commis le 15 mars 2006;

- 2 ans d’emprisonnement dont 6 mois avec sursis assorti d’une mise à l’épreuve pendant 2 ans prononcés le 9 janvier 2009 par le tribunal correctionnel de Paris pour transport, détention, offre ou cession et acquisition non autorisés de stupéfiants commis de courant juin 2008 au 24 novembre 2008;

- 8 mois d’emprisonnement dont 6 mois avec sursis assorti d’une mise à l’épreuve pendant 2 ans prononcés le 17 juin 2010 par le tribunal correctionnel de Paris pour cession ou offre de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle et usage illicite de stupéfiants commis le 4 mai 2010;

- 3 mois d’emprisonnement prononcés le 25 novembre 2010 par le tribunal correctionnel de Melun pour faux dans un document administratif, usage d’un faux document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité commis le 7 novembre 2018;

18 mois d’emprisonnement dont 6 mois avec sursis assorti d’une mise à l’épreuve pendant 2 ans prononcés le 15 février 2013 par le tribunal correctionnel de Paris pour transport, détention et acquisition non autorisés de stupéfiants en récidive commis du 2 au 3 décembre 2012;

- 6 mois d’emprisonnement prononcés le 31 mai 2013 par le tribunal correctionnel de Paris pour offre ou cession non autorisée de stupéfiants en récidive, détention non autorisée de stupéfiants, usage illicite de stupéfiant, violence sur une personne dépositaire de l’autorité publique suivie d’une incapacité n’excédant pas 8 jours et rébellion commis le 28 mars 2013;

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- 1 an d’emprisonnement prononcé le 13 décembre 2013 par le tribunal correctionnel de Paris pour offre ou cession non autorisée de stupéfiants en récidive, détention non autorisée de stupéfiants en récidive et usage illicite de stupéfiants commis le 11 décembre 2013.

Condamné à treize reprises pour des infractions en lien avec les stupéfiants, il a admis avoir été suivi par un addictologue mais avoir rechuté à l’issue de chaque incarcération.

Il est connu au casier judiciaire sous dix-neuf identités différentes.

Il avait en outre été signalisé sous cinq autres identités au FAED pour des faits de violences aggravées ou d’infractions à la législation sur les stupéfiants.

**

*

Devant la cour,

E N’D, présent et assisté, s’est désisté de son appel sur la culpabilité. S’il a reconnu revendre du crack de cocaïne en petite quantité, il a, en revanche, formellement contesté être l’organisateur d’un tel trafic de produits stupéfiants. Il s’est dit victime d’un complot de la part de K L qu’il a désigné comme « le pilier de tous les vendeurs '>.

L’Avocate générale s’est également désisté de son appel sur la culpabilité et a requis le prononcé d’une peine d’emprisonnement de huit années, une peine d’amende de 60000 euros, une peine d’interdiction de séjour à Paris (75), dans les départements des Hauts-de-Seine (92), de Seine-Saint-Denis (93), du Val-de-Marne (94) pendant cinq années, outre la confirmation de la décision entreprise sur les scellés.

Maître Jean-Yves CHABANNES, conseil du prévenu, a sollicité l’indulgence de la cour s’agissant des peines d’emprisonnement et d’amende prononcées à l’encontre de son client.

***

SUR CE

Sur la recevabilité et le périmètre de l’appel

Les appels ayant été interjetés dans les formes et délais prescrits par les articles 498 et 502 du code de procédure pénale, il y a lieu de les déclarer recevables.

E N’D et le Ministère public ayant, à l’audience, limité leur appel à la seule peine, il convient de constater leur désistement sur la culpabilité.

Sur les peines

Les faits pour lesquels E N’D a été déclaré coupable sont particulièrement graves en ce qu’ils ont consisté à mettre en place une organisation structurée et pérenne consacrée à la revente de crack de cocaïne au lieu-dit « la colline », situé porte de la Chapelle, principal point de vente de ce stupéfiant en région parisienne. De tels agissements consistant à fabriquer puis à vendre des produits dangereux pour la santé publique en pleine voie publique prospèrent sur la très grande misère des consommateurs, qui sont dans leur large majorité des ressortissants africains isolés et en situation irrégulière, et sont motivés par le seul appât du gain. Ils contribuent au développement d’une activité clandestine génératrice de délinquance et de très gros profits échappant à tout contrôle étatique. Ils créent en outre un fort sentiment

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d’insécurité chez les riverains dont les médias locaux et nationaux se sont récemment fait l’écho. Le crack est enfin un produit particulièrement puissant et addictif entraînant des conséquences néfastes sur la santé et l’aspect physique des consommateurs.

Si E N’D s’est désisté de son appel sur la culpabilité lors de l’audience devant la cour d’appel, il n’en demeure pas moins qu’il n’a pas pris conscience de la gravité des faits dans la mesure où il n’a cessé de minimiser son implication dans les faits en contradiction totale avec les éléments du dossier.

Le prévenu a commis les faits alors qu’il se trouvait en état de récidive légale. Son casier judiciaire porte trace de dix-huit condamnations dont neuf apparaissent directement en lien avec les produits stupéfiants et cinq autres pour des faits de violences aggravées. Il a bénéficié à cinq reprises de sursis avec mise à l’épreuve destinés à prévenir la réitération des faits tout en favorisant sa réinsertion, mesures de clémence qui ont toutes été révoquées. Ces éléments démontrent un ancrage profond d’E N’D dans la délinquance liée aux produits stupéfiants et son incapacité à tenir compte des avertissements de la justice faisant craindre une réitération des faits.

La gravité des faits et la personnalité d’E N’D, considération faite des éléments connus de la Cour sur sa situation matérielle, familiale et sociale, notamment évoqués lors de l’audience, rendent dès lors indispensable le prononcé d’une peine d’emprisonnement intégralement ferme, toute autre sanction étant manifestement inadéquate au regard des éléments sus-exposés.

La Cour réformera cependant la peine d’emprisonnement prononcée par les premiers juges dans le sens de l’aggravation, ceci afin de mieux tenir compte des circonstances de l’espèce et de la personnalité du prévenu, et en portera le quantum à huit ans.

Compte tenu de la gravité des faits, de la personnalité du prévenu, de la nécessité d’empêcher toute réitération des faits et de s’assurer de l’exécution de la présente peine, le maintien en détention d’E N’D sera en outre ordonné en application des dispositions de l’article 464-1 du code de procédure pénale.

En application des articles 222-47 et 131-31 du code pénal, compte tenu des circonstances de l’infraction, de la personnalité, de la situation familiale, sociale et professionnelle d’E N’D, il y a lieu, afin de prévenir la réitération de l’infraction, de prononcer une peine d’interdiction de séjour à titre de peine complémentaire.

La cour réformera néanmoins l’interdiction de séjour dans les départements de Paris (75), Seine-Saint-Denis (93), Hauts-de-Seine (92) et Val-de-Marne (94 prononcée par les premiers juges et en limitera l’assise territoriale aux XVIIIème, XIXème et XXème arrondissements de Paris pour une durée de cinq ans, ceci afin de mieux tenir compte du lieu de commission des infractions reprochés à E N’D.

L’article 132-20 alinéa 2 du code pénal dispose, par ailleurs, que le montant de l’amende se détermine au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur en tenant compte des ressources et des charges de ce dernier. Les faits reprochés à E N’D démontrent qu’il a bénéficié de revenus occultes dont il convient de tenir compte.

La cour réformera en conséquence l’amende prononcée par les premiers juges dans le sens de l’indulgence et en fixera le montant à la somme de 20 000 euros, montant mieux adapté à la situation personnelle et professionnelle du prévenu.

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La cour confirmera enfin :

- d’une part la confiscation des scellés PZ UN, PZ DEUX, PZ TROIS, PZ QUATRE, PZ CINQ, PZ SIX, PZ SEPT, PZ HUIT, PZ NEUF, PZ DIX, PZ ONZE, PZ DOUZE,

PZ QUATORZE, PZ QUINZE et PZ SEIZE et TZ UN à TZ SIX ordonnée par le tribunal, ceux-ci ayant servi à la commission de l’infraction ou en étant le produit s’agissant des sommes d’argent saisies au domicile d’E N’D ;

- d’autre part la restitution du scellé PZ TREIZE correspondant à une copie de certificat de nationalité française au nom d’E N’D né le […] à Moudéry au Sénégal établi le 29 décembre 1995 par le tribunal d’instance de Paris 13, une copie d’attestation de droits à ce même nom n°170059934111275, une copie de la page d’identité d’un passeport sénégalais n°AO1864021 à ce nom.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard d’E N’D,

Reçoit les appels d’E N’D et du Ministère public,

Déclare sans objet l’appel interjeté par le prévenu sur les dispositions civiles, inexistantes en l’espèce,

Sur la culpabilité

Constate le désistement d’appel d’E N’D et du Ministère public sur les dispositions afférentes à la culpabilité,

Sur la peine

Reforme le jugement sur la peine principale d’emprisonnement et condamne E

H à la peine de huit années d’emprisonnement,

Ordonne son maintien en détention,

Réforme la peine d’amende et condamne E N’D au paiement d’une amende de 20.000 euros,

Réforme le périmètre géographique de la peine complémentaire d’interdiction de séjour et condamne E N’D à une interdiction de séjour dans les XVIIIème,

XIXème et XXème arrondissements de Paris (75) pour une durée de cinq ans,

Confirme la peine complémentaire de confiscation des scellés,

Confirme la restitution du scellé PZ TREIZE correspondant à une copie de certificat de nationalité française au nom d’E N’D né le […] à Moudéry au Sénégal établi le 29 décembre 1995 par le tribunal d’instance de Paris 13, une copie d’attestation de droits à ce même nom n°170059934111275, une copie de la page d’identité d’un passeport sénégalais n°AO1864021 à ce nom.

Le présent arrêt est signé par Isabelle SCHOONWATER, président et par Z

C, greffier

LE PRÉSIDENT LE GREFFIER ft Page 20/



La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d’un montant de 169 euros dont est redevable le condamné. Ce montant est diminué de 20% en cas de paiement dans le délai d’un mois :

- à compter du jour du prononcé de la décision si celle-ci est contradictoire,

- à compter de la signification si l’arrêt est contradictoire à signifier ou par défaut.

POUR COPIE CERTIFIÉE CONFORME

Le Greffier en Chef

SAPPELE

Ael

*

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Cour d'appel de Paris, 16 juin 2021, n° 21/00765