Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 25 mars 2022, n° 18/06926

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 13, 25 mars 2022, n° 18/06926
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/06926
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil, 3 octobre 2017, N° 16/00451
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 25 Mars 2022

(n° , 10 G)


Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 18/06926 et N° RG 18/08076 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5YY2


Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Octobre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 16/00451

APPELANTES

Madame B A X

[…]

[…]

comparante en personne, assistée de Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0322

CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE VIEILLESSE DES PROFESSIONS LIBERALES (CNAVPL)

[…]

[…]

représentée par Me Dominique BESSE, avocat au barreau d’ALBI substitué par Me Valentin PONS, avocat au barreau d’ALBI

INTIMES

LA CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D’ ASSURANCE VIEILLESSE (CIPAV)

[…]

[…]

représentée par Me Hélène LECAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0027 substituée par Me Malaury RIPERT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0408

Madame B A X […]

comparante en personne, assistée de Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0322

CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE VIEILLESSE DES PROFESSIONS LIBERALES (CNAVPL)

[…]

[…]

représentée par Me Dominique BESSE, avocat au barreau d’ALBI substitué par Me Valentin PONS, avocat au barreau d’ALBI

En présence de :

DEFENSEUR DES DROITS

[…]

[…]

représenté par Mme Y Z en vertu d’un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :


L’affaire a été débattue le 06 janvier 2022, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, et Monsieur Lionel LAFON, Conseiller, chargés du rapport.


Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre

Monsieur Lionel LAFON, Conseiller

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats

ARRÊT :


- CONTRADICTOIRE


- prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le vendredi 25 février 2022, prorogé au vendredi 25 mars 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


La cour statue sur l’appel interjeté par la caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) et Mme B A X d’un jugement rendu le 4 octobre 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val de Marne dans un litige les opposant ainsi qu’opposant Mme X à la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse ( CIPAV), en présence du Défenseur des droits.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mme X est gérante d’une société de conseil et services en hôtellerie internationale. Par courrier du 27 juin 2003, la chambre de commerce et d’industrie de Paris notifiait en sa qualité de Centre de Formalités des Entreprises (CFE) à l’expert comptable de Mme X un récépissé de dépôt de déclaration au CFE du dossier établi au nom de Prodiges Conseil concernant le changement de la nature de la gérance. Le 17 janvier 2013, Mme X a rempli une déclaration réglementaire auprès de la CIPAV mentionnant un début d’activité datant de mai 2003. Le 18 février 2013, la CIPAV a délivré à Mme X une attestation d’affiliation rétroactive à compter du 1er janvier 2010 pour une activité de conseil et a appelé les cotisations des années 2010, 2011 et 2012. Un contentieux de recouvrement s’en suivait.


Par courrier du 6 octobre 2015, Mme X a saisi la commission de recours amiable de la CIPAV pour solliciter outre l’exonération des majorations de retard, la reconstitution de l’ensemble de ses droits à la retraite au titre des régimes de base et complémentaire du 1er mai 2003 au 31 décembre 2014 et le crédit de son compte de cotisations sur la période précitée en réparation du préjudice subi.


Sur la base d’une décision implicite de rejet, Mme X a saisi le 23 mars 2016 le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val-de-Marne du litige.


Par jugement en date du 4 octobre 2017, le tribunal a :


- mis l’URSSAF Ile-de-France hors de cause ;


- constaté que la CIPAV a commis une faute en omettant l’affiliation de B A X depuis le 1er mai 2003 jusqu’au 31 décembre 2010 ;


- dit que cette faute sera réparée par une indemnisation correspondant au montant des cotisations non appelées durant cette période ;


- dit que B A X doit être affiliée au régime CIPAV et que sa retraite doit être liquidée pour les trimestres correspondant, pour ce régime, à la période du 1er mai 2003 jusqu’au 31 décembre 2010 ;


- accueilli la demande en dommages-intérêts de Mme X pour son préjudice moral ;


- condamné solidairement la CIPAV et la CNAVPL à verser à Mme X une somme de 5 000 euros au titre de l’article 1382 du code civil ;


- condamné solidairement la CIPAV et la CNAVPL à verser à Mme X une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;


- rejeté la demande de la CNAVPL formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile;


- prononcé l’exécution provisoire.
Pour statuer ainsi le tribunal a retenu que l’inertie d’un ou plusieurs organismes sociaux dans le processus d’affiliation de Mme X lui a causé un préjudice certain ; que le CFE a transmis la déclaration de début d’activité à la caisse de retraite ; que la CNAVPL a eu accès aux informations relatives à l’activité de Mme X à deux reprises lors de la création de son activité en 2003 et au moment de son changement de statut en 2006 ; que la CIPAV se réfère à sa propre liste des professions pour l’affiliation ; que Mme X a été privée de cotiser pour sa retraite auprès de la CIPAV pendant 10 ans de 2003 à 2012 ; que pour rétablir Mme X dans la situation qui aurait dû être la sienne s’il avait été tenu compte de son affiliation à la CIPAV pendant la période omise, il convient d’ordonner la validation gratuite des trimestres d’assurance et des points de retraite dont elle a été privée, en tenant compte de ses revenus réels; que les préjudices ont été engendrés par le défaut d’affiliation effective à la CIPAV dès 2003 et que la CNAVPL ne justifiant pas la transmission des déclarations de Mme X à la CIPAV, doit être déclarée solidairement responsable avec la CIPAV.


La CNAVPL a le 29 mai 2018 interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 14 mai 2018 . Le dossier a été enregistré sous le RG n° 18/06926 .

Mme B A X a le 22 juin 2018 formé appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 24 mai 2018. Le dossier a été enregistré sous le RG n ° 18/08076.


Par mention au dossier à l’audience du 6 janvier 2022, la cour a ordonné la jonction du dossier RG n° 18/08076 au dossier RG n° 18/06926.


Par ses conclusions écrites « V4 »soutenues oralement et déposées à l’audience par son conseil, la CNAVPL demande à la cour, de :


- réformer le jugement en ce qu’il a accueilli la demande en dommages-intérêts de Mme X pour son préjudice moral, condamné solidairement la CIPAV et la CNAVPL à verser à Mme X la somme de 5 000 euros au titre de l’article 1382 du code civil, condamné solidairement la CIPAV et la CNAVPL à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande de la CNAVPL formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;


- mettre la CNAVPL hors de cause ;


- débouter Mme X de toutes ses demandes à son encontre ;


- condamner Mme X à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.


La CNAVPL soutient en substance que :


- Mme X avait l’obligation de cotiser dès le début de son activité en qualité de travailleur non salarié ; dès la fin du premier trimestre suivant la transformation de son activité en qualité de travailleur non salarié, elle était en mesure de constater qu’elle n’avait versé aucune cotisation à une caisse de retraite et ne se créait aucun droit ; à cette date se révélait le dommage ; cette affirmation est confirmée par deux courriers de Mme X du 18 septembre 2014 dans lesquels elle indiquait que ses cabinets d’expertise comptable avaient à maintes reprises sollicité son affiliation à la caisse de retraite adéquate via le CFE ; il convient de retenir que la date de réalisation du dommage et de la connaissance de celui-ci par Mme X se situe avant la fin de l’année 2003 ; compte tenu de la période transitoire de la loi du 17 juin 2008, son action était prescrite depuis le mois de juin 2013 ; le tribunal ayant été saisi le 22 mars 2016 son action était dès lors prescrite ;


- sa responsabilité civile nécessite que Mme X apporte la preuve qu’elle a commis une faute individualisée et qu’elle subit un préjudice en lien direct avec cette faute ;
- aucune faute dans le processus d’affiliation n’est démontrée ; les dispositions de l’article 2 de la loi n°94-126 du 11 février 1994 visant le dossier unique n’ont pas pour effet de se substituer à celles de l’article R.643-1 du code de la sécurité sociale prévoyant que toute personne qui commence ou cesse d’exercer une profession libérale est tenue de la déclarer dans le délai d’un mois à la section professionnelle dont elle relève, en vue de son immatriculation ou de sa radiation ; en 2003, date de début d’activité de Mme X, la réglementation relative au dépôt du dossier unique était fixée par le décret n°96-650 du 19 juillet 1996, modifié par le décret n°2002-375 du 19 mars 2002 et il était impératif que Mme X cumule les formalités de dépôt d’un dossier unique auprès du CFE et de déclaration spéciale d’activité auprès de la CIPAV ; il n’était pas prévu que le dépôt du dossier au CFE entraînait affiliation à une quelconque caisse de retraite ;


- Mme X ne justifie pas avoir procédé à la déclaration prévue par l’article R.643-1 du code de la sécurité sociale avant le 17 janvier 2013 ; en l’absence de cette déclaration, la CIPAV ne pouvait avoir connaissance de son début d’activité ; l’absence d’immatriculation auprès de la CIPAV résulte uniquement du non-respect par Mme X d’une formalité impérative ; il n’est pas démontré que le dossier de déclaration au CFE ait été reçu par la CNAVPL ; le formulaire POPL de déclaration de début d’activité pour une personne physique ne constitue pas une preuve que la CNAVPL a été informée de l’activité de Mme X ; les rapports de la Cour des comptes par leur généralité n’apportent aucun élément sur la question de savoir si le dossier de Mme X a été effectivement reçu par la CNAVPL ;


- aucune faute au cours de l’activité de Mme X n’est démontrée ; les dispositions de l’article L.642-5 du code de la sécurité sociale ne sauraient être utilement invoquées en l’absence de déclaration de début d’activité, outre le fait qu’il appartient à l’assuré de payer ses cotisations même en l’absence d’appel de cotisations de l’organisme en charge du recouvrement ; s’agissant du traitement des DSI, la faute de la CNAVPL ne pourrait être engagée que si Mme X apportait la preuve qu’elle a effectivement reçu les déclarations de revenus d’une manière telle qu’elle aurait pu identifier le demandeur comme devant être l’un de ses affiliés, tel n’étant pas le cas ;


- Mme X ne produit aucun justificatif de nature à démontrer le préjudice moral invoqué ; les préjudices invoqués par Mme X résultent directement de l’absence de cotisations dont la responsabilité du versement lui incombait exclusivement du seul fait de l’exercice de son activité professionnelle ;


- la loi ayant strictement défini le cadre dans lequel il est possible de valider gratuitement des points de retraite, Mme X n’entrant dans aucune des catégories légales, le juge ne peut ajouter à la loi en créant de nouvelles hypothèses et si la cour validait les trimestres d’assurance et les points de retraite, seule la CIPAV serait compétente.


Par ses conclusions écrites « d’intimée contenant appel incident » soutenues oralement et déposées à l’audience par son conseil, la CIPAV demande à la cour, par voie d’infirmation du jugement en toutes ses dispositions, de :


- juger du bien fondé de la période d’affiliation de Mme X prise en compte par la CIPAV à savoir à compter du 01/01/2010 ;


- juger de l’absence de faute commise par la CIPAV dans le processus d’affiliation de Mme X ;


- débouter Mme X de l’ensemble de ses demandes ;


- condamner Mme X à lui verser la somme de 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’engager.


La CIPAV réplique en substance que :
- l’article R.643-1 du code de la sécurité sociale ancienne version prévoit que « toute personne qui commence ou cesse d’exercer une profession libérale est tenue de le déclarer dans le délai d’un mois à la section professionnelle dont elle relève » ; si cette disposition n’a été codifiée qu’en 2005, elle préexistait depuis 1949, l’article 8 du décret 49-1259 du 27 août 1949 reprenant mot pour mot ces dispositions ; une simple déclaration au CFE de commencement d’activité ne saurait valoir déclaration à la CIPAV ; si Mme X prétend avoir transmis son dossier de début d’activité au CFE, elle n’a pas informé la CIPAV qui a été informée seulement en 2013 de son commencement d’activité, par sa déclaration réglementaire ; Mme X ne justifie aucunement avoir déclaré à la CIPAV son commencement d’activité en 2003 ; elle a manqué de diligence et ne saurait reprocher à la CIPAV de ne pas l’avoir rétroactivement affiliée au 1er mai 2003 ;


- les cotisations de sécurité sociale sont portables et non quérables, de sorte que c’est à l’assuré de prendre ses dispositions pour régler en temps et en heure ses cotisations, quand bien même il n’aurait pas été affilié par l’organisme social compétent ; l’obligation de cotiser débute par le seul fait de la loi dès lors que s’exerce l’activité concernée sans besoin qu’une notification d’affiliation ait été faite ; le préjudice de l’assuré en raison de l’absence ou de la perte de droits à la retraite est la conséquence directe de l’absence de paiement des cotisations dont la seule responsabilité incombe à l’adhérent ; l’absence d’affiliation n’est pas la cause du préjudice ; depuis 2003, Mme X aurait dû s’apercevoir qu’elle n’avait pas reçu d’appels de cotisations de la CIPAV, elle a manqué de diligences en ne se rapprochant de la CIPAV que le 17 janvier 2013 ; elle ne saurait prétendre que la CIPAV serait responsable du non paiement de ses cotisations ;


- la démarche de Mme X ne saurait lui permettre de valider des trimestres pour les années 2003-2010, prescrites au regard des dispositions de l’article R.643-10 du code de la sécurité sociale ;


- en application des dispositions de l’article 2234 du code civil, l’action de Mme X est prescrite dans la mesure où elle aurait dû se rendre compte dès 2003 qu’elle ne cotisait pas et qu’elle n’a fait aucune démarche pour y remédier pendant 10 ans ;


- elle n’a commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité dans la mesure où il n’est pas démontré qu’elle a eu connaissance de son commencement d’activité en 2003 ; Mme X ne peut ignorer qu’aucun droit à retraite ne peut lui être attribué, à défaut de s’être acquittée des cotisations correspondantes.


Par ses conclusions écrites n° 3 soutenues oralement et déposées à l’audience par son conseil, Mme A X demande à la cour de :


- confirmer la décision déférée sauf en ce qu’elle a dit que la faute de la CIPAV serait réparée par une indemnisation correspondant au montant des cotisations non appelées durant la période comprise entre le 1er mai 2003 et le 31 décembre 2010, dit que la retraite de Mme X devait être liquidée pour les trimestres correspondants, pour le régime géré par la CIPAV, à la période du 1er mai 2003 jusqu’au 31 décembre 2010 ;


- condamner in solidum la CIPAV et la CNAVPL à valider gratuitement les trimestres d’assurance et les points de retraite correspondants sur le régime de retraite de base et le régime de retraite complémentaire sur les années 2003 à 2012 et ce, sur la base de ses revenus réels ;


Y ajoutant,


- condamner la CIPAV à lui verser la somme de 1 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la privation d’accès à son relevé de situation individuelle ;


- enjoindre à la CIPAV de lui rendre accessible un relevé de situation individuelle conforme à l’arrêt dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt et, passé ce délai, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;


- condamner la CIPAV et la CNAVPL à lui verser chacune la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme X réplique en substance que :


- s’agissant de la recevabilité de son action, elle a eu connaissance de la difficulté relative à son affiliation à une caisse de retraite en janvier 2013, date à laquelle elle s’est rapprochée spontanément de la CIPAV en lui adressant une déclaration réglementaire ; son action se prescrivait donc en janvier 2018 ; elle a saisi le tribunal par requête ne date du 21 mars 2016 avec demande de mise en cause des différents organismes ; son action ne saurait être considérée comme prescrite à l’égard des parties en cause ;


- la déclaration au CFE valant déclaration aux organismes sociaux, en application des dispositions de la loi n° 94-126 du 11février 1994 et du décret n°96-650 du 19 juillet 1996 pris en application de la loi et modifié par le décret n°2002-375 du 19 mars 2002, elle justifie avoir procédé aux formalités requises à l’occasion du début de son activité ; puis en 2006, lorsqu’elle a modifié son activité, elle a rempli une nouvelle déclaration de début d’activité POPL, le document indiquant que la déclaration a été transmise aux différents organismes dont la CNAVPL le 1er février 2007 ; la CNAVPL et sa délégataire la CIPAV ont eu à deux reprises accès aux informations relatives à son activité, en 2003 lors de la création et en 2006 au moment de son changement de statut ; la faute de la CIPAV qui n’a pas procédé à son affiliation est caractérisée ; la CNAVPL n’ayant jamais justifié de la prise en compte des déclarations de début et de reprise d’activité, c’est à bon droit que le tribunal l’a déclarée solidairement responsable avec la CIPAV ;


- la disposition réglementaire de l’article R.643-1 du code de la sécurité sociale ne saurait primer sur l’article 2 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle ; la CIPAV et la CNAVPL ont commis une faute dans le processus de son affiliation;


- en outre, la CIPAV a commis une faute en omettant d’appeler les cotisations, obligation légale à la charge de l’ organisme de sécurité sociale en vertu de l’article L.642-5 du code de la sécurité sociale entre 2003 et 2012, alors qu’elle a déclaré chaque année au RSI ses revenus au moyen de la déclaration sociale des indépendants lui permettant d’appeler les cotisations ; la CIPAV et la CNAVPL ont reçu chaque année par ce biais l’information mais ne l’ont pas traitée ;


- la délégante CNAVPL et sa délégataire, sa section professionnelle CIPAV, n’ont pas tiré les conséquences ni de la déclaration de début d’activité en 2003 ni de la déclaration de modification d’activité en 2006 ni des déclarations annuelles et communes de revenu à compter de 2005 et ont ainsi commis une faute générant un même préjudice tenant à l’absence effective et utile de son affiliation ;


- la question de la portabilité des cotisations ne saurait exonérer les caisses de leur obligation d’appeler les cotisations et donc de leur responsabilité ;


- elle a été privée de cotiser pour sa retraite auprès de la CIPAV pendant 10 ans de 2003 à 2012, les cotisations étant prescrites et leur paiement n’aurait pas permis de bénéficier de droits à la retraite conformément à l’article R.643-10 du code de la sécurité sociale ( les années 2013 à 2017 sont réglées) ; son préjudice matériel est équivalent aux droits à la retraite qu’elle aurait dû valider sur cette période ; il est demandé par réformation du jugement de condamner la CIPAV à valider gratuitement les trimestres d’assurance et les points de retraite de base et le régime complémentaire sur ces années sur la base de ses revenus réels ;


- ni la CNAVPL ni la CIPAV ne l’ont accompagné dans ses démarches tendant à la régularisation de sa situation et la CIPAV lui a fait signifier deux contraintes, en dépit des circonstances particulières de son affiliation tardive, de sa bonne foi et des paiements effectués ; c’est à bon droit que le tribunal a condamné solidairement la CIPAV et la CNAVPL au paiement de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;


- en 2017 son relevé de situation individuelle n’était toujours pas renseigné, il a fallu attendre fin 2019 pour que la CIPAV renseigne quelques droits sur les seules années 2015 à 2017.


La Défenseure des droits a présenté des observations aux termes desquelles elle considère que la réparation du préjudice de retraite et la mise en place d’un échéancier adapté pour le paiement des cotisations de retraite complémentaire des années 2011-2012, participent au rétablissement de Mme X dans les droits qu’elle tient de la garantie offerte à tout travailleur, quel que soit son statut, de bénéficier d’assurances vieillesse de base et complémentaire.


Elle relève notamment que la réparation du préjudice résultant d’un défaut d’affiliation aux assurances vieillesse obligatoires, imputable à l’organisme de retraite, doit permettre à l’usager de bénéficier des droits qu’il aurait dû se constituer s’il avait été affilié aux régimes de retraite dont il relevait à raison de l’activité professionnelle exercée, tant en terme de durée d’assurance- valorisation des trimestres de la période- qu’en terme d’acquisition de points en considération des revenus de l’intéressé sur la période concernée qui s’étend de l’année 2003 à l’année 2010 ; que par ailleurs les cotisations appelées tardivement pour les années 2011 et 2012 n’ont pu être réglées par Mme X en raison du refus de la CIPAV de tenir compte de sa situation financière pour l’établissement d’un échéancier adapté ; que la CIPAV à qui est directement imputable l’impossibilité dans laquelle elle s’est trouvée de régler ses cotisations 2011-2012 dans les cinq années suivant leur date d’exigibilité, doit être tenue pour responsable de la perte de droits à retraite qu’elle subit pour ces deux années dans le régime de base.


Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l’audience du 6 janvier 2022 qu’elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE,

Sur la recevabilité de l’action


Il résulte de l’article 2224 du code civil que : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »


En l’espèce, tant la CNAVPL que la CIPAV se prévalent de la prescription de l’action de Mme X excipant de ce que dès 2003, cette dernière était en mesure de constater qu’elle n’avait versé aucune cotisation à une caisse de retraite et ne se créait aucun droit, date à laquelle était révélé le dommage, ainsi que le confirment ses courriers du 18 septembre 2014.


La prescription d’une action en responsabilité ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.


Force est de constater que Mme X a eu connaissance de la difficulté relative à son affiliation en janvier 2013, date à laquelle elle a adressé à la CIPAV la déclaration réglementaire d’affiliation. ( pièce n° 2 des productions de Mme X).


Ni la CNAVPL ni la CIPAV ne justifient que Mme X a eu connaissance de ce qu’elle ne versait aucune cotisation retraite et ne se créait aucun droit dès 2003, peu important qu’elle était toutefois tenue de verser des cotisations en application de l’article L.642-1 du code de la sécurité sociale, dès lors qu’elle remplissait ses obligations de déclaration commune des revenus des professions indépendantes ( pièces n° 29 des productions de Mme X), qu’elle réglait des cotisations au RSI et qu’elle pouvait se méprendre sur l’existence de cotisations pour sa retraite auprès de ces organismes.


La circonstance selon laquelle par lettre en date du 18 septembre 2014, adressée au médiateur de la CIPAV et à la commission de recours amiable de la CIPAV ( pièces n° 8 et 9 des productions de Mme X), Mme X fasse mention de ce qu’à maintes reprises ses cabinets comptables ont sollicité son affiliation à sa caisse de retraite via le CFE avant 2014, ne saurait permettre d’établir qu’elle aurait eu connaissance de la réalisation du dommage avant la fin de l’année 2003.


Par suite, au regard de ce que Mme X a rempli la déclaration réglementaire de la CIPAV le 17 janvier 2013 et de ce qu’elle a saisi le tribunal le 23 mars 2016, il convient de retenir que Mme X est recevable en son action comme n’étant pas atteinte par la prescription.

Sur la responsabilité de la CNAVPL et de la CIPAV

Mme X se prévaut des dispositions de l’article 1 du décret n°96-650 du 19 juillet 1996 relatif aux centres de formalités des entreprises, pris en application de la loi du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle et modifié par le décret n°2002-375 du 19 mars 2002 qui prévoient que les centres de formalités des entreprises reçoivent le dossier unique, mentionné à l’article 2 de la loi du 11 février 1994 et comportant les déclarations relatives à leur création aux modifications de leur situation ou à la cessation de leur activité, que les entreprises sont tenues de remettre aux administrations, personnes ou organismes mentionnés à l’article 1er de ladite loi et verse au soutien de sa demande le récépissé de dépôt de déclaration au centre de formalités des entreprises daté du 27 juin 2003 qui mentionne en annexe la liste des organismes destinataires parmi lesquels figure « la caisse de retraite » ( pièce n° 1 des productions de Mme X).


En 2003, la réglementation relative au dépôt du dossier unique était fixée par le décret n°96-650 du 19 juillet 1996 relatif aux centres de formalités des entreprises modifié par décret n°2002-375 du 19 mars 2002 et l’annexe I de ce décret mentionnait parmi les principaux destinataires des formalités des entreprises selon leur compétence « les organismes d’assurance maladie et d’assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles, commerciales et libérales » .


Toutefois il ne résulte pas des productions que le CFE ait transmis quant à la situation de Mme X une information à la CNAVPL pour orientation, ou directement à la CIPAV et Mme X ne rapporte pas la preuve qu’elle a remis à l’occasion de sa déclaration unique dont il convient d’observer qu’elle concerne un « changement de la nature de la gérance » les documents nécessaires à son affiliation auprès de la CIPAV, faisant notamment mention de la date du début d’activité, alors que l’article R.643-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, prévoit que « toute personne qui commence ou cesse d’exercer une profession libérale est tenue de le déclarer dans le délai d’un mois à la section professionnelle dont elle relève, en vue de son immatriculation ou de sa radiation. (…) » .


Par suite il ne saurait être considéré que la déclaration au CFE valait déclaration à la CNAVPL ou à la CIPAV pour affiliation.


Par ailleurs Mme X se prévaut de ce qu’en 2006, elle a rempli une nouvelle déclaration d’activité POPL qui mentionne que le document « constitue déclaration aux services fiscaux, aux organismes de sécurité sociale… » et que la mention « UIDFK » portée dans le cadre réservé au CFE signifie que le document a été communiqué à la CNAVPL ( pièce n° 2 des productions de Mme X).
Toutefois, Mme X n’établit pas que la CNAVPL a bien reçu ledit document, dès lors qu’il n’est pas prouvé que la mention « UIDFK » résulte d’un traitement effectif par le CFE des informations contenues dans ledit document, qui de plus ne comporte pas de numéro de sécurité sociale et est dépourvu de signature.

Mme X invoque que la CIPAV a commis une faute en omettant d’appeler les cotisations, alors qu’elle a déclaré chaque année ses revenus au moyen de la déclaration sociale des indépendants et que la CIPAV et la CNAVPL ont reçu chaque année l’information mais ne l’ont pas traitée.


Cependant la faute de la CNAVPL et de la CIPAV ne pourrait être engagée que si Mme X apportait la preuve qu’elles ont effectivement reçu ses déclarations de revenus d’une manière permettant de l’identifier comme devant être l’une de leurs affiliées, or précisément, il a été retenu que Mme X ne démontre pas que la CIPAV et la CNAVPL ont été informées pendant le cours de son activité professionnelle, avant le 17 janvier 2013, qu’elle exerçait une activité nécessitant son affiliation.

Mme X ne saurait utilement faire valoir que les dysfonctionnements de la CIPAV sont de notoriété publique pour voir reconnaître la responsabilité de la caisse, dès lors qu’elle n’établit pas l’existence d’une faute commise à son égard par la caisse dans la gestion de son dossier ayant conduit à son absence d’affiliation à compter de 2003.


Il résulte de l’ensemble de ces éléments et de l’examen des productions de Mme X que cette dernière ne rapporte pas la preuve d’une faute de la CNAVPL et de la CIPAV dans son défaut d’affiliation avant le 1er janvier 2010.


Par ailleurs Mme X ne saurait se prévaloir de ce qu’elle a été privée de cotiser pour sa retraite auprès de la CIPAV pour les années 2010, 2011 et 2012 alors que la CIPAV auprès de laquelle elle a procédé à la déclaration réglementaire le 17 janvier 2013, justifie de l’affiliation de Mme X à compter du 1er janvier 2010 et de ce qu’elle a procédé à un appel de cotisations portant sur les années 2010, 2011 et 2012 le 18 février 2013 ( pièces n° 3 des productions de la CIPAV).


Par suite, par infirmation du jugement déféré, elle doit donc être déboutée de ses demandes à l’encontre de la CNAVPL et de la CIPAV de validation gratuite de trimestres d’assurance et de point de retraite sur le régime de retraite de base et le régime de retraite complémentaire, ainsi que de l’ensemble de ses demandes de dommages-intérêts.


Aucune faute de la CIPAV n’étant démontrée s’agissant du relevé de situation individuelle, Mme X sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.


Succombant en appel, comme telle tenue aux dépens, Mme X sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.


Aucune circonstance particulière ne justifie de faire droit à la demande de la CNAVPL et de la CIPAV au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DÉCLARE les appels recevables ;

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau, DECLARE Mme B A X recevable en son action ;

DÉBOUTE Mme B A X de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la CNAVPL et de la CIPAV ;

DÉBOUTE Mme B A X de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

DÉBOUTE la CNAVPL et la CIPAV de leur demande au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE Mme B A X aux dépens d’appel.

La greffière La présidente 1. D E F G

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 25 mars 2022, n° 18/06926