Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 9 mars 2022, n° 19/19747

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Chronologie de l’affaire

Commentaires4

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Lettre des Réseaux · 25 août 2023

Pratique anticoncurrentielle et préjudice réparable Deux régimes distincts sont applicables à l'indemnisation des préjudices causés par une pratique anticoncurrentielle. Il convient de distinguer : les faits générateurs de responsabilité survenus à compter du 11 mars 2017, soumis aux dispositions nouvelles, et ceux nés avant cette date, soumis au droit antérieur et reposant essentiellement sur le droit commun. Directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014 ; ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 ; décret n° 2017-305 du 9 mars 2017. L'action en dommages et intérêts est exercée par …

 

Jérémy Berlemont · Actualités du Droit · 11 avril 2022
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 4, 9 mars 2022, n° 19/19747
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/19747
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 22 septembre 2019, N° j2019000381
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRET DU 09 MARS 2022

(n° , 9pages)


Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/19747 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CA3XS


Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Septembre 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° j2019000381

APPELANTE

SAS SHB Y prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social

[…]

[…]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PONTOISE sous le numéro 535 318 943


Représentée par Me Nicolas DUVAL de la SELARL NOUAL DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0493


Assistée de Me Eric AZOULAY de la SCP FEDARC, avocat plaidant du barreau de PONTOISE

INTIMEES

Société X Y SE, Société Européenne prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social

[…]

92500 RUEIL-MALMAISON

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 542 048 574

SAS X Y FRANCE prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social

[…]

92500 RUEIL-MALMAISON

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 421 106 709


ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0147
Assistée de Me Tristan DUPRE DE PUGET de FTMS AVOCATS, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P0147

COMPOSITION DE LA COUR :


L’affaire a été débattue le 20 Octobre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, Mme Sophie DEPELLEY, Conseillère

Mme Camille LIGNIERES, Conseillère,

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Sihème MASKAR

ARRET :


- contradictoire,


- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,


- signé par Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente, et par Mme Meggy RIBEIRO, Greffière placée, présente lors de la mise à disposition.

***

La société SHB Y (ci-après «SHB») est une société spécialisée dans l’installation, la maintenance et la réparation d’équipements électriques de toutes marques.


La société X Y France est l’une des sociétés du groupe X, groupe industriel spécialisé dans la distribution électrique, le contrôle industriel et l’automatisation.


Elle offre notamment sur le territoire français, des prestations de maintenance et de réparation du matériel électrique, service que l’on peut classer selon une norme AFNOR em maintenance simple (niveaux 1, 2 et 3) et maintenance plus sophistiquée (niveaux 4 et 5).


La société X Y SE (avant le 6 mai 2014, X Y S.A) est la société holding, tête du groupe X Y.


Au cours de l’année 2012, la société SHB a passé une commande auprès de la société X Y France portant sur la fourniture de pièces de maintenance constructeur niveau 4.


La société X Y a, dans un premier temps, refusé de lui vendre ces pièces 'sêches’ (sans aucune prestation additionnelle) arguant du fait que celles-ci ne pouvaient être remplacées que par « les techniciens X Y Energy France dûment formés par notre Usine de Mâcon et conformément à la norme NFC 60-000 en vigueur ».


Considèrant que la société X Y SA a abusé de sa position dominante, ouvrant droit à réparation, la société SHB, par acte extrajudiciaire du 1er avril 2016, a assigné la société X Y SA devant le tribunal de commerce de Nanterre, lequel s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris, par jugement du 28 septembre 2016.
Par acte du 9 juin 2017, la société SHB a assigné la société X Y France devant le tribunal de commerce de Paris.


Le 9 novembre 2017, l’Autorité de la concurrence (ci-après l’Autorité) a accepté de X des engagements consistant pour cette dernière à autoriser la vente de 1506 articles concernés par la maintenance niveau 4, cette vente étant assortie de formation par les soins de X, pour les personnels intéressés.

Par jugement du 23 septembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a :


Joint les deux affaires enregistrées sous les numéros RG2016069339 et RG2017035412,


Débouté la société X Y France de sa demande de mise hors de cause de la société X Y SE,


Dit que X Y occupe une position dominante sur le marché de la maintenance de niveaux 4 et 5 pour les matériels qu’elle produit et commercialise,


Dit que X Y n’a pas abusé de cette position dominante,


Condamné la société SHB Y à payer à chacune des deux sociétés X Y France et X Y SE la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du CPC,


Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,


Condamné la société SHB Y aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 100,59 € dont 16,55 € de TVA.


Par déclaration en date du 22 octobre 2019, la société SHB a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions de la société SHB déposées et notifiées le 06 novembre 2020, par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de Paris de :

Vu l’article L. 420-2 du Code de commerce,

Vu l’article 1240 du code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de PARIS en date du 23 septembre 2019,


DECLARER la société SHB Y recevable et bien fondée en ses demande,


CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de PARIS en date du 23 septembre 2019 en ce qu’il a dit que la société X Y occupe une position dominante sur le marché de la maintenance des niveaux 4 et 5 pour les matériels qu’elle produit et commercialise,


INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de PARIS en date du 23 septembre 2019 en ce qu’il a :


- Dit que la société X Y n’a pas abusé de sa position dominante,


- Condamné la société SHB Y à payer à chacune des deux sociétés X Y FRANCE et X Y SE, la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
- Condamné la société SHB Y aux dépens de l’instance,


- Débouté la société SHB Y de sa demande tendant à enjoindre la société X Y de faire cesser la pratique anticoncurrentielle fautive, à savoir les refus de vente discriminatoires et de fournir à la société SHB Y les pièces demandées sans y inclure la main d''uvre, sous astreinte de 3% du chiffre d’affaires journalier moyen de la société X Y,


- Débouté la société SHB Y de sa demande tendant à voir condamner la société X Y à payer la somme de 250.000 € en réparation du préjudice subi avec intérêts à compter du 7 janvier 2013,


- Débouté la société SHB Y de sa demande formée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,


Statuant de nouveau,


RECEVOIR la société SHB Y en l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,


Y faisant droit,


DIRE ET JUGER que les sociétés X Y FRANCE et X Y SE ont abusé de la position dominante qu’elles occupent sur le marché de la maintenance de niveaux 4 et 5 pour les matériels qu’elles produisent et commercialisent,


En conséquence,


ENJOINDRE IN SOLIDUM les sociétés X Y SE et X Y FRANCE à cesser cette pratique fautive, à savoir les refus de vente opposés à la société SHB Y ainsi que les conditions de vente discriminatoires et de fournir à la société SHB Y les pièces demandées et ceux sans y inclure la main d''uvre,


ASSORTIR cette injonction d’une astreinte dans la limite de 3 % du chiffre d’affaires journalier moyen de la société X Y FRANCE par jour de retard à compter du jugement à intervenir,


CONDAMNER IN SOLIDUM les sociétés X Y FRANCE et X Y SE à payer à la société SHB Y la somme de 250.000 euros en réparation du préjudice subi avec intérêts au taux légal à compter 7 janvier 2013, date de la mise en demeure,


CONDAMNER IN SOLIDUM les sociétés X Y FRANCE et X Y SE à payer à la société SHB Y la somme de 10.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,


CONDAMNER IN SOLIDUM les sociétés X Y FRANCE et X Y SE à payer à la société SHB Y la somme de 15.000 € au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,


CONDAMNER IN SOLIDUM les sociétés X Y FRANCE et X Y SE à payer les entiers dépens de première instance et d’appel.

Vu les dernières conclusions des sociétés X Y SE et X Y France déposées et notifiées le 7 août 2020, par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de Paris de :
Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Paris en date du 23 septembre 2019 en ce qu’il a dit que la société X Y occupe une position dominante sur le marché de la maintenance des niveaux 4 et 5 pour les matériels qu’elle produit et commercialise,


Pour le surplus,


Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de PARIS en date du 23 septembre 2019,


Débouter la société SHB Y de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions


En toute hypothèse,


Condamner la société SHB Y à payer la société X Y une somme de 20.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens qui seront recouvrés directement par FTMS Avocats conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR


La Cour est saisie par les sociétés X Y d’une demande d’infirmation du jugement entrepris en ce que le tribunal a dit que X Y occupe une position dominante sur le marché de la maintenance des niveaux 4 et 5 pour les matériels qu’elle produit et commercialise.


Elle est également saisie par SHB d’une demande d’infirmation du jugement entrepris en ce que le tribunal a dit que X Y n’a pas abusé de cette position dominante et l’a déboutée de ses demandes de réparation de son préjudice et tendant à voir cesser cette pratique fautive.

Sur l’existence d’une position dominante

Les sociétés X Y demandent l’infirmation du jugement en ce qu’il a dit que X Y occupe une position dominante sur le marché de la maintenance de niveaux 4 et 5 pour les matériels qu’elle produit et commercialise, faisant valoir que le tribunal a confondu position forte et position dominante. Elles invoquent la décision de l’Autorité qui a constaté l’importance du groupe X Y sur les marchés primaires de la fourniture d’équipements de distribution électrique HTA et BT et les marchés secondaires correspondants, sans faire état à aucun moment d’une « position dominante » du groupe au sens des articles L.420-2 du code de commerce et 102 du TFUE.


Elles ajoutent que SHB n’apporte aucun élément démontrant que X Y serait en position dominante sur un quelconque marché intérieur, sur quel marché de produits sa position serait dominante, sur quel marché géographique sa position serait dominante et enfin, en quoi ses produits ne seraient pas substituables.


Selon elle, SHB opère une interprétation erronée de la définition de la « position dominante» telle que prévue par l’article L.420-2 du code de commerce et ne peut inférer de sa seule situation personnelle l’existence d’une prépondérance du groupe X Y sur un marché secondaire qui dépasse très largement sa propre situation.


Enfin, elle soutient que la réalité du marché permet de démontrer qu’elle n’est pas en position dominante en ce que :


- il existe sur le « marché intérieur » français, un grand nombre d’intervenants de premier plan en situation de concurrence tous susceptibles de proposer des produits/services analogues,


-ses produits sont substituables de sorte que le caractère du produit en cause ne saurait être objectivement nécessaire pour pouvoir exercer une concurrence efficace sur un marché en aval,


- il n’existe aucun effet d’éviction sur le marché aval puisque les clients finaux ne sont pas impactés par sa décision de ne pas vendre certaines pièces de maintenance 4 et 5 de façon sèche ; les produits sont substituables et les clients finaux peuvent en bénéficier avec des prestations de mises en 'uvre dans la mesure où celles-ci sont exécutées en toute sécurité par des personnels formés et qualifiés,


- la société SHB a de multiples concurrents auxquels la politique relative aux pièces «sèches » n’a jamais posé de problème,


- la société SHB à la possibilité d’obtenir des pièces qu’elle présente comme « équivalentes».


La société SHB demande la confirmation du jugement en ce qu’il a reconnu que la société X Y détenait une position dominante sur le marché de la maintenance de niveaux 4 et 5 pour les matériels qu’elle produit et commercialise.


Elle soutient d’une part que les parts de marché de X Y s’établissent entre 80 % et 90 % du parc des matériels en moyenne (HTA) ou basse tension (BT) installés en France et d’autre part, que cette société a un rayonnement mondial puisqu’il s’agit du numéro 1 mondial pour la basse tension et les automatismes du bâtiment qui représente 43 % de son chiffre d’affaires et du numéro 1 mondial en moyenne tension et automatismes du réseau qui représente 20 % de son chiffre d’affaires.


Elle fait valoir que lors de l’évaluation menée par l’Autorité, la société X a reconnu elle-même que sa part de marché sur la vente d’équipements de distribution électrique en France en 2014 était de 70 % pour les équipements et cellules HTA et 60% pour les équipements et disjoncteurs BT de sorte que ses parts de marchés élevées remplissent les critères posées par la jurisprudence de la Cour de Justice et par les décisions de l’Autorité.


Elle ajoute que l’appartenance à un groupe économique puissant, occupant une position de leadership sur le plan national dans un secteur d’activité, est un indice qui peut, parmi d’autres, être retenu pour caractériser une position dominante. Ainsi, SHB affirme qu’il existe un faisceau de critères, retenu par l’Autorité pour déterminer l’existence d’une position dominante, permettant d’établir que la société X Y détient une position dominante sur le marché en cause.

Sur ce,


Selon l’article 102 du TFUE :

'Est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci.'


L’article L420-2 du code de commerce dans sa rédaction applicable dispose :

'Est prohibée, dans les conditions prévues à l’article L. 420-1, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées.


Est en outre prohibée, dès lors qu’elle est susceptible d’affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées au I de l’article L. 442-6 ou en accords de gamme.'


L’appréciation d’une position dominante passe en premier lieu par la délimitation d’un marché pertinent et en second lieu, par l’existence de critères de domination sur ce marché.


Le marché pertinent se définit comme le lieu sur lequel se confrontent l’offre et la demande de produits ou de services qui sont considérés par les acheteurs comme substituables entre eux mais non substituables aux autres biens ou services offerts.


La détermination de ce marché est une condition préalable et essentielle pour l’abus de position dominante.


Il appartient à SHB de délimiter le marché pertinent par référence au produit acheté et par référence à une sphère géographique.


Or, SHB ne se livre à aucune démonstration à cet égard ainsi que le relèvent les sociétés X Y.


Le jugement entrepris retient seulement que X Y occupe des positions fortes sur le marché de la fourniture d’équipements lui permettant de disposer d’un levier essentiel d’action vis-à-vis de ses concurrents mainteneurs sur le marché basse et moyenne tension.


L’Autorité dans sa décision n°17-D-21 du 9 novembre 2017 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la maintenance des équipements de distribution électrique moyenne et basse tensions (ci-après 'la Décision') retient s’agissant des marchés primaires de la fourniture d’équipements de distribution électrique HTA et BT :


- qu’il ne peut être exclu qu’il existe en l’espèce un marché de la fourniture des équipements de distribution électrique moyenne tension ou HTA et qu’un marché de la fourniture des équipements de distribution électrique BT semble pouvoir être défini (point 55),


- que du point de vue géographique, il ressort de la pratique décisionnelle en matière de contrôle des concentrations que les marchés de produits HTA sont susceptibles d’avoir une dimension européenne (point 56).


S’agissant des marchés secondaires correspondants, la Décision retient :


- que les marchés primaires et secondaires sont susceptibles d’être distincts (point 62),


- qu’il existe des marchés de la fourniture de pièces de rechange destinés aux équipements de distribution électrique HTA d’une part, BT d’autre part, de marque X Y (point 67),


- que ces pièces étant destinées aux équipements vendus sur des marchés susceptibles de revêtir une dimension européenne, les marchés secondaires correspondants pour leur fourniture sont susceptibles de revêtir la même dimension géographique (point 68).


- que la maintenance des équipements de distribution électrique HTA et BT de marque X Y nécessite souvent des pièces de rechange dont X Y contrôle la fourniture. Or, sur l’ensemble du territoire national, X Y refuse de vendre seules un nombre significatif de pièces de rechange nécessaires à la réalisation des opérations de maintenance et de mettre à disposition les outils correspondants. Sans accès à ces pièces de rechange, les mainteneurs tiers ne sont pas en mesure de réaliser eux-mêmes, l’ensemble des opérations de maintenance approfondie, des équipements de distribution électrique HTA et BT de marque X Y.
La substitualité entre les services des différents mainteneurs s’en trouve limitée (point 69),


- qu’il n’est donc pas exclu qu’un marché secondaire pour les prestations de maintenance approfondies des équipements de distributions électriques HTA et BT de marque X Y, distinct de ceux des marques concurrentes, puisse être identifié (point 70),


- que les pratiques de vente liée de X Y s’appliquent de façon indifférenciée sur l’ensemble du territoire national quel que soit le marché local en cause (point 73),


- qu’il existe des marchés de prestations de maintenance approfondie des équipements de distribution électrique HTA et BT de marque X Y, susceptibles d’être de dimension nationale (point 74),


- que X Y est susceptible de détenir une position dominante sur les marchés secondaires de la fourniture des pièces de rechange nécessaires à la réalisation des prestations de maintenance approfondie sur des équipements primaires de sa marque (point 77),


- que les pratiques mises en oeuvre par X Y sur les marchés de fourniture des pièces de rechange destinéees aux équipements électriques HTA et BT de marque X Y sont susceptibles de porter atteinte à la concurrence sur les marchés des prestations de maintenance approfondie de ces équipements.


C’est après avoir reçu cette évaluation préliminaire que X Y a transmis aux services de l’Autorité une proposition d’engagements afin de répondre aux préoccupations de concurrence exposées.


Au point 125 de la Décision, l’Autorité a considéré que les engagements pris par X Y répondent aux préoccupations de concurrence exprimées et présentent un caractère substantiel, crédible et vérifiable.


L’Autorité a ainsi décidé d’accepter les engagements pris par X Y, disant que ces engagements sont rendus obligatoires à compter de la date de notification de la décision.


Ainsi que le soutiennent justement les sociétés X Y, cette Décision, si elle constate l’importance du groupe X Y sur les marchés primaires de la fourniture d’équipements de distribution électrique HTA et BT et les marchés secondaires correspondants, ne retient à aucun moment une « position dominante » du groupe au sens des articles L.420-2 du code de commerce et 102 du TFUE.


A cet égard, la seule circonstance que l’Autorité n’ait pas exclu qu’un marché secondaire pour les prestations de maintenance approfondies des équipements de distributions électriques HTA et BT de marque X Y, distinct de ceux des marques concurrentes, puisse être identifié et que X Y était susceptible de détenir une position dominante sur les marchés secondaires de la fourniture des pièces de rechange nécessaires à la réalisation des prestations de maintenance approfondie sur des équipements primaires de sa marque, ne peut suffire.


La société SHB ne peut dès lors tenir pour acquis l’existence d’un marché pertinent qu’il lui incombe de définir avant de rechercher l’existence de critères de domination sur ledit marché.


Même à admettre que le marché serait celui de la maintenance de niveaux 4 et 5 pour les matériels que X Y produit et commercialise, il appartient à SHB de démontrer que ces produits sont substituables pour une clientèle déterminée, à savoir des sociétés spécialisées dans l’installation, la maintenance et la réparation d’équipements électriques, comme susceptibles de répondre aux mêmes attentes sur ce marché.
Il lui incombe aussi de démontrer le marché géographique retenu et à supposer qu’il s’agisse du marché français qu’il est suffisamment homogène au regard des conditions de la concurrence.


SHB ne se livrant à aucune démonstration du marché pertinent et la Décision ne pouvant en l’espèce y suppléer, alors qu’il s’agit d’un préalable nécessaire à la recherche d’existence de critères de domination sur ledit marché, il y a lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a retenu l’existence d’une position dominante occupée par X Y sur le marché de la maintenance de niveaux 4 et 5 pour les matériels que X Y produit et commercialise.


Il s’ensuit que la demande de SHB tendant à voir dire que les sociétés X Y France et X Y SE ont abusé de la position dominante qu’elles occupent sur le marché de la maintenance de niveaux 4 et 5 pour les matériels qu’elles produisent et commercialisent, est rejetée, de même que ses demandes en découlant.

Sur les autres demandes


La société SHB qui succombe est condamnée aux dépens d’appel.


Elle est déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée à verser sur ce fondement, à chacune des sociétés X Y la somme de 5 000 euros en sus de la somme allouée à ce titre par les premiers juges.

PAR CES MOTIFS


Statuant dans les limites de l’appel et de l’appel incident,

INFIRME le jugement en ce qu’il a dit :


- que X Y occupe une position dominante sur le marché de la maintenance de niveaux 4 et 5 pour les matériels qu’elle produit et commercialise,


- que X Y n’a pas abusé de cette position dominante,


Le CONFIRME pour le surplus,


Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DÉBOUTE la société SHB Y de ses demandes tendant à voir :


- dire que les sociétés X Y FRANCE et X Y SE ont abusé de la position dominante qu’elles occupent sur le marché de la maintenance de niveaux 4 et 5 pour les matériels qu’elles produisent et commercialisent,


- enjoindre in solidum les sociétés X Y FRANCE et X Y SE à cesser cette pratique fautive et de lui fournir les pièces demandées et ceux sans y inclure la main d''uvre, sous astreinte,


- condamner in solidum les sociétés X Y FRANCE et X Y SE à lui payer la somme de 250.000 euros en réparation du préjudice subi avec intérêts au taux légal, outre la somme de 10.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et de 15.000 € au titre des frais irrépétibles d’appel ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

CONDAMNE la société SHB Y aux dépens d’appel et à payer aux sociétés X
Y FRANCE et X Y SE, chacune la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande.


LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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