Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 13 avril 2022, n° 21/17969

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 3 - ch. 1, 13 avr. 2022, n° 21/17969
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/17969
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Paris, 8 septembre 2021, N° 20/06862
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRET DU 13 AVRIL 2022

(n° 2022/ , 10 T)


Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/17969 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEPM5


Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 09 Septembre 2021 – Juge de la mise en état de PARIS – RG n° 20/06862

APPELANT

Monsieur C I DE L-M

né le […] à […]

[…]

représenté par Me Didier CAM, avocat au barreau de PARIS, toque : G0347

ayant pour avocat plaidantMe Hélène BOUJENAH, avocat au barreau de PARIS, toque : A878

INTIMES

Monsieur B I DE L-M

né le […] à […]


C/o Me FORGUES – […]

représenté par Me Frédéric FORGUES, avocat au barreau de PARIS, toque : E2135

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/048383 du 03/12/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

Monsieur Z I DE L-M, assigné à étude de l’huissier par acte du 22.10.2021

né le […] à […]

[…]

Madame A I DE L-M veuve X

née le […] à […] et

Madame D I DE L-M épouse Y

née le […] à […]

[…]

représentées et plaidant par Me N O de l’AARPI O & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R137

COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme D PAULMIER-CAYOL, Conseiller, chargée du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller

Mme D PAULMIER-CAYOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :


- rendu par défaut


- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


- signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE :


H I de L-M est décédé le […], laissant pour lui succéder son épouse J E, avec laquelle il s’était marié le 11 septembre 1942 sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts, et les cinq enfants issus de leur union : Z, A, B, C et D.


Il dépendait notamment de la communauté des époux E-I de L-M le château de Bitaubé situé à […].


J E était également propriétaire d’une maison située à Rosas en Espagne.


De son vivant, J E a rédigé de nombreux testaments :


- un testament en date du 5 mai 2004, par lequel elle a attribué à M. B I de L-M la quotité disponible,
-un testament reçu le 10 I 2007 par acte authentique, par lequel elle a attribué à MM. B et C I de L-M la quotité disponible et révoqué toutes dispositions antérieures,


- un testament daté du 4 août 2008, par lequel elle a attribué à M. B I de L-M la quotité disponible et a expressément indiqué que ce testament annulait les dispositions antérieures,


- un testament du 3 août 2009, par lequel elle a effectué des legs particuliers au bénéfice de MM. B et C I de L-M,


- un testament du 1er décembre 2011, par lequel elle a institué M. B I de L-M légataire universel et révoqué toutes dispositions antérieures.


Le 7 décembre 2011, J E, a été placée sous sauvegarde de justice par jugement du juge des tutelles de Paris 16e et par jugement du 6 I 2012 sous le régime de la curatelle renforcée.


J E est décédée le […].


Saisi par Mme A I de L-M épouse X et Mme D I de L-M épouse Y d’une action en ouverture des opérations de compte liquidation partage des deux succession, le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 6 décembre 2019, a ordonné le partage de la succession de H I de L-M mais a rejeté la demande en partage portant sur la succession d’J E au motif que M. B I de L-M avait été institué par voie testamentaire légataire universel.


Un appel a été interjeté le 5 mars 2020 par M. C I de L-M sur le rejet de ses prétentions concernant la succession d’J E, contestant le legs universel consenti à M. B de I de L-M. L’instance est pendante devant la cour de céans.


Par exploit des 8, 9, 24 et 31 I 2020 M. C I de L-M a assigné ses frères et s’urs en nullité des testaments olographes des 4 août 2008 et 1er décembre 2011.

Mmes D et A I de L-M ont saisi dans le cadre de l’instance sur l’action en nullité des deux testaments précités, le juge de la mise en état d’un incident tendant à voir déclarer irrecevable comme étant prescrite la demande de M. C I de L-M en nullité des testaments olographes d’J E en date des 4 août 2008 et 1er décembre 2011.

Par ordonnance réputée contradictoire du 9 septembre 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a statué dans les termes suivants :


- déclare Mmes D et A I de L-M irrecevables à soulever la prescription de la demande en nullité du testament du 4 août 2008 pour abus de faiblesse,


- déclare Mmes D et A I de L-M irrecevables à soulever la prescription de la demande en nullité du testament du 1er décembre 2011 pour date inexacte,


- déclare irrecevable comme prescrite la demande en nullité du testament du 1er décembre 2011 pour abus de faiblesse,


- rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en nullité du testament du 4 août 2008 pour date inexacte,


- renvoie à l’audience de mise en état du 3 novembre 2021 à 13h30 pour conclusions en défense, à défaut clôture,
- réserve la demande de M. C I de L-M formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,


- réserve la demande de M. B I de L-M formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,


- réserve la demande Mmes D et K I de L-M formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,


- réserve les dépens de l’incident,


- rappelle que la présente décision est exécutoire par provision.


Il s’avère qu’une erreur affecte le deuxième chef de cette ordonnance quant aux causes de nullité ; l’action en nullité fondée sur l’inexactitude de la date concerne le testament daté du 4 août 2008 et non pas celui du 1er décembre 2011.

M. C I de L-M a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 14 octobre 2021.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 10 février 2022, l’appelant demande à la cour de :


- infirmer l’ordonnance du Juge de la mise en état de la 2ème chambre du tribunal judiciaire de Paris en date du 9 septembre 2021 en ce qu’elle a déclaré irrecevable comme prescrite la demande en nullité du testament du 1er décembre 2011 pour abus de faiblesse,

statuant à nouveau,


- juger non prescrite et recevable l’action de M. C I de L-M,

sur les appels incidents,


- confirmer l’ordonnance du juge de la mise en état de la 2ème chambre du tribunal judiciaire de Paris en date du 9 septembre 2021 en ce qu’elle a :

*déclaré Mmes D et A I de L-M irrecevables à soulever la prescription de la demande en nullité du testament du 4 août 2008 pour abus de faiblesse,

*déclaré Mmes D et A I de L-M irrecevables à soulever la prescription de la demande en nullité du testament du 1er décembre 2011 pour date inexacte,

*rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en nullité du testament du 4 août 2008 pour date inexacte,


- condamner in solidum Mmes D Y née I de L-M, A X née I de L-M et M. B I de L-M à payer la somme de 5 000 euros à M. C I de L-M, en application de l’article 700 du Code de procédure civile,


- condamner in solidum Mmes D Y née I de L-M, A X née I de L-M et M. B I de L-M aux entiers dépens de première instance et d’appel, en application de l’article 699 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 12 janvier 2022, B I de L-M, intimé, demande à la cour de :
- confirmer l’ordonnance du juge de la mise en état de Paris du 9 septembre 2021 en ce qu’elle a jugée irrecevable l’action en nullité du testament du 1er décembre 2011 initiée par M. C I de L-M,


- juger prescrite l’action en nullité de M. C I de L-M concernant le testament du 1er décembre 2011,


- infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris du 9 septembre 2021 en ce qu’elle n’a pas jugé irrecevable comme prescrite la demande en nullité du testament du 4 août 2008 pour date inexacte de M. C I de L-M,

statuant de nouveau,


- déclarer irrecevable comme prescrite la demande de nullité du testament du 4 août 2008 pour date inexacte de M. C I de L-M,


- débouter M. C I de L-M de l’ensemble de ses demandes et prétentions,


- condamner M. C I de L-M à payer à Me Frédéric FORGUES, avocat, 5 000 euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 I 1991,


- condamner M. C I de L-M aux dépens, dont distraction au profit de Maître Frédéric Forgues, avocat, en application des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 10 janvier 2022, Mmes A et D I de L-M, intimées, demandent à la cour de :


- réformer l’ordonnance du juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Paris en ce qu’elle n’a pas retenu les intérêts à agir de Mmes A X et D Y pour soulever la prescription des demandes en nullité formulées par M. C de L M,

statuant à nouveau :


- déclarer Mmes A X et D Y recevables à soulever l’irrecevabilité des demandes en nullité formulées par M. C de L M,

en conséquence :


- réformer l’ordonnance du juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Paris en ce qu’elle n’a pas jugé irrecevable comme prescrite la demande en nullité du testament du 4 août 2008 pour date inexacte de M. C de L M,

statuant à nouveau :


- déclarer irrecevable comme prescrite la demande en nullité du testament du 4 août 2008 pour date inexact de M. C I de L M,

à titre subsidiaire :


- confirmer l’ordonnance du juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Paris en ce qu’elle a dit irrecevable comme prescrite la demande en nullité du testament du 1 er décembre 2011 pour abus de faiblesse de M. C de L M, ce faisant :


- débouter M. C de L M de sa demande de réformation de l’ordonnance du juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Paris,

en tout état de cause :


- condamner M. C I de L M à payer à Mmes D Y et A X la somme de 5 000 euros chacune, en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,


-condamner M. C I de L M aux entiers dépens de l’incident, dont distraction au profit de Maître N O, en application des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

M. Z I de L-M, qui s’est vu signifié la déclaration d’appel par exploit du 22 octobre 2021 et les premières conclusions d’appelant par acte du 14 décembre 2021 ainsi que le second jeu d’écritures pris par M. C I de L-M le 15 février 2022, n’a pas constitué avocat.


Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.


L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 février 2022.


L’affaire a été appelée à l’audience du 1er mars 2022.

MOTIFS :


Le dispositif de l’ordonnance contient un premier chef déclarant Mmes A et D de I de L-M irrecevables à soulever la prescription de la demande en nullité du testament du 4 août 2008 pour abus de faiblesse, et un deuxième chef de dispositif qui les déclare irrecevables à soulever la prescription de la demande en nullité du 1er décembre 2011 pour date inexacte.


Il s’avère que M. C de I de L-M n’a jamais contesté l’exactitude de cette date, n’attaquant la régularité de cet acte qu’en raison des agissements qu’il impute à M. B de I de L-M et qui ont pu vicier le consentement de J E.


Cette dernière cause de nullité relève d’une confusion commise par le premier juge qui sera rectifiée ainsi qu’il suit.

Sur la recevabilité de Mmes A et D I de L-M à soulever la prescription de l’action de M. C I de L-M en nullité des testaments


L’action en nullité poursuivie par M. C de I de L-M à l’encontre des testaments datés des 4 août 2008 et 1er décembre 2011 tend donc à rendre applicable le testament authentique reçu le 10 I 2007 par lequel J E a légué à ses fils B et C la quotité disponible et le testament du 3 août 2009 consentant à ces derniers des legs particuliers.


Le premier juge a retenu que Mmes A et D I de L-M n’avaient aucun intérêt légitime à soulever la prescription de l’action en nullité des testaments au motif qu’elles ne tireront aucun bénéfice de l’annulation des dispositions testamentaires attaquées.


Rappelant que l’appréciation de l’intérêt à agir ne doit pas conduire à une appréciation du bien fondé de l’action, Mmes A et D I de L-M font valoir que l’annulation des testaments datés des 4 août 2008 et 1er décembre 2011 aura pour conséquence de rendre applicable le testament du 3 août 2009 par lequel des legs particuliers ont été consentis à M. C I de L-M et M. B I de L-M et qui viendront donc réduire directement le montant de l’actif successoral et leurs droits. Elles soutiennent que les incidences sur l’actif successoral caractérisent l’intérêt à agir des héritiers pour solliciter ou s’opposer à la nullité d’un testament.


Ni M. B de I de L-M, ni M. C I de L-M n’ont conclu sur la recevabilité de la fin de non recevoir soulevée par Mme A et D I de L-M.


Le legs universel consenti par la défunte au profit de M. B I de L-M contenu dans le testament du 1er décembre 2011 a pour effet de ne pas placer ses héritiers en situation d’indivision mais de leur ouvrir droit à l’action en réduction pour atteinte à leur réserve.


L’absence de situation d’indivision pour Mmes A et D I de L-M résultant de ce legs universel qui a ainsi directement une incidence sur l’actif successoral, suffit à caractériser leur intérêt à agir et les rend donc recevables à soulever la prescription de l’action de M. C I de L-M en nullité du testament du 1er décembre 2011.


En revanche, à supposer admise la nullité du testament du 1er décembre 2011, la nullité du testament daté du 4 août 2008 qui attribue à M. B I de L-M la quotité disponible, rendra exécutoire le testament reçu le 10 I 2007 qui attribue la quotité disponible à ce dernier et à M. C I de L-M, lesquels pourront également prétendre à l’exécution des legs particuliers qui leur ont été consentis par le testament du 3 août 2009 par l’effet de la nullité du testament du 1er décembre 2011.


Il s’en suit que la quotité disponible soit attribuée seulement à M. B I de L-M ou se répartisse entre ce dernier et M. C de I de L-M, il ne résulte pas que la nullité poursuivie du testament daté du 4 août 2008 puisse avoir une incidence sur l’actif successoral auquel peuvent prétendre Mmes A et D I de L-M qui n’invoquent pas, par ailleurs, leur intérêt moral à ce que la quotité disponible soit attribuée à leur frère B plutôt qu’à C.


Partant, pour les motifs qui précèdent, l’ordonnance est confirmée en ce qu’elle a déclaré irrecevables Mmes A et D I de L-M à soulever la prescription de l’action en nullité du testament daté du 4 août 2008 tout en la rectifiant en ce qu’elle a visé comme cause de nullité de ce testament l’abus de faiblesse suite à la confusion commise par le premier juge sur les causes de nullité des deux testaments.


En revanche, l’ordonnance est infirmée en qu’elle a déclarées Mmes A et D I de L-M irrecevables à soulever la prescription de l’action en nullité du testament du 1er décembre 2011.

Sur la recevabilité de l’action en nullité du testament daté du 4 août 2008


Le juge de la mise en état, au motif que la datation du testament est un formalisme imposé ad validatem par l’article 970 du code civil, a retenu que M. C I de L-M exerçait une action en nullité absolue soumise à la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil qui n’a pu au plus tôt commencer à courir que le 3 avril 2015, date à laquelle M. C I de L-M a eu connaissance de ce testament et qu’en application des textes sur la crise sanitaire ayant prorogé jusqu’au 23 août 2020 les délais de prescription et de procédure, son action introduite par l’assignation qu’il a fait délivrer par acte des 8, 9, 24 et 31 I 2020 n’était pas prescrite.


Adoptant pour les besoins de son raisonnement l’allégation de M. C I de L-M selon laquelle le testament a été établi entre le 21 septembre 2011 et le 31 I 2013 et retenant l’existence d’une probabilité évidente dans l’hypothèse où la demande au fond prospérerait que le testament litigieux a été établi après l’ouverture d’une mesure de protection à l’égard de J E par le jugement du 7 décembre 2011, M. B I de L-M critique l’application par le juge de la mise en état de l’article 2224 du code civil, faisant valoir qu’en vertu du principe selon lequel les lois spéciales dérogent aux lois générales, l’action en nullité poursuivie par M. C I de L-M est soumise à la prescription de l’ancien article 1304 in fine du code civil qui prévoit que l’action en nullité des actes faits par un majeur en curatelle court contre ses héritiers du jour du décès, si elle n’a pas commencé à courir auparavant.

Mmes A et D I de L-M à l’appui de leur demande d’irrecevabilité de l’action en nullité du testament du 4 août 2008 soutiennent les mêmes moyens que M. B I de L-M.

M. C I de L-M qui poursuit la confirmation de l’ordonnance du juge de la mise en état en ce qu’elle a jugé non prescrite l’action en nullité du testament daté du 4 août 2008, en adopte les motifs.

***


Il résulte des termes de l’assignation délivrée par M. C I de L-M devant le tribunal que deux causes de nullité sont invoquées à l’appui de sa demande en nullité du testament du 4 août 2008, la fausseté de la date qui y est mentionnée et son absence de date certaine d’une part, des ''man’uvres'', ''manipulation'', ''intrigues'', ''influence'', ''abus de faiblesse'', ''pressions'' qu’impute l’appelant à son frère B (T 6, 7, 11, 14 et 15 de l’assignation), d’autre part, agissements qui relèvent tout à la fois d’une forme de violence et du dol.


S’agissant de la première cause de nullité de ce testament tenant à la date qui y est mentionnée, n’étant pas allégué que les dispositions testamentaires dont la date est contestée, puissent être postérieures au 31 I 2013, l’action en nullité est soumise aux textes en vigueur à cette dernière date.

M. B I de L-M et Mmes A et D I de L-M affirment que l’article 1304 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats s’applique à l’espèce.


Cet article dispose que « Dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d’erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.

Le temps ne court, à l’égard des actes faits par un mineur, que du jour de la majorité ou de l’émancipation ; et à l’égard des actes faits par un majeur protégé, que du jour où il en a eu connaissance, alors qu’il était en situation de les refaire valablement. Il ne court contre les héritiers de la personne en tutelle ou en curatelle que du jour du décès, s’il n’a commencé à courir auparavant. »


Les intimés invoquent plus précisément les dispositions in fine de cet article selon lesquelles la prescription de l’action en nullité des actes fait par un majeur en tutelle ou en curatelle ne court à l’égard des héritiers qu’à compter du jour du décès et affirment que la question de savoir si le délai de prescription pouvait commencer à courir plus tard que le jour du décès a été tranchée par la négative par la Cour de cassation. Ils concluent que l’action en nullité introduite par M. C I de L-M plus de cinq ans après le décès de J E est prescrite.


Si M. C I de L-M soutient que ce testament a été établi postérieurement au 21 septembre 2011 et avant le 31 I 2013, il ne se prononce pas davantage sur la date du testament, invoquant seulement la fausseté de celle du 4 août 2008 et son absence de date certaine.


Certes, le texte de l’article 1304 a été modifié à compter du 1er janvier 2009 par la loi n°2007-308 du 5 mars 2007 ; cependant, cette modification, par respect à l’égard des personnes protégées a simplement consisté à remplacer le terme ''incapable'' par l’expression ''personne en tutelle ou curatelle''.


Ce texte fixe au décès de la personne placée sous curatelle ou tutelle le point de départ du délai de prescription de l’action des héritiers à l’encontre des actes faits par leur auteur placé sous un régime de curatelle ou de tutelle.


Les intimés prétendent que le testament litigieux a été établi alors que J E était déjà placée sous une mesure de protection.


D’une part, ce texte n’est applicable qu’à l’égard des actes faits par une personne placée sous une mesure de curatelle ou de tutelle ; la sauvegarde de justice n’étant pas visée par ce texte, celui-ci ne peut être applicable que si ce testament a été établi après le 6 janvier 2012 date du jugement de placement de J E sous un régime de curatelle.


D’autre part, les intimés n’ étayent pas par un quelconque élément leur assertion que le testament a été établi alors que J E était placée sous le régime de la curatelle autre que celui tenant à son caractère probable. Il est relevé qu’à l’inverse des testaments des 4 mai 2004, 10 I 2007 et 1er décembre 2011, le testament du 4 août 2008 ne figure pas au fichier central des dernières volontés ; il ne bénéficie donc pas de la date butoir que constitue celle de son inscription à ce fichier.


L’application d’un texte qui institue un régime particulier à l’action des héritiers en nullité d’un acte de leur auteur placé sous curatelle ou tutelle ne peut être assise sur la simple probabilité que cet acte a été effectué pendant que celui-ci était placé sous l’un de ces régimes de protection.


En l’espèce, l’incertitude quant à la date de passation de cet acte empêche l’application du dernier alinéa de l’article 1304 ancien du code civil.


Le motif de la postérité du testament daté du 4 août 2008 au placement en curatelle de J E qui n’est pas établi en fait, n’étant pas retenu, l’action en nullité exercée par M. C I de L-M sur le fondement de la fausseté de la date et de l’absence de date certaine de ce testament ne saurait être déclarée prescrite en application de l’ancien article 1304 in fine du code civil.


Ce texte n’étant pas applicable, la prescription de l’action en nullité exercée par M. C I de L-M pour cause de fausseté de sa date et de son absence de date certaine est régie, comme l’a retenu à juste titre le premier juge, par les dispositions générales de l’article 2224 du code civil selon lesquelles les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

M. C I de L-M ne contestant pas la date du 5 avril 2015 retenue par le premier juge comme étant celle où il a pu connaître au plus tôt l’existence du testament litigieux qui correspond à la date d’ouverture par le notaire du testament daté du 4 août 2008, les intimés n’établissant par aucun moyen que M. C I de L-M a pu connaître l’existence de ce testament antérieurement à cette date, c’est par des justes motifs que le premier juge a retenu que cette date du 5 avril 2015 constituait le point de départ du délai de prescription qui aurait dû expirer le 5 avril 2020 mais a été prorogé au 23 août 2020 par la législation spéciale prise pendant la crise sanitaire et qu’en conséquence il n’était pas expiré à la date de la délivrance de l’assignation (8, 9, 24 et 31 I 2013).
Partant l’ordonnance est confirmée en ce qu’elle a retenu que l’action en nullité du testament daté du 4 août 2008 pour cause de fausseté de date et de date incertaine était recevable, la confusion du premier juge sur la cause de nullité étant seulement rectifiée.


A l’examen des motifs de l’ordonnance, le premier juge ne s’est prononcé sur la prescription de la demande de nullité de ce testament qu’en ce qu’elle repose sur la cause tenant à la fausseté de sa date et à son absence de date certaine, sans s’être prononcé sur la prescription de l’action en nullité de ce testament reposant sur la cause d’agissements relevant de faits de violence ou de dol.


Le testament étant une libéralité, il peut en application de l’article 901 du code civil être frappé de nullité si le consentement du testateur « a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence ».


Que ce testament soit effectivement daté du 4 août 2008 ou qu’il soit postérieur mais ne pouvant être postérieur au […] date du décès de J E, l’action en nullité est soumise aux dispositions du code civil antérieures à sa modification par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, le régime de l’action en nullité n’ayant pas subi de modifications entre ces deux dates autres que celle purement terminologique concernant l’article 1304 précédemment évoquée.


Si le premier alinéa de l’article 1304 ancien du code civil s’applique à l’action que M. C I de L-M pour vice du consentement, ce texte n’exclut pas s’ils ne sont pas incompatibles, l’application des textes généraux sur la prescription issus de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 entrée en vigueur le 19 juin 2008, soit antérieurement à la date à laquelle le testament a été établi au plus tôt.


En vertu de l’article 2224 du code civil, la prescription ne court qu’ « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer (l’action personnelle ou mobilière)».


En l’occurrence, tant que M. C I de L-M ignorait l’existence du testament, il ne pouvait agir en nullité de cet acte.


De plus, si l’article 1304 ancien du code civil prévoit que la prescription s’agissant des faits de violence ne court que du jour où elle a cessé, c’est à dire au plus tard au jour du décès du disposant, les violences alléguées étant mêlées avec les agissements dolosifs imputés à M. B I de L-M, la prescription en application de ce texte ne court pour cause de dol que du jour de leur découverte, laquelle coïncide avec celle où ce dernier a pu avoir au plus tôt connaissance du testament.


N’existant aucune incompatibilité entre les termes de l’article 1304 ancien du code civil et les textes sur la prescription, il doit être fait application des textes sur la prescription à l’action en nullité du testament date du 4 août 2008 reposant sur la cause de nullité tenant à des vices du consentement de J E.


Il en résulte pour les mêmes motifs que ceux ci-avant retenus dans le cadre de l’examen de la recevabilité de l’action en nullité du testament daté du 4 août 2008 pour cause de fausse date et de date incertaine que l’action en nullité de ce testament pour cause de vice de consentement n’est pas prescrite.


Il y a lieu de compléter ainsi qu’il suit le dispositif de l’ordonnance.

Sur la prescription de l’action en nullité du testament du 1er décembre 2011


Retenant que l’action en nullité du testament du 1er décembre 2011 pour cause de vice du consentement était une nullité relative, le premier juge a estimé que cette action était soumise au délai de prescription de l’ancien article 1304 du code civil qui a l’égard des actes passés par une personne en curatelle court à l’égard des héritiers de celle-ci au plus tard à compter du décès de cette dernière.


Pour les motifs qui précèdent, l’action en nullité du testament du 1er décembre 2011 ne peut reposer sur les dispositions in fine de cet article, puisqu’à cette date J E n’était pas placée sous un régime de curatelle ou de tutelle.


De plus, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, la violence n’est pas la seule cause de nullité du testament du 1er décembre 2011, étant également invoqués par M. C I de L-M des agissements relevant du dol pour lequel en application du deuxième alinéa de l’ancien article 1304 du code civil, leur découverte constitue le point de départ du délai de prescription de l’action en nullité.


Par ailleurs pour les mêmes motifs que ceux ci-avant développés, les textes généraux sur la prescription issus de la loi 2008-561 du 17 juin 2008 sont applicables à l’action en nullité pour vice du consentement de ce testament exercée par M. C I de L-M, de sorte qu’en application de l’article 2224 du code civil, la prescription ne court qu’à compter du jour où celui-ci en a eu connaissance, soit en l’occurrence, le 7 septembre 2015, date du courriel que lui a adressé son avocat lui transmettant un projet d’acte de notoriété faisant état de ce testament.


Il suit en conséquence que le délai de prescription n’était pas achevé à la date de l’introduction de l’action en justice en nullité par M. C I de L-M à l’encontre du testament du 1er décembre 2011 ; partant, infirmant l’ordonnance entreprise, l’action en nullité de ce testament n’est pas prescrite.

Sur les demandes accessoires


Les dépens du présent incident seront mis à la charge des intimés qui échouent dans la fin de non recevoir de l’action en nullité intentée par M. C I de L-M à l’encontre des testaments datés des 4 août 2008 et 1er décembre 2001 qu’ils ont soulevée.


Le conseil de M. C I de L-M ayant demandé en application de l’article 699 du code de procédure civile à être autorisé à recouvrer directement les dépens dont il a fait l’avance, il sera fait droit à sa demande.


Il est statué sur les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’il suit.

PAR CES MOTIFS


Statuant dans les limites de l’appel ;


Rectifie les chefs de l’ordonnance rendue le 9 septembre 2021 par le juge de la mise en état de la 2ème chambre du tribunal judiciaire de Paris ayant :


- déclaré Mmes A et D I de L-M irrecevables à soulever la prescription de la demande en nullité du testament du 4 août 2008 pour abus de faiblesse;


- déclaré Mmes A et D I de L-M irrecevables à soulever la prescription de la demande en nullité du testament du 1er décembre 2011 pour date inexacte;


Dit que ces chef de l’ordonnance doivent être lus après rectification comme suit :
- déclaré Mmes A et D I de L-M irrecevables à soulever la prescription de la demande en nullité du testament daté du 4 août 2008 pour cause de fausseté de date et de date incertaine ;


- déclare Mmes A et D I de L-M irrecevables à soulever la prescription de la demande en nullité du testament du 1er décembre 2011 pour abus de faiblesse ;


Infirme l’ordonnance en ce qu’elle a :


- déclaré Mmes A et D I de L-M irrecevables à soulever la prescription de la demande en nullité du testament du 1er décembre 2011 ;


- déclaré irrecevable comme prescrite la demande de M. C I de L-M en nullité du testament du 1er décembre 2011 pour abus de faiblesse ;


Statuant à nouveau de ces chefs :


- déclare Mmes A et D I de L-M recevables à soulever la prescription de l’action en nullité du testament daté du 1er décembre 2011 ;


- déclare M. C I de L-M recevable en son action en nullité du testament du 1er décembre 2011 ;


Confirme l’ordonnance rendue le 9 septembre 2021 en ce qu’elle a :


- déclaré irrecevables Mmes A et D I de L-M à soulever la prescription de la demande en nullité du testament du 4 août 2008 pour cause de fausseté de date et de date incertaine ;


- déclaré non prescrite l’action en nullité du testament daté du 4 août 2008 ayant pour cause la fausseté de sa date et une date incertaine ;


Y ajoutant :


- déclare non prescrite l’action en nullité du testament daté du 4 août 2008 ayant pour cause de vices du consentement ;


Condamne M. B I de L-M et Mmes A et D I de L-M à payer ensemble à M. C I de L-M la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;


Condamne M. B I de L-M et Mmes A et D I de L-M aux dépens tant en première instance qu’en appel dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.


Le Greffier, Le Président, 1. Q R S T

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Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 13 avril 2022, n° 21/17969