Cour d'appel de Paris, Pôle 4 chambre 11, 9 février 2023, n° 21/11125

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 ch. 11, 9 févr. 2023, n° 21/11125
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/11125
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Créteil, 25 mai 2021, N° 20/01705
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 24 février 2023
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Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 11

ARRET DU 09 FEVRIER 2023

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/11125

N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3UD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2021 -Tribunal judiciaire de CRETEIL RG n° 20/01705

APPELANTS

Monsieur [O] [W]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

né le [Date naissance 2] 1986 à [Localité 14] (France)

Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assisté par Me Anaëlle VOITELLIER, avocat au barreau de PARIS

Madame [H] [B]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

née le [Date naissance 1] 1989 à [Localité 13] (France)

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée par Me Anaëlle VOITELLIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT

[Adresse 9]

[Adresse 9]

Représenté par Me Anne-Laure ARCHAMBAULT de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R079

Assisté par Me Noelia CANEDO, avocat au barreau de PARIS

FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée et assistée par Me Laure FLORENT de l’AARPI FLORENT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0549

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame [V] [L] dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRET :

— Contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 20 janvier 2015, M. [O] [W], militaire de carrière, qui se rendait à [Localité 5] (94) pour passer un concours d’officier, a été victime, alors qu’il traversait la chaussée, d’un accident de la circulation constituant également un accident de service, dans lequel était impliqué un véhicule dont le conducteur a pris la fuite et n’a pu être identifié.

Le 6 octobre 2016, M. [W] a saisi le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) d’une demande d’indemnisation des préjudices consécutifs à cet accident.

Une expertise amiable contradictoire a été réalisée à la demande du FGAO par le Docteur [G] qui a établi son rapport définitif le 20 septembre 2018.

M. [W] a parallèlement réclamé au ministère des armées une indemnité complémentaire à sa pension militaire d’invalidité en réparation des souffrances endurées, des préjudices esthétiques temporaire et permanent et du préjudice d’agrément consécutifs à son accident de service.

Le ministère des armées a organisé deux expertises médicales de M. [W] confiées au Docteur [F] et au Docteur [D] qui ont déposé leurs rapports respectivement le 5 février 2018 et le 4 décembre 2018.

M. [W] et sa compagne, Mme [H] [B], ont par actes d’huissier du 8 octobre 2018 et du 16 janvier 2019 assigné le FGAO et l’agent judiciaire de l’Etat (l’AJE) afin d’obtenir l’indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement rendu le 26 mai 2021, le tribunal judiciaire de Créteil a :

— débouté M. [W] et Mme [B] de leurs demandes à l’encontre de l’AJE,

— condamné le FGAO à payer à M. [W] les sommes suivantes en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittance, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour :

—  690,50 euros au titre des frais divers avant consolidation

—  9 125 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

—  229,50 euros au titre des frais divers après consolidation,

— réservé les postes de préjudice au titre de la souffrance, du préjudice esthétique temporaire et permanent et du préjudice d’agrément,

— rejeté le surplus des demandes de M. [W] au titre de la réparation de son préjudice,

— condamné le FGAO à payer à Mme [B] les sommes suivantes en réparation de son préjudice, en deniers ou quittance, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour :

—  3 500 euros au titre du préjudice d’affection

—  3 271,99 euros au titre des frais exposés,

— rejeté le surplus des demandes de Mme [B] au titre de la réparation de son préjudice,

— déclaré le présent jugement commun à l’AJE,

— rejeté la demande de l’AJE en remboursement de la provision qu’il a versée à M. [W],

— condamné M. [W] aux dépens avec possibilité de recouvrement en application de l’article 699 du code de procédure civile,

— condamné le FGAO à payer à M. [W] une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— constaté l’exécution provisoire de plein droit de la décision,

— rejeté la demande du FGAO tendant à écarter l’exécution provisoire de plein droit de la décision,

— rejeté toutes prétentions plus amples ou contraires des parties.

Par déclaration du 15 juin 2021, M. [W] et Mme [B] ont interjeté appel de ce jugement en critiquant chacune de ses dispositions, hormis celles relatives à la condamnation du FGAO au paiement d’une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de M [W] et de Mme [B], notifiées le 23 août 2022, aux termes desquelles ils demandent à la cour de :

Vu l’article 1er de la loi n°57-1424 du 31 décembre 1957,

Vu l’article 38 de la loi n°55-366 du 3 avril 1955,

Vu les dispositions de la loi n°85-677du 5 juillet 1985 et notamment son article 3,

Vu l’article L.421-1-I alinéa 1.a) du code des assurances,

— déclarer M. [W] et Mme [B] recevables et bien fondés en leur appel,

Y faisant droit,

— réformer le jugement rendu le 26 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Créteil en ce qu’il a :

— débouté M. [W] et Mme [B] de leurs demandes à l’encontre de l’AJE,

— condamné le FGAO à payer à M. [W] les sommes suivantes en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour :

—  690,50 euros au titre des frais divers avant consolidation

—  9 125 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

—  229,50 euros au titre des frais divers après consolidation,

— réservé les postes de préjudice au titre de la souffrance, du préjudice esthétique temporaire et permanent et du préjudice d’agrément,

— rejeté le surplus des demandes de M. [W] au titre de la réparation de son préjudice,

— condamné le FGAO à payer à Mme [B] les sommes suivantes en réparation de son préjudice, en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour :

—  3 500 euros au titre du préjudice d’affection

—  3 271,99 euros au titre des frais exposés,

— rejeté le surplus des demandes de Mme [B] au titre de la réparation de son préjudice,

— condamné M. [W] aux dépens avec possibilité de recouvrement en application de l’article 699 du code de procédure civile,

— rejeté toutes prétentions plus amples ou contraires des parties, mais uniquement lorsqu’il rejette les prétentions de M. [W] et de Mme [B],

— confirmer le jugement rendu le 26 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Créteil en ce qu’il a :

— condamné le FGAO à indemniser les conséquences dommageables pour M. [W] et Mme [B] de l’accident survenu le 20 janvier 2015,

— déclaré qu’aucune indemnité complémentaire n’était due au titre des dépenses de santé de M. [W],

— réservé les postes des souffrances endurées, du préjudice d’agrément et du préjudice esthétique,

— assorti le jugement de l’exécution provisoire,

Statuant à nouveau :

— condamner le FGAO à verser à M. [W] des sommes qui ne pourront être inférieures au décompte suivant :

— frais divers : 2 297,34 euros

— perte de gains professionnels actuels : 8 160,72 euros

— déficit fonctionnel temporaire : 120 euros

— perte de gains professionnels futurs : sursis à statuer

— incidence professionnelle : 100 000 euros

— déficit fonctionnel permanent : 70 750 euros,

— déduire des sommes dues par le FGAO la provision totale de 20 000 euros déjà versée à M. [W],

— condamner le FGAO à verser à Mme [B] des sommes qui ne pourront être inférieures au décompte suivant :

— préjudice moral : 20 000 euros

— préjudice professionnel : 17 648,95 euros

— frais divers : 3 596,99 euros,

— condamner le FGAO à verser lesdites sommes assorties des intérêts à compter de la date de l’arrêt à intervenir,

— déclarer l’arrêt à intervenir commun à l’organisme social, l’AJE, régulièrement mis en cause,

— débouter les intimés de toutes demandes contraires,

— condamner le FGAO à verser à M. [W] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Vu les conclusions du FGAO, notifiées le 7 septembre 2022, aux termes desquelles il demande à la cour de :

Vu les articles L.421-1 et suivants, R.421-13, R.421-14 et .421-15 du code des assurances,

Vu l’article L.4251-7 du code de la défense,

— juger l’appel interjeté par M. [W] et Mme [B] mal fondé,

— en conséquence, les en débouter,

— juger l’appel incident formé par le FGAO bien fondé,

— juger qu’il est limité aux postes «frais de train», incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent pour M. [W] et au préjudice moral pour Mme [B],

En conséquence,

— infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Créteil du 26 mai 2021 en ce qui concerne ces postes de préjudice et le confirmer pour le surplus,

— juger que le préjudice subi par M. [W] du fait de l’accident de la circulation dont il a été victime le 20 janvier 2015 serait justement réparé par les sommes suivantes :

— dépenses de santé actuelles : néant

— frais divers : 209 euros

— perte de gains professionnels actuels : rejet

— déficit fonctionnel temporaire : néant

— souffrances endurées : néant

— préjudice esthétique temporaire : néant

— dépenses de santé futures : néant

— frais divers futurs : 229,50 euros

— perte de gains professionnels futurs : rejet

— incidence professionnelle : rejet

— déficit fonctionnel permanent : 34 200 euros soit néant «après déduction de la créance» [de l’AJE]

— préjudice d’agrément : néant

— préjudice esthétique permanent : néant,

— rappeler que le FGAO a déjà versé une somme de 10 045 euros à M. [W] et de 6 771,99 euros à Mme [B] qu’il conviendra de déduire,

— rappeler que le ministère de la défense a déjà versé une provision de 7 500 euros à M. [W] qu’il conviendra de déduire,

— rappeler que, conformément aux articles L. 421-1 et R. 421-13 du code des assurances, il doit être tenu compte, dans le montant des sommes allouées à la victime au titre de la réparation de son préjudice, notamment, des prestations versées par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale, et en conséquence, déduire la pension militaire d’invalidité et des victimes de guerre perçue par M. [W] ainsi que les éventuelles prestations à caractère indemnitaire versées au titre des contrats de prévoyance complémentaire,

— faire injonction à M. [W] de communiquer une attestation émanant de l’assureur auprès duquel son employeur a souscrit une garantie de prévoyance collective précisant si des prestations ont été versées,

— débouter M. [W] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre du FGAO,

— débouter Mme [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— statuer ce que de droit quant aux dépens.

Vu les conclusions de l’AJE, notifiées le 9 décembre 2021, aux termes desquelles il demande à la cour de :

Vu les articles 1, 29 et suivants de la loi du 5 juillet 1985,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [W] et Mme [B] de leur demande à l’encontre de l’AJE,

— condamner Mme [B] et M. [W] à payer à l’AJE la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner Mme [B] et M. [W] aux entiers dépens de la procédure.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient d’observer à titre liminaire que M. [W] et Mme [B] ne formulent dans le dispositif de leurs dernières conclusions, qui seul saisit la cour, aucune prétention à l’encontre de l’AJE.

Sur le préjudice corporel de M. [W]

L’expert, le Docteur [G], indique dans son rapport en date du 20 septembre 2018 que M. [W] a présenté à la suite de l’accident du 20 janvier 2015 un grave traumatisme crânien avec un score de Glasgow à 14 et des pétéchies hémorragiques, une fracture du rocher temporal gauche, des hématomes sous-duraux, un oedème cérébral au niveau de l’hémisphère droit avec déviation de la ligne médiane de 3 millimètres, sur le plan pulmonaire une condensation du lobe inférieur gauche avec atélectasie et hémothorax gauche minime, une fracture de la clavicule gauche non opérée et des fractures costales.

Il retient que M. [W] conserve comme séquelles un problème neurocognitif mineur mais réel accompagné de troubles auditifs significatifs et de troubles psychologiques à type de sensation de dévalorisation personnelle et intime.

Il conclut son rapport de la manière suivante :

— arrêt temporaire des activités professionnelles du 20 janvier 2015 au 15 juin 2015 puis du 16 août 2015 au 31 août 2015

— reprise d’activité à temps partiel thérapeutique imputable à l’accident du 16 juin 2015 au 15 août 2015 et du 1er septembre 2015 au 30 septembre 2015

— déficit fonctionnel temporaire total du 20 janvier 2015 au 14 mai 2015 et le 17 août 2015

— déficit fonctionnel temporaire partiel de classe II (25 %) entre ces périodes et jusqu’au 5 février 2018

— consolidation au 5 février 2018

— souffrances endurées de 5/7

— préjudice esthétique temporaire pendant l’ hospitalisation initiale de 2/7

— déficit fonctionnel permanent de 18 %

— préjudice esthétique permanent de 1,5/7

— préjudice d’agrément pour la plongée avec bouteilles et les sports de combat,

— préjudice sexuel : pas d’impact sur le désir, l’érection ou la possibilité de procréer

— assistance par une tierce personne : néant

— répercussion des séquelles sur le plan professionnel : «son accident est intervenu alors qu’il était en train de passer des examens pour devenir officier, qu’il n’a pu mener à bien. Malheureusement, en fin de période aiguë pathologique, il avait dépassé l’âge de ces examens. Il s’est réorienté pour évoluer dans la carrière de sous-officier. Il a donc une perte de chance de devenir officier. Ses troubles neurocognitifs avec difficultés d’exécution ne lui permettront pas d’obtenir un poste à responsabilité mais plutôt un poste d’exécution dans le cadre d’un travail hors armée. Il y donc une incidence professionnelle avec une perte de possibilité de promotions».

Son rapport constitue, sous les précisions qui suivent, une base valable d’évaluation du préjudice corporel de M. [W] à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l’âge de la victime née le [Date naissance 2] 1986, de son activité antérieure à l’accident de militaire, de la date de consolidation, afin d’assurer sa réparation intégrale et en tenant compte de ce qu’il résulte des articles L. 421-1 et R. 421-13 du code des assurances d’une part, que lorsque le FGAO intervient, il paie les indemnités allouées aux victimes ou à leurs ayants droit qui ne peuvent être prises en charge à aucun autre titre lorsque l’accident ouvre droit à réparation, d’autre part, que les versements effectués au prit des victimes ou de leurs ayants droit et qui ne peuvent pas donner lieu à une action récursoire contre le responsable des dommages ne sont pas considérés comme une indemnisation à un autre titre.

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

— Dépenses de santé actuelles

Ce poste de préjudice vise à indemniser l’ensemble des dépenses de santé, incluant les frais d’hospitalisation, médicaux et pharmaceutiques, exposés avant la date de la consolidation.

En l’espèce, ce poste correspond aux frais médicaux pris en charge par la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (pièce n° 33), M. [W] n’invoquant aucune dépense de santé demeurée à sa charge pour la période antérieure à la date de consolidation.

— Frais divers

Ce poste comprend tous les frais exposés par la victime directe avant la date de consolidation de ses blessures et qui sont imputables à l’accident à l’origine du dommage corporel qu’elle a subi.

Le FGAO et M. [W] s’accordent sur l’indemnisation au titre de ce poste de préjudice des frais de télévision que la victime justifie avoir exposés au cours de son hospitalisation à [8] à [Localité 7] (92) pour un montant non contesté de 209 euros.

Les parties s’opposent en revanche sur les demandes relatives à l’indemnisation de frais vestimentaires, de frais de train et de frais de déplacement en voiture.

* Sur les frais vestimentaires

M. [W] expose avoir été contraint en raison d’une perte de poids de 5 kilos consécutive à l’accident de procéder à l’achat de vêtements adaptés à sa nouvelle morphologie pour pouvoir débuter sa rééducation ; il réclame à ce titre une indemnité d’un montant de 529,89 euros et verse aux débats des factures d’achats effectués dans des magasins de sport.

Le FGAO conclut à la confirmation du jugement qui a écarté cette demande ; elle soutient que la compagne de M. [W], Mme [B], était en mesure de lui apporter des vêtements de sport lui permettant d’effectuer sa rééducation et qu’il n’est pas justifié d’un lien de causalité entre les dépenses alléguées et l’accident.

Sur ce, l’expert, le Docteur [G] a retranscrit dans son rapport d’expertise définitif (page 5 dr rapport) le compte-rendu d’hospitalisation du service de médecine physique et de réadaptation du 16 février 2015 dans lequel il est rappelé que M. [W] a été admis le 9 février 2015 à la suite d’un polytraumatisme et qu’il a perdu 5 kilos en trois semaines.

Dans ces conditions, il est établi que les frais vestimentaires engagés par M. [W] en février 2015 pour disposer de vêtements de sport adaptés à son changement de morphologie constituent des dépenses justifiées rendues nécessaire par l’accident.

Au vu des factures produites, ces frais s’élèvent à la somme de 529,89 euros dont M. [W] est bien fondé à obtenir l’indemnisation.

* Sur les frais de billets de train

M. [W] fait valoir qu’il a dû exposer avant la date de consolidation des frais de transport en train d’un montant total de 870 euros lors de ses permissions de sortie, puis après son retour à domicile pour se rendre à des visites médicales de contrôle à l’hôpital [8], à diverses consultations médicales et pour subir une intervention chirurgicale le 17 août 2015 ainsi que la réalisation d’un audiogramme.

Le FGAO objecte que M. [W] se contente de dresser une liste des motifs de ses déplacements en train, sans apporter la preuve des prescriptions ou des factures établies à la suite des consultations invoquées et estime ainsi qu’il n’est pas justifié d’un lien causal entre l’accident et les frais de train dont il sollicite l’indemnisation.

Sur ce, il est établi que M. [W] était domicilié à l’époque de l’accident sur la commune de [Localité 10] en Haute-Garonne (Cf avis d’imposition, pièce n°15 d).

M. [W] qui a été soigné à la suite de l’accident en région parisienne justifie au vu du parcours de soins décrit par le Docteur [G] et complété par les indications du Docteur [D], avoir été contraint d’exposer des frais de transport en train pour se rendre à ses consultations médicales et examens et pour subir le 17 août 2017 une intervention chirurgicale.

Au vu des billets de trains électroniques nominatifs versés aux débats ces frais de transport s’élèvent à la somme de 487,50 euros, non compris le second billet de train [Localité 12]-[Localité 13] du 1er décembre 2015 à 15 h 28 d’un montant de 36,50 euros qui fait double emploi avec le billet réservé le même jour pour un trajet identique avec un départ à 12 h 28.

M. [W] sur lequel repose la charge de la preuve ne justifie pas avoir personnellement exposé d’autres frais de train, ce que ne suffit pas à établir son attestation sur l’honneur.

Les dépenses de train justifiées représentent ainsi une somme de 487,50 euros.

* Sur les frais de déplacement en voiture

M. [W] fait valoir qu’il a dû effectuer un trajet en voiture de 404 kilomètres aller retour avec son propre véhicule pour se rendre à [Localité 12] où s’est déroulée le 5 février 2018 l’expertise réalisée par le Docteur [F] à la demande du ministère des armées.

Il soutient que ces frais de déplacement qu’il évalue à la somme de 229,50 euros sur la base d’une indemnité kilométrique de 0,568 euros pour un véhicule de 6 chevaux fiscaux, constituent une dépense rendue nécessaire par l’accident ; il relève que cette expertise a bien été «induite» par l’accident et que le FGAO doit indemniser tous les préjudices subis par la victime en lien direct avec celui-ci qui ne peuvent être pris en charge à aucun titre.

Le FGAO objecte qu’il n’a pas à prendre en charge des frais de déplacement liés à une expertise à laquelle il n’a pas participé et qui ne lui est pas opposable.

Sur ce, l’expertise diligentée à l’initiative du ministère des armées dans le cadre de la procédure non contentieuse engagée par M. [W] afin d’obtenir l’indemnisation des postes de préjudice non couverts par le forfait de pension, a permis de déterminer le montant des indemnités dues par ce ministère au titre des souffrances endurées, des préjudices esthétiques temporaire et permanent et du préjudice d’agrément de la victime.

Compte tenu de la vocation subsidiaire du FGAO, l’expertise réalisée par le Docteur [F] constitue une mesure d’instruction nécessaire permettant d’évaluer les préjudices de M. [W] non pris en charge à un autre titre et devant être indemnisés par le FGAO.

Les frais de déplacement liés à la réalisation de cette expertise constituent ainsi des dépenses rendues nécessaires par l’accident.

Au vu du certificat d’immatriculation versé aux débats dont il résulte que M. [W] est propriétaire d’un véhicule de marque Ford d’une puissance de 6 chevaux fiscaux et du justificatif produit concernant la distance parcourue, il convient d’évaluer ces frais de déplacement à la somme réclamée de 229,50 euros sur la base d’une indemnité kilométrique de 0,568 euros (404 km x 0,568).

***********

Le poste des frais divers s’établit à la somme 1 455,89 euros (209 euros + 529,89 euros + 487,50 euros + 229,50 euros).

Le jugement sera infirmé.

— Perte de gains professionnels actuels

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d’une perte effective de revenus.

Le tribunal a estimé que M. [W] ne justifiait d’aucune perte de revenus liée à l’absence de participation à des opérations extérieures.

M. [W] fait valoir qu’avant l’accident il avait atteint le grade de sergent chef et avait participé à des opérations extérieures en 2011 en Afghanistan et en 2013-2014 en République Centre Africaine, que la cadence des opérations extérieures est en moyenne de 4 mois par an et que s’il n’a subi aucune perte de salaire, son traitement ayant été maintenu pendant sa période d’indisponibilité, il n’a pu en raison de son état de santé réaliser d’opérations extérieures en 2015, 2016 et 2017 et a perdu le bénéfice des indemnités correspondantes.

Il ajoute que ce n’est qu’à partir de l’année 2018, après avoir effectué de nombreux stages, qu’il a pu repartir en mission extérieure.

Il évalue sa perte d’indemnité pour sujétions extérieures à la somme de 2 720,24 euros par opération au vu de son bulletin de paie du mois de juillet 2018 et réclame une indemnité d’un montant 8 160,72 euros pour trois opérations extérieures manquées en 2015, 2016 et 2017.

Le FGAO qui conclut à la confirmation du jugement qui a rejeté cette demande, estime que la participation de M. [W] à des opérations extérieures en 2015, 2016 et 2017 et la perception des revenus qui en découlerait est purement hypothétique.

Il ajoute qu’il incombe à M. [W] de verser aux débats une attestation de perte nette de salaire établie par le service des armées et qu’à défaut, ce dernier échoue à démontrer l’existence de la perte de gains alléguée.

Sur ce, il résulte de la fiche établie le 9 septembre 2016 par les services de l’armée, récapitulant les états de service de M. [W], que ce dernier était au moment de l’accident affecté à l’état major de la 11ème brigade parachutiste, qu’il exerçait depuis 2010 les fonctions de «technicien réseau satellitaires» et avait atteint le 1er octobre 2014 le grade de sergent chef.

Selon cette fiche d’information et la fiche signalétique et de services établie en juillet 2022 , M. [W] a participé entre le 10 avril 2011 et le 31 octobre 2011à une opération extérieure à Pamir en Afghanistan d’une durée de 6 mois et 19 jours, puis du 6 décembre 2013 au 10 février 2014 à une opération extérieure en République Centre Africaine d’une durée de 2 mois et 5 jours.

Sur une période de 34 mois, M. [W] a ainsi été pendant plus de 8 mois en opération extérieure, ce qui représente en moyenne 4 mois de service à l’étranger par an.

Il est ainsi établi que M. [W] effectuait avant l’accident des opérations extérieures qui faisaient partie intégrante de son activité au sein de la 11ème brigade de parachutisme, opérations qu’il aurait poursuivies au même rythme sans la survenance du fait dommageable.

Dans son rapport d’expertise, le Docteur [G] rappelle que M. [W] a dû interrompre son activité professionnelle à la suite de l’accident entre le 20 janvier 2015 et le 15 juin 2015, qu’il repris son activité à compter du 16 juin 2015 à mi-temps thérapeutique sur un poste adapté jusqu’au 15 juillet 2015 puis du 16 juillet 2015 au 15 août 2015 à trois-quart temps thérapeutique, qu’il a été de nouveau arrêté pendant 15 jours du 16 août 2015 au 31 août 2015 et a repris le travail du 1er septembre 2015 au 30 septembre 2015 à trois-quart temps thérapeutique puis à temps plein.

M. [W] verse aux débats le certificat médical d’aptitude professionnelle établi le 11 juin 2015 par un médecin du service des armées, selon lequel M. [W] a été déclaré inapte aux opérations extérieures (OPEX) pour une durée de 9 mois.

Le Docteur [G] relève en outre que dans un certificat médical en date du 17 novembre 2015, le médecin chef, le Docteur [T], a estimé que M. [W] était apte au service avec les restrictions suivantes :« apte au sport à son rythme, inapte au port d’armes (3 mois) et CCPM (contrôle de la condition physique militaire), inapte au M/ OPEX/ TAP jusqu’à nouvel ordre (…)».

Selon les informations consignées dans le rapport d’expertise, M. [W] a pu récupérer son «aptitude TAP»(aptitude aux opérations aéro-portées) fin janvier 2017.

Il ressort de ses états de services (pièce n° 39) qu’il a repris les opérations extérieures à compter du mois de mars 2018 et réalisé entre le 28 mars 2018 et le 6 août 2018 une opération extérieure à Chammal en Irak.

Il résulte de ce qui précède, que M. [W] a été contraint d’interrompre en raison de l’accident les opérations extérieures qu’il réalisait antérieurement et qu’il a de ce fait perdu les indemnités de sujétions pour service à l’étranger versées aux militaires réalisant ce type d’opérations.

M. [W] admet qu’en dehors de la perte de ces indemnités de sujétions pour service à l’étranger, il n’a subi aucune perte de revenus avant la consolidation compte tenu des soldes et indemnités maintenues par le ministère des armées pendant son indisponibilité dont le montant s’élève au vu de l’état de créance de l’AJE en date du 21 janvier 2019 à la somme de 10 586,86 euros bruts qui n’inclut aucune indemnité pour service extérieur.

S’il ne produit pas ses bulletins de solde antérieurs à l’accident, il ressort de son bulletin de solde du mois de juin 2018 qu’il a perçu pour 30 jours de service extérieur une indemnité de sujétions pour service à l’étranger d’un montant de 2 270,24 euros bruts.

Sa perte d’indemnités de sujétions pour services à l’étranger au titre des années 2015, 2016 et 2017, calculée sur la base du rythme moyen antérieur à l’accident de 4 mois d’opérations extérieures par an, s’élève ainsi à la somme de 27 242,88 euros bruts (2 270,24 euros x 4 mois x 3 ans).

De cette perte doivent être déduits les arrérages de la pension militaire d’invalidité accordée à titre temporaire à M. [W] du 21 janvier 2015, lendemain de l’accident, au 20 janvier 2018 pour un montant de 7 056 euros bruts, ainsi qu’il résulte du décompte de créance de l’AJE, cette prestation qui ouvre droit à un recours subrogatoire contre le responsable du dommage en application de l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985 et de l’article 1er de l’ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ayant vocation à réparer le poste de préjudice des pertes de gains professionnels actuels compte tenu de sa finalité et des modalités de son attribution indépendamment de toute consolidation.

La perte de gains professionnels actuels de M. [W] s’élève ainsi à la somme brute de de 20 186,88 euros bruts, soit compte tenu du taux de charges salariales de 17 % pour les fonctionnaires, une perte de 16 755,11 euros nets, ramenée à la somme de 8 160,72 euros pour rester dans les limites de la demande.

Le jugement sera infirmé.

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

— Frais divers après consolidation

Le tribunal a alloué à M. [W] une indemnité de 229,50 euros au titre des frais de déplacement exposés par l’intéressé pour se rendre à la réunion d’expertise fixée par le Docteur [G].

Il a en revanche rejeté la demande d’indemnisation des frais engagés par M. [W] pour se rendre le 28 août 2018 à l’expertise réalisée par le Docteur [D] à la demande du ministère des armées.

M. [W] soutient que ces deux expertises ont bien été «induites» par l’accident et que les frais de déplacement qu’il a exposés pour s’y rendre doivent être indemnisés par le FGAO qui doit réparer tous les préjudices subis par la victime en lien direct l’accident qui ne peuvent être pris en charge à aucun titre, ce qui est le cas en l’espèce.

Le FGAO objecte qu’il n’a pas à prendre en charge des frais de déplacement liés à une expertise à laquelle il n’a pas participé et qui ne lui est pas opposable et conclut à la confirmation du jugement.

Sur ce, l’expertise diligentée à l’initiative du ministère des armées dans le cadre de la procédure non contentieuse engagée par M. [W] afin d’obtenir l’indemnisation des postes de préjudice non couverts par le forfait de pension, a permis de déterminer le montant des indemnités dues par ce ministère au titre des souffrances endurées, des préjudices esthétiques temporaire et permanent et du préjudice d’agrément de la victime.

Compte tenu de la vocation subsidiaire du FGAO, l’expertise réalisée par le Docteur [D] constitue une mesure d’instruction nécessaire permettant d’évaluer les préjudices de M. [W] non pris en charge à un autre titre et devant être indemnisés par le FGAO.

Les frais de déplacement liés à la réalisation de cette expertise constituent ainsi des dépenses rendues nécessaires par l’accident au même titre que les frais de déplacement exposés par M. [W].

Au vu du certificat d’immatriculation versé aux débats dont il résulte que M. [W] est propriétaire d’un véhicule de marque Ford d’une puissance de 6 chevaux fiscaux et du justificatif produit concernant la distance parcourue, il convient d’évaluer ces frais de déplacement à la somme réclamée de 229,50 euros pour chaque expertise, sur la base d’une indemnité kilométrique de 0,568 euros (404 km x 0,568).

Le poste des frais divers après consolidation s’élève ainsi à la somme de 459 euros.

Le jugement sera infirmé.

— Perte de gains professionnels futurs

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l’invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

M. [W] demande qu’il soit sursis à statuer sur l’indemnisation de ce poste de préjudice en relevant qu’il a fait l’objet d’un bilan médical à sept ans de l’accident en vue d’un passage en commission de réforme, qu’il a par arrêté du 20 juillet 2022 été radié des cadres d’office pour réforme définitive et que compte tenu de la proximité de cet événement, il ne dispose pas de tous les justificatifs pour chiffrer sa perte de revenus.

Il ajoute que s’il a réussi à recouvrer temporairement ses capacités sur le plan professionnel au prix d’un investissement et d’un travail à «200 %», les efforts fournis pour surmonter ses troubles cognitifs n’ont pu être maintenus et qu’il a ainsi dû envisager de quitter l’armée.

Il considère que ce n’est pas une aggravation de son état qui est mise en avant dans la mesure où les experts ont déjà retenu son incapacité permanente à exercer ses activités professionnelles dans les mêmes conditions qu’avant l’accident du 20 janvier 2015.

Le FGAO conclut à la confirmation du jugement qui a rejeté la demande de sursis à statuer de M. [W].

Il estime que M. [W] ne justifie pas être dans l’impossibilité définitive d’exercer une activité dans l’armée et de l’existence de perte de gains professionnels en lien avec l’accident dont il a été victime.

Il avance que l’expert n’a pas considéré que M. [W] se trouvait désormais inapte à travailler dans l’armée mais qu’il a plutôt insisté sur le fait que l’accident aurait pour conséquence de changer la nature des missions qu’il pourrait être amené à effectuer en retenant l’existence d’une incidence professionnelle avec une perte de possibilité de promotion.

La FGAO relève que le certificat médico-administratif des armées établi le 11 juin 2015 par le service de santé des armées a bien retenu une aptitude générale au service, une aptitude à l’emploi d’ERS et une inaptitude pour les autres missions limitée à une durée de 9 mois.

Il ajoute que M. [W] expose lui-même dans ses développements relatifs à l’incidence professionnelle qu’après deux commissions régionales de santé, il a obtenu son classement Q 2 qui lui permet de pouvoir sauter en parachute à nouveau, à condition de réaliser une consultation ORL une fois par an.

Il conclut qu’il ne saurait être question d’accorder à M. [W] une indemnisation d’une perte de gains professionnels futurs alors que depuis l’accident, ses revenus n’ont cessé d’augmenter ainsi qu’il résulte de ses avis d’imposition au titre des revenus des années 2014 à 2018.

Sur ce, si le Docteur [G] a émis l’avis que les troubles neurocognitifs avec difficultés d’exécution de M. [W] lui permettront plutôt d’exercer un poste d’exécution dans le cadre d’un travail hors armée, force est de constater que l’intéressé a poursuivi sa carrière au sein de l’armée de terre pendant 4 ans après la date de consolidation.

Il ressort de la fiche établie le 22 juillet 2022 par le directeur des ressources humaines du commandement des forces spéciales de l’armée de terre que M. [W] a été affecté à ce commandement le 1er août 2017, qu’il a intégré le corps des sous-officiers de carrière de l’armée de terre le 1er décembre 2019 et obtenu le grade d’adjudant, qu’il a réalisé depuis la date de consolidation plusieurs opérations extérieures en 2018, 2019 et 2020 en Irak et au Burkina Faso.

L’expert a relevé que M. [W] avait a pu récupérer son «aptitude TAP»(aptitude aux opérations aéro-portées) fin janvier 2017, l’intéressé admettant lui même dans ses développements consacrés à l’incidence professionnelle qu’il a pu recouvrer à cette date toutes ses aptitudes militaires.

Par ailleurs l’examen des avis d’imposition versés aux débats permet de constater que les revenus de M. [W] postérieurs à la date de consolidation, soit 31 993 euros au titre de l’année 2018 sont supérieurs à ceux qu’il percevait avant la date de l’accident, soit 24 640 euros au titre de l’année 2014.

M. [W] n’établit pas, dans ces conditions, l’existence d’une perte de gains professionnels futurs en lien avec le dommage initial consécutif à l’accident, étant observé qu’il sollicite l’indemnisation de la perte de chance de devenir officier au titre de l’incidence professionnelle.

Si M. [W] justifie avoir fait l’objet d’une hospitalisation entre le 4 avril 2022 et le 8 avril 2022 au sein de [8], «dans le cadre d’une dégradation des capacités cognitives et neuro-comportementales pour un bilan global et un avis sur les aptitudes médico-militaires» (pièce n° 37) et avoir ensuite été radié des cadres de l’armée active et admis à faire valoir ses droits à la retraite par arrêté du 8 juillet 2022 et si ces données sont susceptibles de caractériser une aggravation du dommage initial, il appartiendra à M. [W] de formuler une demande d’indemnisation des préjudices liés à cette aggravation.

Il n’y a pas lieu dans ces conditions de surseoir à statuer sur le poste de préjudice des pertes de gains professionnels futurs et il convient de constater que M. [W] ne justifie d’aucune perte de revenus en lien avec le dommage initial consécutif à l’accident.

Le jugement qui a rejeté la demande d’indemnisation de M. [W] au titre de ce poste de préjudice sera confirmé.

— Incidence professionnelle

Ce poste de préjudice a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage, ou encore l’obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d’une autre en raison de la survenance de son handicap.

Le tribunal a évalué ce poste de préjudice à la somme de 20 000 euros au titre de la perte de chance de devenir officier et d’une pénibilité accrue de l’exercice professionnel quotidien au seins de la communauté militaire ; il a constaté qu’après déduction de la pension d’invalidité dont bénéficie M. [W], aucune somme ne revenait à ce dernier.

M. [W] demande à la cour d’évaluer l’incidence professionnelle du dommage à la somme de 100 000 euros et de juger que la pension militaire d’invalidité qui lui a été attribuée à titre définitif devra s’imputer, après l’expiration du sursis à statuer, sur le poste de préjudice lié à la perte de gains professionnels futurs qu’elle a vocation à indemniser prioritairement.

Il fait valoir, s’agissant de la perte de chance de devenir officier, que la fiche professionnelle établie le 9 septembre 2016 témoigne des diplômes et récompenses qu’il a obtenues en tant que militaire, qu’il a toujours été reconnu comme ayant le potentiel de réaliser son avancement, que le taux de réussite au concours d’officier était de 38 % en 2020 et qu’il a ainsi perdu une chance professionnelle considérable, d’autant qu’au jour où il aurait pu repasser le concours d’officier il avait dépassé la limite d’âge.

M. [W] fait valoir par ailleurs que les troubles cognitifs constatés par le Docteur [G] ont induit une pénibilité accrue dans l’exercice de son activité professionnelle au sein de l’armée de terre, qu’il a été contraint d’abandonner cette activité, qu’il a fait l’objet d’une radiation des cadres en juillet 2022 et se trouve en raison de ses séquelles dévalorisé sur le marché du travail.

Il avance que si le FGAO soutient que son préjudice ne saurait être évalué, les différents aspects de l’incidence professionnelle sont d’ores et déjà certains, à savoir la dévalorisation sur le marché du travail, la perte d’une chance professionnelle, la nécessité d’abandonner l’activité professionnelle antérieurement occupée au profit d’une autre activité, la pénibilité accrue ou encore la perte totale ou partielle de droits à la retraite.

Le FGAO objecte que si l’expert a constaté que M. [W] avait perdu une chance de devenir officier, ce préjudice ne saurait en l’état être évalué, que M. [W] ne communique pas les justificatifs de l’emploi qu’il occupe actuellement permettant de chiffrer son incidence professionnelle et que sa demande devra être en l’état rejetée.

Subsidiairement si la cour devait confirmer l’évaluation des premiers juges, le FGAO fait valoir que la pension militaire d’invalidité perçue par M. [W] pour un montant de 105 844,75 euros doit être déduite de l’indemnisation allouée au titre de ce poste de préjudice, de sorte qu’aucune somme ne revient à M. [W].

Il ajoute que les prestations à caractère indemnitaire versées au titre des contrats de prévoyance complémentaire des salariés doivent être prises en compte au même titre que le prestations versées par l’organisme social.

Sur ce, si M. [W] justifie avoir fait l’objet d’une hospitalisation entre le 4 avril 2022 et le 8 avril 2022 au sein de [8], «dans le cadre d’une dégradation des capacités cognitives et neuro-comportementales pour un bilan global et un avis sur les aptitudes médico-militaires» (pièce n° 37) et avoir ensuite été radié des cadres de l’armée active et admis à faire valoir ses droits à la retraite par arrêté du 8 juillet 2022 et si ces données sont susceptibles de caractériser une aggravation du dommage initial, il appartiendra à M. [W] de formuler une demande d’indemnisation de l’incidence professionnelle consécutive à cette aggravation, notamment en raison d’une perte de droits à la retraite ou de l’obligation de quitter l’armée pour se reconvertir vers une autre activité professionnelle.

En revanche, M. [W] établit que le dommage initial l’a privé d’une chance de devenir officier.

Il est en effet constant que le 20 janvier 2015, M. [W] se rendait à la maison des examens d'[Localité 5] pour passer le concours d’officier lorsqu’il a été renversé par un véhicule dont le conducteur n’a pu être identifié.

Le Docteur [G] a relevé dans ses conclusions qu’en fin de période aiguë pathologique, M. [W] avait dépassé l’âge pour présenter ce concours.

Cette perte de chance apparaît importante au regard de la fiche professionnelle établie le 9 septembre 2016 qui mentionne les diplômes et récompenses obtenues par M. [W] depuis son entrée dans l’armée en mars 2009 et indique sous la rubrique «notation et avancement» qu’il a été considéré en 2012, 2013 et 2014 comme ayant le potentiel d’accéder à la catégorie supérieure.

Par ailleurs, les séquelles de l’accident décrites par le Docteur [G], à savoir un problème neuro-cognitif mineur mais réel accompagné de troubles auditifs significatifs et de troubles psychologiques à type de sensation de dévalorisation personnelle et intime, induisent une pénibilité et une fatigabilité accrues dans l’exercice de toute profession et une dévalorisation de M. [W] tant au sein de l’armée que sur le marché du travail par rapport à un militaire ou travailleur valide.

M. [W] n’étant âgé que de 31 ans à la date de consolidation, l’incidence professionnelle du dommage initial consécutif à l’accident sera évaluée à la somme de 70 000 euros.

M. [W] étant militaire de carrière au moment de l’accident et non pas salarié du secteur privé, aucun élément ne permet de retenir qu’il a bénéficié de prestations au titre d’un régime de prévoyance.

En revanche, il résulte du décompte établi par l’AJE (pièce n° 7 de l’AJE), que M. [W] s’est vu attribuer à titre définitif à compter du 21 janvier 2018 une pension militaire d’invalidité dont le montant capitalisé s’élève à la somme de 98 788,75 euros.

En l’absence de perte de gains professionnels futurs imputable au dommage initial consécutif à l’accident, il convient de déduire de l’ indemnité allouée au titre de l’incidence professionnelle la pension militaire d’invalidité accordée à titre définitif à M. [W] qu’elle a vocation à réparer, étant observé que la pension militaire d’invalidité temporaire a été déduite de la perte de gains professionnels actuels.

En effet, cette pension militaire d’invalidité qui ouvre droit à une action subrogatoire contre le responsable en application de l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985 et de l’article 1er de l’ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 doit être regardée, eu égard à la finalité qui lui est assignée par les dispositions de l’article L. 1 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et aux éléments entrant dans la détermination de son montant, tels qu’ils résultent des articles L. 8 bis à L. 40 du même code, comme ayant pour objet de réparer d’une part, les pertes de revenus et l’incidence professionnelle de l’incapacité, et, d’autre part, le déficit fonctionnel permanent.

Après déduction de la pension militaire d’invalidité, aucune somme ne revient à M. [W] et le solde d’un montant de la somme de 28 788,75 euros (98 788,75 euros – 70 000 euros) devra être déduit du poste de préjudice lié au déficit fonctionnel permanent.

Le jugement qui a rejeté la demande d’indemnisation de M. [W] au titre de l’incidence professionnelle sera confirmé.

Préjudices extra-patrimoniaux avant et après consolidation

— Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d’hospitalisation et les pertes de la qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, y compris les préjudices d’agrément et sexuel temporaires.

Le tribunal a, sur la base des conclusions du Docteur [G] alloué à M. [W] une indemnité de 9 125 euros en réparation de ce poste de préjudice, calculée sur la base d’une indemnité journalière de 25 euros pour les périodes de déficit fonctionnel total et proportionnellement pour les périodes de déficit fonctionnel partiel.

M. [W], qui conclut à l’infirmation du jugement, évalue ce poste de préjudice à la somme de 10 920 euros en retenant une base journalière d’indemnisation de 30 euros mais ne réclame qu’une indemnité de 120 euros.

En effet, il déduit de ce poste de préjudice la somme de 10 800 euros, correspondant , après déduction de la provision versée, au montant des indemnités qui lui ont été allouées par décision du ministre des armées en date du 18 juillet 2022 au titre des souffrances endurées, des préjudices esthétique temporaire et permanent et du préjudice d’agrément.

Le FGAO conclut pour sa part à la confirmation du jugement.

Sur ce, eu égard à l’incapacité fonctionnelle subie par M. [W] et aux troubles apportés à ses conditions d’existence avant la date de consolidation, le tribunal a justement évalué ce poste de préjudice à la somme de 9 125 euros.

Toutefois, compte tenu des limites de la demande, seule la somme réclamée de 120 euros sera accordée à M. [W].

— Sur les postes de préjudice liés aux souffrances endurées, aux préjudices esthétiques temporaire et permanent et au préjudice d’agrément

Si M. [W] mentionne dans le corps de ses conclusions qu’il n’y a plus lieu de réserver ces postes de préjudice compte tenu de la décision définitive du ministre des armées en date du 18 juillet 2022 ayant fixé l’indemnisation de son préjudice personnel, il demande à la cour dans le dispositif de ses conclusions, à la fois de réformer le jugement rendu le 26 mai 2021 en ce qu’il a réservé les postes de préjudice au titre de la souffrance, du préjudice esthétique temporaire et permanent et du préjudice d’agrément, et de confirmer le jugement en ce qu’il a réservé ces mêmes postes de préjudice.

Le FGAO fait valoir qu’il n’y plus lieu de réserver ces postes de préjudice qui ont été indemnisés par l’Etat et ajoute que compte tenu de son rôle subsidiaire, il ne saurait être tenu d’indemniser M. [W] à ce titre.

Sur ce, il résulte des pièces versées aux débats que M. [W] a réclamé au ministère des armées une indemnité complémentaire en réparation des souffrances endurées, des préjudices esthétiques temporaire et permanent et du préjudice d’agrément consécutifs à son accident de service du 20 janvier 2015, en se prévalant de la jurisprudence issue de l’arrêt du Conseil d’Etat du 1er juillet 2005 (arrêt Brugnot, CE, 1er juillet 2015, publié) dont il résulte que les dispositions de l’article L. 2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre ne font pas obstacle à ce que le miliaire, victime d’un accident de service, qui a enduré des souffrances physiques ou morales, des préjudices esthétiques ou d’agrément, un préjudice sexuel ou un préjudice d’établissement, obtienne de l’Etat qui l’emploie une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, même en l’absence de faute de celui-ci.

Par décision en date du 18 juillet 2022 (pièce n° 40), le ministre des armées, saisi d’un recours administratif préalable formé par M. [W] contre la décision du 12 mars 2019 du service local du contentieux de [Localité 6], a fixé l’indemnisation du préjudice personnel de M. [W] la somme de 15 800 euros se décomposant comme suit :

—  10 000 euros au titre des souffrances endurées, cotées 5/7 par l’expert désigné par le ministère des armées,

—  800 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

—  1 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

—  4 000 euros au titre du préjudice d’agrément.

Par cette même décision le ministre des armées a décidé que compte tenu de l’indemnité provisionnelle de 5 000 euros déjà versée, l’Etat versera à M. [W] la somme de 10 800 euros.

Il convient d’interpréter les conclusions contradictoires et ambiguës de M. [W] comme ne comportant aucun chef de prétention à l’encontre du FGAO au titre de ces postes de préjudice.

Le jugement sera infirmé.

— Déficit fonctionnel permanent

Ce poste de préjudice vise à indemniser, pour la période postérieure à la consolidation, les atteintes aux fonctions physiologiques, les souffrances chroniques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence personnelles, familiale et sociales.

Le tribunal a évalué ce poste de préjudice à la somme de 43 830 euros sur la base du taux de déficit fonctionnel permanent de 18 % retenu par le Docteur [G] et constaté qu’après imputation du solde de la pension militaire d’invalidité servie à M. [W], aucune somme ne revenait à ce dernier.

M. [W] demande que ce poste de préjudice soit chiffré à la somme de 70 750 euros en se fondant sur le taux de déficit fonctionnel permanent de 25 % retenu par le Docteur [D], médecin expert désigné par le ministère des armées, qui s’est adjoint le concours d’un spécialiste en neurologie, le Docteur [F].

Il précise que dans son rapport, le Docteur [F] a relevé qu’il conservait une atteinte neuropsychologique discrète mais certaine, ainsi que des troubles des capacités attentionnelles, un ralentissement de la vitesse de traitement, des difficultés de mémoire antérograde dans la modalité verbale, de discrets troubles du langage, de légers troubles socio-comportementaux et une modification de la personnalité, l’ensemble de ces éléments caractérisant un syndrome frontal vrai de forme mineure justifiant un taux de déficit fonctionnel permanent de 20 %.

Il estime que contrairement à ce qu’avance le FGAO, il est fondé à se prévaloir de ces rapports d’expertise qui ont été versés aux débats et ont pu être discutés contradictoirement par les parties.

Le FGAO objecte que M. [W] s’exonère du seul rapport d’expertise qui lui soit opposable, à savoir le rapport du Docteur [G].

Il ajoute qu’aucun syndrome frontal vrai n’a été caractérisé par cet expert qui a seulement relevé l’existence d’un problème neurocognitif mineur.

Il propose ainsi d’évaluer ce poste de préjudice à la somme de 34 200 euros, aucune somme ne revenant à M. [W] après imputation du solde de sa pension militaire d’invalidité.

Sur ce, le Docteur [G] a, aux termes d’un rapport précis et circonstancié, retenu qu’il persistait un problème neurocognitif mineur mais réel, accompagné de troubles auditifs significatifs et de troubles psychologiques à type de sensation de dévalorisation personnelle et intime, justifiant un déficit fonctionnel permanent de 18 % dont 15 % pour le problème neurocognitif.

L’appréciation divergente des Docteurs [D] et [F] n’est pas de nature à remettre en cause les conclusions du Docteur [G] qu’il convient d’entériner sur ce point.

Au vu des séquelles constatées, des souffrances psychiques persistantes et des troubles induits dans les conditions d’existence de M. [W], qui était âgé de 31 ans à la date de consolidation, le tribunal a justement évalué ce poste de préjudice à la somme de 43 830 euros.

Il convient pour les motifs qui précèdent de déduire de cette indemnité le solde de la pension militaire d’invalidité définitive attribuée à M. [W], soit la somme de 28 788,75 euros.

Il revient ainsi à M. [W] une indemnité d’un montant de 15 041,25 euros (43 830 euros. – 28 788,75 euros).

Le jugement sera infirmé.

Sur les préjudices par ricochet de Mme [B]

— Frais divers

Ce poste de préjudice vise à indemniser tous les frais exposés par les proches de la victime directe avant et après la date de consolidation de ses blessures et qui sont imputables à l’accident.

Mme [B] réclame, en infirmation du jugement, une indemnité d’un montant de 3 596,99 euros en réparation de ce poste de préjudice, incluant les frais d’hôtel exposés pour se rendre au chevet de son compagnon et des frais de train.

Elle estime que contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges qui ont chiffré ce poste de préjudice à la somme de 3 271,99 euros, en déduisant les frais de train réclamés pour un montant de 325 euros au titre de trois trajets effectués les 1er mai 2015, 8 mai 2015 et 10 mai 2015, ces transports ont été réalisés non pas en sens inverse des trajets de M. [W] mais dans la même direction que celui-ci qu’elle accompagnait.

Elle considère également que contrairement à ce qu’avance le FGAO il existe une parfaite correspondance entre les dates de ses séjours à l’hôtel et ses déplacements en train.

Le FGAO conclut au rejet de la demande en relevant d’une part, que Mme [B] réclame des frais de train pour les 1er, 8, et 10 mai 2015 alors même que M. [W] sollicite la prise en charge de frais de transport en train aux mêmes dates pour « se rendre chez lui», d’autre part que les dates des voyages en train que Mme [B] aurait effectués ne correspondent pas à celles de début ou de fin de séjour à l’hôtel dont elle demande par ailleurs l’indemnisation.

Su ce, il est établi que M. [W] et Mme [B] était domiciliés à l’époque de l’accident sur la commune de [Localité 10] en Haute-Garonne (Cf avis d’imposition, pièce n°15 d).

M. [W], comme l’a rappelé le Docteur [G], ayant été hospitalisé à [8] à [Localité 7] (92) en région parisienne d’abord en service de réanimation jusqu’au 9 février 2015 puis en rééducation jusqu’au 14 mai 2015, Mme [B] justifie avoir été contrainte d’exposer des frais de transport en train et des frais d’hôtel pour se rendre au chevet de son compagnon.

Au vu des billets de trains versés aux débats et des justificatifs de frais hôteliers produits, les dépenses exposées par Mme [B] rendues nécessaires par l’accident s’établissent de la manière suivante :

— frais d’hôtels pour la période du 21 janvier 2015 (lendemain de l’accident) au 11 février 2015 : 1 278,59 euros

— frais d’hôtel du 11 février 2015 au 26 février 2015 : 1 115 euros

— frais d’hôtel du 18 mars 2015 au 22 mars 2015 inclus : 352,40 euros

— frais de train de 87 euros pour un trajet [Localité 12]- [Localité 11] le 1er mai 2015 à 11 heure 15, le rapprochement avec le billet de train électronique de M. [W] pour un trajet identique le même jour à la même heure, permettant d’établir qu’elle accompagnait son compagnon à la suite d’une visite à [Localité 12],

— frais de train pour un trajet [Localité 12]-[Localité 11] le 14 mars 2015 : 47 euros

— frais de train pour un trajet [Localité 11]-[Localité 12] le 18 mars 2015 correspondant à sa date d’arrivée à l’hôtel : 47 euros

Soit une somme globale de 2 926,99 euros.

En revanche, Mme [B] sur laquelle repose la charge de la preuve ne justifie pas avoir personnellement exposé d’autres frais de train, ce que ne suffit pas à établir l’attestation sur l’honneur de M. [W].

Le poste de préjudice des frais divers s’élève ainsi à la somme de 2 926,99 euros.

Le jugement sera infirmé.

— Perte de revenus et incidence professionnelle

Mme [W] réclame en infirmation du jugement une indemnité de 17 648,95 euros au titre de son préjudice professionnel dont 7 648,95 euros au titre de ses pertes de revenus et 10 000 euros au titre de l’incidence professionnelle.

Elle expose, s’agissant de sa perte de revenus, qu’elle travaillait à l’époque de l’accident comme assistante maternelle pour la commune de [Localité 10], que dès qu’elle a été informée de l’accident de son compagnon elle s’est rendue à son chevet ainsi qu’il résulte des factures d’hôtel produites, que ses absences qui ont induit une réduction de son salaire en février 2015 puis une absence totale de salaire en mars, avril et mai 2015 constituent un préjudice en lien de causalité direct et certain avec le fait dommageable.

Elle fait valoir, s’agissant de sa demande d’indemnisation au titre de l’incidence professionnelle, qu’elle bénéficiait à l’époque de l’accident d’un contrat de travail à durée déterminée et avait reçu une promesse concernant un passage en contrat à durée indéterminée qu’elle n’a pu accepter en raison de l’accident et qu’après le retour à domicile de M. [W], elle n’a eu d’autre choix que d’accepter la première offre d’emploi qui lui était proposée comme vendeuse en boulangerie.

Le FGAO qui conclut à la confirmation du jugement ayant rejeté ces demandes, objecte que la victime indirecte est indemnisée, au titre de ses préjudices patrimoniaux; de ses pertes de revenus mais que seule la victime directe est fondée à obtenir une indemnité au titre de l’incidence professionnelle.

Il relève, en outre, que Mme [B] ne verse aucune preuve à l’appui de ses allégations selon lesquelles elle n’aurait pu obtenir de contrat à durée indéterminée en raison de ses absences, pas plus qu’elle ne justifie avoir dû accepter la première annonce de travail qu’elle a trouvé.

S’agissant de la perte de revenus invoquée, le FGAO fait valoir qu’il n’est pas établi que Mme [B] ait été contrainte de cesser son activité professionnelle pour assister M. [W], que pendant sa période d’hospitalisation ce dernier était pris en charge par l’équipe médicale et qu’après son retour à domicile, il était autonome ainsi que l’a constaté l’expert.

Il conclut ainsi que Mme [B] ne justifie d’aucun préjudice professionnel en lien avec l’accident de M. [W].

**********

* Sur la perte de revenus

Mme [B] justifie par la production de son bulletin de paie de janvier 2015, qu’elle occupait avant la date de l’accident dont son compagnon, M. [W], a été victime le 20 janvier 2015, un poste d’aide-auxiliaire puéricultrice dans une crèche municipale de la ville de [Localité 10].

Compte tenu de l’importance des lésions dont son compagnon a été atteint et de son hospitalisation en région parisienne d’abord en service de réanimation jusqu’au 9 février 2015 puis en rééducation jusqu’au 14 mai 2015, Mme [B] justifie qu’elle a été contrainte de s’absenter de son travail pendant cette période en raison de l’accident, non pour assister son compagnon dans les actes de la vie courante, mais pour être présente à ses côtés.

L’examen du bulletin de paie du mois de février 2015 fait apparaître que son employeur a procédé à une retenue de 148,68 euros sur son traitement mensuel brut pour absence au titre du mois de janvier 2015 et d’une retenue d’un montant de 743,16 euros pour absence au cours du mois de février 2015.

Il ressort de ces mêmes bulletins de paie que Mme [B] n’a perçu aucun traitement en mars, avril et mai 2015.

Au bénéfice de ces observations, Mme [B] établit qu’elle a subi en raison de l’accident de son compagnon une perte de revenus entre la date de l’accident et le 14 mai 2015, date à laquelle M. [W] a quitté le service de rééducation de l’hôpital [8] pour regagner leur domicile commun.

En revanche, il n’est pas justifié de l’existence d’un lien de causalité entre l’accident et la perte de salaire invoquée pour la période du 15 mai 2015 au 31 mai 2015, étant observé qu’aucun élément de preuve n’est fourni concernant les conditions dans lesquelles son emploi d’auxiliaire-puéricultrice a pris fin.

Mme [B] justifie au vu du bulletin de paie de janvier 2015 qu’elle percevait avant l’accident un traitement net d’un montant de 2 045,65 euros.

Compte tenu des retenues pour absence opérées, elle n’a perçu en février 2015 qu’un traitement de 533,65 euros nets ainsi qu’il résulte du bulletin de paie correspondant.

Ses pertes de revenus imputable à l’accident s’établissent ainsi de la manière suivante :

— février 2015 : 1 512 euros (2 045,65 euros – 533,65 euros )

— mars 2015 : 2 045,65 euros

— avril 2015 : 2 045,65 euros

— du 1er mai 2015 au 14 mai 2015 : 923,84 euros (2 045,65 euros / 31 jours x 14 jours)

Soit une somme totale de 6 527,14 euros.

Le jugement qui a rejeté cette demande sera infirmé.

* Sur la demande d’indemnisation au titre de l’incidence professionnelle

Mme [B] ne justifie ni qu’elle avait obtenu une promesse de son employeur concernant un passage en contrat à durée indéterminée, ni des conditions dans lesquelles son emploi d’auxiliaire-puéricultrice a pris fin.

Elle ne démontre ainsi ni que la cessation de son activité d’auxiliaire-puéricultrice dans une crèche municipale est imputable à l’accident ni qu’elle a été contrainte d’accepter en raison du fait dommageable un emploi de vendeuse en boulangerie.

Sa demande doit ainsi être rejetée et le jugement sera confirmé sur ce point.

— Sur le préjudice d’affection et les troubles dans les conditions d’existence

Le tribunal a alloué à Mme [B] une indemnité de 3 500 euros au titre de son préjudice d’affection.

Mme [B] qui conclut à l’infirmation du jugement sollicite une indemnité globale de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral caractérisé par l’angoisse induite par l’accident, par le fait de voir son compagnon dans le coma pendant plusieurs jours, puis affronter une rééducation particulièrement intense et constater, au quotidien, ses changements d’humeur et de caractère liés à son syndrome frontal.

Le FGAO qui conclut au rejet de la demande, soutient que le poste «préjudice d’affection» a pour objet d’indemniser, en dehors des cas où la victime est décédée, la douleur morale ressentie par le proche d’une personne très lourdement handicapée.

Il ajoute qu’il n’est pas démontré que l’état de M. [W] aurait eu un caractère d’exceptionnel gravité ayant des répercussions sur les conditions d’existence de ses proches et en particulier de sa compagne.

Il avance que Mme [B] n’apporte pas la preuve d’un préjudice personnel, direct et certain, qu’elle ne justifie pas d’un retentissement dans ses conditions d’existence ni de souffrances morales autres que celles résultant d’un partage naturel et normal du mal-être d’un proche.

Sur ce, contrairement à ce qu’allègue le FGAO le préjudice d’affection ouvre droit à réparation dès lors qu’il est caractérisé, quelle que soit la gravité du handicap de la victime directe.

Mme [B] qui vivait en concubinage avec M. [B] avec lequel elle était liée par un pacte civil de solidarité (pièce n° 1) a subi, compte tenu des liens l’unissant à ce dernier, un préjudice d’affection en raison des angoisses liées à son état de santé ayant justifié son placement en coma artificiel pendant plusieurs jours et à la vue des souffrances qu’il a subies, de sa longue rééducation et des séquelles qu’il conserve.

Par ailleurs, Mme [B] qui partageait une communauté de vie affective et effective avec M. [W] a vu ses conditions d’existence bouleversées par l’accident, compte tenu de l’éloignement entre leur domicile et le lieu d’hospitalisation et des déplacements rendus nécessaires pour se rendre à son chevet.

Le préjudice d’affection de Mme [B] et les troubles apportés à ses conditions d’existence justifient l’allocation d’une indemnité de 8 000 euros.

Le jugement sera infirmé.

Sur les demandes annexes

Il n’y a pas lieu déclarer le présent commun à l’AJE qui est en la cause.

M. [W] conclut à l’infirmation du jugement qui l’a condamné aux dépens de première instance et lui a alloué une indemnité de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles.

Il sollicite, eu égard à la complexité de l’affaire, de son ancienneté et de l’appel qu’il a dû interjeter, la condamnation du FGAO à lui verser une somme globale de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Le FGAO objecte qu’il ne peut être condamné ni aux dépens ni à une indemnité de procédure en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur ce, il convient d’observer à titre liminaire que dans sa déclaration d’appel qui seule opère la dévolution des chefs de jugement critiqués, M. [B] n’a pas visé les dispositions du jugement relatives à l’application du code de procédure civile, de sorte que la cour n’en est pas saisie.

Si le FGAO ne peut ni être appelé en déclaration de jugement commun ni faire l’objet d’une condamnation, y compris au titre de l’article 700 du code de procédure civile, lors de l’instance engagée contre le responsable, il résulte de l’article R. 421-14 du code des assurances qu’à défaut d’accord du FGAO avec la victime sur la fixation de l’indemnité lorsque le responsable des dommages est inconnu la victime saisit la juridiction compétente pour faire trancher le litige.

Il en résulte que lorsque, comme en l’espèce, l’auteur de l’accident de la circulation n’a pu être identifié, le FGAO peut être assigné en justice et condamné au paiement des indemnités mises à sa charge ainsi qu’à une indemnité de procédure en application de l’article 700 du code de procédure civile.

En revanche, le FGAO ne peut être condamné au paiement des dépens, qui ne figurent pas au rang des charges qu’il est tenu d’assurer.

Compte tenu de la solution du litige, les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de l’Etat et le jugement infirmé sur ce point.

L’équité commande d’allouer à M. [W] une indemnité complémentaire de 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel et de rejeter la demande présentée par l’AJE en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Et dans les limites de l’appel,

— Confirme le jugement, sauf en ce qu’il a :

— condamné le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages à payer à M. [O] [W] les sommes suivantes en réparation de son préjudice corporel :

* 690,50 euros au titre des frais divers avant consolidation

* 9 125 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

* 229,50 euros au titre des frais divers après consolidation,

— réservé les postes de préjudice au titre de la souffrance, du préjudice esthétique temporaire et permanent et du préjudice d’agrément,

— rejeté les demandes de M. [W] au titre des frais divers avant et après consolidation, de la perte de gains professionnels actuels et du déficit fonctionnel permanent,

— condamné le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages à payer à Mme [H] [B] les sommes suivantes en réparation de son préjudice:

* 3 500 euros au titre du préjudice d’affection

* 3 271,99 euros au titre des frais exposés,

— rejeté les demandes de Mme [H] [B] au titre de son préjudice moral et de ses pertes de revenus,

— condamné M. [O] [W] aux dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

— Condamne le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages à payer à M. [O] [W], provisions et sommes versées au titre de l’exécution provisoire du jugement non déduites, les indemnités suivantes au titre des poste de préjudice ci-après :

— frais divers avant consolidation : 1 455,89 euros

— perte de gains professionnels actuels : 8 160,72 euros

— déficit fonctionnel temporaire : 120 euros

— déficit fonctionnel permanent : 15 041,25 euros,

— Condamne le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages à payer à Mme [H] [B], provisions et sommes versées au titre de l’exécution provisoire du jugement non déduites, les indemnités suivantes au titre des poste de préjudice ci-après :

— frais divers : 2 926,99 euros

— perte de revenus : 6 527,14 euros

— Dit n’y avoir lieu de réserver les postes du préjudice corporel de M. [O] [W] liés aux souffrances endurées, aux préjudices esthétiques temporaire et permanent et au préjudice d’agrément,

— Constate que M. [O] [W] qui a été indemnisé de ces postes de préjudice par décision du ministre des armées en date du 18 juillet 2022 ne formule aucune prétention à ce titre à l’encontre du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages,

— Condamne le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages à payer à M. [O] [W] en application de l’article 700 du code de procédure civile une indemnité de 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

— Rejette la demande de l’Agent judiciaire de l’Etat formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Met les dépens de première instance et d’appel à la charge de l’Etat.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 4 chambre 11, 9 février 2023, n° 21/11125