Cour d'appel de Paris, Pôle 4 chambre 9 a, 16 novembre 2023, n° 21/22289

  • Demande en nullité de la vente ou d'une clause de la vente·
  • Banque·
  • Contrat de crédit·
  • Sociétés·
  • Faute·
  • Bon de commande·
  • Finances·
  • Rétractation·
  • Contrat de vente·
  • Capital

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 ch. 9 a, 16 nov. 2023, n° 21/22289
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/22289
Importance : Inédit
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 24 novembre 2023
Lire la décision sur le site de la juridiction

Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/22289 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CE35S

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 octobre 2021 – Juge des contentieux de la protection de PARIS – RG n° 11-20-006174

APPELANTE

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, société anonyme prise en la personne de son représentant légal, venant aux droits de BANQUE SOLFEA aux termes d’une cession de créance en date du 28 février 2017

N° SIRET : 542 097 902 04319

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Edgard VINCENSINI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0496

substitué à l’audience par Me Laurent BONIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0496

INTIMÉS

Monsieur [W] [G]

né le 30 juillet 1961 à [Localité 8] (59)

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Audric DUPUIS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1162

Madame [S] [M] épouse [G]

née le 30 octobre 1962 à [Localité 7] (59)

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Audric DUPUIS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1162

La SELAFA MJA en qualité de mandataire ad hoc de la société FRANCE RÉNOVATION HABITATION

[Adresse 2]

[Localité 6]

DÉFAILLANTE

Caducité partielle prononcée par ordonnance en date du 29 mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 5 décembre 2012, dans le cadre d’un démarchage à domicile, M. [W] [G] a signé un bon de commande portant sur une installation de panneaux photovoltaïques et un ballon thermodynamique de 270 litres avec la société France Renov Habitat (FRH) au prix de 19 500 euros.

Pour financer cette installation, M. [W] [G] et Mme [S] [M] épouse [G] ont conclu le même jour avec la société Banque Solfea un contrat de crédit portant sur la somme de 19 500 euros, remboursable sur une durée de 120 mois, soit après un différé de 11 mois en 109 mensualités de 244 euros chacune hors assurance au taux d’intérêts contractuel de 5,79 % l’an, soit un TAEG de 5,95 % et une mensualité avec assurance de 265,45 euros.

Les panneaux photovoltaïques ont été installés ainsi qu’un ballon et les fonds ont été débloqués par la banque au profit du vendeur au vu d’une attestation de fin de travaux signée par M. [G] le 16 janvier 2013.

Saisi le 5 décembre 2012 par M. [G] d’une demande dirigée contre la seule société FRH en paiement d’une somme de 3 290,66 euros pour non raccordement, en remplacement du ballon thermodynamique non conforme à la demande, en garantie de la perte de production pendant un an à partir du jour de la mise en service, en raccordement de l’onduleur au compteur à la charge de la société FRH et en fourniture de l’attestation de conformité visée par le consuel, le juge de proximité de Valenciennes par un jugement par défaut du 10 avril 2014 a déclaré la société FRH responsable du préjudice subi par M. [G], condamné cette société à lui payer la somme de 2 238,76 euros au titre des frais de raccordement et de retard outre 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens et a dit n’y avoir lieu à statuer sur les autres demandes.

Le tribunal a considéré que M. [G] avait été obligé de faire le raccordement lui-même avec ERDF pour la somme de 1 038,76 euros, que le préjudice concernant le retard qui avait été reconnu en partie par la société pouvait être évalué à 1 200 euros et que les autres demandes n’étaient pas chiffrées et ne pouvaient donc être prises en compte.

Par jugement du 26 mars 2014, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société FRH et désigné la Selafa MJA en la personne de Maître [F] [T] en qualité de mandataire liquidateur.

Par jugement du 9 mars 2016 publié au BODACC le 30 mars 2016, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la clôture de la procédure de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif.

Par ordonnance du 26 septembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a désigné la Selafa MJA en la personne de Maître [F] [T] en qualité de mandataire de justice chargée de représenter la société FRH dans la procédure.

Saisi les 16 décembre 2014 et 26 juillet 2015 par M. et Mme [G] d’une demande tendant principalement à l’annulation des contrats de vente et de crédit et en remboursement des sommes versées au titre du crédit, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, par un jugement réputé contradictoire rendu le 14 octobre 2021 auquel il convient de se reporter, a :

— donné acte à la société BNP Paribas Personal Finance de ce qu’elle vient aux droits de la société Banque Solfea,

— rejeté la fin de non-recevoir formée par la banque fondée sur l’absence de mise en cause de la société FRH,

— rejeté la fin de non-recevoir formée par la banque fondée sur l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du 10 avril 2014 rendu par la juridiction de proximité de Valenciennes,

— déclaré irrecevable la demande en nullité du contrat de vente en tant qu’elle est formée par Mme [G],

— prononcé l’annulation du contrat de vente et constaté l’absence de confirmation du contrat,

— prononcé la nullité subséquente du contrat de crédit affecté,

— jugé que la banque avait commis une faute qui la prive de son droit à restitution de 80 % du capital emprunté,

— en conséquence de ces nullités, dit que M. [G] devra tenir à la disposition de la société FRH prise en la personne de son mandataire ad hoc la Selafa MJA en la personne de Maître [F] [T], l’ensemble des matériels posés à son domicile pendant un délai de 6 mois à compter de la signification du présent jugement,

— dit que passé le délai de 6 mois à compter de la signification du jugement, si le mandataire ad hoc n’a pas émis la volonté de reprendre les matériels, M. [G] pourra porter ce matériel dans un centre de tri sans pouvoir en retirer aucun profit et a condamné la société BNP Paribas Personal Finance à supporter 90 % du coût de la dépose et de la remise en état sur la production d’une facture détaillée,

— condamné la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea à payer à M. et Mme [G] les sommes de 3 532,60 euros correspondant à 20 % du capital réglé déduction faite des sommes versées par eux au titre du contrat de prêt au jour du jugement,

— rejeté la demande de radiation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers,

— condamné la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea à payer à M. et Mme [G] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

— rejeté les demandes plus amples ou contraires.

Après avoir rappelé que la société FRH avait été liquidée, le premier juge a relevé que M. et Mme [G] avaient mis en cause son mandataire ad hoc et a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’absence de mise en cause du vendeur comme étant devenue sans objet.

Il a ensuite relevé que devant la juridiction de Valenciennes, la demande portait non pas sur l’annulation mais sur la résolution du contrat du fait du problème de raccordement et d’exécution et n’avait donc pas le même objet.

Il a considéré que Mme [G] n’était pas recevable à demander l’annulation du contrat de vente faute d’y avoir été partie et de justifier de son régime matrimonial.

Il a retenu que le bon de commande méconnaissait les dispositions de l’article L. 121-23 du code de la consommation, en ce qu’il ne comportait pas de bon de rétractation et ne reproduisait pas non plus les articles relatifs à l’exercice du droit de rétractation, était insuffisamment précis quant à la nature et aux caractéristiques des biens offerts soulignant l’absence de mention de la marque des panneaux, de l’onduleur, du ballon et faute de descriptif détaillé de l’onduleur, de précision du nombre, de la dimension, de la couleur et plus généralement de l’aspect des panneaux et de leurs référence, du modèle et des caractéristiques de l’onduleur et notamment de sa puissance. Il a écarté tout dol en retenant qu’aucun engagement d’autofinancement n’était démontré. Il a rejeté toute confirmation du contrat en considérant que l’acheteur n’avait pas coché la case par laquelle il reconnaissait avoir pris connaissance des conditions générales de vente et les accepter sans aucune réserve, que les articles du code de la consommation relatifs au droit de rétractation n’avaient pas été reproduits au verso et qu’il ne pouvait être considéré que M. et Mme [G] avaient exécuté le contrat sans réserve alors qu’ils avaient demandé l’annulation dès le 4 février 2014 et assigné dès le 16 décembre 2014, avaient cessé de payer le crédit à compter d’avril 2017 et n’avaient pas signé de contrat de revente d’énergie et il a prononcé la nullité du contrat de vente et la nullité subséquente du contrat de crédit affecté par application de l’article L. 311-32 du code de la consommation.

Il a retenu une faute de la banque en ce qu’elle aurait dû vérifier la conformité du contrat principal avec la législation applicable au démarchage à domicile et en ce qu’elle avait débloqué les fonds sur la base d’une attestation ne précisant pas que la mise en service et le raccordement étaient intervenus. Il a considéré que le retard dans l’exécution avait déjà donné lieu à réparation par le jugement du juge de proximité de Valenciennes mais que les fautes de la banque avaient fait perdre à M. et Mme [G] une chance de voir préciser les caractéristiques essentielles de l’installation et de procéder à des comparaisons afin de ne pas contracter ou de contracter à des conditions différentes. Il a estimé cette perte de chance à 80 %. Il a rejeté la demande de déchéance du droit aux intérêts. Il a enfin relevé sur la demande de radiation du FICP qu’il n’était pas justifié du refus opposé par la banque pouvant justifier qu’une telle demande soit présentée en justice.

Suivant déclaration enregistrée le 17 décembre 2021, la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea a relevé appel de ce jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris du 14 octobre 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 12 mars 2022 elle demande à la cour :

— d’infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la société Banque Solfea avait commis des fautes la privant de son droit à restitution de 80 % du capital emprunté et en conséquence de débouter M. et Mme [G] de leurs demandes,

— à titre subsidiaire si la responsabilité de la banque devait être engagée, de réduire à de plus justes proportions l’évaluation du préjudice de M. et Mme [G],

— en tout état de cause, de condamner in solidum M. et Mme [G] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction au profit de Me Edgard Vincensini conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir qu’il n’existe aucun texte, dans quelque code que ce soit, qui fasse obligation au prêteur professionnel de vérifier la régularité du contrat principal conclu par l’emprunteur qui souscrit un crédit pour en payer le prix. Elle ajoute qu’il ne revient pas au prêteur d’apprécier et de conseiller son client sur les contrats que ce dernier entend conclure dans son intérêt propre et ce en vertu du principe de non-immixtion du banquier dans les affaires de son client. Elle en déduit qu’il ne peut être reproché à la banque de n’avoir pas décelé les éventuelles anomalies d’un document qu’elle est fondée à ne pas avoir en sa possession et à ne pas réclamer car il suffit en application de l’article L. 311-1, 11° du code de la consommation, que le bien financé soit mentionné dans le contrat de crédit, ce qui est le cas en l’espèce.

Sur le déblocage des fonds elle soutient que la formule « Raccordement au réseau ERDF à la charge de FRH » mentionnée au bon de commande signifie seulement que la société FRH s’était engagée à en supporter le coût mais non à en assurer la réalisation et que tel était le sens de la demande faite au tribunal de Valenciennes. Elle fait valoir que les époux [G] étaient parfaitement informés du mécanisme du déblocage des fonds par le contrat de crédit qui précise bien que les fonds seront remis au vendeur sur production d’une attestation de fin de travaux et qu’elle a débloqué les fonds sur ordre de l’emprunteur. Elle ajoute que l’installation a été raccordée.

Elle fait valoir qu’en cas d’annulation des contrats, la privation de la créance de restitution du capital emprunté constitue une sanction qu’aucun texte ne prévoit et qui est contraire à la règle nulla poena sine lege au respect de laquelle veille scrupuleusement la Cour de cassation, qu’elle équivaut en outre à une spoliation pure et simple de la banque et donc à la privation d’un bien, en l’espèce une créance, dont elle est de plein droit propriétaire du fait de l’annulation du contrat de prêt, ce qui constitue une violation directe du droit de propriété de la banque, contraire aux dispositions de l’article 1er du Protocole 1 de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, de l’article 17 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et des articles 2 et 17 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 ayant valeur constitutionnelle et qu’elle est en outre contraire aux engagements internationaux de la France et à la constitution du 4 octobre 1958 dont la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 a été intégrée au préambule.

Elle ajoute que les chefs de préjudice indemnisés par le tribunal n’ont jamais été invoqués par les époux [G] dans leurs conclusions régulièrement communiquées et soutenues oralement à l’audience, ceux-ci s’étant bornés à demander au tribunal de « juger que la banque est privée de son droit aux intérêts du contrat de crédit affecté suite à l’annulation de son contrat » et, à titre subsidiaire, de « prononcer la déchéance du droit de la banque aux intérêts du crédit affecté ».

Elle fait encore valoir qu’il n’existe aucune preuve que l’installation acquise n’a pas été mise en service, la lettre d’ERDF du 24 mai 2016 faisant état d’une situation à cette date.

Elle soutient qu’il est vain de prétendre que si la banque avait averti les emprunteurs de la nullité du bon de commande, ceux-ci auraient contracté à des conditions différentes, faute de fournir le moindre élément de comparaison notamment de prix.

Elle ajoute qu’elle n’est pas la cause de la liquidation de la société et que l’impossibilité de récupérer le prix de vente qui résulterait de la liquidation du vendeur n’est pas en lien avec la faute qui lui est reprochée.

Elle fait encore valoir que la privation d’utiliser le capital emprunté à d’autres fins n’est pas un préjudice alors même qu’il n’est pas établi que les biens ainsi acquis ne fonctionnent pas, seule la mise en service des panneaux solaires n’ayant semble-t-il pas été effectuée à la date du 24 mai 2016, alors qu’il s’agit d’une prestation de service simple que toute entreprise qualifiée peut effectuer.

Elle conteste tout lien de causalité avec un fait lui étant imputable.

Sur le montant du préjudice, elle rappelle qu’une installation photovoltaïque peut fonctionner en autoconsommation et ainsi permettre au propriétaire de réduire ses dépenses en électricité, ce que permet également le ballon thermodynamique également acquis et que la liquidation va aussi leur permettre de ne pas restituer le matériel qui ne sera pas réclamé.

Le 29 mars 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d’appel à l’encontre de la Selafa MJA en qualité de mandataire ad hoc de la société FRH.

Suivant leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 mai 2023, M. et Mme [G] demandent à la cour :

— de juger mal fondé l’appel formé par la société BNP Paribas Personal Finance à l’encontre du jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris du 18 octobre 2021,

— de débouter la banque de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

— de condamner la société BNP Paribas Personal Finance à leur payer la somme de 3 600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel.

À titre principal, ils font valoir que la banque a commis une faute par la prise en charge par crédit affecté d’un bon de commande nul et par son déblocage des fonds malgré cette nullité sans vérification à ce titre auprès des emprunteurs et que la cour doit donc confirmer le jugement en ce qu’il a dit que la banque avait commis des fautes dans le déblocage des fonds.

Ils soutiennent que le déblocage des fonds opéré malgré les causes de nullité affectant le contrat principal que le prêteur pouvait vérifier auprès de l’emprunteur avant tout déblocage des fonds et sans vérification de la fin des travaux leur cause un préjudice à la hauteur du montant du capital du prêt débloqué dès lors que la société venderesse n’est plus in bonis car si la restitution de la chose au liquidateur demeure vraie et est faite aux frais de l’acheteur, la restitution du prix n’est plus envisageable.

Ils font également état d’un préjudice tenant à une perte de chance de rétracter leur consentement à l’opération contractuelle, lorsque les fonds ont été débloqués dans le délai de rétractation et alors que le prêteur ne les a pas prévenus des vices affectant le bon de commande principal.

Ils ajoutent que le bon fonctionnement du matériel est à cet égard inopérant dès lors que le préjudice est constitué, non pas par un éventuel dysfonctionnement du matériel, mais bien par la situation contractuelle dans laquelle la banque les a placés en raison de sa faute et alors qu’ils ne pourront pas se retourner contre la société venderesse radiée du RCS.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du 19 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour constate que l’appel est strictement limité aux fautes commises par la banque et en leur conséquences.

Sur la responsabilité de la société banque Solfea

Le contrat de vente a été annulé par le premier juge au motif qu’il ne respectait pas les dispositions de l’article L. 121-23 du code de la consommation et notamment en ce qu’il ne comprenait pas de bordereau de rétractation et que ces nullités de forme n’avaient pas été confirmées par l’acquéreur.

L’annulation des contrats de vente et de crédit entraîne en conséquence la remise en l’état antérieur des parties. S’agissant du crédit, cette annulation entraîne la restitution au prêteur du capital emprunté déduction faite des échéances payées. Le prêteur n’est privé de sa créance de restitution que s’il a commis une faute dans le déblocage des fonds et si cette faute est à l’origine d’un préjudice pour l’acquéreur, la privation étant fixée à l’aune de ce préjudice.

Le contrat principal et le contrat de crédit dédié à son financement forment une « opération commerciale unique », au sens de l’article L. 311-1, 11° du code de la consommation laquelle s’accompagne d’une interdépendance entre le contrat principal et le crédit qui le finance ainsi qu’il résulte des articles L. 311-30 et suivants du code de la consommation dans leur version applicable au litige. Il est de jurisprudence constante que le prêteur est dès lors tenu de vérifier la régularité formelle du contrat principal et que faute de le faire il commet une faute.

En l’espèce si la banque ne pouvait rentrer dans le détail de la description des biens et apprécier sa régularité et s’il peut être considéré que seule l’absence d’une mention pouvait être détectée par elle et non l’imprécision d’une mention, l’absence d’un bon de rétractation ne pouvait lui échapper.

Elle a donc commis une faute en débloquant les fonds sur la base d’un contrat nul.

En revanche il ne peut lui être reproché d’avoir débloqué les fonds alors que les travaux n’étaient pas terminés et l’installation non raccordée.

Selon l’article L. 311-31 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation. En cas de contrat de vente ou de prestation de services à exécution successive, elles prennent effet à compter du début de la livraison ou de la fourniture et cessent en cas d’interruption de celle-ci.

Les dispositions de l’article L. 311-51 du même code en leur version applicable au litige prévoient que le prêteur est responsable de plein droit à l’égard de l’emprunteur de la bonne exécution des obligations relatives à la formation du contrat de crédit, que ces obligations soient à exécuter par le prêteur qui a conclu ce contrat ou par des intermédiaires de crédit intervenant dans le processus de formation du contrat de crédit, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci.

Il incombe donc au prêteur de vérifier que l’attestation de fin de travaux suffit à déterminer que la prestation promise a été entièrement achevée mais il ne lui appartient pas de s’assurer par lui-même de l’exécution des prestations et il ne saurait être garant de l’exécution du contrat principal.

Il est rappelé que le contrat de crédit souscrit prévoit expressément que les fonds sont mis à disposition à la livraison du bien, par chèque ou virement au bénéficiaire mentionné dans l’attestation de fin de travaux.

La Banque Solfea a débloqué les fonds sur la base d’une demande signée par M. [G] attestant que les travaux objets du financement, lesquels ne recouvraient pas le raccordement et les autorisations administratives éventuelles, étaient terminés et conformes au devis et qu’il demandait à la banque Solfea de payer la somme de 19 500 euros au vendeur.

Le certificat de livraison permet d’identifier sans ambiguïté l’opération financée et d’attester de la livraison de l’installation photovoltaïque à la charge de la société venderesse, avec la précision que les travaux objets du financement ne couvrent pas le raccordement au réseau éventuel et les autorisations administratives éventuelles.

Le contrôle opéré par la banque ne saurait porter ni sur des autorisations administratives relevant d’organismes tiers, ni sur la réalisation du raccordement réalisé ultérieurement par ERDF, structure également tierce par rapport à l’ensemble contractuel. La banque fait d’ailleurs justement valoir que la mention « raccordement à la charge de FRH » concerne les frais de ce raccordement et que les époux [G] ne s’y sont pas trompés puisqu’ils ont demandé au tribunal de Valenciennes le remboursement de ces frais et ont fait procéder eux même au raccordement.

Cette attestation est donc suffisante pour apporter la preuve de l’exécution du contrat principal étant au surplus observé que le bon de commande ne porte que sur le forfait de pose de la centrale photovoltaïque et le ballon et que la case « démarches administratives » n’a pas été cochée.

La seule faute commise par la banque concerne donc la non-vérification de la conformité du bon de commande au regard de l’absence d’un bon de rétractation.

La privation de la créance de restitution est donc subordonnée à l’existence d’un préjudice lequel doit être en lien avec la faute retenue en l’espèce ici le défaut de vérification de la validité formelle du bon de commande.

Ceci n’est que l’application du principe général de responsabilité qui implique une faute, un préjudice et un lien de causalité et ne saurait en aucun cas être contraire aux textes internationaux invoqués par la banque qui n’ont jamais interdit la réparation d’un préjudice causé par une faute.

Sur ce point, le seul préjudice consisterait pour M. et Mme [G] d’avoir perdu une chance de se rétracter faute d’avoir été informés de cette faculté par la banque avant que celle-ci ne débloque les fonds. Aucun autre préjudice invoqué par M. et Mme [G] ne saurait être en lien avec la seule faute de la banque retenue par la cour.

S’agissant de cette perte de chance, il convient de relever que si le bon de commande ne comprend pas de bon de rétractation, il reste qu’il mentionne en son article 12 l’existence d’une possibilité de rétractation légale et que M. et Mme [G] ont saisi le tribunal de Valenciennes dans un premier temps pour obtenir l’exécution complète du contrat, démontrant ainsi qu’ils entendaient en bénéficier puisque le tribunal relevé que M. [G] a procédé à ses frais au raccordement et demande le remboursement desdits frais.

Dès lors la perte de chance doit être évaluée 10 % du capital emprunté. La banque doit donc être privée de sa créance de restitution à hauteur de 1 950 euros.

Aucune demande de condamnation n’est formée par la banque.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il a retenu une perte de chance de 80 % et condamné la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea à payer à M. et Mme [G] les sommes de 3 532,60 euros correspondant à 20 % du capital réglé déduction faite des sommes versées par eux au titre du contrat de prêt au jour du jugement.

M. et Mme [G] restent redevables de plein droit du remboursement des sommes perçues en exécution de cette disposition infirmée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles sont confirmées.

M. et Mme [G] qui succombent doivent être condamnés in solidum aux dépens d’appel mais il apparaît équitable de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile en appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt contradictoire, et par arrêt mis à disposition au greffe,

Statuant dans les limites de l’appel, lequel est strictement limité aux fautes commises par la banque et à leur conséquences,

Infirme le jugement en ce qu’il a jugé que la banque avait commis une faute qui la prive de son droit à restitution de 80 % du capital emprunté et condamné la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea à payer à M. [W] [G] et Mme [S] [M] épouse [G] les sommes de 3 532,60 euros correspondant à 20 % du capital réglé déduction faite des sommes versées par eux au titre du contrat de prêt au jour du jugement ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que la banque a commis une faute qui la prive de son droit à restitution de 10 % du capital emprunté, soit 1 950 euros ;

Rappelle que M. [W] [G] et Mme [S] [M] épouse [G] restent redevables de plein droit du remboursement des sommes perçues en exécution du jugement qui est infirmé ;

Déboute les parties de toute autre demande ;

Condamne M. [W] [G] et Mme [S] [M] épouse [G] in solidum aux dépens d’appel ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en appel.

La greffière La présidente

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 4 chambre 9 a, 16 novembre 2023, n° 21/22289