Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 3, 8 février 2023, n° 22/04737

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 ch. 3, 8 févr. 2023, n° 22/04737
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 22/04737
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 15 janvier 2018, N° A20-17698
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 13 février 2023
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Texte intégral

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRET DU 08 FEVRIER 2023

RENVOI APRES CASSATION

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/04737 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFUKA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 janvier 2018 du conseil de prud’hommes de Paris RG F13/05130 sur appel d’un arrêt de la cour d’appel de Paris du 14 janvier 2020 rendu par le pôle 6 chambre 11; cassé par un arrêt rendu par une chambre sociale de la Cour de cassation le 09 Février 2022 RG n° A20-17698.

DEMANDEUR

Madame [P] [E]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Ghislain DADI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0257

Syndicat UNION DES SYNDICATS ANTI PRECARITE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Ghislain DADI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0257

DEFENDEUR

S.A.S. MAITRISE ET DISSUASION SECURITE PRIVEE

urbaparc, bat g1,

[Adresse 1]

[Localité 5]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Véronique MARMORAT, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Véronique MARMORAT, présidente

Madame Fabienne ROUGE, présidente

Madame Anne MENARD, présidente

Lors des débats : Madame Sarah SEBBAK, greffière en préaffectation sur poste

ARRÊT :

— Réputé contradictoire

— mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— signé par Madame Véronique MARMORAT, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière en préaffectation sur poste à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [P] [E], née le 14 juillet 1990, a été embauchée par la société Ferssa Sécurité le 7 juillet 2019 en qualité d’agent de sécurité et affectée au site d'[Localité 6], à [Localité 8]. Le contrat a été transféré le 15 décembre 2010 à la société Maîtrise et dissuasion sécurité privée, ce transfert ayant été régularisé par un avenant du 5 janvier 2011 comportant une clause de mobilité. La salariée occupait la fonction d’agent des services de sécurité incendie. Le 9 octobre 2012 la salariée a été promue avec effet au 1er août 2012, adjoint chef de site, statut agent de maîtrise.

Placée en arrêt de travail pour maladie du 25 septembre 2012 au 7 janvier 2013, la salariée, informée par l’employeur qu’elle serait affectée sur le site BNP Anjou [Localité 7], en horaires de nuit, lors de la reprise du travail, a refusé cette affectation.

Par lettre du 11 janvier 2013, la salariée a informé l’employeur de sa désignation en qualité de représentante de la section syndicale de l’Union des Syndicats Anti-Précarité (le syndicat).

Le 27 mars 2013, la salariée et le syndicat ont saisi la juridiction prud’homale en référé de diverses demandes lequel a rendu sa décision le 23 juillet 2013. Par arrêt confirmatif du 19 juin 2014, la cour d’appel de Paris a, notamment,

Ecarté l’illicéité de la clause de mobilité insérée au contrat de travail

Condamné l’employeur à verser à la salarié les sommes suivantes :

—  2 500 euros à titre de complément d’indemnités journalières pour la période s’achevant le 7 janvier 2013

—  500 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de communication d’une attestation de salarié conforme à titre d’accident de travail

—  439,91 euros à titre de provision sur la retenue indue pratiquée sur le salaire du mois de mai 2013.

La cour de cassation rejettera le pourvoi formé contre cet arrêt le 4 mai 2017.

Madame [E] a, de nouveau, été placée en arrêt maladie du 24 au 28 septembre 2013 puis du 7 décembre 2013 au 6 février 2014. Le 25 octobre 2014, une mise à pied disciplinaire de 24 heures est notifiée par l’employeur à la salariée. Le 13 novembre 2014, madame [E] est reconnue travailleur handicapé avec maintien dans son emploi en milieu ordinaire.

La salariée sera licenciée pour inaptitude définitive le 13 mars 2017.

Saisi le 22 avril 2013 par la salariée et le syndicat en diverses demandes relatives à l’exécution du contrat et à l’atteinte à l’intérêt collectif des salariés, le Conseil des prud’hommes de Paris, statuant en formation de départage, a, par jugement du 16 janvier 2018, fixé le salaire moyen brut de madame [E] à la somme de 2 042,85 euros, a condamné la société Maîtrise et dissuasion sécurité privée aux dépens et à verser à la salariée les sommes suivantes :

—  34 728,45 euros au titre des arriérés de salaire sur la période du 8 janvier 2013 au 13 octobre 2014 outre celle de 3 472,84 euros pour les congés payés afférents

—  439,91 euros au titre de la retenue indue sur la fiche de paie de mai 2013

—  1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Madame [E] et l’Union des Syndicats Anti-Précarité ont interjeté appel de cette décision le 16 février 2018.

Par arrêt du 14 janvier 2020, la cour d’appel de Paris a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions.

La Cour de cassation, par arrêt du 9 février 2022, a, partiellement, cassé cet arrêt seulement en ce qu’il déboute madame [E] de ses demandes en paiement d’un complément d’indemnités journalières du 25 septembre 2012 au 7 janvier 2013 puis du 23 septembre 2013 au 6 février 2014 et en dommages-intérêts pour discrimination syndicale et entrave au mandat de représentante de la section syndicale, et le Syndicat Anti-Précarité en de dommages-intérêts pour atteinte à l’intérêt collectif des salariés pour discrimination et entrave aux fonctions de représentant de section syndicale

Madame [E] et l’Union des Syndicats Anti-Précarité ont saisi la cour d’appel de Paris par déclaration du 20 avril 2022, enregistré le 27 avril 2022.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 14 juin 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, madame [E] demande à la Cour d’infirmer le jugement entrepris sur les points ayant donnés lieu à cassation et statuant à nouveau , de

Fixer le salaire moyen brut au poste « d’Adjoint Chef de site [Localité 6] » à la somme de 2 103,46 euros brut (salaire de base depuis juillet 2013 = 2 042,74 euros brut + prime d’ancienneté = 40,85 euros brut + prime « Habill/Deshabilll » = 19,87 euros € brut [151,67 heures x 0,131 euros brut]).

Fixer les accessoires de salaire en net à la somme de 202,76 euros net (52,40 euros net de carte orange + 74,14 euros net de primes de panier [3,37 euros x 22 jours] + 76,22 euros net d’indemnité de représentativité).

Sur le rappel de salaire au titre des IJSS

Condamner la société Maîtrise et dissuasion sécurité privée à verser à madame [E] un complément d’indemnités journalières du 25 septembre 2012 au 07 janvier 2013, puis à compter du 23 septembre 2013 jusqu’au 06 février 2014 (avec délivrance des fiches de salaire et paiement du salaire net), selon les prévisions de la loi de mensualisation et de l’annexe V « Agents de maîtrise » de la Convention collective nationale des entreprises de prévention et de Sécurité, sous astreinte de 100 € par jour de retard, tout en se réservant le pouvoir de liquider l’astreinte, et la condamner à verser une provision à ce titre de 5 000 € net ;

Ainsi que la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de paiement des indemnités journalières d’accident de travail ;

Annuler la mise à pied disciplinaire du 25 septembre 2014

Sur la discrimination syndicale :

Ordonner à la société Maîtrise et dissuasion sécurité privée de réaffecter immédiatement madame [E] sur son emploi contractuel « d’adjointe chef de site [Localité 6] » sans aucun changement des conditions de travail, sous astreinte journalière de 100 € et se réserver le pouvoir de liquider cette astreinte ;

Condamner la société à lui verser la somme de 50 000 euros de dommage et intérêts pour entrave discrimination syndicale

Condamner la société Maîtrise et dissuasion sécurité privée à lui verser un complément de salaire brut, ainsi que l’indemnité compensatrice de congés payés afférents et les accessoires de salaire net à compter du 1er février 2015, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, tout en se réservant le pouvoir de liquider l’astreinte, et la condamner à verser des provisions nettes à ce titre les sommes suivantes :

132 000 euros (1 500 euros x 88 mois) ;

13 200 euros de congés payés y afférents (10 %) ;

17 842,88 euros net d’accessoires de salaire (202,76 euros x 88 mois) ;

Condamner la société Maîtrise et dissuasion sécurité privée à payer à madame [E] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ordonner la capitalisation des intérêts au taux légal en application de l’article 1154 du code civil, à compter de la première demande, soit la saisine du Conseil des prud’hommes.

Le syndicat Union des syndicats anti-précarité s’est constitué mais n’a pas conclu, les seules conclusions signifiées par voie électronique le 14 juin 2022 ne portant que le nom de madame [E].

La société Maîtrise et dissuasion sécurité privée ne s’est pas constituée.

Par arrêt du 19 octobre 2022, la présente cour a ordonné la réouverture des débats afin que les appelants produisent la signification de la déclaration de saisine aux parties à l’instance soit à la société Maîtrise et dissuasion sécurité privée dans le délai de 10 jours à compter de la réception de l’avis du greffe datant du 2 juin 2022 en application de l’article 1037-1 du code de procédure civile. Cet acte a bien été signifié dans les délais soit le 8 juin 2022.

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

Motifs

Sur l’assiette de la saisine de la présente cour

Dans son arrêt du 9 février 2022, la chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule, l’arrêt rendu le 14 janvier 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Paris mais seulement en ce qu’il déboute madame [P] [E] de ses demandes

en paiement d’un complément d’indemnités journalières du 25 septembre 2012 au 7 janvier 2013 puis du 23 septembre 2013 au 6 février 2014

dommages-intérêts pour discrimination syndicale et entrave au mandat de représentante de la section syndicale, et le Syndicat Anti-Précarité de sa demande de dommages-intérêts pour atteinte à l’intérêt collectif des salariés pour discrimination et entrave aux fonctions de représentant de section syndicale.

En conséquence, les demandes relatives à la fixation du salaire et de ces accessoires, à l’annulation de la mise à pied disciplinaire du 25 septembre 2014 n’étant pas dans la saisine de la présente cour ne seront pas examinées.

Sur la discrimination syndicale

Principe de droit applicable :

Aux termes de l’article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l’article 1 de la loi n° 2008-496 du 27 la société Maîtrise et dissuasion sécurité privée 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L.3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’action, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales.

L’article L.2141-5 du code du travail interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Selon l’article L.1134-1 du code du travail, en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels, il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Application en l’espèce

Madame [E] soutient que son employeur aurait agit dans l’intention de lui nuire dès qu’il a pris connaissance de son mandat syndical en janvier 2013.

Sur la visite médicale de reprise

Elle invoque le défaut de visite médicale de reprise accident du travail du 8 janvier au 25 avril 2013 et soutient qu’une première visite médicale aurait été organisée par l’employeur le 17 janvier 2013, soit au-delà des 8 jours par le code du travail, qu’elle se serait présentée au rendez-vous au service de santé de la médecine du travail à 8h00 comme indiqué et aurait appris que ce service était fermé ce jour-là et qu’après une deuxième visite initialement prévue le 12 avril 2013 à 10h15, annulée en raison de son hospitalisation du 8 au 12 avril à 12h, que la visite se serait tenue le 25 avril 2013. Le médecin du travail aurait constaté une aptitude sur un poste « d’adjoint chef de site » en horaires normaux et non une aptitude sur un poste d’agent de sécurité en horaires 12h00/12h00 de nuit.

La cour observe que la salariée n’expose pas en quoi les difficultés pour réaliser cette visite médicale, difficultés relevant soit de sa propre situation soit du service mandaté seraient de nature à constituer des faits laissant présumer une discrimination en raison de son activité syndicale. En conséquence ce moyen est écarté.

Sur les modifications du contrat de travail depuis janvier 2013

Madame [E] soutient que ses horaires de travail auraient été modifiés, l’avenant par lequel elle aurait été promue au poste d’adjointe chef de site aurait supprimé les clauses travail du dimanche et changement d’horaires de son contrat de travail et qu’elle aurait ainsi travaillé normalement selon des horaires de jour (9h-17h du lundi au vendredi).

La salariée affirme que la société Maîtrise et dissuasion sécurité privée lui aurait imposé un changement de son lieu de travail alors que la clause de mobilité contenue au sein de son avenant serait nulle, celle-ci étant large et imprécise, s’appliquant à l’ensemble de la France. Madame [E] expose que si cette clause n’était pas nulle, l’employeur a manqué à son obligation de justifier les impératifs résultant de l’organisation du service ou des exigences de la clientèle et qu’enfin, la société Maîtrise et dissuasion sécurité privée lui aurait imposé de travailler sur d’autres sites que celui prévu à son contrat : sur le site BNP d’Anjou puis sur le site EDF Cap Ampere à [Localité 8] à compter du 1er octobre 2013.

Enfin, selon la salariée, la société lui aurait imposé un changement de fonctions : elle était 'adjointe chef de site’ depuis sa promotion. Or à son retour d’arrêt maladie, son employeur lui aurait imposé de travailler en tant qu''agent de sécurité’ sur le site BNP d’Anjou, puis à un poste de service de sécurité et d’assistance à la personne (SSIAP) alors qu’elle ne disposerait pas du diplôme SSIAP 2 nécessaire à l’exécution d’un poste de chef d’équipe dans ce cadre.

A l’appui de cette argumentation, madame [E] produit, outre ces nombreux courriers sollicitant sa réintégration sur le poste d’adjointe chef du site d'[Localité 6] à [Localité 8] les pièces suivantes :

— Un planning édité le 27 décembre 2012 pour le mois de janvier 2013 affectant la salariée à compter du 9janvier 2013 sur le site BNP Anjou Formation situé à [Localité 7] (VIIIème ) avec les horaires suivants 19 h- 7h et comprenant des samedis et dimanches.

— Une lettre du syndicat Union des syndicats anti-précarité datée du 11 janvier 2013 informant la société Maîtrise et dissuasion sécurité privée de la nomination de madame [E] en qualité de représentante syndicale

— Plusieurs lettres de l’employeur lui demandant de justifier de ces absences, la première datant du 18 janvier 2013 et concerne les absences de 7,9, 10,12,13 et 14 janvier

— Le planning du mois de mars 2013 modifiant les horaires devenant de 7 h à 19 h.

— Une lettre du 23 mars 2013 lui adressant un chèque en règlement de ses heures de délégation

— Un avis d’aptitude sans réserve émis par le médecin du travail le 25 avril 2013

— Une lettre de l’employeur datée du 25 septembre 2013 l’informant de sa nouvelle affectation à compter du 1er octobre 20113 au sein de l’équipe incendie et secours à personne sur le site EDF Cap Ampère à [Localité 8] avec les horaires suivants 7h-19H

— les résultats de l’élection du CHSCT du 10 décembre 2013 où madame [E] se présente sans étiquette et n’est pas élue

— une fiche d’aptitude médicale du 20 février 2014 avec l’avis suivant apte au poste d’adjointe chef de site avec restriction à affecter à des horaires de jour obligatoirement pas de station débout prolongé pas d’amplitude de plus de (chiffre illisible )

La cour souligne le fait qu’elle n’est pas saisie de la modification unilatérale du contrat de travail laquelle a été jugée irrégulière par le Conseil des prud’hommes de Paris, décision confirmée par la cour d’appel de Paris.

Concernant la discrimination syndicale, l’analyse des pièces établit que la décision de changement d’affectation de madame [E] dans un nouveau site situé à [Localité 7] avec des horaires de nuit et pendant des week-end prise par la société Maîtrise et dissuasion sécurité privée a été délivrée à la salariée avec son planning de janvier 2023 éditée le 27 décembre 2012 et qu’il n’est pas contesté que ce n’est que le 11 janvier 2013 que le syndicat Union des syndicats anti-précarité à informer l’employeur de la nomination de madame [E] en qualité de représentante syndicale. Cette décision initiale n’a pu, en conséquence, constituée un élément laissant supposer une discrimination syndicale.

Les décisions postérieures de l’employeur découlent directement de cette décision et ont conduit celui-ci à modifier les horaires en passant les horaires de 7 h à 9 h et en l’affectant sur un site situé à [Localité 8], ville demandée par la salariée et sont en cohérence avec sa position consistant à qualifier la demande de réintégration de madame [E] dans son ancien poste comme contraire à sa clause de mobilité.

Même si l’employeur reconnaît dans la lettre de l’employeur datée du 25 septembre 2013 informant madame [E] de sa nouvelle affectation sur le site EDF Cap Ampère à [Localité 8] à compter du 1er octobre 2013 que son poste d’adjointe chef de site d'[Localité 6], à [Localité 8] était occupé par un de ses collègues, rien n’indique que la décision de cette nouvelle affectation a été prise sur le motif d’une discrimination syndicale, s’agissant davantage de l’obstination de l’employeur à rester sur sa position quant à la licéité de la clause de mobilité sans autre considération, d’autant qu’il a pu comprendre que l’ordonnance de référé du 23 juillet 2013 lui donnait raison.

En conséquence, il convient de confirmer la décision des premiers juges sur ce point.

Sur l’irrégularité des plannings

Madame [E] prétend que les plannings ne lui pas été remis une semaine à l’avance et ne préciseraient ni l’adresse des sites ni le mode d’aménagement du temps de travail retenu comme l’avenant du 26 janvier 2007 le demande, qu’ils ne comporteraient pas les temps de pause et que travaillant seule, il lui aurait été impossible de prendre le moindre temps de pause.

La cour observe à cet égard que la salariée ne produit aucune attestation ou document établissant qu’elle aurait fait l’objet d’un traitement discriminatoire vis à vis des autres salariés et ni que l’origine de cette discrimination serait son appartenance syndicale et que les pièces de la procédure établissent que ces plannings n’ont jamais eu pour elle un commencement d’exécution.

Il résulte de ce qui précède que la discrimination syndicale n’étant pas établie, il convient de confirmer la décision du Conseil des prud’hommes sur ce point.

Sur l’entrave au mandat de représentante de la section syndicale

La salariée fait valoir en premier lieu qu’aucune modification de son contrat de travail ni aucun changement de ses conditions de travail ne sauraient être imposés à un représentant du personnel sans son accord. Les arguments développés par la salariée concerne soit la modification du contrat de travail dont la cour n’est pas saisie soit la discrimination syndicale qui vient d’être tranchée.

Toutefois, concernant la dernière modification annoncée le 25 septembre 2013, madame [E] ayant alors le statut de la salariée protégée, l’employeur ne pouvant lui imposer cette modification sans son accord et en cas de refus devait engager une procédure de licenciement selon les formes requises par ce statut. La cour constate que madame [E] ne produit aucune pièce manifestant son refus de regagner ce poste mais aussi que ce courrier, daté par erreur au 25 novembre 2013 ne sollicite pas son accord.

Madame [E] prétend en second lieu que l’absence de la mise en place des institutions représentatives du personnel en particulier d’un comité d’entreprise et en tout cas le retard dans la mise en place du CHSCT lui aurait porté préjudice fait de l’absence de relais syndical. Pour étayer ces manquements, la salariée ne produit aucune pièce alors que contrairement à ses affirmations, le procès-verbal d’élection du CHSCT du 10 décembre 2013 permet de noter la présence lors cette élection d’un grand collège composé de 8 élus titulaires et 7 élus suppléants appartenant aux syndicats FO, CGT, CFDT, CFTC de deux délégués syndicaux titulaires, et deux délégués syndicaux titulaires, mandatés par les Syndicats FO, CGT, CFTC ou CFDT.

Enfin, madame [E] prétend que la société Maîtrise et dissuasion sécurité privée aurait refuser de lui communiquer les derniers protocoles d’accords électoraux CE et DP, les procès-verbaux des dernières élections professionnelles CE et DP et les accords collectifs relatifs aux droits syndicaux, l’accord sur 'l’aménagement du temps de travail’ pourtant visé à son contrat et accord d’entreprise en date du 13 juin 2008. La cour ne discerne pas si cette demande a trait aux pièces devant être transmises en cours de la mise en état et qui aurait dû être formée devant le conseiller de la mise en état, étant observé que l’employeur n’est pas constitué ou s’il s’agit de demandes formulées au cours de son mandat de représentant de la section syndicale. Dans ce dernier cas, il convient de constater que la salariée ne produit aucune pièce justifiant qu’elle a formé de telle demande. Il en est de même de ces affirmations relatives à l’absence de local dédié.

En conséquence, il convient d’infirmer la décision des premiers juges sur ce point, en raison de la modification irrégulière du contrat de travail annoncé le 25 septembre 2013 et d’allouer en compensation du préjudice subi la somme de 12 000 euros.

Sur le non paiement des compléments d’indemnités journalières maladie ou accident du travail

Madame [E] sollicite en premier lieu un complément d’indemnités journalières du 25 septembre 2012 au 7 janvier 2013, puis à compter du 23 septembre 2013 jusqu’au 06 février 2014, avec délivrance de fiches de salaire et paiement du salaire net selon les prévisions de la loi sur la mensualisation et de l’annexe V agent de maîtrise de la Convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité sous astreinte de 100 euros par jour de retard et la condamnation de la société Maîtrise et dissuasion sécurité privée à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de provision.

Au soutien de cette demande, la salariée rappelle que les principes de droit applicables en l’espèce seraient : une indemnisation de 90% du salaire brut pendant 30 jours puis de 66,6% du salaire du 31ème au 60ème jour, avec une majoration de 10 jours lorsque le salarié a 8 ans d’ancienneté, puis de 10 jours supplémentaires par tranche de 5 ans d’ancienneté, dans la limite de 90 jours. Elle ajoute que les dispositions conventionnelles, à savoir l’article 7 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité prévoit des dispositions plus favorables et notamment une indemnisation à 75 % sur la deuxième période et affirme que la société n’aurait pas respecté ces principes dans le versement des indemnités journalières.

À l’appui de ces affirmations, madame [E] produit :

L’attestation de paiement des indemnités journalières émis par la Caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines qui répertorie les sommes versées par cette caisse au titre soit d’un accident de travail du 29 septembre 2012 au 7 janvier 2013 soit de maladie pour les périodes suivantes du 24 septembre 2013 au 16 octobre 2013, du 7 décembre 2013 au 6 février 2014.

Ainsi cette pièce ne permet pas de considérer comme l’affirme la salariée qu’elle était en congés maladie entre le 16 octobre 2013 et le 7 décembre 2013.

Ses fiches de paie pour les années 2012, 2013, 2014 (à l’exception du mois de décembre 2014 ), et le mois de janvier 2015. Ces fiches de paie ne portent pas trace du règlement du complément d’indemnités journalières pour les périodes concernées.

En conséquence, il convient d’ordonner à la société Maîtrise et dissuasion sécurité privée de verser à madame [E] les compléments d’indemnités journalières prévues par les dispositions légales et conventionnelles pour les périodes suivantes du 29 septembre 2012 au 7 janvier 2013 (régime accident du travail ), du 24 septembre 2013 au 16 octobre 2013(régime maladie )et du 7 décembre 2013 au 6 février 2014 (régime maladie) sous astreinte de 70 euros par jour de retard, l’astreinte étant prononcée à compter du 30ème jour ouvré après la signification du présent et court pendant une période de 3 mois, à l’issue de laquelle cette astreinte sera liquidée devant le juge compétent qui pourra en prononcer une seconde en cas d’inexécution.

La cour rejette la demande de provision.

La salariée demande, en second lieu, la condamnation de la société Maîtrise et dissuasion sécurité privée à lui verser la somme de 4 000 euros pour défaut de paiement des indemnités journalières d’accident du travail. Cette demande est rejetée, la salariée n’apportant aucun élément pour justifier cette demande.

Sur les autres demandes

La cour rejette la demande d’anatocisme et de la demande tendant faire partir les intérêts à compter de la convocation devant le Conseil des prud’hommes compte tenu des délais de procédure ne dépendant pas des parties. La demande visant à ce que la cour se réserve la liquidation de l’astreinte est rejetée, cette demande pouvant être traitée devant le juge de l’exécution.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire à l’égard de la société Maîtrise et dissuasion sécurité privée prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile,

Vu l’arrêt de la Cour de cassation du 9 février 2022,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a rejeté la demande de madame [E] de dommages et intérêts pour entrave et la condamnation de l’employeur à verser les compléments d’indemnités journalières

Statuant de nouveau sur ces deux points,

CONDAMNE la société Maîtrise et dissuasion sécurité privée à verser à madame [E] la somme de 12 000 euros de dommages et intérêts pour la modification irrégulière de son contrat de travail annoncé le 25 septembre 2013 en violation de son statut de salariée protégée, cette somme emportant intérêt à compter de la présente décision.

ORDONNE à la société Maîtrise et dissuasion sécurité privée de verser à madame [E] les compléments d’indemnités journalières prévues par les dispositions légales et conventionnelles pour les périodes suivantes du 29 septembre 2012 au 7 janvier 2013 régime accident du travail ), du 24 septembre 2013 au 16 octobre 2013(régime maladie ) et du 7 décembre 2013 au 6 février 2014 (régime maladie) sous astreinte de 70 euros par jour de retard, l’astreinte étant prononcée à compter du 30ème jour ouvré après la signification du présent arrêt et court pendant une période de 3 mois, à l’issue de laquelle cette astreinte sera liquidée devant le juge compétent qui pourra en prononcer une seconde en cas d’inexécution.

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Maîtrise et dissuasion sécurité privée à verser à madame [E] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

DÉBOUTE madame [E] du surplus de leurs demandes.

CONDAMNE la société Maîtrise et dissuasion sécurité privée aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 3, 8 février 2023, n° 22/04737