Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 6, 7 février 2024, n° 22/14611

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 6, 7 févr. 2024, n° 22/14611
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 22/14611
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Créteil, 23 mai 2022, N° 2021F00004
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 19 février 2024
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Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 07 FEVRIER 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/14611 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGIYF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mai 2022 -tribunal de commerce de Créteil – 2ème chambre – RG n° 2021F00004

APPELANTS

Madame [V] [I] épouse [P]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Monsieur [D], [W] [P]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentés par Me Nicolas URBAN de l’AARPI ALMATIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0560

INTIMÉE

La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, prise en la personne du président du conseil d’administration domicilié en cette qualité audit siège, venant aux droits et obligations du CREDIT DU NORD selon traité de fusion en date du 15 juin 2022 prenant effet au 1 er janvier 2023

[Adresse 2]

[Localité 4]

N° SIRET : B 552 120 222

Représentée par Me Loren MAQUIN-JOFFRE de la SELARL A.K.P.R., avocat au barreau de VAL-DE-MARNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Marc BAILLY, Président de chambre.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Marc BAILLY, Président de chambre

M. Vincent BRAUD, Président

MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Mélanie THOMAS, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

La société Crédit du Nord a consenti, le 25 mars 2008, un prêt d’un montant de 285 000 euros à la société de restauration traditionnelle à Paris Le Grand Bleu dont le gérant était M. [D] [P], lequel, de même que son épouse Mme [V] [I] épouse [P], associée, se sont portés cautions solidaires des obligations de la société issues du prêt par acte du même jour dans la limite d’une somme de 182 500 euros et de 50 % de l’encours du prêt.

Par jugement du tribunal de commerce de Paris du 7 février 2013, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte, la banque ayant déclaré sa créance le 14 mars 2013 à hauteur de la somme de 107 773,48 euros, ensuite admise au passif le 10 janvier 2014.

Un plan de redressement a été adopté par jugement du 9 avril 2014, accepté par la banque et la société a honoré les échéances qui y étaient prévues jusqu’au règlement de la 5ème annuité en 2018.

La société Le Grand Bleu a été placée en liquidation judiciaire le 12 juin 2019.

La société Crédit du Nord a assigné M. [D] [P] et Mme [V] [I] épouse [P] devant le tribunal de commerce de Créteil par acte en date du 23 décembre 2020, signifié selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile.

Par jugement réputé contradictoire en date du 24 mai 2022 en l’absence de comparution des défendeurs, le tribunal de commerce de Créteil a :

— Condamné solidairement M. [D] [P] et Mme [V] [I] épouse [P] à payer au CRÉDIT DU NORD la somme de 25 506,95 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2020 et débouté le CRÉDIT DU NORD du surplus de sa demande,

— Ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 23 décembre 2020, pourvu que ces intérêts soient dus au moins pour une année entière,

— -Condamné solidairement M. [D] [P] et Mme [V] [I] épouse [P] à verser au CRÉDIT DU NORD la somme de 800,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile'.

M. [D] [P] et Mme [V] [I] épouse [P] M ont interjeté appel du jugement signifié le 6 juillet 2022 par déclaration au greffe du 2 août 2022.

Par leurs seules conclusions en date du 25 octobre 2022, M. [D] [P] et Mme [V] [I] épouse [P] exposent :

— que la banque a reçu des sommes dans le cadre de l’exécution du plan de redressement judiciaire,

— à titre principal que le cautionnement est disproportionné par rapport au patrimoine des cautions, et également, que la société Crédit du Nord n’a pas respecté son devoir de mise en garde à leur égard,

— subsidiairement, que la société Crédit du Nord a manqué à son obligation d’information annuelle des cautions,

— plus subsidiairement, que leur situation justifie l’octroi de délais de paiement, de sorte qu’ils demandent à la cour de :

'A TITRE PRINCIPAL,

— INFIRMER le jugement de première instance en ce qu’il condamne les consorts [P] au paiement de la somme de 25.506,95€ € à la société CRÉDIT DU NORD en leur qualité de caution au taux d’intérêt légal à compter du 7 juillet 2020

— INFIRMER le jugement de première instance en ce qu’il ordonne la capitalisation des intérêts, pourvu qu’ils soient dus pour une année entière à compter du 23 décembre 2020

Et statuant à nouveau,

D’une part,

— JUGER que les engagements de caution de Monsieur et Madame [P] sont manifestement disproportionnés par rapport à leurs patrimoines et revenus ;

— PRONONCER l’extinction des cautionnements de Monsieur et Madame [P] ;

— DEBOUTER la société CREDIT DU NORD de l’ensemble de ses demandes de première instance ;

D’autre part,

— JUGER que la société CREDIT DU NORD n’a pas respecté son devoir de mise en garde à l’égard de Monsieur et Madame [P]

En conséquence,

— CONDAMNER la société CREDIT DU NORD à leur payer la somme de 107.247,49€, au titre des dommages et intérêts,

— ORDONNER, subsidiairement, si Madame et Monsieur [P] étaient condamnés au paiement d’une somme à la société CREDIT DU NORD, la compensation entre les sommes dues par chacune des parties

A TITRE SUBSIDIAIRE,

— CONFIRMER le jugement du tribunal de commerce de Créteil en ce qu’il a jugé que la société CREDIT DU NORD n’avait pas respecté son obligation d’information annuelle de la caution

— CONFIRMER le jugement de première instance en ce qu’il a limité la condamnation des époux [P] au paiement de la somme de 25.509,95 euros.

— INFIRMER le jugement de première instance en ce qu’il ordonne la capitalisation des intérêts, pourvu qu’ils soient dus pour une année entière à compter du 23 décembre 2020

Et statuant à nouveau,

— DEBOUTER la société CREDIT DU NORD de sa demande de paiement à hauteur de 107.247,49 euros

— DEBOUTER la société CREDIT DU NORD de sa demande de capitalisation des intérêts

— JUGER que la situation financière des consorts [P] ne leur permet pas de payer en une seule fois les condamnations prononcées à leur encontre,

— JUGER les consorts [P] bien fondés en leur demande de délais de paiement,

— JUGER que les époux [P] procéderont au paiement des sommes qu’ils seront condamnés à payer à la société CREDIT DU NORD en 24 mensualités à compter de la signification du jugement à intervenir,

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

— INFIRMER le jugement de première instance en ce qu’il a condamné les époux [P] au paiement de la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

— CONDAMNER la société CREDIT DU NORD à payer aux consorts [P] la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du CPC'.

Par ses seules conclusions en date du 23 janvier 2023, la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du Nord fait valoir :

— que les cautionnements n’étaient pas manifestement disproportionnés au moment de leurs souscription, qu’après que la créance a été déclarée au titre du prêt à hauteur de 107 247,49 euros, la somme de 48 514,26 euros a été réglée en exécution du plan de redressement judiciaire, de sorte que le reliquat à devoir était de 65 815,19 euros au 7 juillet 2020,

— qu’alors qu’en première instance, elle n’a pas justifié des lettres d’information annuelles et a été déchue des intérêts, la Société Générale n’est pas plus en mesure de prouver leur envoi, de sorte qu’une fois déduite la somme d’intérêts dont elle est déchue de 56 233,59 euros le principal restant dû par M. et Mme [P] est de 3 290,80 euros, somme à laquelle leurs revenus en 2020 permettent de faire face,

— que les époux [P] ne démontrent pas l’existence d’un préjudice qui serait issu d’un manquement à une obligation de mise en garde et que la demande de délais de paiement n’est pas justifiée, de sorte qu’elle demande à la cour de :

' – PRENDRE ACTE que la SOCIETE GENERALE vient aux droits et obligations du CREDIT DU NORD en vertu d’un traité de fusion en date du 16 juin 2022 à effet au 1er janvier 2023 ;

— DEBOUTER Monsieur et Madame [P] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

— CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné la capitalisation des intérêts ;

— CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a condamné solidairement Monsieur et Madame [P] à payer au CREDIT DU NORD, aux droits et obligations duquel vient aujourd’hui la SOCIETE GENERALE, la somme de 800 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a condamné solidairement Monsieur et Madame [P] aux dépens ;

Statuant à nouveau,

— CONDAMNER solidairement Monsieur et Madame [P] à payer à la SOCIETE GENERALE venant aux droits et obligations du CREDIT DU NORD, la somme de 3.290,80 €, avec intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2020 et jusque parfait paiement ;

En tout état de cause,

— CONDAMNER solidairement Monsieur et Madame [P] à payer à la SOCIETE GENERALE venant aux droits et obligations du CREDIT DU NORD, la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile'.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2023.

MOTIFS

Il résulte des publications produites au Bodacc et au Balo ainsi que du traité de fusion du 15 juin 2022 et de l’extrait du procès-verbal de décision du directeur général de la Société Générale du 1er janvier 2023 qu’il y a lieu de déclarer recevable l’intervention volontaire d ela Société Générale aux droits de la société Crédit du Nord.

La banque expose en cause d’appel, soit :

— qu’elle a déclaré sa créance au passif de la société le Grand Bleu le 14 mars 2013 au titre du prêt à hauteur de la somme de 107 247,49 euros,

— qu’elle a perçu la somme de 48 514,26 euros dans le cadre de l’exécution du plan de redressement judiciaire et qu’en imputant ces paiements à bonne date il restait devoir la somme de 62 807,98 euros arrêté au 7 juillet 2020 – et non 62 815,19 euros somme qui comprend irrégulièrement 7,21 euros d’intérêts dont elle est déchue,

— que, ne pouvant pas justifier de l’envoi des lettres d’information, elle ne conteste pas la déchéance de son droit aux intérêts conventionnels du début du prêt à la dernière échéance payée du 25 janvier 2013, retenue par le tribunal à hauteur de la somme de 56 233,59 euros, Il y a lieu de fixer le reliquat de la somme due à (62 807,98 -56 233,59) = 6 574,39 euros / 2 = 3 287,19 euros.

Les époux [P], mariés sous le régime légal se sont portés caution, 'conjointement et solidairement entre eux’ le 25 mars 2008, des obligations de la société issues du prêt, chacun, dans la limite de la somme de 182 500 euros et de 50 % de l’encours du prêt.

Il ressort de l’article L341-4 du code de la consommation, devenu L 332-1, entré en vigueur antérieurement aux cautionnement litigieux, que l’engagement de caution conclu par une personne physique au profit d’un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution sous peine de déchéance du droit de s’en prévaloir.

La charge de la preuve de la disproportion incombe à la caution poursuivie qui l’invoque et celle-ci doit être appréciée à la date de l’engagement, en tenant compte de ses revenus et patrimoine ainsi que de son endettement global.

Aucune disposition n’exclut de cette protection la caution dirigeante d’une société dont elle garantit les dettes.

La banque n’a pas à vérifier les déclarations qui lui sont faites à sa demande par les personnes se proposant d’apporter leur cautionnement sauf s’il en résulte des anomalies apparentes.

Il incombe alors au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné, lors de sa conclusion, aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’établir qu’au moment où il l’appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

En l’espèce, la banque ne produit aucune feuille de renseignement pris sur la situation financière et patrimoniale des époux [P] qui font valoir que, dénués de tout patrimoine immobilier, ils ne disposaient, selon leur avis d’impôt relatif à l’année 2008, que de revenus respectifs bruts de 15 558 et 23 556 euros, soit, au total, de 39 114 euros.

Il en résulte que leur engagement de caution, représentant plus de quatre fois et demi leurs revenus était manifestement disproportionné.

La capacité de faire face à leurs obligations doit être appréciée à la date de leur assignation soit au du 23 décembre 2020 et au regard des sommes demandées par la banque soit la somme de 107 247,49 euros.

Les époux [P] font encore valoir qu’ils ne pouvaient faire face à cette obligation compte tenu de leurs revenus, au total de 34 903 euros en 2020 et 32 814 euros, ce qui est exact, la banque, sur laquelle repose la charge de la preuve ne produisant quant à elle aucune pièce sur leur capacité financière supérieure de nature à leur permettre le paiement.

En conséquence, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter la banque de toutes ses demandes ainsi que les consorts [P] de leur demande de dommages-intérêts dès lors qu’ils ne peuvent justifier d’un préjudice n’étant tenu à aucune condamnation.

Il y a lieu de condamner la Société Générale venant aux droits de société Crédit du Nord aux entiers dépens ainsi qu’à payer aux époux [P] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

DÉBOUTE la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du Nord de toutes ses demandes à l’égard de M. [D] [P] et Mme [V] [I] épouse [P] au titre du cautionnement souscrit ;

DÉBOUTE M. [D] [P], et de Mme [V] [I] épouse [P] de leur demande de dommages-intérêts ;

CONDAMNE la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du Nord à payer à M. [D] [P] et Mme [V] [I] épouse [P] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du Nord aux entiers dépens.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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