Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 16 décembre 2010, n° 09/01799

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Pau, ch. soc., 16 déc. 2010, n° 09/01799
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 09/01799
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Tarbes, 22 avril 2009
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

XXX

Numéro 5416/10

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRET DU 16/12/2010

Dossier : 09/01799

Nature affaire :

Demande de prise en charge au titre des A.T.M. P. ou en paiement de prestations au titre de ce risque

Affaire :

E Y

C/

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES HAUTES PYRENEES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 16 DECEMBRE 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 21 Octobre 2010, devant :

Monsieur X, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame HAUGUEL, Greffière présente à l’appel des causes,

Monsieur X, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame Z et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur PUJO-SAUSSET, Président

Madame Z, Conseiller

Monsieur X, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

Madame E Y

XXX

XXX

représentée par la SCP AMEILHAUD A.A.- ARIES- BERRANGER-BURTIN PASCAL- SENMARTIN, avocats au barreau de TARBES

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES HAUTES PYRENEES

XXX

XXX

Non comparante, ni représentée mais qui a fait parvenir des conclusions en date du

20 octobre 2010

sur appel de la décision

en date du 23 AVRIL 2009

rendue par le TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE TARBES

LES FAITS, LA PROCÉDURE :

Mme E Y a été engagée à compter du 1er février 1996 en qualité d’employée de maison par M. G-H pour en réalité s’occuper de la fille de celui-ci, adulte handicapée à 100 % exigeant une assistante permanente pour tous les gestes de la vie courante, et dont la chambre, jusqu’au 1er décembre 2004, n’était équipée d’aucun matériel spécifique, et notamment d’aucun matériel de levage.

Le 4 avril 2005 Mme E Y a été victime d’un accident du travail par chute dans un escalier au domicile de son employeur, qui a entraîné, selon le certificat médical initial établi le 4 avril 2005 au centre hospitalier de Tarbes : « traumatisme cervico dorso lombaire omoplate et bras gauche, sans lésion osseuse traumatique radio visible. Contusion genou gauche, cheville gauche ».

Elle a été en arrêt de travail à compter du 4 avril 2005 et a été licenciée le 17 novembre 2006.

Elle a perçu des indemnités journalières au titre de l’accident du travail jusqu’au 30 avril 2007, puis à compter du 1er mai au titre de la maladie.

Elle a été considérée comme consolidée le 20 mars 2006 par le Dr A B, médecin expert, qui écrit notamment : « concernant l’épaule gauche, sont constatés des signes de conflit sous acromial, et de tendinopathie de la coiffe sans signes de rupture à l’échographie, pour lesquels on peut également conclure que les conséquences directes de l’accident survenu au mois d’avril 2005 sont maintenant stabilisées, sans lésion clairement identifiée imputable au traumatisme lui-même. On peut donc considérer que les conséquences directes exclusives de l’accident du 04.04.05 sont maintenant consolidées au jour de l’expertise. Conclusion : l’état de santé de Mme Y victime d’un accident du travail le 04.04.2005 peut être considéré comme consolidé au jour de l’expertise ».

Le 30 mars 2006, la CPAM des Hautes-Pyrénées a notifié à Mme E Y la prise en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles de sa pathologie objet de la déclaration du 2 janvier 2006, concernant son épaule gauche au titre du tableau 57 « épaule douloureuse ».

Le 28 juillet 2006, Mme E Y a fait une déclaration de maladie professionnelle, accompagnée d’un certificat médical du Dr C D pour la pathologie d'« affection des épaules droite et gauche de la coiffe des rotateurs ».

Cette déclaration de maladie professionnelle concernait donc l’épaule droite.

Le 16 janvier 2007, la CPAM accusait réception de cette demande de déclaration de maladie professionnelle et informait Mme E Y de ce que l’instruction de son dossier était en cours et qu’une décision serait prise dans les trois mois à compter du 16 janvier 2007.

Le 6 avril 2007, la CPAM a notifié un délai complémentaire d’instruction puis, par courrier du 17 avril 2007 l’informait de ce que la demande était examinée dans le cadre du deuxième alinéa de l’article L461-1 du code de la sécurité sociale et en conséquence de la transmission du dossier au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, en raison des conditions tenant au délai de prise en charge non remplies.

Le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de Toulouse a rendu son avis le 31 mai 2007 concluant qu’ « il n’est pas établi que la maladie de Mme E Y est directement causée par son travail habituel ».

Le comité relève dans le corps de son avis que :

« parmi les différentes tâches qui sont décrites on peut retenir : la polyvalence des activités réalisées ; la sollicitation des épaules ne peut être caractérisée en termes de répétitivité, ou par des postures contraignantes maintenues. Ces gestes hyper sollicitant pour l’épaule restent occasionnels.

Compte-tenu : de l’analyse de l’exposition professionnelle, les gestes ne peuvent être qualifiés d’habituellement répétés ou forcés ; le diagnostic n’est pas clairement établi ; du délai entre la fin de l’exposition et l’apparition de ce syndrome de la coiffe des rotateurs : le CRRMP ne retient pas ce jour le lien direct entre activité professionnelle et la pathologie présentée ».

Le 11 juin 2007, la CPAM des Hautes-Pyrénées a notifié à Mme E Y le refus de reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie affectant son épaule droite, après avis du CRRMP.

Mme E Y a contesté cette décision devant la commission de recours amiable qui, rappelant que l’avis motivé du CRRMP s’impose à l’organisme social, a maintenu la décision de la caisse.

Mme E Y a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes-Pyrénées qui, par jugement avant dire droit rendu le 22 mai 2008, a transmis pour avis le dossier au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Bordeaux avec pour mission :

— dire s’il est établi que la maladie professionnelle dont Mme E Y est atteinte a un lien certain, direct et exclusif avec son travail habituel de l’époque,

— dire si la maladie professionnelle sollicitée peut être reconnue, compte tenu de l’examen radiologique du 15 mars 2005.

Le CRRMP de Bordeaux, dans son avis du 10 août 2008 a conclu :

« L’examen radiologique du 15.03.05 montre une image anormale de la diaphyse humérale droite, région anatomique distincte de l’épaule et donc ne peut être considéré comme date de première constatation médicale de la pathologie déclarée de l’épaule droite.

C’est le bilan radiographique du 06.03.06 qui met en évidence une anomalie des tendons sus et sous épineux de l’épaule droite (affection mal caractérisée) et qui doit être retenu comme date de première constatation médicale de la pathologie déclarée, 11 mois après la cessation de l’activité professionnelle (04.04.05).

Le CRR MP considère que le délai de 11 mois est trop long pour retenir une origine professionnelle.

En conséquence le CRR MP considère que les éléments de preuve de l’existence d’un lien direct entre la pathologie déclarée et l’exposition professionnelle incriminée ne sont pas réunis dans ce dossier ».

Par jugement du 23 avril 2009 le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes-Pyrénées :

— a homologué l’avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Bordeaux rendu le 10 août 2008,

— a confirmé la décision de refus de reconnaissance de la maladie professionnelle concernant l’épaule droite rendue par la caisse primaire d’assurance maladie des Hautes-Pyrénées.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 18 mai 2009 Mme E Y, représentée par son conseil, a interjeté appel du jugement.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

Mme E Y, par conclusions écrites reprises oralement à l’audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :

— réformer la décision critiquée, statuant à nouveau :

— dire que de la pathologie de l’épaule droite, comme celle admise pour l’épaule gauche, relève de la maladie professionnelle,

— condamner la CPAM à l’indemniser au titre de cette maladie professionnelle et ce depuis la date de la reconnaissance de l’épaule gauche, sinon celle de son arrêt de travail du 1er mai 2007,

— dire qu’elle a subi un préjudice particulier du fait de la multiplication des contentieux et de la durée des procédures à son encontre,

— condamner la CPAM des Hautes-Pyrénées à lui payer une somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice spécifique subi, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil ainsi qu’à une indemnité de 1500 € en dédommagement des frais irrépétibles engagés pour sa défense.

Mme E Y soutient, en substance, que l’exposition au risque et le lien direct entre sa pathologie et cette exposition sont acquises du fait qu’ils ont été admis pour son épaule gauche, et les mêmes causes devant produire les mêmes effets le tribunal ne pouvait s’en remettre à l’avis du CRRMP sans motivation. Elle fait valoir que le même effort ayant été reconnu pathogène pour son épaule gauche il n’est pas possible de ne pas le reconnaître également pathogène pour l’épaule droite et pour le dos.

Elle soutient que le CRRMP n’a pas pris en compte les éléments médicaux constants du dossier concernant l’épaule droite et n’a pas motivé son avis ; que le fait que le comité régional de Bordeaux soit saisi deux fois pour deux dossiers apparemment différents, pour la même personne à l’occasion du même exercice professionnel et de la même exposition au risque tend à faire prendre au juge des décisions apparemment autonomes mais qui sont en réalité issues de l’avis d’un même comité au détriment d’une solution juste, équitable et respectant les droits de la personne humaine.

Elle demande que soit pris en considération le préjudice moral qu’elle a subi depuis son accident du travail survenu le 4 avril 2005 et fait valoir qu’elle a été privée de droits sociaux qui lui étaient dus depuis son arrêt de travail pour cause d’accident de travail et reconnaissance de maladie professionnelle et les nombreuses procédures inutiles et inefficaces l’ayant conduite à un isolement social et psychologique, outre que des frais médicaux, des soins et des radiographies ont été laissés en partie à sa charge et qu’elle n’a pu avoir accès à des soins trop onéreux car non pris en charge au titre de la maladie.

La CPAM des Hautes-Pyrénées, par conclusions écrites et auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :

— confirmer le jugement rendu le 23 avril 2009 par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes-Pyrénées.

La CPAM des Hautes-Pyrénées fait valoir qu’un autre comité régional ne peut pas être saisi dans la mesure où 2 CRRMP (Toulouse et Bordeaux) ont déjà été saisi et ont formulé un avis qui s’impose.

La CPAM des Hautes-Pyrénées, convoquée pour l’audience du 21 octobre 2010 par courrier du 10 mars 2010 dont elle a accusé réception le 12 mars 2010 n’a pas comparu et n’était pas représentée.

La décision sera donc réputée contradictoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L’appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, sera déclaré recevable en la forme.

1 ) – L’article L461-1 du code de la sécurité sociale :

Aux termes de l’article L461-1 du code de la sécurité sociale :

« Les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d’origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l’accident.

Est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L’avis du comité s’impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l’article L315-1. »

2 ) – la reconnaissance de la maladie professionnelle pour l’épaule gauche :

La CPAM des Hautes-Pyrénées a notifié à Mme E Y le 30 mars 2006 la prise en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles la pathologie de son épaule gauche au titre du tableau « 57 – épaule douloureuse », objet d’une déclaration le 2 janvier 2006.

3 ) – le tableau 57 des maladies professionnelles :

Le tableau numéro 57 des maladies professionnelles, intitulé « affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail » comprend notamment dans la désignation des maladies, pour l’épaule : la maladie « épaule douloureuse simple (tendinopathie de la coiffe des rotateurs » ; un délai de prise en charge de « 7 jours » ; et dans la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies : « travaux comportant habituellement des mouvements répétés ou forcés de l’épaule ».

La notification du 30 mars 2006 de la prise en charge de la maladie de Mme E Y pour son épaule gauche au titre de la maladie professionnelle tableau « 57 – épaule douloureuse » indique expressément :

« vous avez formulé une demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie dont vous souffrez. Votre dossier a été examiné dans le cadre du 2e alinéa de l’article L 461-1 du code de la sécurité sociale ».

La CPAM des Hautes-Pyrénées a donc explicitement retenu et reconnu que les conditions stipulées dans le tableau numéro 57 étaient en l’espèce remplies pour la pathologie affectant l’épaule gauche de Mme E Y, à savoir : la maladie déclarée figure dans le tableau ; le délai de prise en charge a été respecté ; l’assurée effectuait, dans le cadre de son activité professionnelle des travaux susceptibles de provoquer cette maladie définie comme étant des « travaux comportant habituellement des mouvements répétés ou forcés de l’épaule ».

4 ) – la pathologie de l’épaule droite :

Il ressort des documents médicaux versés aux débats, et notamment du certificat médical du Dr C D qui accompagnait la déclaration de maladie professionnelle du 28 juillet 2006 que la pathologie affectant l’épaule droite de Mme E Y est la même pathologie que celle affectant son épaule gauche et qui a fait l’objet d’une reconnaissance au titre de la maladie professionnelle.

L’identité de la pathologie affectant chacune des épaules Mme E Y n’est pas contestée.

5 ) – les avis des CRRMP :

Une des conditions du tableau numéro 57 n’était pas remplie en l’espèce, à savoir le délai de prise en charge de 7 jours, puisque la déclaration de maladies professionnelles a été faite le 28 juillet 2006 pour une fin de l’exposition au risque au 4 mai 2006 en raison de l’arrêt de travail à compter de cette date de Mme E Y.

La caisse avait donc l’obligation, avant de prendre sa décision, de solliciter l’avis d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Le comité régional de Toulouse a donc été saisi et a rendu son avis le 31 mai 2007 concluant qu’ « il n’est pas établi que la maladie de Mme E Y est directement causée par son travail habituel ».

Le comité a motivé sa décision en retenant plusieurs éléments, et notamment que :

« parmi les différentes tâches qui sont décrites on peut retenir : la polyvalence des activités réalisées ; la sollicitation des épaules ne peut être caractérisée en termes de répétitivité, ou par des postures contraignantes maintenues. Ces gestes hyper sollicitant pour l’épaule restent occasionnels.

Compte-tenu : de l’analyse de l’exposition professionnelle, les gestes ne peuvent être qualifiés d’habituellement répétés ou forcés ; le diagnostic n’est pas clairement établi ; du délai entre la fin de l’exposition et l’apparition de ce syndrome de la coiffe des rotateurs : le CRRMP ne retient pas ce jour le lien direct entre activité professionnelle et la pathologie présentée ».

Le CRRMP de Toulouse a donc considéré que le lien direct entre l’activité professionnelle de Mme E Y et sa pathologie n’était pas établi en raison d’une part que les activités réalisées ne permettaient pas de caractériser des travaux comportant habituellement des mouvements répétés ou forcés de l’épaule, et d’autre part du délai écoulé entre la fin de l’exposition et l’apparition de cette pathologie.

Interrogé sur le délai de prise en charge, et par conséquent sur le délai qui a pu s’écouler entre la fin de l’exposition et la première constatation médicale de la pathologie déclarée, le tribunal des affaires de sécurité sociale a, par jugement avant-dire droit du 22 mai 2008, saisi pour avis le comité régional de Bordeaux avec notamment pour mission de dire si la maladie professionnelle sollicitée peut être reconnue, compte tenu de l’examen radiologique du 15 mars 2005.

En effet, avant la cessation de l’exposition au risque intervenu le 4 mai

2006, Mme E Y a fait l’objet d’une radiographie des épaules le 15 mars 2005 dont le compte rendu est le suivant :

« la structure osseuse est normale. Respect du cintre omo humérale des deux côtés. Respect de l’interligne articulaire. Du côté gauche, on note en rotation interne une calcification au-dessus de la grosse tubérosité humérale en rapport avec une tendinopathie calcifiante du muscle sous épineux. D’autre part mise en évidence d’une image de la diaphyse humérale à droite ostéocondensante bien délimitée à raccordement cortical évoquant un cortical défect ossifié ».

Le CRRMP de Bordeaux a conclu, sur cette question :

« L’examen radiologique du 15.03.05 montre une image anormale de la diaphyse humérale droite, région anatomique distincte de l’épaule et donc ne peut être considéré comme date de première constatation médicale de la pathologie déclarée de l’épaule droite.

C’est le bilan radiographique du 06.03.06 qui met en évidence une anomalie des tendons sus et sous épineux de l’épaule droite (affection mal caractérisée) et qui doit être retenu comme date de première constatation médicale de la pathologie déclarée, 11 mois après la cessation de l’activité professionnelle (04.04.05). »

Le comité, répondant à l’autre question qui lui était posée (dire s’il est établi que la maladie professionnelle dont Mme E Y est atteinte à un lien certain, direct et exclusif avec son travail habituel de l’époque), a poursuivi sa conclusion en ces termes :

« Le CRRMP considère que le délai de 11 mois est trop long pour retenir une origine professionnelle.

En conséquence le CRRMP considère que les éléments de preuve de l’existence d’un lien direct entre la pathologie déclarée et l’exposition professionnelle incriminée ne sont pas réunis dans ce dossier ».

Ainsi, le CRRMP a essentiellement motivé son avis de rejet de la prise en charge de la pathologie au titre de l’exposition professionnelle sur le délai trop long écoulé entre la constatation médicale et la fin de l’exposition au risque.

Mais, le délai de prise en charge, c’est-à-dire le délai dans lequel doit intervenir la première constatation médicale après la cessation de l’exposition au risque, n’est qu’une des trois conditions cumulatives posées par le tableau des maladies professionnelles pour que puisse jouer la présomption d’imputabilité de la maladie professionnelle à l’activité professionnelle de l’assuré.

À défaut, en application des dispositions du troisième alinéa de l’article L461-1, lorsque l’une ou plusieurs de ces conditions ne sont pas remplies, tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux, la maladie désignée dans le tableau peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Il appartenait donc au comité de se prononcer sur le lien possible entre le travail habituel de Mme E Y et la pathologie déclarée, et reconnue comme figurant dans le tableau durant 57, sans pouvoir exclure un tel lien sur le seul motif du dépassement du délai de prise en charge, car cela

reviendrait alors à interdire toute reconnaissance d’une maladie comme étant d’origine professionnelle dès lors que l’une des conditions ne serait pas remplie, et par conséquent à interdire toute reconnaissance sur le fondement du troisième alinéa de l’article L 461-1.

6 ) – les travaux habituels de Mme E Y :

Ainsi qu’il a été rappelé précédemment, les travaux susceptibles de provoquer la pathologie déclarée par Mme E Y sont définis par le tableau numéro 57 comme étant des « travaux comportant habituellement des mouvements répétés ou forcés de l’épaule ».

Il ressort des pièces versées aux débats, et notamment de l’enquête réalisée par l’agent assermenté de la caisse que :

— Mme E Y travaillait en moyenne de 169 à 180 heures par mois, en alternance avec une autre assistante de vie ; samedi et dimanche de 8 h 30 à 20 h 30 ; les lundi, jeudi et vendredi 4 heures ;

— son travail consiste à s’occuper entièrement de la fille de son employeur, handicapée profonde depuis sa naissance à 100 % et à accomplir les actes suivants, pour une journée complète : toilette, change, la lever du lit et la positionner sur le fauteuil ; préparation du repas liquide ; la faire déjeuner ; change et toilette intime ; ménage de la chambre (parquet ciré) et de la cuisine ; entretien du linge ; la recoucher pour la sieste ; la lever, la mettre au fauteuil ; la faire goûter ; la faire souper ; la coucher et toilette et change pour la nuit ;

— la salle de bains était située au premier étage, ainsi que la réserve des changes et divers matériels, où elle devait se rendre pour l’approvisionnement des changes ;

— la malade avait souvent des crises de tétanie, l’assurée devant la maintenir et éviter qu’elle n’avale sa langue ;

— la chambre n’a été équipée d’un lit médicalisé, et d’un lève malade, qu’à compter du 1er décembre 2004, et donc cet équipement médicalisé n’existait pas de 1996 à décembre 2004 ;

— l’assurée portait à bout de bras la malade, qui pesait 45 kilos, pour la bouger.

L’enquêteur note que Mme E Y effectuait des mouvements forcés des épaules en soulevant la malade pour la bouger dans son lit, la déplacer au fauteuil et effectuer les différentes tâches qui lui incombaient.

Ainsi, pendant plus de huit années, Mme E Y a dû plusieurs fois par jour, plusieurs jours par semaine, porter et déplacer à bout de bras la malade totalement inerte qui pesait 45 kilos, soit autant de gestes et mouvements répétés et forcés qui ne pouvaient être exécutés que des deux bras, qui répondent précisément aux travaux énumérés dans la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la pathologie d’épaule douloureuse du tableau numéro 57.

De plus, il convient de rappeler que l’exécution par l’assurée des travaux susceptibles de provoquer la pathologie déclarée a déjà été reconnue comme établie par la caisse qui a pris en charge la même pathologie, pour l’épaule gauche, sur le fondement du deuxième alinéa de l’article L461-1 du code de la sécurité sociale.

Par conséquent, il y a lieu de dire que la CPAM des Hautes-Pyrénées devra prendre en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles la pathologie affectant l’épaule droite « épaule douloureuse » du tableau numéro 57 des maladies professionnelles, objet d’une déclaration du 28 juillet 2006.

Le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes-Pyrénées du 23 avril 2009 sera donc infirmé en ce qu’il a débouté Mme E Y de sa demande de prise en charge de sa pathologie au titre des maladies professionnelles.

Concernant la demande de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 1382 du Code civil :

Aucune faute de la caisse n’est en l’espèce caractérisée justifiant l’octroi de dommages-intérêts, le seul fait que Mme E Y n’ait pas obtenu satisfaction au cours des diverses procédures qu’elle a engagées n’étant pas de nature à caractériser une faute ou un comportement blâmable de la caisse, de sorte qu’elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

En revanche, la CPAM des Hautes-Pyrénées, partie perdante, sera condamnée à lui payer la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il convient de rappeler que la procédure en matière de sécurité sociale est gratuite et sans frais, en application des dispositions de l’article R. 144-10 du code de la sécurité sociale.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort ;

REÇOIT l’appel formé le 18 mai 2009 par Mme E Y à l’encontre du jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes-Pyrénées le 23 avril 2009,

INFIRME ledit jugement en toutes ses dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que la CPAM des Hautes-Pyrénées devra prendre en charge la pathologie de Mme E Y affectant l’épaule droite au titre de la législation sur les maladies professionnelles, « épaule douloureuse » du tableau numéro 57 des maladies professionnelles, objet d’une déclaration du 28 juillet 2006,

DÉBOUTE Mme E Y de sa demande de dommages-intérêts,

CONDAMNE la CPAM des Hautes-Pyrénées à payer à Mme E Y la somme de 1.000 € (mille euros ) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Monsieur PUJO-SAUSET, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,

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Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 16 décembre 2010, n° 09/01799