CA Pau du 31 mars 2010 n° 09/00183 , ch. 02 sect. 01

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Sur la décision

Référence :
CA Pau, ch. 02 sect. 01, 31 mars 2010, n° 09/00183
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 09/00183
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

CP/AM

Numéro /10

COUR D’APPEL DE PAU

2e CH – Section 1


ARRET DU 31 mars 2010

Dossier : 09/00183

Nature affaire :

Demande d’évaluation et/ou en paiement de l’indemnité d’éviction

Affaire :

R. Laurence C. veuve B.

C/

S. C.I. LA LILLOISE

Jean Michel B.

Bernard B.

Dominique B.

Danielle D. née B.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 31 mars 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 01 Février 2010, devant :

Madame MEALLONNIER, Conseiller faisant fonction de Président, par suite de l’empêchement légitime de tous les titulaires et des magistrats désignés par ordonnance et se trouvant le magistrat du siège présent le plus ancien dans l’ordre de nomination à la Cour

Madame POELEMANS, Conseiller chargé du rapport

Madame L. , Vice Président placé, désigné par ordonnance du 14 décembre 2009

assistés de Madame SAYOUS, Greffier, présent à l’appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

Madame R. Laurence C. veuve B.

née le 09 Juillet 1929 à SEDZERE (64)

Rue Guynemer

65100 LOURDES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle partielle numéro 2009/000869 du 27/02/2009 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PAU)

représentée par Maître VERGEZ, avoué à la Cour

assistée de Maître PERES, avocat au barreau de TARBES

INTIMES :

S. C.I. LA LILLOISE

Domaine du Bourdieu

32330 GONDRIN

agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour

assistée de Maître BERRANGER, avocat au barreau de TARBES

Monsieur Jean Michel B.

XXX

3 ème étage droite

95130 FRANCONVILLE

assigné et réassigné

Monsieur Bernard B.

XXX

78800 HOUILLES

Monsieur Dominique B.

XXX

65100 LOURDES

Madame Danielle D. née B.

XXX

XXX- Pavillon 4 – 

64160 MORLAAS

assignés

sur appel de la décision

en date du 22 NOVEMBRE 2007

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES

Objet succinct du litige Prétentions et arguments des parties

Vu l’appel interjeté le 16 janvier 2009 par Madame R. C. veuve B. à l’encontre d’un jugement du Tribunal de grande instance de TARBES prononcé le 22 novembre 2007,.

Vu les conclusions de la SCI LA LILLOISE du 8 septembre 2009,

Vu les conclusions de Madame R. C. veuve B. du

17 novembre 2009,

Vu l’ordonnance de clôture du 12 janvier 2010, l’affaire étant fixée à l’audience du 1er février 2010.

— - – - – - – - – - – - – - – - – - – - – 

Par acte authentique du 10 avril 1987, Monsieur et Madame A. ont consenti à Monsieur et Madame B. un bail commercial portant sur unXXXusage d’hôtel restaurant à LOURDES 4 et 8 rue de la Fontaine , exploité sous l’enseigne hôtel Saint Bernard.

Monsieur B. est décédé le 28 février 1988 à la survivance de son épouse, Madame R. C. , séparée de biens et de leurs quatre enfants Danielle B. épouse D. , Bernard B. , Jean Michel B. et Dominique B. .

Le 30 avril 2002, la SCI LA LILLOISE a acquis cet immeuble.

Puis le 30 septembre 2002, cette société civile immobilière a notifié par huissier à Monsieur B. ( décédé) et à Madame R. C. veuve B. :

— une mise en demeure en vertu de l’article L.145-17 du code de commerce de justifier de leur inscription au registre du commerce et de se conformer aux dispositions du bail relatives à l’entretien et à la réparation des lieux loués,

— un congé sans renouvellement, ni indemnité d’éviction donné pour le 1er avril 2003.

Par jugement du 26 mai 2005, le Tribunal de grande instance de TARBES a constaté le non renouvellement de ce bail et dit que les consorts B. devaient bénéficier d’une indemnité d’éviction et devaient acquitter une indemnité d’occupation. Une mesure d’expertise a été ordonnée à l’effet d’évaluer le montant de l’indemnité d’éviction selon les usages locaux et conformément à l’article

L. 145-14 du code de commerce et celui de l’indemnité d’occupation, selon les critères des articles L. 145 – 33 et suivants de ce code, de rechercher également le coût des travaux de réfection du mur pignon Est à la charge du preneur.

Par décision rectificative du 10 novembre 2005, cette juridiction a dit que ce dispositif devait être complété de la façon suivante : condamne les consorts B. à payer à la SCI LA LILLOISE une indemnité d’occupation de 1.000 euros par mois à compter du 1er avril 2003 et jusqu’à libération complète des lieux .

L’expert désigné, M. P. , a déposé son rapport le 25 avril 2006.

Le jugement entrepris, auquel il est expressément référé pour le rappel des faits et de la procédure antérieure a :

— condamné la SCI LA LILLOISE à payer à la indivision B. la somme de 62.'900 euros à titre d’indemnité d’éviction,

— condamné l’indivision B. à payer à la SCI LA LILLOISE la somme de 1.000 euros par mois à titre d’indemnité d’occupation depuis le 1er avril 2003 et jusqu’au 31 novembre 2005,

— rejeté les demandes plus amples ou contraires,

— fait masse des dépens, incluant les frais d’expertise, et dit qu’ils seront partagés en deux parts égales entre le bailleur et l’indivision B. .

***************************

Madame R. C. veuve B. demande à la Cour de :

— réformer le jugement querellé,

— condamner la SCI LA LILLOISE à payer à l’indivision B. la somme de 90.910 euros à titre d’indemnité d’éviction en principal et accessoires,

— juger que l’indemnité d’occupation que devra verser l’indivision sera de 12.000 euros pour la période du 1er avril 2003 au 31 novembre 2005,

— condamner la SCI LA LILLOISE à payer à la concluante la somme de

1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens comprenant les frais d’expertise.

L’appelante fait valoir tout d’abord que la SCI LA LILLOISE ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 145 – 17 du code de commerce, faute d’être reproduites intégralement dans le congé.

Elle conteste les motifs du congé en faisant observer qu’elle justifie de l’inscription de son fils au registre du commerce et des sociétés et qu’il n’est pas démontré, par un rapport d’expertise contradictoire, qu’elle ait failli à son obligation d’entretenir l’immeuble.

Les autres motifs invoqués non visés dans le congé et qui découleraient de ses réticences durant les opérations d’expertise seraient également inopérants.

S’agissant du calcul de l’indemnité d’éviction qu’elle entend réclamer, elle critique les abattement imputés par l’expert, celui de 20 % pour compenser le retrait et la vente des objets mobiliers mais également celui retenu pour les travaux imposés par l’administration.

Enfin, arguant de la poursuite de son activité au delà de l’âge légal de la retraite, elle prétend que l’indemnité de remploi lui est due, tout comme celle relative au trouble commercial.

Quant à l’indemnité d’occupation, Mme. R. C. veuve B. estime

que le taux de remplissage de cet hôtel ne dépasse pas 60 %, la concurrence étant acharnée, ce qui conduit à l’évaluer à la somme de 375 euros par mois.

La SCI LA LILLOISE, après avoir demandé de juger recevable et bien fondé l’appel incident formé, sollicite la réformation du jugement entrepris, en ce qui concerne l’indemnité d’éviction.

Elle demande ainsi de :

— dire et juger l’indivision B. déchue de ses droits à indemnité d’éviction,

— subsidiairement, d’en fixer le montant à 15 250 euros et de lui donner acte de son offre de payer ce montant à titre d’indemnité d’éviction,

— confirmer la décision déférée en toutes ses autres dispositions, sauf en ce qui concerne les dépens,

— le cas échéant, ordonner la compensation judiciaire des créances réciproques,

— débouter Mme. Veuve B. de toutes ses demandes,

— condamner l’indivision B. aux entiers dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire.

Au soutien de son appel incident, la SCI LA LILLOISE se prévaut de motifs graves et légitimes privant l’indivision du droit à une indemnité d’éviction.

Elle soutient que Madame R. C. veuve B. , preneur, a, en effet, caché à l’expert judiciaire et à la concluante la mise en place d’un contrat de location gérance depuis une date antérieure à dix années ainsi que le compte rendu de la commission d’hygiène et de sécurité préconisant des travaux et la vérification effectuée par la direction départementale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes en 2005.

Cette dernière aurait également présenté à l’expert un compte de résultat pour l’année 2004

très supérieur aux résultats et chiffres d’affaires antérieurs et n’aurait pas justifié être immatriculée au registre du commerce et des sociétés.

Pour ces motifs jugés graves et légitimes, le bail doit être résilié aux torts de l’indivision B. et celle ci doit être déchue du droit à une indemnité d’éviction. En effet, la position prise par Madame R. C. veuve B. durant l’instance est opposable aux co indivisaires, cette dernière ayant agi, au su et au vu de l’indivision, qui lui avaient confié un mandat tacite.

La SCI LA LILLOISE conteste subsidiairement le mode de calcul de l’indemnité d’éviction en relevant que Madame R. C. veuve B. , retraitée depuis plus de dix ans à la date du congé, a caché la location gérance consentie à son fils. Elle estime que cette attitude doit conduire à calculer la valeur du fonds de commerce sur la base du rendement procuré par le loyer sans prendre en considération le chiffre d’affaire exorbitant réalisé par le locataire gérant en 2004, manifestement faussé par une manoeuvre comptable inexpliquée, puisqu’il est supérieur de 180 % aux résultats des années antérieures.

Elle ajoute quant au calcul de l’indemnité d’occupation, que l’indivision B. entend faire fixer à 45.600 euros le chiffre d’affaire annuel théorique de l’hôtel pour le calcul de cette indemnité alors qu’elle sollicite le double de cette somme au titre de l’indemnité d’éviction, ce qui démontre son attitude déloyale.

Les parties intimées Messieurs Bernard B. , Jean Michel B. , Dominique

B. et Madame Danielle D. née B. , régulièrement assignés, ne sont pas représentés.

Au delà de ce qui est repris pour les besoins de la discussion et faisant application, en l’espèce, des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour entend se référer pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières écritures ci dessus visées.


MOTIVATION :

I – Sur le droit à l’indemnité d’éviction

Aux termes de l’article L. 145-14 du code de commerce :' le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.

Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre .

L’article L.145-17 de ce code prévoit : I – le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d’aucune indemnité :

1° s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant.

Toutefois s’il s’agit soit de l’inexécution d’une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l’exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l’article L. 145 – 8, l’infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s’est poursuivie ou

renouvelée plus d’un mois après mise en demeure du bailleur d’avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, précisant le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa ;

2°XXX

La Cour observe que dans sa décision mixte prononcée le 26 mai 2005, régulièrement signifiée le 7 juin 2005 et non frappée d’appel, le Tribunal de grande instance de TARBES a déclaré la demande de consorts B. recevable et dit que ces derniers doivent bénéficier d’une indemnité d’éviction.

Dans ses motifs décisoires ayant force de chose jugée, cette juridiction a relevé que le refus de renouvellement vise la clause contractuelle mettant à la charge du preneur l’obligation de réparation locative, ainsi que celles, sans recours contre le bailleur, d’entretien complet des façades et des fermetures, y compris les réparations grosses et menues et même les réfections et remplacements qui deviendraient nécessaires au cours du bail aux vitrines, glaces, vitres, volets, portes et rideaux de fermeture et de maintien en parfait état de propreté du tout et de réfection des peintures extérieures tous les 10 ans ;

qu’en même temps qu’elle faisait délivrer le congé, la SCI LA LILLOISE mettait en demeure Monsieur et Madame B. , en application de l’article L. 145 – 17 du code de commerce, de justifier de la cessation de ce manquement dans le délai d’un mois; que pour se dispenser du paiement de l’indemnité d’éviction, la SCI LA LILLOISE doit justifier d’un caractère de gravité suffisant des manquements invoqués et de leur persistance dans le mois de la sommation d’avoir à y mettre fin ;

que les consorts B. n’ont pas réalisé les travaux demandés dans le mois de la sommation délivrée à Madame B. seule ;

que toutefois, la SCI LA LILLOISE se prévaut des quelques désordres notés par huissier sans s’attacher aux considérations sur l’ensemble ;

qu’en effet, l’huissier fait état d’un bon état d’entretien général, y compris des façades et ouvertures, même si les peintures n’ont pas été refaites ; que tous les désordres notés sont ponctuels et minimes et aucun d’eux ne remet en cause les conditions d’habitabilité de l’hôtel ; que parmi les observations de l’huissier, seule la dégradation du crépi du mur Est présente un certain degré de gravité nécessitant des travaux de reprise dans un délai rapide ;

que pour autant, ce seul manquement ne justifie pas de priver les consorts B. d’une indemnité d’éviction ; que c’est à bon droit que ( ces derniers ) sollicitent donc une expertise en vue de déterminer le montant de l’indemnité qui leur est due'.

Ce jugement ayant consacré au profit de l’indivision le droit à une indemnité d’éviction, le bailleur ne peut désormais invoquer que des infractions commises après cette décision.

Or, parmi les motifs prétendument graves et légitimes, repris dans ses dernières écritures par la SCI LA LILLOISE, figurent :

— la mise en place d’un contrat de location gérance depuis plus de dix années, – l’absence d’immatriculation de Madame R. C. veuve B. au

registre du commerce et des sociétés,

— le compte rendu de la Commission d’hygiène et de sécurité préconisant des travaux, qui

n’ont pas été effectués,

— la vérification effectuée par la direction départementale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes et son rapport établi le 2 mars 2005, éléments qui auraient été cachés au bailleur.

La Cour observe que ces éléments sont antérieurs à la décision du 26 mai 2005 et se heurtent à l’autorité de la chose jugée. Dès lors, ils ne peuvent être invoqués que dans le cadre d’une action en révision, conformément aux dispositions des articles 593 et suivants du code de procédure civile, à supposer cependant démontré qu’ils aient été effectivement occultés par le preneur en fraude des droits de la SCI LA LILLOISE.

A titre surabondant, il sera cependant relevé, à la lecture des motifs décisoires

de la décision précitée, que le premier juge a indiqué que la publicité de la location gérance dans un journal d’annonces légales a été faite le 5 mai 1996 ; que l’article L.145-1 du code de commerce dispense de l’inscription au registre du commerce et des sociétés le propriétaire du fonds, exploité en location gérance; qu’à la date où le congé a été délivré à Madame B. , le fonds était exploité en location gérance et cette location gérance, régulièrement publiée, était opposable à tous ; que l’inscription de Madame B. n’était donc pas nécessaire .

Ainsi, seul subsiste le manquement allégué tiré de l’attitude déloyale de

Madame R. C. veuve B. durant les opérations d’expertise.

Selon les affirmations de la SCI LA LILLOISE, cette dernière a produit un bilan et un compte de résultat sans commune mesure avec les résultats et chiffres d’affaires des années antérieures.

Ce manquement à le supposer établi, ne constitue pas une infraction aux obligations contractuelles visée par l’article L.145-17 précité mais présente un lien certain avec la qualité de locataire.

Cependant, il n’appartient pas à cette juridiction d’apprécier la validité éventuelle de ces documents comptables, aucune action en ce sens n’ayant d’ailleurs été engagée et cela même si l’expert a indiqué qu’il était vraisemblable que des recettes aient été occultées avant que le preneur ne soit destinataire du congé.

La Cour ne peut donc que constater qu’il n’est pas, en l’état, établi que l’indivision B. ait volontairement fourni à l’expert des éléments comptables inexacts pour obtenir frauduleusement une indemnité d’éviction majorée.

En conséquence, il n’est pas démontré l’existence d’un motif grave et légitime postérieur au jugement du 26 mai 2005 permettant de déchoir l’appelante du droit à une indemnité d’éviction.

II – Sur le montant de l’indemnité d’éviction :

L’indemnité d’éviction a vocation à réparer le préjudice direct et certain consécutif au non renouvellement du bail. En cas d’impossibilité de réinstallation, elle doit correspondre soit à la valeur de remplacement du fonds, soit à la valeur du droit au bail si celle ci est supérieure.

Comme l’a relevé l’expert en réponse à un dire, le montant fixé dans le cadre du contrat de

location gérance ne peut servir de base à l’évaluation de la valeur du fonds de commerce, ce montant ayant été fixé d’un commun accord entre la mère et son fils dans un cadre de pure convenance visant à avantager soit le preneur, soit le locataire gérant. C’est d’autant plus vrai à l’examen de ce contrat du 5 avril 1996, communiqué par Madame Danielle D. née B. suivant bordereau du

28 novembre 2006, le loyer, calculé hors taxe à la valeur ajoutée, n’ayant été fixé qu’à 100.000 francs ( 15.030 euros) pour un fonds d’hôtellerie restaurant situé à LOURDES .

Au vu des éléments repris dans le rapport d’expertise, bien que la commune de LOURDES soit mondialement connue pour ses pèlerinages avec un nombre de

6.200.000 nuitées par an, la concurrence hôtelière y est forte.

Cela s’explique par le nombre élevé d’hôtels, pas moins de 270 et les prix bas pratiqués en pension complète pour les groupes reçus dans les hôtels de grande dimension à proximité des sanctuaires.

Ainsi, les petits établissements anciens comme l’hôtel St Bernard, peu adaptés aux exigences d’une clientèle toujours plus difficile, ont pour l’essentiel disparu.

Compte tenu des chiffres d’affaire réalisés, la valeur du fonds de commerce est, dans ce litige, indiscutablement supérieure à la valeur du droit au bail et l’indemnité d’éviction doit ainsi être calculée sur la valeur du fonds.

1. l’indemnité principale : Au vu des documents comptables produits établissant une relative stagnation

des chiffres d’affaire en 2004 et 2005 puis une importante augmentation en 2006, il convient de considérer, à l’instar du premier juge, que le calcul de la valeur de ce fonds doit s’opérer sur la moyenne des chiffres d’affaire des années 2004, 2005 et 2006.

Par ailleurs, il y a lieu de retenir le chiffre d’affaires toutes taxes comprises

comme l’a fait l’expert, par référence aux usages en matière de fonds de commerce d’hôtellerie restaurant.

L’indemnité principale s’établit donc comme suit : 77.126,66 euros pour

l’activité hôtellerie et 15.425,33 euros pour l’activité restauration soit un total

arrondi à 92.500 suros

Cette méthode d’évaluation recoupée avec celle basée sur la rentabilité

moyenne des trois derniers exercices ( résultat de 22.985,10 suros) permet d’en confirmer la pertinence, l’évaluation correspondant à 4 fois ce montant.

Enfin, les critiques émises par la partie appelante relatives aux abattements imputés ne sont pas davantage fondées. D’une part, c’est à juste titre que le premier juge a appliqué un abattement de 20 % pour le matériel de cuisine et le mobilier enlevés par le preneur. En effet, comme l’expert l’a relevé, ce mobilier et ce matériel, bien que n’ayant qu’une faible valeur marchande, a une bonne valeur

d’utilisation dans ce fonds de commerce d’ hôtel – restaurant et il est évident qu’ayant été vidé de ces éléments importants, il subit une dépréciation

dont le bailleur n’a pas à subir les conséquences.

C’est à bon droit également que le juge de première instance a fait application d’un abattement de 15 % pour les travaux de mise aux normes imposés par les

arrêtés municipaux des 28 janvier 2004 et 21 mars 2005, suite à la visite technique de la Commission d’hygiène et de sécurité. En effets, ces éléments ont été

délibérément dissimulés par le preneur au bailleur et leur prise en charge n’a jamais été contestée par le premier jusqu’au présent litige.

En conséquence, après ces abattements, l’indemnité principale sera fixée à

62.900 euros.

2. les indemnités accessoires : * sur l’indemnité de remploi :

La partie appelante entend obtenir la fixation d’une indemnité au titre des

frais et droits de mutation.

Cependant, compte tenu de son âge avancé ( 78 ans ) et de son activité

essentiellement exercée dans le cadre d’une entraide familiale procurée à son fils, locataire gérant, il n’est pas démontré que cette dernière souhaite se réinstaller.

Par conséquent, la décision déférée sera confirmée en ce qu’elle a rejeté

cette demande.

* sur le trouble commercial :

Ce chef de préjudice a pour objet de compenser la perte de gains pendant la

période de déménagement et de réinstallation du locataire.

En l’espèce, il n’est pas davantage justifié, la réinstallation du preneur

n’étant nullement démontrée.

Ainsi, le jugement entrepris sera confirmé sur le calcul de

l’indemnité d’éviction.

III – Sur l’indemnité d’occupation :

Selon les dispositions de l’article L.145-28 du code de commerce, le

locataire a droit au maintien dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité

d’éviction et en contrepartie de celle ci, il est redevable pendant cette période

d’une indemnité d’occupation fixée en application des dispositions légales

relatives au loyer, compte tenu de tous les éléments d’appréciation.

En l’espèce, la méthode hôtelière utilisée par l’expert consistant à calculer

la recette théorique annuelle, puis à retenir un coefficient de fréquentation, en

appliquant sur le chiffre obtenu un pourcentage qui varie en fonction de la catégorie de l’hôtel, de la qualité de l’immeuble, des surfaces et de la situation n’encourt pas la critique puisqu’elle permet de faire dépendre le montant du loyer du potentiel théorique de l’immeuble.

Le taux de remplissage retenu de 70 % n’est pas davantage critiquable,

même si la moyenne se situe à 60 % alors qu’à l’évidence comme le souligne

l’expert, un hôtel comprenant peu de chambres, comme c’est le cas, 19 chambres étant réellement utilisables, est plus facilement complet.

La valeur locative annuelle fixée à 12.060 euros par l’expert sera ainsi

retenue.

En conséquence, l’indemnité d’occupation mensuelle due par les

consorts B. à la SCI LA LILLOISE sera fixée à 1.000 euros à compter du

1er avril 2003 et jusqu’au 31 novembre 2005, conformément à la demande présentée par la SCI LA LILLOISE..

Le jugement déféré sera également confirmé sur ce point.

IV – Sur la compensation :

La compensation entre ces sommes sera ordonnée comme cela est demandé par la SCI LA LILLOISE.

V – Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Les éléments de la cause et l’équité ne commandent pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, il sera fait masse des dépens comprenant les frais d’expertise, qui

seront partagés par moitié entre les parties et recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle à l’égard de Madame R. C. veuve B. .


PAR CES MOTIFS :


La Cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,

Vu le jugement du 26 mai 2005,

Dit que l’indivision B. n’est pas déchue du droit à une indemnité d’éviction,

Confirme le jugement prononcé le 22 novembre 2007 par le Tribunal de grande instance de TARBES,

Y ajoutant,

Ordonne la compensation entre les sommes fixées au titre de l’indemnité d’éviction à la charge de la SCI LA LILLOISE, d’une part et celle correspondant à l’indemnité d’occupation due par l’indivision B. , d’autre part.

Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Fait masse des dépens comprenant les frais d’expertise, qui seront partagés par moitié entre les parties.

En ce qui concerne la part mise à la charge de Madame C. veuve B. , autorise, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile, la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait l’avance sans avoir reçu de provision, ceux mis à la charge de la S. C.I..LA LILLOISE étant recouvrés en la forme prévue en matière d’aide juridictionnelle.

Signé par Madame Arlette MEALLONNIER, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Catherine SAYOUS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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