Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 6 décembre 2016, n° 15/01361

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Pau, 1re ch., 6 déc. 2016, n° 15/01361
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 15/01361
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

MARS/AM

Numéro 16/4846

COUR D’APPEL DE PAU

1re Chambre

ARRÊT DU 06/12/2016

Dossier : 15/01361

Nature affaire :

Autres demandes tendant à faire sanctionner l’inexécution des obligations du vendeur

Affaire :

M B

AB AC épouse B

C/

Q-AM X

Q C

K X épouse C

Grosse délivrée le :

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 06 décembre 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

*****

APRES DÉBATS à l’audience publique tenue le 10 octobre 2016, devant :

Madame O P, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame VICENTE, greffier, présente à l’appel des causes, Madame O P, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame SARTRAND, Président

Monsieur CASTAGNE, Conseiller

Madame O P, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTS :

Monsieur M B

né le XXX à XXX

de nationalité française

XXX

XXX

Madame AB AC épouse B

née le XXX à XXX

de nationalité française

XXX

XXX

représentés et assistés de la SCP MONTAGNE ASSOCIES, avocats au barreau de PAU

INTIMES :

Monsieur Q-AM X

né le XXX à LOURDES

de nationalité française

XXX

XXX

Monsieur Q C

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Madame K X épouse C

née le XXX à LOURDES

de nationalité française

XXX

XXX

représentés et assistés de Maître Romain GIRAL de la SELARL BAQUE – GIRAL, avocat au barreau de TARBES

sur appel de la décision

en date du 19 FEVRIER 2015

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES

Suivant acte reçu le 19 janvier 2011, par Me Chalvignac, notaire associé à Lourdes, M. M B et Mme AB AC son épouse, ont acquis des consorts X – C un ensemble immobilier composé de deux maisons d’habitation anciennes, deux granges, et diverses parcelles de terre sises à Ségus (Hautes-Pyrénées) cadastré section XXX, 328, 329, 330 et 408 d’une contenance de 7 ha 95 a 62 ca dans lequel ils ont entrepris des travaux de rénovation.

Faisant valoir qu’ils ont découvert, par la suite, que leur fonds est grevé d’une servitude de passage passant entre leurs bâtiments, M. et Mme B ont fait assigner M. Q-AM X, M. Q C et Mme K X son épouse, devant le tribunal de grande instance de Tarbes afin de les voir condamner à réparer leur préjudice.

Par jugement du 19 février 2015, le tribunal de grande instance de Tarbes a :

— débouté M. M B et Mme AB AC, son épouse, de leurs demandes,

— condamné M. M B et Mme AB AC à payer aux consorts X C la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné M. M B et Mme AB AC aux dépens dont recouvrement au profit de la SCP Baqué – Giral en application de l’article 699 du code de procédure civile.

M. M B et Mme AB AC ont interjeté appel de cette décision le 16 avril 2015.

Dans leurs conclusions transmises par RPVA le 8 avril 2016, M. et Mme B demandent à la Cour de :

— réformer la décision entreprise,

— dire et juger qu’ils sont fondés à exercer l’action en garantie principale contre les vendeurs au titre des charges non déclarées, – condamer en conséquence les consorts X à leur payer une indemnité de 100 000 €,

— condamner les consorts X à leur payer une somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice causé par la faute contractuelle en retenant leur mauvaise foi et la réticence dolosive,

— condamner les consorts X à leur payer une somme de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Ils font valoir qu’un jugement du tribunal de grande instance de Tarbes avait reconnu l’existence d’une servitude de passage à M. H G qui n’apparait pas dans leur acte de vente. Ils indiquent que les consorts X – C savaient que M. G utilisait quotidiennement ce passage pour se rendre sur ses terres ce qui caractérise leur absence de bonne foi et leur réticence dolosive qui fonde leur demande de dommages-intérêts.

Ils soulignent à titre infiniment subsidiaire, que le rapport de M. I ne leur est pas opposable.

Dans leurs conclusions transmises par RPVA le 9 septembre 2016, les consorts X – C demandent à la Cour de :

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Tarbes,

Y ajoutant,

— condamner les époux B au paiement d’une somme de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Baqué – Giral.

Ils font valoir qu’ils n’ont jamais eu connaissance d’une quelconque servitude de passage grevant leur bien et qu’à leur connaissance, à ce jour, le fonds de M. G, au demeurant, non appelé en la cause, n’est absolument plus enclavé. Ils contestent toute réticence dolosive et font valoir, en toute hypothèse, que si une servitude de passage grevait le fonds, s’agissant d’une servitude légale, elle n’avait pas à être déclarée.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 septembre 2016.

Sur ce :

L’acte de vente reçu le 19 janvier 2011 par Me Chalvignac, notaire associé à Lourdes, stipule, au chapitre servitudes :

'L’acquéreur supporte les servitudes passives, apparentes ou occultes, continues ou discontinues, pouvant grever le bien, sauf à s’en défendre, et profiter de celles actives s’il en existe, le tout à ses risques et périls, et sans recours contre le vendeur.

Le vendeur déclare qu’il n’a créé aucune servitude et qu’à sa connaissance, il n’en existe aucune à l’exception de celles pouvant résulter de la situation naturelle des lieux, de l’urbanisme ou de la loi.

Le vendeur supportera les conséquences de l’existence de servitudes qu’il aurait conférées sur le bien vendu et qu’il n’aurait pas indiquées aux présentes".

L’acte de vente préalablement reçu le 15 juin 1992, par Me Chalvignac, notaire à Lourdes, lors de la vente de cette propriété par Mme AN AO X épouse de M. E à M. Q-AM X et à M. Q C et Mme K X, son épouse, ne faisait également mention d’aucune servitude.

Il est établi qu’un jugement du tribunal de grande instance de Tarbes en date du 5 juin 1989 a reconnu à M. H G un droit de passage sur les parcelles numéros 328, 329 et 330 appartenant à l’époque à Mme E, pour desservir ses parcelles enclavées XXX, 301, 302, 303 et 304.

Il était relevé dans ce jugement, que si les fonds de M. G avaient une issue sur la voie publique dite chemin rural du Bostu, celui-ci était quasiment obstrué par la végétation, et sa remise en état dépendait de la volonté de la commune de Ségus, puisque ce chemin dépendait du domaine de cette collectivité. Le maire avait à l’époque déclaré, que le chemin était à l’état d’abandon depuis des décennies et qu’il était impossible d’en assurer financièrement la remise en état.

Cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Pau du 29 novembre 1990.

Dans la motivation de son arrêt, la Cour avait noté que M. G établissait, sans être contredit par les époux E, qu’il détenait depuis plus de 30 ans par lui-même ou par ses auteurs, l’exercice d’un droit de passage à travers, notamment, la propriété E.

Cette décision n’a pas fait l’objet d’une publication au bureau des hypothèques conformément aux exigences de l’article 28 1°a du décret du 4 janvier 1955, formalité nécessaire pour la rendre opposable aux tiers.

Si, en première instance, il n’était justifié d’aucune revendication de cette servitude de passage par M. U G, fils de M. H G, il résulte d’une ordonnance de référé rendue le 1er décembre 2015, par le président du tribunal de grande instance de Tarbes que M. U G a fait assigner les époux B devant cette juridiction, aux fins de qualifier l’apposition d’une chaîne par les époux B sur le chemin sur lequel il bénéficie d’un droit de passage, interdisant ainsi l’accès de ce dernier à son fonds enclavé, de trouble manifestement excessif.

M. U G s’est désisté de sa demande de retrait de tout obstacle au droit de passage sous peine d’astreinte, la libération des lieux étant déjà intervenue à l’initiative des époux B qui ont été condamnés à lui payer une indemnité provisionnelle de 1 000 € et une somme du même montant sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est justifié également en cause d’appel, par les époux B, d’une procédure introduite devant le tribunal de grande instance de Tarbes, par M. Y qui soutient dans son acte introductif d’instance, ne pas avoir pu accéder à ses parcelles depuis le début de l’année 2014, et présente différentes demandes d’indemnisation à l’encontre des époux B.

Plusieurs attestations ont été produites aux débats par les époux B qui soutiennent que les consorts X – C connaissaient l’existence de cette servitude.

M. Z atteste ainsi qu’en 1992, alors qu’il cherchait à prendre des terres en fermage sur les hauteurs de Ségus au lieu-dit « au Boustu », il a retrouvé M. Q-AM X qui l’a conduit sur place, où une discussion s’est instaurée avec M. AF E. Il indique qu’à l’occasion de cette discussion, M. E avait clairement évoqué la perte du procès trois années plus tôt, et le fait que les parcelles 262 et 328 sur lesquelles ils étaient en train de discuter, constituaient désormais une servitude en faveur de « Latour », le surnom donné à la famille G de Ségus.

M. A atteste pour sa part, avoir très bien connu M. AF E, oncle de Q-AM et AF E et indique qu’il avait été très affecté par l’issue du procès qui l’obligeait à laisser traverser sa propriété sur toute la longueur par M. H G. Il ajoute que ce procès avait été suivi par toute la vallée, et que tout le monde avait eu connaissance du jugement. Il précise, avoir eu l’occasion de croiser Q-AM X, qui gérait un fermage pour son compte, sur la propriété de AF E et qu’il était évident pour lui, que ce neveu était au courant de la servitude, ne serait-ce que pour avoir vu traverser l’agriculteur G.

M. F précise qu’il habite « Le Boustu » à Ségus depuis son enfance, et qu’étant voisin du terrain de M. AF E, il a eu connaissance du procès perdu au profit de M. G.

Il indique qu’il voyait très souvent Q-AM X chez son oncle, et que ce dernier ne pouvait pas ignorer que M. G bénéficiait d’une servitude traversant l’actuelle propriété de M. et Mme B.

À la lecture de ces différents témoignages, il est établi qu’au moins Q-AM X avait connaissance de l’existence de cette servitude de passage.

Aucune pièce n’établit que la configuration des lieux aurait changé depuis 1989, la seule photographie aérienne extraite du site Internet Google earth ne permettant en aucune façon de démontrer que l’état d’enclave relative des terrains de M. G n’existe plus.

Il est toutefois constant que, ni M. Q-AM X, ni M. Q C et son épouse n’ont créé eux-mêmes de servitude.

Sur la responsabilité des vendeurs

Aux termes de l’article 1116 du code civil, « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une ou l’autre des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas, il doit être prouvé ».

L’article 1626 du cde civil dispose : « quoique lors de la vente il n’ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l’acquéreur de l’éviction qu’il souffre dans la totalité ou partie de l’objet vendu, des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente ».

Il est établi que M. Q-AM X avait indiqué aux époux B, le 21 août 2010, qu’il lui paraissait difficile et risqué de se positionner à distance sans avoir visité les lieux. Il avait indiqué leur proposer de se rendre sur les lieux.

Il apparaît en lecture d’un mail en date du 26 octobre 2010, adressé par M. B à M. X qu’ils ont tenu à adosser une expertise immobilière de la propriété de Ségus en guise de garantie hypothécaire pour l’argent emprunté. Ils n’ont pas produit ce document.

Il résulte des dispositions des articles 1626 et 1638 du code civil, que les servitudes légales qui dérivent du régime ordinaire de la propriété et sont réputées connues, n’ont pas à être déclarées. Cette jurisprudence ancienne de la Cour de cassation (arrêt du 15 octobre 1963) a été rappelée dans un arrêt de la 3e chambre de la Cour de cassation le 2 avril 2003 or, il ressort du rapport de M. I, expert immobilier et foncier, qui avait été mandaté en mars 2013, par les époux B, pour évaluer leur préjudice résultant de cette servitude de passage, et des photographies qui y sont jointes, que la propriété est traversée par un chemin empierré sur les parcelles cadastrées XXX.

Ce chemin aménagé, qui traverse la propriété de part en part d’est en ouest, est un ouvrage apparent qui passe entre les bâtiments et est parfaitement visible. Il longe ensuite la façade nord-ouest de l’ancienne étable et rejoint un chemin empierré pour atteindre, à son extrémité, la propriété de M. G.

Ce rapport qui n’a pas été établi de façon contradictoire avec les intimés, a cependant une force probante s’agissant des constatations matérielles qui y sont faites, et qui confirment l’existence de ce passage qui traverse la propriété.

Il est en conséquence démontré, que le droit de passage, même s’il n’a pas été évoqué par les consorts X – C au moment de l’acte, ne pouvait pas être ignoré des acquéreurs dans la mesure où il résultait de la situation des lieux et de l’ouvrage apparent.

En conséquence, aucune réticence dolosive n’est établie à l’encontre des consorts X – C, laquelle exige une erreur volontairement provoquée pour tromper le cocontractant et le déterminer à la vente, ni aucune faute contractuelle, le chemin qui traverse la propriété jusqu’à la parcelle de M. G étant parfaitement apparent à l’époque de la vente.

Compte tenu de ces éléments, les époux B seront déboutés de leurs demandes à l’encontre des consorts X – C.

Sur les demandes de l’article 700 du code de procédure civile

Les époux B qui succombent en leur appel seront déboutés de ce chef de demande et seront condamnés sur ce fondement, à payer aux consorts X – C une somme de 1 500 €.

Les époux B seront condamnés aux dépens dont distraction au profit de la SCP Baqué – Giral en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. M B et Mme AB AC, son épouse, de toutes leurs demandes à l’encontre des consorts X – C.

Déboute les époux B de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. M B et Mme AB AC, son épouse, à payer à M. Q-AM X, à M. Q C et à Mme K X, son épouse, la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Condamne, M. M B et Mme AB AC, son épouse, aux dépens de l’appel et autorise la SCP Baqué – Giral à procéder à leur recouvrement direct en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Mme Sartrand, Président, et par Mme Vicente, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Sandra VICENTE Christine SARTRAND

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